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BR83CB2 - Y a-t-il une évolution de la conscience?
2e entretien avec David Bohm
Brockwood Park, Angleterre
20 juin 1983



0:18 K:M., lors de notre dernier entretien, nous parlions de l'avenir de l'homme. Tous les psychologues, si je comprends bien se préoccupent-ils vraiment de l'avenir de l'homme? Ou veillent-ils à ce que l'être humain se conforme à la société actuelle ou la dépasse ?

D:Je pense que la plupart d'entre eux veulent à l'évidence que l'être
1:00 humain se conforme à cette société, mais que certains psychologues qui vont nous écouter, envisagent de dépasser cela afin de transformer la conscience de l'humanité.
1:13 K:La conscience de l'humanité peut-elle être changée dans le temps? Voilà une des questions dont nous devrions discuter ce soir.
1:22 D:Oui. En fait, nous en avons discuté la dernière fois, et je pense que ce qu'il en est ressorti à propos de la conscience c'est que le temps est hors de propos, que c'est une sorte d'illusion. Nous avons parlé de l'illusion du devenir.
1:44 K:Oui, soyons clairs, nous disons, n'est-ce pas que l'évolution de la conscience est une illusion.
1:56 D:Dans le temps, n'est-ce pas, pas pour l'évolution physique.
2:03 K:Pourrions-nous dire, pour simplifier qu'il n'y a pas d'évolution psychologique, ou d'évolution du psychisme?

D:Oui, comme l'avenir de l'humanité dépend du psychisme
2:19 il semble alors que l'avenir de l'humanité ne va pas être déterminé par des actions dans le temps.

K:Le temps, c'est bien cela.

D:Ce qui nous laisse avec la question: qu'allons-nous faire?
2:33 K:Alors, procédons à partir de là. Ne devrions-nous pas commencer par faire la distinction
2:39 entre le cerveau et l'esprit [mind]?

D:Eh bien, cette distinction a été faite, mais elle n'est pas claire.
2:46 Il existe bien sûr différents points de vue. L'un d'eux consiste à dire que l'esprit n'est qu'une fonction du cerveau c'est là le point de vue matérialiste. L'autre considère que l'esprit et le cerveau sont deux choses distinctes.
3:01 K:Oui, je pense que ce sont deux choses distinctes.
3:05 D:Mais il faut qu'il y ait...
3:07 K:...un contact entre les deux.

D:Oui.

K:Une relation entre les deux.
3:12 D:Une relation, ce qui n'implique pas forcément qu'ils soient séparés.
3:16 K:Voyons d'abord le cerveau. Je ne suis pas en fait un expert en matière de structure du cerveau et tout cela. Mais une observation de l'activité de son propre cerveau permet de voir qu'il est vraiment comme un ordinateur qui a été programmé et se souvient.
3:42 D:Certes, une grande partie de l'activité se fait ainsi mais on n'est pas certain qu'il en soit totalement ainsi.

K:Non. Et il est conditionné.

D:Oui.
3:53 K:Conditionné par les générations passées, par la société par les journaux, les magazines, par toutes les activités et pressions extérieures. Il est conditionné.

D:Oui, mais qu'entendez-vous par ce conditionnement?
4:13 K:Il est programmé, il est fait pour se conformer à un certain modèle
4:19 il vit entièrement sur le passé se modifiant dans le présent et continuant.
4:31 D:Oui, mais nous sommes convenus qu'une partie de ce conditionnement est utile et nécessaire.
4:36 K:Bien sûr. Nous en avons discuté la dernière fois.
4:37 D:Oui, mais le conditionnement qui détermine le moi vous savez, qui détermine...

K:...le psychisme.
4:46 D:...le psychisme - vous l'appelez le psychisme.
4:48 K:Appelons-le pour l'instant le psychisme.
4:51 D:Le psychisme.

K:La personne.

D:La personne, la psyché, c'est de ce conditionnement que vous parlez. Cela pourrait être non seulement inutile, mais nuisible.
5:00 K:Oui, c'est aussi de cela que nous discutions.

D:Oui.

K:L'emphase que l'on porte actuellement sur le psychisme l'importance prêtée au moi, cause beaucoup de dégâts dans le monde, parce qu'il sépare et par conséquent il est constamment en conflit, non seulement avec lui-même mais avec la société, avec la famille, et ainsi de suite.
5:35 D:Oui. Et il est aussi en conflit avec la nature.
5:37 K:Avec la nature, avec l'univers tout entier, pour ainsi dire.
5:40 D:Il ressortait de notre dernière discussion que le conflit est né…
5:44 K:...de la division...
5:46 D:...de la division venant de ce que la pensée est limitée...

K:...la pensée est limitée. C'est exact.

D:Etant basée sur ce conditionnement, sur ce savoir et cette mémoire
5:55 elle est limitée.

K:Limitée, oui. Et l'expérience est limitée, par conséquent le savoir est limité la mémoire et la pensée. La pensée est limitée. Et la structure même, la nature du psychisme est le mouvement de la pensée.

D:Oui.

K:Dans le temps.

D:Oui.
6:11 J'aimerais ici poser une question. Quand vous parliez du mouvement de la pensée je ne vois pas clairement ce qui est en mouvement. Je parlais du mouvement de ma main, c'est là un vrai mouvement. Ce que j'entendais par là était clair. Or, s'agissant du mouvement de la pensée, il me semble que nous discutons d'une sorte d'illusion car vous avez dit que le devenir est le mouvement de la pensée.
6:34 K:Le devenir l'est, totalement.

D:Donc si vous dites...

K:C'est bien ce que je voulais dire, le mouvement dans le devenir.
6:40 D:Mais ce mouvement, dites-vous, est quelque peu illusoire, n'est-ce pas?
6:43 K:Oui, bien sûr, bien sûr.
6:44 D:C'est plutôt comme le mouvement sur l'écran qui est projeté...

K:...sur l'écran par la caméra...

D:...par la caméra. Nous disons qu'il n'y a pas d'objet se déplaçant sur l'écran le seul mouvement étant celui du fonctionnement de la caméra. Alors pouvons-nous dire qu'il y a un vrai mouvement dans le cerveau qui projette tout ceci, à savoir le conditionnement?
7:03 K:M., c'est ce que je veux découvrir. Discutons en un peu.
7:07 Nous sommes tous deux d'accord, ou plutôt nous voyons que le cerveau est conditionné.
7:11 D:Nous entendons en fait par là qu'il a été impressionné physiquement.

K:Tant physiquement que...

D:...chimiquement...
7:17 K:...que génétiquement et psychologiquement.
7:21 D:Quelle différence y a-t-il entre physiquement et psychologiquement?
7:24 K:Psychologiquement, il est centré dans le moi, n'est-ce pas?

D:Oui.

K:Et l'affirmation continuelle du moi est le mouvement est le conditionnement.
7:51 D:Oui, mais dans la mesure ou nous en faisons l'expérience c'est une illusion, n'est-ce pas?
7:56 K:Nous avons dit que c'est là une illusion.
7:58 D:Mais il se produit un véritable mouvement à l'intérieur par exemple, le cerveau fait quelque chose. Il a été conditionné physiquement et chimiquement... K...chimiquement, oui.

D:Et quelque chose a lieu physiquement et chimiquement quand on pense au moi, n'est-ce pas?
8:15 K:Etes-vous en train de dire, ou plutôt de demander: le cerveau et le moi sont-ils deux choses distinctes?
8:25 D:Non, je dis que le moi est le produit du conditionnement du cerveau.
8:30 K:Oui, le moi conditionne le cerveau.
8:34 D:Oui. Mais le moi existe-t-il?
8:38 K:Non, non.
8:39 D:Mais à mon sens, le conditionnement du cerveau implique une illusion que l'on appelle le moi.
8:46 K:C'est cela, c'est cela. Ce conditionnement peut-il être dissipé?
8:52 D:Oui.

K:C'est là toute la question.
8:54 D:Il faut vraiment qu'il soit dissipé d'une façon physique chimique et neurophysiologique.

K:Oui.

D:Dès lors, la première réaction de toute personne scientifique serait qu'il semble peu probable que l'on puisse le dissiper par les moyens que nous utilisons. Un scientifique penserait que peut-être découvrira-t-on de nouvelles drogues ou de nouveaux détours génétiques ou une connaissance approfondie de la structure du cerveau. On pourrait ainsi espérer faire quelque chose dans ce sens. Je pense que cette idée pourrait être courante chez certains.
9:23 K:Mais est-ce que cela changera le comportement humain?
9:26 D:Eh bien, pourquoi pas? Je pense que certains croient que c'est possible.
9:31 K:Attendez, attendez, c'est là toute la question. 'C'est possible' signifie dans le futur.
9:38 D:Oui. Il faudrait du temps pour découvrir tout cela.
9:42 K:Pour découvrir tout cela. Entre temps, l'homme va se détruire.
9:45 D:Eh bien, ils espèrent peut-être que cela se fera à temps, voyez-vous. (Rires) Parce qu'ils pourraient eux aussi critiquer ce que nous faisons en disant à leur tour: à quoi bon? Voyez-vous, cela ne paraît pas avoir d'effet sur qui que ce soit et certainement pas à temps pour changer grand chose. Voilà une question qui pourrait se poser. Supposons à ce propos...
10:10 K:...nous sommes tous deux très clairs là-dessus.
10:13 En quoi cela affecte-t-il l'humanité?
10:16 D:Dès lors, cela l'affectera-t-il à temps pour vraiment sauver...
10:20 K:Certainement pas. Evidemment pas.
10:22 D:Alors pourquoi le faire?
10:25 K:Parce que c'est la chose correcte à faire.
10:28 D:Indépendamment.

K:Indépendamment.
10:30 Cela n'a rien à voir avec la notion de récompense et de punition.
10:33 D:Pas plus qu'avec des buts.

K:Oui.

D:Il suffit de faire la chose même si l'on en ignore l'issue
10:38 n'est-ce pas?

K:C'est cela.
10:40 D:Vous dites bien qu'il n'y a pas d'autre voie - n'est-ce pas?
10:42 K:Nous disons qu'il n'y a pas d'autre voie, c'est cela.
10:46 D:Oui, nous devrions bien clarifier cela. Par exemple, certains psychologues pourraient estimer qu'en examinant ce genre de chose, nous pourrions susciter une transformation évolutive de la conscience - n'est-ce pas?
10:59 K:Nous voilà revenu à cette espérance que le temps nous permettra de changer la conscience. Nous mettons cela en doute.
11:09 D:Nous l'avons mis en doute et disons qu'inévitablement le temps
11:12 impliquera - nous sommes tous pris dans le devenir et l'illusion sans savoir ce que nous faisons.

K:C'est cela. C'est cela.

D:Pourrions-nous alors dire qu'il en irait de même pour ces scientifiques qui s'y essayent par des moyens physiques et chimiques ou structurellement, à savoir qu'ils sont encore eux-mêmes pris au piège de cette tentative de recherche temporelle d'amélioration?

K:Oui, c'est cela, c'est cela. (Rires)

D:Ils ne sauront pas ce qu'ils font en réalité.
11:40 K:Tant les expérimentalistes que les psychologues et nous-mêmes tout le monde essaie de devenir quelque chose.
11:48 D:Oui, bien que cela puisse ne pas être évident à première vue. Ils pourraient passer pour de simples observateurs désintéressés travaillant sans parti pris sur le problème mais le désir sous-jacent de se perfectionner se ressent chez la personne qui se livre à cela.

K:Pour devenir, bien sûr.

D:Elle n'en est pas affranchie.
12:06 K:C'est bien cela. Ils n'en sont pas affranchis.
12:09 D:Et ce désir donnera lieu à l'illusion de soi, etc.

K:Alors, où en sommes-nous?
12:20 Au point où toute forme de devenir est une illusion et le devenir implique le temps. Le temps que le psychisme change. Nous disons que le temps n'est pas nécessaire.

D:Oui, cela se relie à l'autre question concernant l'esprit et le cerveau.
12:40 Voyez vous, il est clair que le cerveau doit être conçu comme... ..une activité située dans le temps comme un processus physique et neurochimique complexe.

K:Je pense que l'esprit est distinct du cerveau.
12:56 D:Qu'entendez-vous par distinct? Qu'il est en contact.
13:00 K:Distinct dans le sens où le cerveau
13:02 est conditionné et l'esprit ne l'est pas.
13:04 D:Disons que l'esprit a une certaine indépendance vis-à-vis du cerveau c'est bien ce que vous dites - que même si le cerveau est conditionné...
13:11 K:...l'autre ne l'est pas.

D:Il n'est pas nécessairement...

K:...conditionné.
13:14 D:Alors, sur quoi vous basez-vous pour dire cela?
13:21 K:Non, ne commençons pas par ce sur quoi je me base.
13:25 D:Alors, qu'est-ce qui vous le fait dire?
13:27 K:Tant que le cerveau est conditionné, il n'est pas libre.
13:35 D:Oui.
13:37 K:Et l'esprit est libre.
13:38 D:Oui, c'est ce que vous dites. Mais voyez vous, le cerveau n'étant pas libre cela signifie qu'il n'est pas libre de chercher sans parti pris.

K:J'y arrive.
13:47 Cherchons ce qu'est la liberté.

D:Oui.
13:50 K:Liberté de chercher comme vous l'indiquez, liberté d'étudier
13:55 et ce n'est que dans la liberté que se trouve un profond 'insight' [vision pénétrante].
14:00 D:Oui c'est clair, car si vous n'êtes pas libre d'étudier si vous avez un parti pris vous êtes alors limité.

K:Limité.

D:D'une manière arbitraire, non?
14:11 K:Donc, tant que le cerveau est conditionné sa relation avec l'esprit est limitée.

D:Oui, nous avons maintenant le rapport du cerveau à l'esprit
14:22 et également vice versa, n'est-ce pas?
14:26 K:Oui. Mais étant libre, l'esprit a une relation avec le cerveau.
14:31 D:Oui. Nous disons désormais que l'esprit est libre en quelque sorte n'étant pas sujet au conditionnement du cerveau.

K:Oui.

D:On pourrait alors demander: quelle est la nature de l'esprit? Ou, par exemple: l'esprit est-il situé dans le corps
14:46 ou est-il dans le cerveau?

K:Non, il n'a rien à voir avec le corps ou le cerveau.
14:50 D:A-t-il quelque chose à voir avec l'espace ou le temps?
14:53 K:L'espace - un instant, je vous prie. Il a à voir avec l'espace et le silence. Voilà les deux facteurs de…
15:07 D:Mais pas le temps, n'est-ce pas?

K:Pas le temps. Le temps relève du cerveau

D:Alors, quel est cet espace, et ce silence, quelle sorte d'espace?
15:17 Ce n'est pas l'espace dans lequel nous voyons se mouvoir la vie.

K:Non, l'espace. Regardons cela autrement.
15:30 La pensée peut inventer l'espace.
15:34 D:Eh bien, nous avons de plus l'espace que l'on voit et la pensée peut inventer toutes sortes d'espaces.
15:40 K:Et l'espace d'ici à là.
15:42 D:Oui, l'espace à travers lequel nous nous déplaçons physiquement.
15:45 K:Egalement l'espace entre deux bruits.
15:48 D:Entre deux sons.

K:Deux sons.
15:51 D:Eh bien, c'est là l'intervalle, c'est ainsi qu'ils l'appellent. Cela pourrait s'appeller l'intervalle entre deux sons.
15:57 K:Oui, l'intervalle entre deux bruits.

D:Deux bruits.

K:Deux pensées.

D:Deux pensées.

K:Deux notes.

D:Oui.
16:06 K:L'espace entre deux personnes.

D:L'espace entre les murs.
16:11 K:Et ainsi de suite. Mais cet espace là n'est pas l'espace de l'esprit.
16:18 D:Vous dites qu'il n'est pas limité, mais ce n'est pas un intervalle.
16:22 K:C'est exact. Je ne voulais pas me servir du mot limité.
16:24 D:Mais à mon sens, c'est implicite
16:26 il n'est pas de nature à être circonscrit dans quelque chose.
16:29 K:Non, il n'est pas circonscrit par le psychisme.
16:30 D:Par le psychisme. Mais est-il circonscrit par quoique ce soit?

K:Non.
16:35 D:Vous dites que le psychisme est circonscrit parce que nous avons dit qu'il est limité, etc. N'est-ce pas?
16:42 K:Alors, le cerveau peut-il - c'est ce que je veux découvrir ou plutôt ce dont je veux parler - le cerveau peut-il avec toutes ses cellules conditonnées ces cellules, peuvent-elles changer radicalement?
16:56 D:Oui, eh bien nous en avons souvent discuté il n'est pas certain que toutes les cellules soient conditionnées. Par exemple, certains pensent que seule une petite partie des cellules est utilisée et que les autres sont en quelque sorte inactives, dormantes.
17:09 K:A peine utilisées, ou seulement occasionnellement effleurées.

D:Occasionnellement effleurées.
17:13 Mais ces cellules conditionnées, quelle que soit leur nature dominent actuellement à l'évidence la conscience .
17:20 K:Oui, ces cellules peuvent-elles être changées?

D:Oui.
17:24 K:Nous disons qu'elles le peuvent par 'l'insight'.

D:Oui, mais...

K:L'insight étant hors du temps cela ne résulte pas du souvenir, ce n'est ni intuition ni désir, ni espoir, cela n'a rien à voir avec le temps ou la pensée.

D:Oui, alors l'insight dont vous parlez relève-t-il de l'esprit
17:55 de la nature, de l'activité de l'esprit?

K:Oui.
18:02 D:Donc vous dites que l'esprit
18:04 peut agir à l'intérieur de la texture du cerveau.
18:07 K:Oui, nous l'avons dit auparavant.
18:08 D:Oui, mais voyez-vous ceci est un point difficile comment l'esprit peut-il agir sur la matière?
18:18 K:Il est capable d'agir sur le cerveau, par exemple prenez une crise ou un problème quelconque. Problème - le sens étymologique en est comme vous le savez, quelque chose qui vous est lancé. Et nous confrontons cela avec tout le souvenir du passé avec parti pris, etc. Et ainsi le problème se multiplie de lui-même. Vous pouvez bien résoudre un problème, mais de cette solution même surgissent de nouveaux problèmes comme cela se passe en politique, etc., etc. N'est-ce pas? Il s'agit donc d'aborder le problème, ou d'en avoir la perception sans qu'aucun souvenir passé ni qu'aucune pensée n'interviennent ou ne se projettent dans la perception du problème.
19:22 D:Oui. Ceci implique que la perception relève également de l'esprit...
19:26 K:Oui, c'est exact.
19:29 D:Voulez-vous dire que le cerveau est une sorte d'instrument de l'esprit? Est-ce bien cela?
19:37 K:Un instrument de l'esprit quand le cerveau n'est pas centré sur soi.
19:44 D:Oui, eh bien, si l'on considère tout ce conditionnement celui-ci peut être envisagé comme un cerveau qui s'excite lui-même et se maintient en activité à partir de ce programme. Ceci occupe toute sa capacité.
20:00 K:Toutes nos journées, tout à fait, oui.
20:02 D:Toute la capacité du cerveau. Cela peut se comparer à un récepteur radio générant son propre bruit sans pouvoir capter un signal. Cette analogie serait-elle...
20:12 K:Pas tout à fait.

D:Elle n'est pas très bonne, mais...

K:Pas très. Monsieur voulez-vous approfondir un peu ceci?
20:24 L'expérience est toujours limitée, n'est-ce pas? Je puis magnifier cette expérience en quelque chose de fantastique et puis ouvrir boutique pour vendre mon expérience mais cette expérience est limitée. Donc le savoir est toujours limité. Et ce savoir fonctionne dans le cerveau. Ce savoir est le cerveau. N'est-ce pas? Et la pensée aussi fait partie du cerveau, et cette pensée est limitée. Donc le cerveau fonctionne dans un très, très petit secteur.
21:14 D:Oui. Qu'est ce qui l'empêche de fonctionner dans un secteur plus vaste?

K:Comment?

D:Qu'est ce qui l'empêche de fonctionner dans un domaine illimité?
21:24 K:La pensée.
21:25 D:La pensée, mais le cerveau me semble-t-il, fonctionne de lui-même, sur son propre programme.
21:31 K:Oui, comme le fait un ordinateur fonctionnant sur son propre programme.
21:35 D:Oui, mais ce que vous demandez essentiellement c'est que le cerveau réponde en fait à l'esprit.
21:43 K:Il ne peut répondre ainsi que quand il est libre de la pensée qui est limitée.
21:52 D:Oui, de sorte que le programme ne le domine pas.
21:54 Voyez-vous, nous aurons encore besoin de ce programme.

K:Bien sûr. Nous en avons besoin - nous l'avons dit...

D:...pour beaucoup de choses. Oui, mais l'intelligence relève-t-elle alors de l'esprit?
22:07 K:Oui, l'intelligence est l'esprit.

D:Est l'esprit.
22:11 K:Nous devons ici aborder autre chose.
22:19 Parce que la compassion est liée à l'intelligence. Il n'y a pas d'intelligence sans compassion. Et la compassion ne peut exister que quand il y a amour lequel est totalement libre de tous souvenirs de jalousies personnelles, et tout cela.
22:45 D:Mais, la compassion, l'amour relèvent-ils aussi de l'esprit?
22:49 K:De l'esprit. Et vous ne pouvez avoir de compassion si vous êtes attaché à une quelconque expérience, ou à tout idéal personnel.
22:59 D:Oui, là encore c'est le programme qui nous tient.
23:03 K:Oui. Par exemple, il y a ceux qui se rendent dans des pays pauvres et y travaillent, travaillent, appelant cela de la compassion. Mais ils sont attachés ou liés à une forme particulière de croyance religieuse et ce n'est donc là que pitié, sensibilité, mais pas de la compassion.
23:31 D:Oui, je comprends qu'il y a là deux choses quelque peu indépendantes l'une de l'autre: le cerveau et l'esprit, qui peuvent toutefois entrer en contact. Nous disons alors qu'intelligence et compassion sont au-delà du cerveau. J'aimerais dès lors approfondir la question de savoir comment a lieu ce contact, voyez-vous.

K:Ah! Le contact ne peut exister entre l'esprit et le cerveau que
24:03 quand le cerveau est tranquille.
24:05 D:Voilà la condition qui le permet c'est à cette condition que cela peut se faire. Désormais, le cerveau doit être tranquille.
24:13 K:Monsieur, cette tranquillité n'est pas le produit d'un entraînement. Ni d'un désir de silence méditatif conscient de soi. C'est une émanation naturelle de la compréhension de son propre conditionnement.
24:33 D:Oui, et l'on peut voir que si le cerveau est tranquille, il peut pour ainsi dire écouter quelque chose de plus profond, n'est-ce pas?
24:41 K:De plus profond, c'est exact. S'il est tranquille, il est alors relié à l'esprit. L'esprit peut alors fonctionner à travers le cerveau.

D:Je pense ici qu'il serait utile de voir si
24:55 le cerveau a une activité quelconque se situant au-delà de la pensée. Par exemple, on pourrait se demander si l'état de conscience lucide est une fonction du cerveau.

K:Aussi longtemps que cet état de conscience est sans choix
25:17 [ou plutôt] je suis conscient, et dans cet état, je fais des choix.

D:Oui, mais je pense que cela peut causer des difficultés.
25:28 Voyez-vous, quel mal y a-t-il dans le choix?
25:31 K:Choix signifie confusion.
25:34 D:Cela ne découle pas évidemment du mot.
25:37 K:Bien sûr, vous choisissez entre deux choses.
25:39 D:Je pourrais choisir entre acheter une chose ou une autre.
25:43 K:Oui, je puis choisir entre cette table-ci et cette autre.
25:45 D:Je choisis les couleurs en achetant la table.
25:48 K:Cette table-ci est meilleure.
25:49 D:Apparemment, il n'y a pas là de confusion. Si je choisis la couleur désirée, je ne vois pas où il y a confusion.
25:56 K:Il n'y a là aucun mal, aucune confusion.
25:59 D:Mais c'est dans le choix relativement au psychisme que se trouve la confusion, me semble-t-il.

K:C'est tout, c'est du psychisme qu'il s'agit.

D:On tend à se laisser emporter par le langage, voyez-vous.
26:09 K:Nous parlons du psychisme qui choisit.
26:12 D:Qui choisit en fait de devenir.
26:13 K:Oui. Choisir c'est devenir, et le choix existe aussi quand il y a confusion.
26:19 D:Oui. Donc, vous dites que partant de la confusion, le psychisme fait le choix de devenir une chose ou une autre - n'est-ce pas? Qu'étant troublé, il s'efforce de devenir quelque chose de mieux.

K:Et le choix implique une dualité.
26:32 D:Oui, mais il semble, à première vue que vous avez introduit une autre dualité
26:40 celle de l'esprit et du cerveau.
26:42 K:Non, ceci n'est pas une dualité.

D:Il importe de clarifier cela.

K:Là, il n'y a pas de dualité.

D:Oui, en quoi est-ce différent?
26:50 K:Bien, prenons un exemple très simple. Les êtres humains sont violents, et la non-violence a été.. projetée par la pensée, et voilà la dualité: le fait et le non fait.
27:11 D:Alors, vous dites qu'il existe une dualité entre un fait et une simple projection que fait l'esprit.
27:18 K:L'idéal et le fait.
27:20 D:Oui. L'idéal est irréel et le fait est réel.
27:24 K:C'est cela. L'idéal n'a aucune réalité.

D:Oui, c'est cela. Aucune réalité. Ainsi vous appelez dualité la division qui existe entre ces deux choses.
27:34 Pourquoi l'appelez-vous ainsi?
27:36 K:Parce qu'elles sont divisées.
27:37 D:Eh bien, du moins le semblent-elles.

K:Divisées, et nous luttons. Par exemple
27:44 tous les idéaux totalitaires, communistes et démocratiques sont des émanations de la pensée, et ainsi de suite ce qui est limité et crée des ravages dans le monde.
27:55 D:Oui. Une division a donc été introduite mais je pense que nous discutions au sujet de la divison d'une chose qui ne peut être divisée. Nous essayons de diviser le psychisme.

K:C'est exact. La violence ne peut être divisée en non-violence.
28:14 D:Oui. Et le psychisme ne peut être divisé en violence
28:17 et non-violence - n'est-ce pas?
28:18 K:Il est ce qu'il est.

D:Il est ce qu'il est, alors s'il est violent, il ne peut donc être divisé en partie violente et partie non-violente.
28:24 K:C'est exact. - Voilà qui est excellent! Donc, pouvons-nous rester avec 'ce qui est' et non avec 'ce qui devrait être' 'ce qui doit être', inventant des idéaux et tout le reste?
28:39 D:Oui, mais pourrions nous revenir à la question de l'esprit et du cerveau, maintenant? Nous disons qu'il n'y a pas là de division.

K:Oh non, il n'y a pas de division là.

D:Ils sont en contact, est-ce cela?
28:50 K:Nous avons dit qu'il y a contact entre l'esprit et le cerveau .quand le cerveau est silencieux et a de l'espace.
28:57 D:Oui, nous disons donc que bien qu'ils soient en contact et pas du tout divisés l'esprit peut néanmoins avoir encore une certaine indépendance à l'égard du conditionnement du cerveau.
29:13 K:Attention, Monsieur, attention! Voyons cela. Supposons que mon cerveau soit conditionné programmé en tant qu'Hindou et je fonctionne, agis, toute ma vie est conditionnée par l'idée que je suis un Hindou. Il est évident que l'esprit n'a aucun rapport avec ce conditionnement.
29:42 D:Vous vous servez du mot esprit [mind]; il ne s'agit pas de mon esprit.
29:45 K:Oh, l'esprit, il ne m'appartient pas.
29:47 D:L'universel, ou le général.
29:49 K:Oui. Il ne s'agit pas non plus de mon cerveau.
29:52 D:Non, mais il y a bien un cerveau particulier, celui-ci ou celui-là. Diriez vous qu'il y a un esprit particulier?
29:59 K:Non.
30:00 D:Voilà une différence importante. Vous dites que l'esprit est vraiment universel.
30:05 K:L'esprit est universel - si vous permettez ce vilain terme.
30:08 D:Illimité et indivisé.
30:11 K:Il est non pollué par la pensée.
30:17 D:Mais, je pense que la plupart des gens éprouverait une difficulté à préciser ce que l'on peut connaître de cet esprit. Je ne connais de mon esprit que mon premier ressenti - n'est-ce pas?
30:27 K:Vous ne pouvez définir ainsi votre esprit. Vous n'avez que votre cerveau qui est conditionné. Vous ne pouvez dire 'ceci est mon esprit'.
30:37 D:Oui, mais tout ce qui a lieu en moi est ressenti comme m'appartenant et c'est très différent de ce qui a lieu chez autrui.
30:44 K:Non, je mets en doute que cela soit différent.
30:47 D:En tout cas, cela paraît différent.

K:Je doute que ce soit différent. Ce qui a lieu en moi en tant qu'être humain, et en vous en tant qu'autre être humain c'est que nous passons tous deux par toutes sortes de problèmes souffrance, peur, anxiété, solitude, etc., etc. Nous avons nos dogmes, croyances, superstitions, et c'est le lot de chacun.
31:10 D:Eh bien, nous dirons que tout cela est très similaire il semble que chacun de nous est isolé de son prochain.
31:15 K:Par la pensée. C'est ma pensée qui fait que je suis différent de vous du fait que mon corps est distinct du vôtre que mon visage est distinct du vôtre, et ainsi nous étendons cette même chose au domaine psychologique.
31:33 D:Nous en avons discuté. Mais si nous disions maintenant: très bien, cette division est peut-être une illusion.

K:Non, pas peut-être. Elle l'est.
31:45 D:C'est une illusion, très bien. Bien que cela ne soit pas évident à première vue.
31:51 K:Bien sûr, bien sûr.

D:En réalité, même le cerveau n'est pas divisé
31:58 car nous disons que nous sommes non seulement semblables à la base mais encore réellement reliés. - n'est-ce pas? Et puis nous disons qu'au-delà de tout cela il y a l'esprit qui n'a aucune division.
32:09 K:Il est non conditionné.
32:11 D:Oui, mais il semble sous-entendu que dans la mesure où une personne se sent un être distinct, elle a
32:18 très peu de liens avec l'esprit. D'accord?

K:Absolument, très juste.
32:20 C'est ce que nous avons dit.

D:Pas d'esprit.
32:25 K:C'est pourquoi il est très important de comprendre non pas l'esprit, mais mon conditionnement. Ensuite, il s'agit de savoir si mon... si le conditionnement humain peut jamais être dissout. Voilà le vrai problème.

D:Oui. Je pense que l'esprit - n'appelons pas cela l'esprit
32:47 mais qu'un être humain examine toujours le sens des choses. Je pense que l'on veut saisir le sens de ce qui est dit. Voyez-vous, nous avons un esprit universel, lequel - dites-vous se situe dans une sorte d'espace, ou est-il son propre espace?
33:04 K:Il ne se trouve ni en moi, ni dans mon cerveau.
33:06 D:Mais il a un espace à lui.

K:Il existe, il vit dans l'espace et le silence.
33:13 D:Il vit dans l'espace et le silence, mais c'est l'espace de l'esprit.
33:18 N'est-ce pas un espace comme celui-ci?

K:Non. C'est pourquoi nous avons dit que l'espace n'est pas inventé par la pensée.

D:Alors, est-il possible de percevoir cet espace
33:31 quand l'esprit est silencieux, d'être en contact avec lui?
33:36 K:Pas de percevoir. Voyons cela.

D:Quand le cerveau est...

K:Voyons cela. Vous demandez si l'esprit peut être perçu par le cerveau.
33:48 D:Ou qu'il en ait tout au moins une certaine conscience.

K:Oui. Nous disons oui, par la méditation.
34:00 Vous n'aimerez peut-être pas utiliser ce terme?

D:Eh bien, cela ne me dérange pas.
34:03 K:Je pense qu'il est possible de voyez-vous Monsieur, c'est là qu'est la difficulté. Quand nous nous servons du mot méditation, cela est en général pris dans le sens de l'existence d'une entité qui médite. En réalité la méditation est un processus inconscient ce n'est pas un processus conscient.
34:27 D:Comment pouvez-vous dire que la méditation a lieu si c'est inconscient?
34:33 K:Elle a lieu quand le cerveau est tranquille.
34:37 D:Vous entendez par conscience tout le mouvement de la pensée?

K:Le mouvement de la pensée.

D:Tout ce qui va avec: sentiments, désirs, volonté, n'est-ce pas?

K:Oui.

D:Mais il y a encore une sorte de conscience, n'est-ce pas?
34:48 K:Oh oui. Cela dépend de ce que vous entendez par conscience.

D:Oui.

K:Conscience de quoi?
34:55 D:Peut-être de quelque chose de plus profond, que sais-je?
35:06 K:Voyez-vous, là encore, les mots 'plus profond' impliquent une mesure oh non Monsieur, je ne m'en servirai pas.
35:17 D:Bien, ne nous en servons pas, mais disons qu'il y a voyez-vous, une sorte d'inconscient qui nous échappe totalement. Telle personne peut être inconsciente de certains de ses problèmes, conflits.
35:31 K:Voyons cela. Approfondissons-le un peu plus. Si je fais une chose consciemment, il s'agit là de l'activité de la pensée.
35:41 D:Oui.

K:N'est-ce pas?

D:Oui, la pensée qui réfléchit sur elle-même.
35:46 K:Oui, c'est l'activité de la pensée. Alors, si je médite consciemment me livrant à des pratiques et tout ce qui, pour moi n'a pas de sens, le cerveau est alors amené à se conformer à une autre série de modèles.
36:04 D:Oui, c'est encore plus de devenir.

K:Encore plus de devenir, c'est cela.

D:Oui, vous essayez de devenir meilleur.

K:Il n'y a pas possibilité d'illumination par le devenir.
36:16 Vous ne pouvez être illuminé si je puis me permettre ce terme, en disant 'je vais être un gourou de pacotille'.
36:23 D:Mais il semble très difficile de communiquer quelque chose d'inconscient, voyez-vous.
36:29 K:C'est cela. Voilà la difficulté.
36:31 D:Pourtant, ce n'est pas simplement le fait d'être K.O., ou que quelqu'un soit à la fois inconscient et K.O ce n'est pas cela que vous voulez dire.
36:38 K:Bien sûr que non, grand Dieu!

D:Ni d'être sous anesthésie.

K:Non, mettons-le ainsi: la méditation consciente, l'activité consciente
36:50 visant à maîtriser la pensée, à se libérer du conditionnement, n'est pas la liberté.
37:00 D:Oui, je pense que c'est clair, mais ce qui ne l'est pas c'est comment communiquer ce qu'il y a de plus.
37:06 K:Un instant. Comment l'exprimer - vous voulez dire ce qu'il y a delà de la pensée.

D:Quand la pensée est silencieuse.
37:21 K:Silencieuse, oui. De quels mots vous serviriez-vous?
37:27 D:J'ai suggéré le terme 'état conscient'. Le mot 'attention' conviendrait-il?
37:32 K:Celui de 'attention' me convient mieux.

D:Oui.
37:39 K:Diriez-vous que dans 'attention' il n'y a pas de centre en tant que 'moi'?

D:Effectivement, dans le mode d'attention dont vous parlez.
37:49 Il y a le mode habituel ou nous prêtons attention parce que quelque chose nous intéresse.
37:55 K:L'attention n'est pas la concentration.

D:Oui, la concentration. Mais nous discutons d'une sorte d'attention sans la présence de ce moi, donc sans l'activité du conditionnement.
38:08 K:Sans l'activité de la pensée.

D:Oui.
38:10 K:La pensée n'a pas sa place dans l'attention.
38:15 D:Oui, mais pourrions nous développer ce que vous entendez par attention? Le dérivé du mot pourrait-il nous aider? Il signifie étendre l'esprit - cela nous aide-t-il?
38:28 K:Non. Serait-il utile de dire que la concentration n'est pas l'attention? N'est-ce pas? L'effort n'est pas l'attention. M'efforcer de faire attention n'est pas l'attention. L'attention ne peut naître qu'en l'absence du moi.

D:Oui, mais alors nous allons tourner en rond
39:00 car c'est en présence du moi que nous débutons. Il y a donc quelqu'un qui dit: la méditation est nécessaire elle débute avec le moi, 'me voici', dit-il.
39:11 K:Non, je me suis servi prudemment du mot. Méditation signifie mesure.

D:Oui.
39:17 K:Aussi longtemps qu'il y a mesure, c'est-à-dire devenir
39:20 il n'y a pas méditation. Mettons-le ainsi.
39:23 D:Oui. Nous pouvons discuter de l'absence de méditation.
39:27 K:C'est cela. L'autre chose existe par la négation. Si l'on réussit à nier toute activité ne relevant pas
39:34 de la méditation, elle sera présente.
39:37 K:C'est cela, c'est juste.
39:39 D:Ce qui n'est pas la méditation, mais que nous prenons pour telle.
39:44 K:Oui, c'est cela. C'est très clair. Tant qu'il y a mesure, c'est-à-dire devenir c'est-à-dire le processus de pensée la méditation ou le silence ne peuvent exister.
39:59 D:Diriez-vous que cette attention non dirigée relève de l'esprit, ou bien…

K:L'attention relève de l'esprit.
40:09 D:Mais elle entre en contact avec le cerveau, n'est-ce pas?

K:Oui, nous l'avons dit. Tant que le cerveau est silencieux, il y contact avec l'autre.
40:18 D:C'est-à-dire, cette attention véritable a un contact avec le cerveau quand celui-ci est silencieux.
40:24 K:Silencieux, et qu'il a de l'espace.
40:26 D:Qu'est-ce que l'espace?
40:28 K:Le cerveau n'a actuellement pas d'espace, car il se soucie de lui-même; parce qu'il est programmé, égocentrique, et qu'il est limité.

D:Oui, pourrait-on ajouter à propos du cerveau
40:44 que l'esprit étant dans son espace, le cerveau aurait aussi un espace?
40:48 K:Un espace limité.

D:Un espace limité?

K:Bien sûr. La pensée a un espace limité.
40:51 D:Mais encore, quand la pensée est absente, le cerveau a-t-il son espace?
40:55 K:C'est exact. C'est exact.
40:57 Le cerveau a de l'espace, oui.

D:Illimité?
41:00 K:Non, seul l'esprit connaît l'illimité...

D:L'illimité.

K:Mon cerveau peut être tranquille sur un problème auquel j'ai réfléchi
41:14 quand je me dis soudain: 'Eh bien, je n'y penserai plus' d'où résulte un certain espace. Dans cet espace là, vous résolvez le problème.
41:23 D:Oui, mais si le cerveau est silencieux, et ne pense pas à un problème il n'y a toujours qu'un espace limité
41:28 mais il est ouvert à...

K:...à l'autre.

D:...à l'attention.
41:32 Diriez vous que par l'attention - ou dans l'attention l'esprit entre en contact avec le cerveau?
41:41 K:Oui, quand le cerveau n'est pas inattentif.
41:46 D:Qu'arrive-t-il alors au cerveau?
41:49 K:Qu'arrive-t-il au cerveau? Il agit. N'est-ce pas? Attendez, soyons clairs. Nous avons dit que l'intelligence naît de la compassion et de l'amour. Cette intelligence fonctionne quand le cerveau est tranquille.
42:17 D:Oui, fonctionne-t-elle par l'attention?
42:21 K:Bien sûr, bien sûr.
42:24 D:L'attention semble donc être le contact.

K: Le contact, l'attention, naturellement.
42:29 Nous avons dit que l'attention ne peut exister qu'en l'absence du moi.
42:32 D:Oui. Vous dites alors que l'amour et la compassion sont le terrain d'où émane l'intelligence, à travers l'attention.

K:A travers l'attention, oui, qui agit dans le cerveau.

D:Disons alors que ceci soulève deux questions:
42:53 l'une concerne la nature de cette intelligence et la seconde est: quel effet a-t-elle sur le cerveau?
43:00 K:Oui, voyons. Il faut à nouveau aborder cela négativement. L'amour n'est pas la jalousie et tout cela. L'amour n'est pas personnel, mais il peut l'être.
43:15 D:Mais alors, ce n'est pas ce dont vous parlez.

K:En effet. L'amour n'est pas mon pays, votre pays j'aime mon dieu, il n'est pas cela!
43:25 D:Dans la mesure où il émane d'un esprit universel...
43:29 K:C'est pourquoi je dis que l'amour n'a aucun rapport avec la pensée.

D:Oui (...) il ne naît pas dans le cerveau particulier
43:41 ne tire pas son origine du cerveau particulier.
43:44 K:Oui, ce n'est pas mon amour.

D:Oui.

K:Quand il y a cet amour là il en émane la compassion et l'intelligence.

D:Alors cette intelligence est par nature
43:57 capable, si j'ose me servir de ce terme de comprendre profondément - non, je ne pense pas...
44:09 K:Non, non, pas de comprendre. Voyons cela.
44:12 D:Que fait-elle? Est-ce qu'elle perçoit?
44:16 K:Elle agit à travers la perception.

D:Oui. La perception de quoi?

K:La perception - discutons de la perception.
44:31 Il ne peut y avoir perception que quand celle-ci n'est pas teintée par la pensée.

D:Qu'elle n'est pas quoi?

K:Teintée ou utilisée quand il n'y a aucune interférence du mouvement de la pensée il y a perception c'est-à-dire un insight direct [perception instantanée] d'un problème ou d'une complexité humaine.

D:Cette perception prend-elle sa source dans l'esprit?
45:09 K:Cette perception, prend-elle sa source dans l'esprit.
45:13 Voyons cela... Oui. Quand le cerveau est tranquille.
45:21 D:Oui, mais nous avons utilisé les mots 'perception' et 'intelligence' en quoi sont-ils liés, ou qu'est-ce qui les différencie?
45:30 K:Entre perception et intelligence?
45:32 D:Oui.

K:Rien.
45:34 D:Nous disons donc que l'intelligence est perception.

K:Oui, c'est exact.

D:L'intelligence est la perception de 'ce qui est' - n'est-ce pas? Et il y a contact par l'attention.
45:45 K:Monsieur, prenons un problème et examinons-le il sera sans doute plus facile de comprendre ceci.

D:Oui.
45:57 K:Prenons le problème de la souffrance. Les êtres humains ont souffert sans fin, des guerres de toutes sortes de maladies physiques de mauvais rapports réciproques. L'homme a énormément souffert. Maintenant, cela peut-il prendre fin?

D:Mais la difficulté d'y mettre fin vient de ce que c'est inscrit sur le programme. Nous sommes conditionnés à tout cela - n'est-ce pas?

K:Oui, à tout cela.
46:34 D:Et c'est enregistré physiquement et chimiquement.

K:Nous sommes conditionnés, cela a lieu depuis des siècles.
46:39 D:Oui, c'est donc très profond, en quelque sorte.
46:42 K:Très, très profond. Alors, cette souffrance peut-elle finir?
46:48 D:Oui, et elle ne peut prendre fin par un acte du cerveau.

K:Par la pensée.

D:Car le cerveau est pris dans cette souffrance et ne peut agir pour mettre fin à sa propre souffrance.
46:58 K:Bien sûr, il ne le peut pas. Voilà pourquoi la pensée ne peut y mettre fin. Elle en est l'auteur.
47:04 D:Oui, la pensée l'a créée et se trouve incapable de s'en saisir.
47:08 K:Oui, la pensée a créé les guerres, le malheur, la confusion et la pensée est devenue prépondérante dans les rapports humains.
47:18 D:Je pense que d'aucuns seront d'accord là-dessus, tout en continuant à penser que de même qu'elle peut continuer à faire du mal
47:26 la pensée peut aussi faire de bonnes choses.

K:Non, la pensée ne peut faire ni bien ni mal. C'est la pensée, limitée.

D:La pensée ne peut saisir cette souffrance.
47:34 Cette souffrance faisant partie du conditionnement physique et chimique du cerveau, la pensée n'a même aucun moyen de savoir ce que c'est.

K:Disons que je perds mon fils et je suis...

D:Oui, mais ce que je veux dire, c'est que je ne puis savoir ce qui se passe en moi par la pensée. Je ne puis changer cette souffrance intérieure, car la pensée ne va pas m'indiquer sa nature. Mais vous dites que c'est l'intelligence.
47:55 K:Mais après tout, nous demandons si la souffrance peut prendre fin. C'est là un problème.
47:59 D:Oui, et il est clair que l'acte de penser ne peut le faire.
48:02 K:La pensée ne le peut pas.

D:Non. Bien. Dès lors...
48:05 K:C'est bien la question. Si j'ai un 'insight' de la chose...
48:09 D:Oui, et cet insight découlera de l'action de l'esprit, de l'intelligence et de l'attention.

K:Quand se produit cet 'insight', l'intelligence balaie la souffrance.
48:20 D:Oui, donc vous dites qu'il y a un contact de l'esprit sur la matière qui élimine toute la structure physico-chimique qui entretenait cette souffrance.
48:30 K:C'est cela. Cette fin comporte une mutation des cellules cérébrales. Nous en avons discuté il y a quelques années.

D:Oui, et cette mutation
48:40 efface tout simplement toute la structure qui cause la souffrance.
48:45 K:Oui. Ainsi, c'est comme si, après avoir suivi une certaine tradition je change subitement cette tradition, il se produit un changement dans tout le cerveau: il allait vers le nord, et va maintenant à l'est.
48:57 D:Il est évident que c'est là une notion radicale par rapport aux idées traditionnelles de la science, car si nous admettons que l'esprit est autre chose que de la matière d'aucuns trouveront difficile de croire que l'esprit…

K:Après tout Monsieur... diriez-vous que l'esprit est énergie pure?
49:19 D:Oui, on pourrait dire cela, mais la matière est aussi énergie.
49:24 K:Par conséquent la matière est limitée, la pensée est limitée.
49:28 D:Oui, mais nous disons que l'énergie pure de l'esprit
49:31 est capable de toucher l'énergie limitée de la matière.
49:34 K:C'est cela. Et de changer la limitation.
49:37 D:Oui, d'éliminer une partie de la limitation.
49:40 K:Quand se pose un problème profond ou un défi auquel on est confronté.

D:Oui, (...) on pourait ajouter qu'aucun des moyens traditionnels
49:55 d'y parvenir ne fonctionne, car...
49:58 K:Bien sûr, cela n'a pas fonctionné.

D:Eh bien, cela ne suffit pas. Il faut le dire, car certains pourraient encore avoir de l'espoir. En réalité, cela ne peut fonctionner.

K:C'est impossible.

D:Car la pensée ne peut pas avoir de prise sur son propre fondement physico-chimique cellulaire
50:12 ni d'agir en quoi que ce soit sur ses propres cellules.

K:Oui, Monsieur, nous avons très clairement dit cela. La pensée ne peut provoquer de changement en elle-même.
50:21 D:Oui, et pourtant pratiquement tout ce que l'humanité s'est efforcée de faire est basé sur la pensée. Il y a bien une zone limitée où cela convient mais comme nous en avons discuté auparavant on ne peut rien sur l'avenir de l'humanité par l'approche habituelle.

K:C'est pourquoi, lorqu'on écoute les politiciens
50:41 qui sont tellement actifs dans le monde, on voit qu'ils créent problème sur problème, la pensée étant pour eux ce qu'il y a de plus important - les idéaux.

D:En général, personne ne pense pouvoir connaître autre chose.
50:58 K:Exactement. Nous disons que le vieil instrument
51:03 qu'est la pensée est à bout de course, sauf dans certains domaines.
51:08 D:En fait, il n'a jamais été adéquat, sauf dans ces domaines là.
51:11 K:Bien sûr, bien sûr.
51:13 D:Et l'homme a toujours été dans la peine aussi loin que l'on remonte dans la mémoire, dans l'histoire.
51:19 K:Oui M., l'homme a toujours été dans la peine, le tourment, la peur. Il ne faut pas réduire tout cela à une discussion intellectuelle. Mais en tant qu'être humain, face à toute la peine du monde une solution à tout cela peut-elle être envisagée?

D:Oui, et ceci nous ramène à la question que j'aimerais répéter:
51:46 il semble qu'un certain nombre de personnes parlent de cela et pensent peut-être savoir, et peut-être méditent-elles, etc mais comment cela va-t-il affecter ce vaste flot d'humanité?
52:02 K:Probablement très peu. Mais pourquoi demandez-vous si cela aura un effet? Peut-être cela en aura-t-il, ou peut-être pas.

D:Cela en aura peut-être, ou peut-être pas.

K:On pose alors la question: a quoi bon tout cela?
52:18 D:Oui, c'est bien cela. Je pense qu'il y a un sentiment instinctif qui pousse à poser cette question.
52:24 K:Oui. Je pense que c'est une fausse question.
52:26 D:Mais c'est une fausse question. Voyez-vous, notre premier instinct est est de dire: 'que faire pour arrêter cette terrible catastrophe?'.
52:33 K:Oui. Mais si chacun de nous écoute, voit la vérité de la chose voit que par son activité, tant extérieure qu'intérieure, la pensée a créé ce terrible gâchis, cette grande souffrance il doit inévitablement se demander: y a-t-il une fin à tout cela? Si la pensée ne peut y mettre fin, qu'est-ce qu'il le fera?

D:Oui.
52:59 K:Quel nouvel instrument mettra fin à tout ce malheur? Voyez-vous, il y a bien un nouvel instrument, à savoir l'esprit, etc., etc.

D:Oui.

K:C'est-à-dire l'intelligence. Mais la difficulté est aussi que les gens n'écouteront pas tout ceci. Ils en sont venus à des conclusions définitives, tant les scientifiques que l'homme ordinaire que nous sommes, ils n'écouteront pas.
53:28 D:Oui, c'est bien ce que j'avais à l'esprit en disant qu'un petit nombre de personnes n'aura pas beaucoup d'effet.
53:34 K:Bien sûr, bien sûr. Je pense néanmoins qu'un petit nombre a changé le monde. Hitler l'a fait, que ce soit en bien ou en mal, là n'est pas la question.
53:43 D:Eh bien, il ne l'a pas changé fondamentalement.
53:46 K:Non, changez le monde superficiellement, si vous voulez. La révolution des Bolcheviks, les communistes l'ont changé mais ils en sont revenus au même modèle. La révolution physique n'a jamais changé psychologiquement l'état de l'homme.
54:03 D:Pensez-vous qu'il soit possible de dire qu'un certain nombre de cerveaux venant de cette manière en contact avec l'esprit puissent avoir un effet sur l'humanité qui dépasse l'effet immédiat de l'évidence qu'ils communiquent?
54:21 K:Oui, C'est cela. C'est exact.
54:22 D:J'entends évidemment par là que quiconque fait ceci peut communiquer de façon ordinaire et obtenir un petit effet, mais voici que se présente ici une toute nouvelle possibilité - n'est-ce pas?

K:Voyez vous (...) j'ai souvent réfléchi à la question suivante: comment
54:43 transmettre tout cela, toute cette question subtile et très complexe comment transmettre ceci à une personne enfoncée dans la tradition conditionnée, qui ne prendra même pas le temps d'écouter, d'examiner?
55:00 D:Oui, eh bien, c'est une question. Voyez-vous, on pourrait dire que ce conditionnement ne constitue pas un blocage absolu, sinon il n'y aurait pas la moindre issue. Mais le conditionnement aurait peut-être une certaine perméabilité.
55:17 K:Après tout, le Pape ne nous écoutera pas pourtant le Pape a une influence considérable.
55:23 Est-il possible que chacun ait une plage d'écoute si celle-ci peut-être trouvée?
55:29 K:S'il a un peu de patience. Mais qui écoutera? Les politiciens n'écouteront pas. Les idéalistes n'écouteront pas. Les totalitaires n'écouteront pas. Les religieux profondément ancrés n'écouteront pas. Alors peut-être, Monsieur, c'est là toute la question: une personne dite ignorante, pas très cultivée et professionnellement conditionnée carrière, argent, le pauvre qui dit 'je souffre, je n'en peux plus'.
56:07 D:Mais lui non plus n'écoutera pas, il lui faut du travail.
56:11 K:(Rires) Bien sûr que non. Il dit 'donnez-moi d'abord à manger'. Cela fait soixante ans que nous parlons de tout cela. Le pauvre n'écoutera pas, le riche n'écoutera pas, l'érudit non plus et les croyants religieux, profondément dogmatiques, n'écouteront pas. Alors, comme une vague parcourant le monde, cela saisira peut-être quelqu'un. Je pense que demander si cela aura un effet est une fausse question.
56:44 D:Oui, bien. Nous dirons que cela fait à nouveau intervenir le temps le devenir, cela introduit le psychisme dans le processus du devenir.

K:Oui. (...) Cela doit bien affecter l'humanité!
57:00 D:Vous suggérez que cela affecte l'humanité
57:04 directement à travers l'esprit plutôt que...
57:07 K:Oui, oui.

D:Nous prenons cela très sérieusement...

K:Cela pourrait ne pas se voir immédiatement dans les actes.
57:13 D:Oui. Ce que vous avez dit est très sérieux, à savoir que l'esprit est universel et non localisé dans notre espace usuel, non séparé...
57:22 K:Oui. Voyez vous, Monsieur, il est dangereux de dire que l'esprit est universel, c'est là ce que disent certains à propos de l'esprit, et c'est devenu une tradition.
57:32 D:Cela peut bien sûr être traduit en idée.
57:35 K:Evidemment, c'est bien là le danger dont je parle.

D:Oui. Mais ce que vous dites, c'est qu'en réalité il faut entrer
57:42 directement en contact avec cela pour le rendre réel - n'est-ce pas?
57:47 K:Bien sûr, c'est cela. On ne peut entrer en contact avec cela qu'en l'absence du moi. En termes très simples, et par conséquent quand le moi est absent il y a beauté, il y a silence, espace, et alors cette intelligence née de la compassion opère par le cerveau.
58:13 C'est très simple.

D:Oui. Mais il serait peut-être bon de discuter du moi la question est celle-ci, voyez-vous: le moi étant actif partout…

K:Je sais, mais cela est notre longue tradition, de siècle en siècle.
58:30 D:Existe-t-il alors, un aspect de la méditation
58:33 qui puisse être utile ici, quand le moi agit? Voyez-vous, supposons que telle personne dise: 'OK, je suis prisonnier du moi et je veux en sortir. Mais je veux savoir comment m'y prendre'.

K:Ah! Voyez-vous, c'est...

D:Au lieu de dire 'que dois-je faire' je demande: qu'en dites-vous?
58:52 K:Ah, c'est très simple. L'observateur est-il distinct de l'observé?
58:59 D:Bien, supposons que l'on dise: 'oui, il semble être distinct', alors?
59:03 K:Est-ce là une idée ou une réalité?
59:06 D:Que voulez-vous dire?
59:08 K:Il y a réalité quand aucune division n'existe entre
59:11 le penseur et la pensée.

D:Oui, mais si je dis: d'habitude on ressent l'observateur comme étant distinct de l'observé. Commençons par là.
59:19 K:Nous commençons par là. Je vais vous le montrer. Observez la chose. Etes-vous distinct de votre colère, de votre envie de votre souffrance? Vous ne l'êtes pas.
59:29 D:A première vue, il semble que je le sois et je pourrais chercher à maîtriser la chose.
59:34 K:Il ne s'agit pas de maîtriser. Vous êtes cela.
59:37 D:Oui, comment verrai-je que je suis cela?
59:40 K:Vous êtes votre nom. Vous êtes votre forme, le corps. Vous êtes toutes les réactions et actions. Vous êtes la croyance vous êtes la peur, vous êtes la souffrance et le plaisir. Vous êtes tout cela.
59:55 D:Oui, mais mon premier ressenti est: me voici ici, et ces choses m'appartiennent ce sont là mes qualités, que j'ai ou que je n'ai pas. Je puis être en colère, ou pas, avoir telle ou telle croyance.
1:00:08 K:Contradictoires. Vous êtes tout cela.
1:00:10 D:Mais ce n'est pas évident, voyez-vous. Quand vous dites que je suis cela, entendez-vous par là que je le suis
1:00:15 et ne puis être autrement?

K:Non, pour l'instant vous êtes cela. Il peut en être tout autrement.
1:00:20 D:Oui, OK. Je suis donc tout cela. Au lieu de dire, comme d'habitude, que j'observe ces qualités...

K:C'est cela.

D:...c'est-à-dire que moi l'observateur, j'admets que je suis la colère, mais je sens que moi, l'observateur, ne suis pas la colère mais plutôt un observateur impartial qui observe la colère.

K:Bien sûr.

D:Mais vous me dites que cet observateur impartial ne fait qu'un avec la colère qu'il observe.
1:00:45 K:Bien sûr. De même que lorsque je m'analyse, l'analyseur est l'analysé.
1:00:51 D:Oui, il est teinté par ce qu'il analyse.
1:00:53 K:Bien sûr.

D:Donc, si j'observe la colère pendant un moment je peux voir que je suis teinté par la colère donc a un certain stade, je dis OK je ne fais qu'un avec cette colère - n'est-ce pas?
1:01:07 K:Non, pas 'je ne fais qu'un' avec elle, vous l'êtes.
1:01:10 D:Mais cette colère et moi sommes confondus, n'est-ce pas?
1:01:12 K:Oui, l'observateur est l'observé. Et quand existe cette réalité vous avez réellement éliminé en totalité le conflit. Le conflit existe quand je suis distinct de ma disposition.

D:Oui parce que dès lors que je me sens distinct
1:01:34 je puis essayer de changer cela, mais comme je suis 'cela' 'cela' essaie de se changer soi-même tout en restant soi-même. N'est-ce pas?

K:Oui, c'est exact.
1:01:43 Mais quand la qualité est moi, la division a pris fin. D'accord?
1:01:51 D:Oui, mais quand je vois que la disposition est moi alors à quoi bon tout cela?
1:01:57 K:Non. Tout d'abord [je vois que] la disposition n'est pas moi, ensuite que cela comporte conflit, répression ou fuite et tout le reste c'est-à-dire un gaspillage d'énergie. Quand cette tendance est moi toute cette énergie auparavant gaspillée est là pour voir, observer.

D:Mais pourquoi cela fait-il une telle différence
1:02:27 que cette disposition soit moi?
1:02:29 K:Je suis en train de vous le montrer. Cela fait une différence quand il n'y a aucune division entre la disposition et moi.
1:02:37 D:Oui, quand il n'y a aucune perception de différence...

K:C'est cela. Inversez la chose.

D:...dès lors, l'esprit n'essaie pas de lutter contre lui-même. K - Oui, oui. En effet.

D:S'il y a l'illusion d'une différence, l'esprit se sent obligé de lutter contre lui-même.

K:Le cerveau.

D:Le cerveau lutte contre lui-même.
1:02:55 K:Oui, c'est exact.

D:D'autre part, quand il n'y a aucune illusion de différence
1:03:00 le cerveau cesse tout simplement de lutter.
1:03:02 K:De lutter, et l'on a donc une immense énergie.

D:Oui, l'énergie naturelle du cerveau est libérée.
1:03:08 K:Oui, oui. Et énergie signifie attention.
1:03:12 D:Oui. Voyez-vous, l'énergie du cerveau permet à l'attention...
1:03:16 K:Permet à cette chose de se dissoudre.
1:03:18 D:Oui, mais un instant: nous avons dit précédemment que l'attention était un contact entre l'esprit et le cerveau.

K:Oui Monsieur.

D:Mais le cerveau doit être
1:03:26 à un haut niveau d'énergie pour que ce contact ait lieu.
1:03:28 K:Exact. C'est la même chose.
1:03:30 D:A mon sens, un cerveau en état de basse énergie ne peut le permettre.

K:Bien sûr que non. Mais la plupart d'entre nous ont une faible énergie car nous sommes tellement conditionnés.
1:03:56 D:Donc vous dites essentiellement que c'est par là qu'il faut commencer.
1:04:02 K:Oui Monsieur. Commencez simplement.
1:04:04 Commencez par 'ce qui est', par ce que je suis. D'où l'importance de la connaissance de soi. La connaissance de soi n'est pas un processus cumulatif de savoir qui ensuite s'observe, c'est un apprentissage continu sur soi-même.
1:04:25 D:Oui, ce que vous appelez connaissance de soi n'est pas le savoir dont nous parlions plus tôt, qui est un conditionnement.
1:04:32 K:Oui, c'est exact. Le savoir conditionne.
1:04:35 D:Mais vous dites qu'une telle connaissance de soi ne conditionne pas. Mais pourquoi appelez-vous cela le savoir?
1:04:40 Est-ce un savoir d'une nature différente?

K:Oui, oui. Le savoir conditionne.
1:04:44 D:Oui, mais il y a cette connaissance de soi.
1:04:47 K:La connaissance de soi, c'est se connaître et se comprendre soi-même le soi-même est une chose si subtile, si complexe, c'est vivant.
1:04:57 D:C'est essentiellement se connaître à l'instant même où les choses ont lieu.
1:05:03 K:Oui, connaître ce qui est en train d'avoir lieu.
1:05:05 D:Au lieu de l'emmagasiner dans la mémoire.
1:05:07 K:Bien sûr. C'est seulement à travers les réactions que je commence à découvrir ce que je suis, et ainsi de suite. Je pense qu'il faudrait en rester là. N'est-ce pas?