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BR82CPJ2 - Peut-on vivre sans le fardeau des milliers d’hiers?
2e entretien avec Pupul Jayakar
Brockwood Park, Angleterre
23 juin 1982



0:18 P: Monsieur, pourrions-nous discuter de l'étonnante qualité d'une naissance dans l'esprit humain, - pas la naissance d'un bébé - mais, est-ce qu'un vieil esprit fatigué, incapable de perception, peut se renouveler, ou percevoir d'une façon toute nouvelle ? Je pense que c'est le problème de beaucoup d'entre nous. En vieillissant, on s'aperçoit que la vivacité de l'esprit, la capacité de percevoir, de comprendre profondément, semble diminuer.
1:50 K: Demandez-vous s'il est possible de garder l'esprit très jeune, et pourtant ancien ?
2:07 P: Oui. Vous employez 'ancien'. Je voudrais aussi étudier le sens de ce mot 'ancien'. Si nous pouvions commencer par là, parce que vous l'employez, je vous entends l'employer souvent. Cette notion d'ancien n'a évidemment pas de rapport avec le temps en tant qu'hier.
2:44 K: Oui, voyons cela.
2:48 P: Quelle est la nature de cet 'ancien' ?
2:52 K: Après tout, le cerveau humain, si j'ai bien compris, - et vous avez peut-être entendu, à la télévision, les savants discuter de la qualité du cerveau, comment il fonctionne, etc. - a son propre système de protection, réactions chimiques de protection lors d'un choc, ou d'une douleur, etc. Nous sommes après tout, ou plutôt nos cerveaux sont, très, très anciens, très, très vieux. Le cerveau a évolué depuis le singe, le singe se mettant debout, etc., jusqu'à aujourd'hui. Il a évolué au fil du temps, traversé des expériences extrêmes, acquis une quantité de savoir, sur le monde extérieur comme sur le monde intérieur, il est donc vraiment très, très ancien. Et ce n'est pas, autant que je puisse en juger, ce n'est pas un cerveau personnel. Ce n'est pas mon cerveau et votre cerveau. C'est impossible.
4:20 P: Mais votre cerveau et mon cerveau ont à l'évidence une différente sorte d'ancien en eux.
4:31 K: Attendez. Ne parlons pas du mien ou du vôtre pour l'instant.
4:35 P: En énonçant quelque chose...
4:39 K: J'en suis à explorer le début, poser les premières pierres. Si ceci est admis, que nous sommes très vieux, très anciens dans ce sens, et que nos cerveaux ne sont pas des cerveaux individuels... On peut l'avoir réduit à l'idée qu'il est individuel, personnel, c'est 'mon cerveau', mais il n'a pas pu évoluer dans le temps comme 'mon cerveau' !

P: Evidemment non.
5:18 K: C'est absurde de penser cela.

P: C'est évident.
5:22 K: Peut-être, mais presque tous pensent que le cerveau est personnel, c'est mon cerveau. De là tout le concept d'individualité. Laissons cela pour l'instant. A présent, disons-nous que cet esprit si ancien - cerveau ou esprit, laissons l'esprit pour le moment, prenons le cerveau - un cerveau si ancien, qui a été tellement conditionné, qu'il a perdu... ou s'est peut-être si profondément enfoui dans l'inconscient, dans les profondeurs, qu'il devient très grossier, superficiel, artificiel et vulgaire. Vous comprenez ?
6:23 P: Mais un esprit ancien, est le résultat de l'évolution dans le temps.
6:35 K: Bien sûr. L'évolution suppose le temps.
6:38 P: Alors, la quête qui dure depuis des siècles...
6:46 K: Depuis le début des temps, l'homme a dû poser la question.
6:50 P: ... est celle de savoir s'il est possible de s'en libérer, car le temps inclut aussi ce facteur de vieillissement, il est inhérent à son caractère ancien.
7:07 K: Oui, oui. Je comprends la question.
7:11 P: Donc, quand vous dites qu'il est nécessaire d'avoir un esprit ancien, parlez-vous d'un cerveau qui porte également en lui...
7:27 K: Le principe de sa propre détérioration. Bien sûr.
7:33 P: Mais pourquoi 'nécessaire' ? C'est ainsi !
7:37 K: Non, c'est ainsi parce que le savoir, l'expérience, l'ont limité, conditionné, rétréci. D'accord ? Plus on acquiert de connaissances, plus on se limite soi-même.
8:11 P: Vous semblez impliquer deux choses, Krishnaji. L'une est le sens de cet ancien, ce poids du passé, qui donne le sentiment d'être très vieux.
8:31 K: Il est très vieux.

P: Parce qu'il a expérimenté durant des millions d'années, et toutes les expériences...
8:37 K: L'ont conditionné, l'ont rétréci, limité.
8:41 P: Mais l'ancien dont vous parlez, parlez-vous de ce qu'il a expérimenté au cours du temps ?
8:52 K: Nous verrons cela. Pour l'instant... Voyons d'abord à quel point il est ancien dans le sens courant du terme. Et comment, au cours de ces millions d'années d'expériences, il s'est limité lui-même. C'est l'origine de sa détérioration. Et le monde moderne, la vie moderne, tout le bruit, les terribles chocs, les horreurs de la guerre, et ainsi de suite, l'a rendu encore plus limité, plus en conflit. Car la limitation entraîne le conflit.
9:58 P: Monsieur, il existe un esprit, auquel le sens de ces millions d'années donne de la densité et du poids.
10:16 K: Oui, oui, tout à fait.
10:19 P: Et il y a un esprit qui est fragile.
10:22 K: Qui est ?

P: Fragile, facilement attaqué.
10:29 K: Non, l'esprit, le cerveau, pour l'instant... Duquel parlez-vous ?

P: Je parle du cerveau.
10:36 K: Cerveau, n'employez pas le mot 'esprit'.
10:37 P: D'accord, j'emploie 'cerveau'. Le cerveau a un certain poids, une certaine densité, qui...
10:49 K: Oui, une rudesse, une lourdeur - tout à fait.
10:53 P: Une lourdeur. Bien. Est-ce cela que vous entendez par 'ancien' ?
10:59 K: Comment ?
11:00 P: Est-ce cela que vous entendez par ancien ?
11:02 K: Pas tout à fait. Je voudrais explorer un peu, lentement. Admettant que le cerveau, de par son évolution, s'est conditionné lui-même et porte donc en lui le principe de sa propre destruction, il faut voir si l'on peut stopper ce principe - arrêter la détérioration - si les cellules cérébrales peuvent se renouveler d'elles-mêmes en dépit du conditionnement - vous me suivez ? - en dépit de toutes les souffrances, les échecs, les malheurs, ce monde complexe où nous vivons, si ce cerveau peut se renouveler de lui-même afin de retrouver sa qualité originelle. Pas originelle dans le sens d'individuelle, mais : qui retrouve son origine.
12:24 P: Diriez-vous que les cellules cérébrales du bébé sont originelles dans ce sens-là ?
12:34 K: Non. Evidemment non.
12:37 P: Alors, qu'est-ce que l'originalité des cellules cérébrales ?
12:51 K: Voyons. Que veut dire original ? Unique, particulier.
13:07 P: Non, il a le sens de 'pour la première fois'.
13:11 K: A l'état neuf.

P: Oui.
13:14 K: Original signifie cela. Intouché, non pollué par le savoir.
13:24 P: Oui.
13:29 K: Est-t-il possible à un tel cerveau - c'est la question - conditionné durant un ou deux millions d'années, d'effacer son conditionnement afin de retrouver cette qualité de fraîcheur initiale du cerveau ? Je ne sais pas, c'est peut-être une question infondée.
13:55 P: Je crois que la science dit que les cellules cérébrales meurent continuellement.
14:08 K: Continuellement.
14:09 P: Donc le nombre des cellules cérébrales utilisables...
14:15 K: Elles se renouvellent aussi. Apparemment, certaines meurent et d'autres renaissent. Ce n'est pas qu'elles meurent continuellement et que donc le cerveau se désagrège et meure.
14:29 P: Mais la réalité du vieillissement, c'est que le rythme du renouvellement...
14:36 K: Oui, c'est ça. C'est vraiment toute la question, n'est-ce pas, est-t-il possible à un cerveau qui a été conditionné et qui donc, comme vous l'avez décrit, porte en lui le principe de sa détérioration, de stopper ce processus, l'éliminer, le faire disparaître ?
15:07 P: Oui.
15:09 K: Afin que le cerveau reste jeune, c'est-à-dire frais, vivant, avec sa qualité originelle.
15:20 P: Comment...
15:25 K: ... aller plus loin. Je pense que nous devons aborder la question : qu'est-ce que la conscience ? N'est-ce pas ? Elle fait partie de notre cerveau, de tout notre être, c'est notre conscience. D'accord ? Quest-ce que la conscience ? Non seulement la conscience des choses, dehors et dedans, mais tout le contenu de la conscience. Car sans le contenu, la conscience que nous connaissons n'existe pas. Donc, le contenu, qui compose cette conscience, peut-il s'effacer de lui-même, pour que la conscience prenne une toute autre dimension ? Vous comprenez ? Car le cerveau, l'esprit, ont cette qualité de conscience. D'accord ? C'est cela la conscience ! Le contenu est la conscience.
16:57 P: Oui, c'est ainsi.

K: C'est ainsi. Le contenu, c'est : croyance, enthousiasme, sensation, réactions, foi, douleur, plaisir, souffrance, affection et le reste, tout cela c'est la conscience. Non ? Et aussi longtemps que tout ce contenu existe, à cause des conflits, de la confusion dans la conscience, le cerveau ne peut que s'épuiser. Et c'est pourquoi il vieillit, - en ce sens qu'il décline et meurt. Il n'y a aucune fraîcheur en lui.
17:48 P: Alors, Monsieur, le contenu de la conscience est celui des cellules cérébrales ?

K: Oui, évidemment.
18:03 P: Donc, si le contenu de la conscience, de par sa nature, s'épuise...
18:11 K: ... dû au conflit. Non, non, faites attention.
18:14 P: Oui, je comprends cela. Le processus qui épuise les cellules cérébrales...
18:20 K: ... c'est le conflit - les troubles, les chocs, les pressions...
18:25 P: Donc le physique et le psychologique sont réellement la même chose.
18:34 K: Oui. C'est exact. Les réactions physiques, les réactions psychologiques, sont toutes deux des réactions.
18:42 P: Parce que le cerveau est physique. Le contenu de la conscience est psychologique.
18:48 K: C'est aussi un processus physique, évidemment.

P: Oui.
18:57 K: Donc le psychologique comme le physique, avec toutes leurs réactions, amènent la pensée de douleur, la pensée de souffrance, la pensée de plaisir, la pensée de succès, d'ambition, etc., etc., et aussi la croyance, la foi, c'est tout cela !
19:15 P: Qui crée la perturbation et... Mais la nature des cellules est de mourir sans arrêt.
19:30 K: Oui, elles continuent, la tradition continue.
19:35 P: Elle y est intégrée, elle aussi.

K: Bien sûr, elle est là.
19:38 P: Par conséquent...
19:40 K: Et aussi leur propre protection, leurs réactions, réactions chimiques - de ce que j'ai entendu dire - les cellules, en réagissant, produisent des éléments chimiques pour se protéger.
19:58 P: Alors le temps aussi y est intégré.
20:00 K: Bien sûr, puisque tout ceci est le produit du temps.
20:04 P: Le temps est intégré dans les cellules cérébrales.
20:06 K: Maintenant la vraie question est de savoir si toute cette conscience, - avec son contenu - peut disparaître, en ce sens que le conflit cesse totalement.
20:22 P: La fin absolue du conflit, est-ce la fin du temps ?
20:30 K: Oui. C'est d'ailleurs ce que les sannyasis, les moines, les penseurs vraiment sérieux ont cherché, si le temps a une fin. N'est-ce pas ? Bien sûr, ils ont tous posé cette question.
20:50 P: Oui, mais vous parlez du temps, en ce moment, comme processus psychologique de conflit.
20:56 K: De conflit, oui.
20:57 P: Pas du temps comme durée, l'horloge, ou...
21:00 K: Non, non, non. Donc, qu'essayons-nous de découvrir, ou plutôt d'examiner ensemble ?
21:10 P: Qu'est-ce qui produirait cette qualité de naissance dans l'esprit ?
21:21 K: Qualité de naissance... Précisons ce que vous entendez par 'naissance'. Un élément nouveau, un élément neuf qui intervient.
21:34 P: Continu - ne disons pas 'continu'.
21:38 K: Non, vous ne pouvez pas.

P: Supprimons 'continu'. Mais une venue au monde, avec la fraîcheur de la naissance, la pureté de la naissance...

K: Une minute, attention. Qu'entendez-vous par 'naissance' ? Quand un bébé naît, son cerveau a déjà les qualités de ses père et mère, et aussi de la tradition; graduellement, tout cela va venir au jour.
22:13 P: Mais 'naissance' a aussi la marque du neuf. C'est : cela n'existait pas, et cela existe.
22:23 K: Ah, vous employez 'naissance' pour signifier le vieux qui renaît. L'esprit ancien, l'ancien cerveau, - il n'est ni mien ni vôtre, c'est le cerveau universel - renaît dans un bébé.
22:48 P: Il renaît dans un bébé.
22:50 K: Quand le bébé grandit, son cerveau est le cerveau de tout le monde.
22:58 P: Mais qu'est-ce qui renaît dans un esprit qui est libre ? Est-ce l'ancien qui renaît ?
23:08 K: Non, restons clairs, Pupulji. D'abord, est-il possible au cerveau de se libérer du conditionnement responsable de sa propre décadence, et la conscience peut-elle mettre une fin absolue à tout conflit ? C'est à partir de là que se produit la nouvelle naissance. Je ne sais pas si vous suivez. Tant que mon cerveau - excusez mon rhume - tant que le cerveau, c'est-à-dire la conscience, est en conflit, aucun élément nouveau ne peut y pénétrer. C'est évident. L'admettriez-vous ? Pas verbalement, mais voyez-vous le fait que tant que je lutte, lutte, lutte, je me bats pour devenir quelque chose.
24:18 P: Je pense voir cela.
24:20 K: Très bien. Alors si on le voit, non verbalement, mais vraiment, intérieurement, surgit la question : peut-on y mettre fin ? J'entends par là, fin à la souffrance, fin à la peur.
24:41 P: Voyez, Krishnaji, il y a un danger, c'est qu'il peut y avoir fin sans renouveau. Ecoutez, Monsieur. Il est possible d'en finir avec toutes ces choses et de continuer à se dégrader.
25:09 K: Ah, nous donnons deux sens différents à 'mettre fin'.
25:20 P: Mettre fin à quoi ?

K: Mettre fin à 'ce qui est'.
25:26 P: Mettre fin à 'ce qui est'.
25:28 K: Qui est ma conscience. Toutes les pensées que j'ai eues, toutes les complexités accumulées au cours du temps, mettre fin à tout cela. Donc, précisons ce qu'on veut dire par mettre fin. Vous mettez fin, soit par un acte délibéré de volonté, soit à partir d'un idéal préconçu, un dessein, un but supérieur.
26:11 P: Krishnaji, quand la fin se produit, vraiment, quand il y a un arrêt, l'esprit réellement immobile, cela survient sans aucune raison.
26:33 K: Oui. Parfois, parfois, n'allons pas trop vite.
26:38 P: Cela survient, parfois, sans aucune raison. Cela n'est dû strictement à rien.

K: Aucun vouloir.
26:46 P: Alors, est-ce qu'il faut s'en remettre à la chance ?
26:53 K: Non, non, non. Pupulji, précisons d'abord ce que nous entendons par 'mettre fin'. Est-ce que mettre fin suscite son propre opposé ?
27:08 P: Non, car...

K: Attention, laissez-moi... C'est généralement compris ainsi : je lâche ceci pour obtenir cela.
27:15 P: Non, je ne parle pas de cette sorte de fin.
27:18 K: Pour moi, la fin est la totale perception de 'ce qui est', perception totale de ma conscience, l'entière, l'absolue perception de cette conscience - c'est l'insight. Cet insight est sans motif, sans souvenir, c'est la perception immédiate, et cette fin, c'est il y a quelque chose au-delà qui n'est pas touché par la pensée. C'est ce que j'entends par mettre fin.
28:05 P: Est-ce que ces millions d'années que vous appelez l'ancien...
28:12 K: Cela fait partie de l'ancien cerveau, naturellement.
28:16 P: Non. Est-ce que la totalité de ces millions d'années prend conscience d'elle-même ?
28:24 K: Oui, c'est ça. C'est la vraie question. Pupul, disons cela un peu plus simplement, un peu plus précisément. Nous voyons donc ce fait que notre conscience a été nourrie par le temps. N'est-ce pas ?
28:48 P: Oui, cela c'est facile.

K: Un moment. Et que toute réaction pour y mettre fin va provoquer une autre série de réactions. C'est-à-dire que le désir d'y mettre fin, ce désir même, crée un autre objet à acquérir.
29:14 P: Oui.
29:17 K: Serait-il alors possible de percevoir sans le mouvement du futur ? Vous comprenez ? Finir n'a pas de futur. Seulement finir. Mais si le cerveau se dit qu'il ne peut finir comme cela parce qu'il a besoin d'un futur pour survivre... Je me demande si je me fais comprendre.
29:56 P: Oui, puisque le futur y est incorporé.
30:00 K: Certainement. Y a-t-il donc une fin des demandes psychologiques, des conflits... la fin de tout ça - finir ! - sans la pensée : 'que se passe-t-il si je disparais ?' Je ne sais si je fais bien comprendre la chose. Regardez, je veux bien abandonner une chose si vous me promettez quelque chose d'autre. Je vais lâcher la souffrance si vous me garantissez qu'après je vais être heureux. Ou qu'une fabuleuse récompense m'attend. Parce que tout mon cerveau est construit... Parce que la récompense et la punition en font partie. La punition, c'est perdre, la récompense, c'est obtenir. Tant que ces deux éléments existent dans le cerveau, le futur - la continuation du présent, modifié - va poursuivre sa route. N'est-ce pas ? Alors, ces deux principes, punition et récompense, peuvent-ils tomber ? Quand la souffrance disparaît, le cerveau ne cherche plus une existence future au paradis.
31:45 P: Même sans un futur au paradis, la souffrance elle-même attaque le cerveau. La souffrance elle-même attaque le cerveau.
32:00 K.Oui. Vous voyez, Pupulji, c'est très important à comprendre : le cerveau recherche constamment la sécurité, il lui faut la sécurité. C'est pourquoi la tradition, le souvenir, le passé ont pris cette immense valeur. Non ? Il lui faut la sécurité. Le bébé a besoin de sécurité. Nos cerveaux ont besoin de sécurité, sécurité étant nourriture, vêtement et abri. Sécurité dans la foi en Dieu, foi en quelque idéal, foi dans une meilleure société future - tout ceci contribue à ce que le cerveau dise : 'il me faut une profonde sécurité sinon je suis incapable de fonctionner'. N'est-ce pas ? Or, physiquement il n'y a pas de sécurité, car il va mourir, il sait qu'il va mourir. Et psychologiquement, il n'a aucune sécurité réelle. Est-ce que je vais trop vite ?
33:34 P: Non, ce n'est pas ça. Avec tout ceci...
33:39 K: Cela fait partie de ma conscience.
33:41 P: ... je redis qu'il y a une demande cruciale.
33:50 K: Survivre.

P: Non, Monsieur.
33:53 K: Quelle est la demande cruciale ?
33:54 P: D'avoir un esprit, d'avoir un cerveau, qui fasse goûter à une existence neuve.
34:16 K: Ah - attendez, qui demande ça ? Un moment. Qui en vérité veut un tel cerveau ? Pas la vaste majorité des gens. Non. Ils disent, s'il vous plaît, laissez les choses comme elles sont.
34:31 P: Mais nous ne parlons pas de la vaste majorité. Je parle avec vous, ou X discute avec vous.
34:36 K: Soyons clairs.
34:38 P: A la base, c'est cela. La sécurité, vous savez... il y a bien des moyens de trouver la sécurité. Il y a bien des moyens de trouver la sécurité.
34:53 K: Je demande - non ! - je demande s'il existe une sécurité pour insister sur : nous voulons la sécurité.
34:59 P: Alors, l'esprit ne va jamais comprendre...
35:03 K: Oh si.
35:05 P: Le cerveau ne va jamais comprendre, c'est inscrit en lui...
35:10 K: C'est pourquoi je dis que la perception est importante.
35:18 P: Perception de quoi ?
35:20 K: Perception de 'ce qui est en fait', d'abord. Avancez à partir de là, doucement, doucement.
35:26 P: La perception de 'ce qui est' comprend les choses créatives qu'il a faites, les choses stupides qu'il a faites, ce qu'il estime valable, ce qu'il estime non valable, donc la perception de tout ça et la fin de tout ça.
35:49 K: Non, non, un moment, attention, Pupul, n'allons pas trop vite je vous prie. La perception de ce qui se passe effectivement, d'accord ? A la fois physiquement, au dehors, et en dedans. Ce qui se passe autour de moi, et, psychologiquement, ce qui se passe à l'intérieur. C'est 'ce qui est'.

P: Oui.
36:26 K: La question est donc : 'ce qui est' peut-il être transformé ? Non ? C'est ma conscience, qui fait partie du cerveau.
36:49 P: Mais, en vidant cette conscience... en nettoyant cette conscience...
37:07 K: Non, en posant cette question : est-ce possible ? Vous comprenez ? Est-ce possible de vider, de nettoyer, tout le passé ? Le passé, c'est le temps, tout mon passé, tout le contenu de ma conscience c'est le passé, qui peut projeter le futur, mais garde ses racines dans le passé. N'est-ce pas ? Est-il donc possible de vider toutes ces choses ? C'est vraiment une vertigineuse question, pas seulement idéologique ou intellectuelle. Est-il possible, psychologiquement, de ne plus porter le fardeau des milliers d'hiers ? La fin de cela est le début du neuf, c'est le neuf.
38:16 P: Vous venez d'employer : est-il possible de ne plus porter le fardeau des milliers d'hiers. Où est le problème, dans le fardeau ou dans les milliers d'hiers ?
38:36 K: Les milliers d'hiers sont le fardeau. Vous ne pouvez séparer les deux.

P: Non, non, non.
38:45 K: Comment séparez-vous les deux ?
38:48 P: Parce que les milliers d'hiers sont un fait.
38:52 K: Un fait. Oh, vous voulez dire, dans ce sens. Mais je parle de...

P: Le fardeau est là parce que j'ai attribué un contenu particulier à beaucoup des expériences que j'ai eues, alors que les milliers d'hiers sont...
39:21 K: Une minute. Y aurait-il des milliers d'hiers s'il ne subsistait aucun souvenir de ces millénaires de souffrance, - ce que vous voudrez - puis-je faire la distinction ? Je peux distinguer par le calendrier.
39:39 P: Si, Monsieur, vous pouvez séparer les milliers d'hiers du fardeau des milliers d'hiers.
39:48 K: Montrez-le moi. D'abord, précisons. Les milliers d'hiers, d'après l'encyclopédie, d'après un livre, ou un calendrier, je peux dire que l'Egypte était quatre mille...
40:03 P: Non, prenons notre propre vie.
40:06 K: Notre propre vie, soit quarante, cinquante, quatre-vingts, quatre-vingt-dix... ou vingt.
40:15 P: On peut séparer les mille hiers de sa propre vie de la douleur, de la tristesse, des fardeaux, tout ça, tout ce qui fait le fardeau des milliers d'hiers. On peut donc retrancher le...

K: Quoi ?
40:31 P: ... la douleur et la tristesse et le...
40:33 K: Le pouvez-vous ?

P: Pourquoi pas ?
40:36 K: Retrancher. Que voulez-vous dire, 'retrancher' ?
40:39 P: Percevoir. Vous venez de le dire. Percevoir 'ce qui est'.
40:44 K: Oh, oui ! mais ce n'est pas retrancher, c'est-à-dire... - vous savez, trancher implique deux parties.
40:54 P: Voyez-vous, c'est là qu'est la difficulté. Puis-je abolir le fait de mes trente, cinquante, soixante ans ? Non, je ne peux pas. Mon corps a soixante-cinq ans.

K: Bien sûr, je n'ai jamais dit cela. Je ne peux pas me suicider. J'ai vécu quatre-vingt-sept ans - quatre-vingt-sept, oui, ou quatre-vingt-huit, combien ? - j'ai vécu quatre-vingt-sept ans, évidemment que c'est un fait, mais je parle des souvenirs liés à ce fait. Evidemment, c'est de cela que je parle. Les milliers d'hiers existent.
41:36 P: On peut séparer les deux. On peut diviser.
41:41 K: Ahaha, je ne peux pas diviser. Mon corps n'a pas existé pendant des milliers d'hiers, des milliers d'hiers, c'est-à-dire...
41:54 P: Vous voulez dire l'ancien esprit de l'homme.
42:01 K: Je ne peux pas le retrancher. Ce cerveau tout entier, tout le sytème physique de l'organisme en fait partie.
42:11 P: Alors, que fais-je de l'ancien esprit ? L'ancien esprit. Voyez-vous, on a compris comment faire avec les hiers superficiels, quoi faire du fardeau des hiers superficiels.
42:32 K: Vous savez ce que cela signifie ? Ai-je réellement nettoyé, mis fin aux milliers d'hiers avec leur superficialité, leur mesquinerie, leur étroitesse, leur brutalité, cruauté, ambition et tout le reste - tout cela étant superficiel - puis-je liquider tout cela, cela peut-il disparaître ? Je peux dire que j'élague, mais qui est le couteau, qu'est-ce que le couteau, quelle est l'entité qui tranche ? Elle en fait partie.
43:15 P: Non, je n'élimine pas une seule douleur.
43:20 K: J'élimine le tout.
43:23 P: Si je commence à discriminer, et que je dise : 'je vais élaguer ceci et pas cela'...
43:28 K: Non, ce serait trop stupide.
43:29 P: Quand je dis : je retranche, je retranche tout le fardeau.
43:38 K: Une minute, Pupul, je comprends. Si vous permettez, ne dites pas : 'Je' retranche.
43:43 P: 'Je' ne retranche pas.
43:45 K: Il faut préciser ce point.
43:47 P: Tranchons, retirons le 'je'.
43:50 K: Voyez-vous, je récuse vraiment - permettez-moi - retrancher ne veut pas dire... Voyez-vous, quand vous tranchez une chose, il y a deux morceaux !
44:03 P: Oui, je voudrais... voyez-vous, cela mène à beaucoup de confusion.
44:13 K: Je sais, confusion verbale, sémantique.
44:16 P: Vous ne pouvez pas retrancher les quatre-vingt-sept ans, ou les soixante-cinq, soixante-six ans.
44:22 K: Bien sûr que non. Vous n'avez pas quatre-vingt-sept ans !
44:25 P: J'en ai soixante-six. Mais vous pouvez retrancher - ce mot ne va pas -
44:33 K: Ne l'utilisez pas.
44:35 P: Vous avez employé : voir 'ce qui est'.
44:39 K: La fin de 'ce qui est', c'est tout à fait différent.
44:43 P: Pourquoi voulez-vous faire une distinction entre mettre fin à 'ce qui est' et le retrancher ?
44:49 K: Pour moi, fin veut dire qu'il n'y a pas de continuation de quelque chose qui a été.
44:57 P: Et qu'est-ce que retrancher ?
44:59 K: Retrancher implique - vous savez, si vous coupez un morceau de bois vous obtenez deux morceaux de la même chose !
45:12 P: Bon, je crois que c'est sémantique.
45:15 K: Sémantique. Mais je demande : est-il possible, avant tout, d'en finir complètement avec le contenu total de ma conscience, de la conscience humaine qui a grandi au cours des millénaires. Et, ce contenu, c'est toute la confusion, vulgarité, grossièreté, la mesquinerie, la trivialité d'une vie stupide.
45:50 P: Mais c'est aussi le bien.
45:52 K: Oh oui, tout cela va ensemble. A présent, une minute... Le bien est quelque chose d'entièrement différent. Le bien n'a pas d'opposé. Le bien n'est pas le résultat de ce qui n'est pas bien. La fin de ce qui n'est pas bien est le bien. C'est tout autre chose. Alors, est-il possible de mettre fin à tout ce conflit ? S'il n'y a pas de fin au conflit, - il peut être modifié...
46:45 P: Non, Monsieur. Il y a une fin au conflit.
46:53 K: Pourquoi dites-vous cela ?
46:56 P: Il y a une fin au conflit.
46:58 K: Ah oui ? Une capacité d'oubli de ce qui a causé un conflit, ou bien, véritablement mettre fin, de sorte que...
47:10 P: Voulez-vous dire, Monsieur, que le seul fait de la fin du conflit est la naissance du neuf ?
47:22 K: Oui. Vous comprenez les implications du conflit, en profondeur, pas en surface comme ne plus être britannique, ou français, ou ne plus appartenir à ce pays, ou à cet autre, ou à cette religion, ou à cette race. Tout ceci est très superficiel. Je parle de ce qui est profondément enfoui...
47:46 P: Vous parlez du conflit comme séparation de l'autre, le sentiment de séparation.
47:52 K: Séparation, c'est vraiment ça. L'isolement. Qui inévitablement produit le conflit. Est-ce possible ? Qu'est-ce que cela entraîne ? Ainsi le cerveau est complètement... il n'y a aucun conflit. A présent, une minute. Les problèmes arrivent, vous me suivez ? Mais ces problèmes sont affrontés, immédiatement réglés. Problème veut dire conflit.
48:45 P: Pourquoi les problèmes doivent-ils surgir ?
48:48 K: Selon le dictionnaire, au sens courant du mot, un problème est une chose qu'on vous jette, un défi. Problème signifie cela. Une chose à affronter. Nous réglons le problème intellectuellement, ou physiquement, etc., etc., et cela entraîne de futurs problèmes. Comme en politique, voyez ce qu'ils font. Vous prenez le pouvoir, et les résultats de votre conquête sont autant de facteurs qui vont vous créer d'autres problèmes. Et vous maintenez ce problème en continu. Je dis qu'il n'y a pas de problème. Physiquement, psychologiquement, il n'y a pas de problème, Si je ne peux pas vivre à Brockwood quelques mois, très bien, je ne vis pas à Brockwood, si personne ne me nourrit, parfait -vous me suivez ? Il n'y a pas de problème. Si une chose nouvelle survient, ou bien mon cerveau est incapable de le résoudre, et alors cela devient un problème...
50:31 P: Vous voulez dire, Monsieur...
50:33 K: C'est là toute la question.
50:36 P: ... pour la naissance du neuf...
50:38 K: C'est ça. Vous commencez à comprendre. C'est obligé. Et donc la naissance du neuf est le plus ancien. Vous comprenez ?
50:53 P: Peut-on explorer cela un petit peu ? En diriez-vous un peu plus ?
51:01 K: Après tout, ceci est le terrain fondamental au-delà duquel il n'y a pas d'autre fondement. C'est l'origine au-delà de laquelle il n' y a pas d'autre origine. Voyez-vous, Pupulji, ceci est vraiment un problème - non, pas un problème - c'est vraiment une question de savoir si le cerveau peut jamais se libérer de son propre esclavage. Après tout, mettre fin à une chose n'est pas la liberté totale, n'est-ce pas ? Je peux en finir, par exemple, avec mes blessures, si j'en ai, je peux en finir très simplement. Mais les images que j'ai créées à mon sujet, ces images sont blessées, donc le problème est le faiseur d'images. N'est-ce pas ? Donc cela conduit fatalement vers autre chose, qui est : vivre une vie sans une seule image. Alors il n'y a pas de blessure, pas de peur, comme il n'y a pas de peur, pas de sentiment de sécurité, de Dieu, de réconfort et tout ce qui s'ensuit. Diriez-vous que le plus ancien, dont très peu peuvent... - non, je ne dirais pas cela - qui est l'origine de toute vie doit être le plus ancien de l'ancien, au-delà de toute notion de vieux ou de neuf. C'est cela l'origine de toute vie. Quand l'esprit - cerveau compris - quand cet esprit atteint ce point fondamental qui est totalement originel, neuf, non contaminé -est-ce possible ? La méditation a été un des moyens d'y parvenir. Rendre l'esprit silencieux a été une des voies dont on espérait qu'elle aiderait, qu'elle y mènerait. Voyez-vous, tous, nous faisons des efforts pour y arriver. Ce que je dis, c'est que cela ne demande pas d'effort. Le mot effort signifie conflit. Voyez-vous, ce qui est sans conflit ne peut être approché par le conflit. Evidemment non.
55:11 P: Cela veut-il donc vraiment dire qu'il n'y a pas d'approche partielle de vos enseignements ?
55:21 K: Impossible. Comment cela serait-il ? Si j'y vais par diverses approches, ce que les Hindous prétendent - Karma Yoga et le reste - c'est partiel. Vous ne pouvez pas l'approcher ! C'est là la vraie question.
55:49 P: Que faire ? On est un humain ordinaire.
55:52 K: Vous ne pouvez rien faire. En premier, vous ne pouvez rien faire. Vous ne pouvez faire que des activités physiques. Psychologiquement, vous ne pouvez rien faire.
56:05 P: Que voulez-vous dire par activités physiques ?
56:08 K: Créer un jardin, construire des maisons, la technologie, bla bla.

P: Oh, le physique fonctionne. Le physique fonctionne.

K: Il fonctionne.
56:18 P: Alors, que fait-on ?
56:20 K: S'il n'y a pas de peurs psychologiques il n'y aura pas de divison entre pays, et ainsi de suite, il n'y aura pas de division, vous me suivez ?
56:32 P: Oui, mais le fait est qu'il y a peur psychologique.
56:35 K: C'est exactement ça. Donc, vous n'arriverez jamais... Un cerveau qui a vécu en isolation psychologique, donc en conflit, ne peut jamais atteindre ce fondement. Ce fondement qui est l'origine de toute vie. C'est évident. Comment mon esprit mesquin, inquiet de mon sale petit moi, peut-il atteindre cela ?
57:05 P: C'est encore plus vain, Monsieur. Toute la vie est encore plus vaine si après avoir fait tout ça vous n'avez même pas fait le premier pas. Alors, où en êtes-vous ?
57:20 K: Qu'est-ce que le premier pas ? Une minute, regardez, qu'est-ce que le premier pas ?
57:24 P: Je dirais que c'est de voir la chose, quelle qu'elle soit.
57:32 K: Voir 'ce qui est'. Attendez, attendez. Comment le voyez-vous, comment l'approchez-vous ? C'est de cela que dépend la totalité de 'ce qui est', à moins que vous ne voyiez qu'une partie de 'ce qui est'. Si vous voyez 'ce qui est' en totalité - fini.
58:00 P: Vous savez, cela ne marche pas comme cela.
58:04 K: Bien sûr que non. Parce que nos esprits, nos pensées sont morcelés, et j'approche la vie, ou 'ce qui est en fait' avec mon esprit morcelé, mon cerveau morcelé qui a mis en pièces...
58:16 P: Je dirais à nouveau qu'avec le temps, il y a moins de fragments. Ne me sautez pas dessus. Mais c'est comme ça.
58:28 K: Je sais ce que vous allez dire. C'est simple.
58:30 P: Avec le temps, les fragments sont moins nombreux. Et il est possible de vous écouter, l'esprit immobile, de ne faire aucun mouvement, de ne faire aucun effort, mais ça n'est toujours pas le premier pas !
58:51 K: Non, quand vous dites, - vous avez employé ces mots - le premier pas pour observer, pour percevoir 'ce qui est'. Non ? C'est ce que vous avez dit. Si je le perçois partiellement alors cela entraîne encore plus de complications. Non ? La perception partielle crée des problèmes partiels. N'est-ce pas ? Donc, peut-on voir l'ensemble complexe de 'ce qui est' ? Voir le tout et non la partie. Cela signifie - un moment - que je dois voir si je mène une vie fragmentée, une vie de fragmentation. C'est par là que je commencerais. Parce que si j'approche la vie avec ma conscience qui est le lieu de la pensée, des sensations, des actions et tout ça, si je l'approche fragmentairement je suis perdu. C'est ce qui se passe dans le monde. Ils sont complètement perdus. Les gens qui nous gouvernent, ceux qui nous disent ce qui est bien ou mal, etc. Peut-on regarder la vie comme un tout, sans fragmentation ? Pupul, c'est cela le...
1:00:58 P: Pourquoi l'esprit ancien ne voit-il pas cela ?
1:01:06 K: Il ne peut ni ne veut. Comment l'ordre complet, total...
1:01:13 P: Mais vous disiez cet ancien...
1:01:17 K: Une minute, c'est cela l'ancien, le fondement originel est le plus ancien.
1:01:23 P: Non, c'est là.

K: Non, non.
1:01:28 P: Pourquoi non ?

K: A moins que... C'est là en tant qu' idée, c'est ce que tout le monde a soutenu : 'Dieu est là'. Ce n'est qu'une idée, un concept, une projection de notre désir de trouver du réconfort, d'être heureux et tout le reste. Puis-je vivre une vie, un humain peut-il vivre une vie dans laquelle aucune action fragmentaire n'a lieu ? Si on me demandait par où commencer je dirais : commencez là. Découvrez vous-même si vous menez une vie fragmentaire. Vous savez ce que c'est, une vie fragmentaire : dire une chose et en faire une autre, toute la façon fragmentaire de vivre, l'isolement, et donc je n'ai pas de relation avec ma femme, ni avec le reste de l'humanité. Donc, commencez par là. Vous savez ce que cela signifie ? Quelle formidable enquête vous devez mener pour découvrir ?
1:03:40 P: Qu'est-ce que l'enquête ?
1:03:42 K: L'observation. Observer très clairement, sans aucun parti-pris, aucune direction, aucun motif, que ma vie est fragmentée. Seulement observer. Ne pas dire : 'je suis en morceaux, je veux être entier'. L'idée d'être entier est une autre fragmentation. Tout ce qu'implique observer les voies de la fragmentation. Cela veut dire que la pensée elle-même est un fragment, non ? Et c'est là la cause de la fragmentation. Je deviens quelque chose de différent de vous.
1:04:58 P: Donc, la naissance du neuf...
1:05:01 K: ... est impossible à moins que vous n'ayiez ceci. C'est évident. Il vaut mieux arrêter.