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BR83T1 - Comment le cerveau peut-il se transformer lui-même?
1re causerie
Brockwood Park, Angleterre
27 août 1983



0:54 Je suppose qu'il me faut parler. Je suis heureux qu'il fasse si beau et j'espère que cela continuera toute la semaine. Tout d'abord, s'il est permis de le rappeler, ceci n'est pas un divertissement ce n'est pas une fête, ni une stimutation intellectuelle ni quelque ineptie romanesque ou sentimentale. Nous allons traiter du problème très, très complexe qui consiste à vivre ensemble dans ce monde - ce monde devenu presque fou; il y règne un tel chaos, une telle misère, la guerre qui menace. Et les religions ont joué un rôle très réduit dans tout cela, dans notre vie quotidienne. Et je pense que nous devrions ensemble... - ensemble, non que l'orateur parle de choses et d'autres - mais qu'ensemble nous pénétrions ces sujets non que vous écoutiez et que l'orateur parle de son côté, mais ensemble. Et donc, pour pouvoir travailler ensemble, penser ensemble percevoir ensemble et agir ensemble, il faut, semble-t-il écouter très attentivement, non seulement ce qui est dit mais encore écouter nos propres réactions à ce qui est dit nos réactions d'approbation ou de désapprobation nos impressions de restrictions, nos résistances, nos peurs et toute la complexité de nos réactions à toute forme de stimulation. L'acte d'écouter est donc très important dans la mesure où nous allons explorer ensemble, penser ensemble à tout le problème de notre existence quotidienne actuelle.
4:30 Nous sommes très circonscrits, limités. Nos cerveaux ont été tellement programmés et conditionnés tellement limités que nous sommes, pour la plupart, inconscients de ceci. Nous sommes conditionnés linguistiquement, que ce soit ou non le cas c'est là un sujet très sérieux sur lequel nous devrons nous pencher, si nous en avons le temps. Nous sommes conditionnés, façonnés par l'environnement, par la tradition par la religion, par la solitude de nos propres illusions, imaginations la solitude de nos propres aspirations, circonscrits, limités. Donc nos cerveaux - non que l'orateur soit un expert en la matière mais ayant écouté un grand nombre de personnes parler du cerveau spécialistes et autres on perçoit que tout au long de ce long processus d'évolution nos cerveaux sont très, très limités. Il semble que seule une toute petite partie de l'organe agisse, pense ou vive le reste demeurant en suspens. C'est ce que certains spécialistes ayant étudié la qualité du cerveau ainsi que son mode de fonctionnement ont énoncé.
6:25 Et l'on peut aussi voir par soi-même sans se reposer sur les experts, que notre vie est de bien faible portée. Nous nous préoccupons tant de nous-mêmes, de notre réussite des malheurs et de tout le désordre de notre propre existence limitée de la souffrance, la douleur, l'anxiété, des réactions diverses et variées qui découlent de nos préjugés, parti-pris, tendances. Tout cela conditionne en effet notre cerveau et nous n'avons donc jamais conscience de la totalité de la vie de la totalité de l'existence, si vaste, incommensurable et surpuissante.
7:50 Et si nous pouvions ensemble, ce matin, nous lancer facilement et joyeusement dans l'étude de la qualité de notre propre vie - si vous le voulez bien de la nature de notre comportement, et de tout le processus de notre pensée si nous pouvions nous pencher ensemble sur tout ceci. Et non seulement étudier, mais mettre en pratique l'objet même de cette étude. L'étude en elle-même a bien peu de sens. S'étudier soi-même, son environnement, l'état dans lequel se trouve le monde l'étude en soi, qu'elle procède d'une curiosité intellectuelle ou d'une quête d'informations, etc., a bien peu d'impact sur nos vies Mais si nous nous penchons sur nous-mêmes, sur notre façon de penser pourquoi nous pensons de telle façon, pourquoi les êtres humains qui vivent sur cette belle terre depuis tant de millénaires en sont toujours au même point: malheureux, violents, prêts à s'entre tuer pour quelque stupide raison. Si nous pouvions aborder ensemble tout ceci, et en procédant ensemble sur ce chemin, sur cette route qui n'a ni fin ni commencement alors, peut-être, notre rencontre ici sera-t-elle valable. Mais se contenter d'écouter année après année ou de lire sans mettre la chose en pratique, a bien peu de sens. C'est un gaspillage de temps et d'énergie.
10:29 Donc, si nous pouvions ce matin être assez sérieux, ne fut-ce qu'une heure pour regarder la totalité de ce monde dans lequel nous vivons, que nous avons créé. Cette société résulte de notre propre vie, si complexe. Vous êtes conditionnés par la santé, par l'environnement par notre culture, par le nationalisme, etc. Si nous ne rompons pas tout ce conditionnement nous continuerons à faire ce que nous faisons depuis des millénaires. Et donc la violence continuera, la corruption chacun à la recherche de sa propre réalisation, de ses propres ambitions isolé - et là où il y a isolement, il y a inévitablement conflit. Alors, pourrions-ous approfondir tout ceci, ce matin? Cette question est posée avec sérieux, car vous avez pris la peine de venir ici. Et il serait vain de se contenter de parler d'idées, d'expressions, de réactions alors qu'il s'agit d'approfondir ceci avec une formidable énergie, vitalité et de voir s'il est possible de briser ce conditionnement en sorte que le cerveau puisse disposer d'une immense capacité.
13:00 Il a déjà une capacité extraordinaire dans le domaine technologique celui des ordinateurs, de la biochimie, du génie génétique et de diverses autre activités destinées à affecter le cerveau de l'extérieur. Je ne sais si vous êtes au courant de tout cela. Les scientifiques de diverses disciplines tentent désespérément d'amener un changement dans l'homme. Et un tel changement a eu lieu de l'extérieur j'espère que nous nous comprenons. Ils s'efforcent par génie génétique de changer les gènes eux-mêmes pour faire de l'être humain tout autre chose que ce qu'il est. Et l'ordinateur est en train de prendre en charge peut-être, une grande part, de notre activité - là encore de l'extérieur. Les communistes s'y sont essayé, pour contrôler, changer l'environnement espérant changer l'homme par l'autorité, par la discipline par l'obéissance absolue, et ils n'y sont pas parvenus. Au contraire, il sont à la source d'une grande détresse dans le monde. Nous posons donc une question des plus fondamentales: est-il possible de ne pas être affecté par l'extérieur j'espère que nous comprenons cet usage du mot "extérieur" que cet extérieur soit dieu, la musique, l'art ou les lois extérieures promulguées par les gouvernements, etc tous ces agents extérieurs, sous divers modes et disciplines s'efforcent de contraindre l'homme à se conformer, à modifier radicalement ses comportements, afin que l'homme vive sans guerres, etc.
16:45 Alors que de l'autre côté ils se préparent à la guerre. Chaque gouvernement de par le monde est armé, prêt à tuer et se faire tuer. Ceci se déroule donc sans cesse autour de nous. Je suis sûr que nous sommes, pour la plupart, conscients de tout ceci.
17:16 Nous posons une toute autre question. Les religions ont essayé de changer l'homme, de l'adoucir par la peur, par la notion du paradis et de l'enfer, etc. Et elles n'y ont pas davantage réussi. Ce sont là des faits. Et non les fruits de l'imagination ou d'un parti pris de l'orateur. C'est bien ce qui se passe dans le monde qui nous entoure, où par propagande par divers procédés de biochimie, etc., on cherche à contraindre l'homme. Et cela n'a jamais réussi, et ne réussira jamais, car le psychisme est bien trop fort, bien trop rusé, extraordinairement capable. Donc vous et l'orateur demandez - ce n'est pas moi qui vous le demande vous posez cette question: étant donné qu'aucune influence extérieure y compris l'idée de dieu et les idéologies les conclusions dialectiques historiques de toutes sortes, n'ont changé l'homme est-il possible que les êtres humains changent radicalement fondamentalement, sans la moindre influence extérieure. Vous comprenez? Les gourous du monde entier n'y sont pas parvenus. Ils sont tous prétentieux et en quête d'argent. Ils peuvent être complètement écartés. Ils sont sans importance. Mais ce qui importe et qu'il est essentiel de demander est ceci: qu'est-ce qui fera que chacun de nous, qu'il soit intellectuel, scientifique artiste, ou qu'il ait d'autres formes d'activité puisse être fondamentalement, profondément capable d'amener une mutation dans les cellules cérébrales elles-mêmes? Ai-je clairement énoncé cette question?
20:21 L'autre jour, à New York, nous parlions à quelques scientifiques. Après une longue discussion - elle dura plus de deux heures je leur demandai: qu'est-ce qui amènerait une mutation dans les cellules cérébrales elles-mêmes, non de l'extérieur par génie génétique, biochimie, - vous suivez? - tout cela. Qu'est-ce qui changera les cellules cérébrales elles-mêmes qui ont été conditionnées pendant des millénaires? J'espère que vous vous posez cette question. Quelle serait votre réponse? Si vous êtes sérieux et convaincu et assez passionné pour poser cette question, quelle serait votre réponse? Si vous y aviez beaucoup réfléchi, vous diriez soit que c'est impossible, fermant ainsi la porte à toute recherche ultérieure ou bien vous diriez: je n'en sais vraiment rien, est-ce possible? Nous nous trouvons dans cette situation là. Nous ne fermons pas la porte en disant que c'est impossible: comment l'homme peut-il, lui qui a été si conditionné pendant des milliers et des milliers d'années par un savoir, une expérience immenses comment ce cerveau peut-il se transformer? Ce n'est pas possible! Si vous êtes sérieux et répondez: "ce n'est pas possible" vous avez alors complètement barré l'avenue de la recherche. Mais si vous approfondissez la question suivante: le cerveau qui a des aptitudes si extraordinaires dans une certaine direction et se trouve tellement limité, circonscrit, conditionné, programmé en tant que catholique, protestant, britannique, français et anglais vous savez bien, etc., ce cerveau peut-il être totalement libre pas libre de faire tout ce que vous voulez. C'est d'ailleurs ce que nous faisons en poursuivant nos propres plaisirs nos propres ambitions solitaires notre propre salut (pour ceux qui ont la tournure d'esprit religieuse) nos propres plaisirs et illusions solitaires. Cela, nous le faisons chaque jour de notre vie. C'est là un trait commun à toute l'humanité, qui poursuit ses propres illusions solitaires, ses stimulations, aspirations et idéologies. Et voilà ce qu'ils appellent la liberté. Assurémment, la liberté ce n'est pas cela. La liberté demande énormément de discipline. Comprenez bien, je vous prie, ce que nous entendons par ce mot. Nous allons le voir dans un instant la liberté implique une grande humilité une discipline intérieure innée, et du travail. Nous allons voir ces trois choses.
25:29 Nous sommes, pour la plupart, tellement arrogants car nous comptons tant sur notre savoir. Nous avons des certitudes; nos croyances nos conclusions, nos désirs sont si forts que nous avons perdu tout sentiment d'humilité profonde et naturelle ce qui, là encore, est un fait: avec quelle force un Français dit "je suis Français", ou quand vous dites "je suis Anglais". J'ignore si vous l'avez remarqué: "la race bénie des dieux" et chacun le ressent ainsi, quel que soit le pays. Un Indien nous parlait l'autre jour. Il disait: "notre culture est la première au monde". Nous sommes le peuple le plus civilisé. J'ai répondu: "Oui, vous êtes corrompus. Vous êtes superstitieux. Vos croyances n'ont pas la moindre valeur. Vos idéaux, votre religion ne sont qu'un tas de mots". Il dit "mais notre culture est quand même supérieure". J'ai répondu: "très bien". Non, non, ne riez pas, je vous prie. Ceci s'applique aussi à vous.
27:26 Ainsi, quand nous nous identifions à un pays, à certaines idéologies à des conclusions, des concepts, nous sommes alors incapables d'être humbles. Car ce n'est qu'en cherchant dans l'humilité que vous apprenez, découvrez. Et l'humilité est nécessaire. Vous voyez alors les choses telles qu'elles sont autour de vous, et en vous. Et la discipline consiste à observer continuellement à observer vos propres réactions, une observation continue en voyant la nature de la source de votre pensée... pourquoi vous réagissez de telle ou telle façon quels sont vos parti pris, vos préjugés, vos blessures, etc. L'observation continue amène sa propre displine naturelle, son ordre. Voilà ce que nous entendons par discipline. Il ne s'agit pas de conformité, de suivre un certain schéma que celui-ci émane de la société ou de vous-même mais de l'observation éternelle du monde et de vous-même. Vous voyez alors qu'il n'y a aucune différence entre le monde et vous-même. Ceci amène naturellement un sens de l'ordre. Par conséquent, l'ordre est discipline, et non l'inverse. Et le travail, non seulement le travail physique que nous devons malheureusement presque tous accomplir... - à l'exception des chômeurs dans ce pays-ci - mais encore le travail consistant à appliquer ce que vous avez vu de vrai à l'appliquer, sans laisser d'intervalle de temps entre perception et action. Si l'on voit, ainsi que l'orateur l'a vu il y a bien longtemps, comme enfant que le nationalisme était un poison... - j'espère que vous ne m'en voudrez pas de dire tout ceci - qu'il n'était plus un Hindou, il fonctionnait mais n'était plus un Hindou terminé toutes ces superstitions et tout ce fatra qui accompagne toute nationalité.
31:31 Il faut donc, pour vivre en paix sur cette terre en dépit des gouvernements, faire beaucoup de recherche. Vivre en paix demande une grande intelligence. Bien Monsieur? Pouvons-nous continuer ainsi? Il est facile pour l'orateur de parler de ces choses, car il s'agit de sa vie. Mais se borner à écouter ce qui est dit paraît si futile. Mais dès l'instant où vous mettez en pratique ce que vous avez pu voir de vrai - une mise en pratique immédiate - cela élimine alors tout conflit.
32:46 Le conflit n'existe qu'en présence d'un intervalle d'une division entre ce que vous voyez de vrai et tout ce qu'implique votre peur d'agir. Il y a alors un intervalle, un espace, un hiatus qui engendre le conflit. J'espère que vous comprenez tout ceci. Puis-je poursuivre? Ou est-ce que j'avance tout seul? Nous suivons-nous tant soit peu? Nous ne nous livrons à aucune propagande. Nous ne cherchons pas à vous convaincre de quoi que ce soit au contraire, il faut faire preuve de doute, de scepticisme, questionner non seulement ce que dit l'orateur mais mettre en question votre propre vie, vos propres croyances. Si vous commencez à douter, cela donne une certaine clarté. Cela ne vous procure pas un sentiment de grande importance de soi. Le doute est nécessaire à notre exploration à notre étude de tout le problème de l'existence. Et la question est de savoir s'il est possible aux êtres humains quelque peu névrosés, peut-être de voir si cette névrose peut être balayée s'ils peuvent devenir sensés, rationnels, et étudier avec un tel cerveau.
35:16 Nous cherchons à savoir si les cellules cérébrales peuvent, sans aucune influence extérieure... - ni gouvernementale, ni environnementale, ni religieuse etc. - peuvent amener une mutation dans les cellules du cerveau. Cette question est-elle claire? Nous posons-nous cette question? C'est là un problème sérieux. Il ne peut y être répondu par oui ou par non, par l'affirmative ou la négative. Il faut traiter cette question comme un tout; pas en tant qu'Anglais, que Français, ou au titre d'une stupide superstition religieuse ou selon votre propre discipline ou profession particulière. Il faut voir la vie comme un seul mouvement unitaire. Vous comprenez tout ceci? Si on fait cela, on commence alors par demander: est-ce possible? Et si l'on pose en effet cette question quelle différence cela ferait-il si quelques uns d'entre nous suscitaient en eux-mêmes une mutation? Quel effet cela aurait-il sur le monde? Vous savez, c'est la question courante. N'est-ce pas? Je pourrais changer, et vous pourriez changer. Quelques uns d'entre nous pourraient susciter une mutation mais quel effet cela aurait-il sur la masse des gens, sur les gouvernements arrêteront-ils les guerres, etc?
37:37 Je pense que c'est une fausse question qu'on pose là. C'est une fausse question. Car alors, vous ne faites pas la chose pour elle-même mais pour l'effet produit sur les autres. Après tout, la beauté n'a pas de cause. D'accord? Je ne m'y étendrai pas. Faire une chose pour elle-même, pour l'amour de la chose pourrait ou non avoir un effet extraordinaire. . Par exemple, nous parlons depuis une bonne soixantaine d'années malheureusement ou heureusement faut-il m'étendre davantage sur cette question? On pourrait demander: "comment cela a-t-il affecté le monde. Vous parcourez ce monde, cela a-t-il changé qui que ce soit?" Je pense que c'est là une question assez stupide. On pourrait demander: "pourquoi une fleur fleurit-elle?" "Pourquoi y a-t-il une étoile solitaire dans le ciel du soir?" Celui qui s'est libéré de son conditionnement ne pose jamais cette question. Car il y a en cela de la compassion; il y a là une grande intelligence.
40:01 Poursuivons donc. Pouvons-nous avancer, vous n'êtes pas trop fatigués?
40:22 Tout d'abord, sommes-nous conscients d'être conditionnés conscients, sans aucun choix, de ce que mon cerveau est conditionné? Ou admettez-vous ce qu'un autre avance, et dites ainsi: "mon cerveau est conditionné". Vous voyez la différence? Si je me rends compte que mon cerveau est conditionné c'est d'une toute autre qualité. Mais si vous me dites que je suis conditionné et qu'alors seulement je m'en rends compte cela prend un caractère très, très superficiel. J'espère que vous suivez tout ceci. Sommes-nous donc conscients d'être conditionnés... - en tant que Britannique, par nos expériences... - nous ne disons pas que c'est juste ou faux, nous allons le découvrir - par notre culture, par notre tradition, par notre environnement par toute la propagande religieuse: depuis 2000 ans pour la chrétienté ou 2500 ans pour le bouddhisme, peut-être plus longtemps pour l'hindouisme? En sommes-nous conscients? Si vous en êtes conscient, vous demandez alors: pourquoi?
42:26 Pourquoi le cerveau est-il conditionné? De quelle nature est ce conditionnement? Est-ce essentiellement de l'expérience et du savoir? Avancez lentement ici, je vous prie. L'expérience conditionne le cerveau, n'est-ce pas? Evidemment. Nous rencontrons-nous là? Expérience signifie savoir, n'est-ce pas? L'expérience est nécessaire à l'appentissage de la conduite. Vous entrez dans la voiture, la conduisez et acquérez par cette expérience un savoir, celui de la conduite automobile. Ecoutez attentivement s'il vous plaît: le savoir est-il le facteur fondamental de notre contitionnement? Le savoir étant la répétition d'une certaine tradition - d'accord? ...etc. Le savoir est nécessaire. Autrement, vous ne pourriez rentrer chez vous, ou conduire une voiture vous ne pourriez retourner à votre travail, si vous en avez un. Ainsi, le savoir dans le domaine physique est nécessaire. Mais le savoir conditionne aussi notre cerveau, le savoir étant la tradition le fait d'être programmé, comme c'est le cas, par les journaux, les magazines par la répétition continuelle que vous êtes Britannique, Britannique. Ou si vous vous rendez en France, c'est la même chose, Français, Français. Et si vous allez en Inde, là encore: Indien - cette répétition continuelle. Ainsi, le cerveau s'émousse, devient répétitif, mécanique. C'est peut-être là une façon sûre de vivre, mais elle comporte un énorme danger. Cette répétition de cultures, de pays divers est un processus qui isole, d'où la division d'où la guerre - ce n'est là qu'une des raisons de la guerre. Alors, nous rendons-nous compte de la programmation que subit notre cerveau?
46:28 Ne regardez pas les autres s.v.p., (rires) regardez-vous vous-même. Si l'on est conscient d'être programmé, conditionné, on demande alors "Est-ce le savoir?" Et apparemment, c'est bien le savoir. Alors, pourquoi vit-on ainsi psychologiquement pourquoi la structure du psychisme repose-t-elle essentiellement sur le savoir? Vous comprenez? Ai-je clairement énoncé la question? La psyché, le "moi", la personne est essentiellement un mouvement dans le savoir une série de savoirs, c'est-à-dire de souvenirs. D'accord? Nous sommes donc une série de souvenirs, n'est-ce-pas? Nous sommes donc mémoire. Cela vous agrée-t-il... Voyez-vous ce fait? Il ne s'agit pas d'être divin et, vous savez tout ce bla bla bla émis par les religions. Mais en réalité, il est un fait que nous ne sommes que des souvenirs. Quelle désagréable découverte, n'est-ce pas! (rires) Ou direz-vous: "non, il y a une partie de moi qui n'est pas la mémoire". Dès l'instant où vous dites cela, c'est déjà de la mémoire. Je ne sais si vous le voyez. Quand je dis: je ne résulte pas totalement de souvenirs cet énoncé même implique qu'il y a une partie de moi qui ne l'est pas. Et cette partie de moi, quand je la regarde, est aussi du souvenir. Les souvenirs sont le passé, se projetant peut-être dans le futur mais c'est toujours la mémoire. Ces souvenirs sont modifiés par le présent et se poursuivent dans le futur mais c'est encore une série de souvenirs.
49:37 Ne devenons pas sentimentaux à cet égard, je vous prie ce serait par trop insignifiant, ou romantique. Ce sont là des faits. Qu'êtes-vous sans souvenirs? sans tous les souvenirs de vos réussites, de votre femme de votre fils, votre frère, votre famille, de vos souvenirs de voyage de ce que vous avez fait, accompli? N'est-ce pas? Ils se situent tous dans le passé. Les souvenirs sont donc des choses mortes. C'est sur ces choses mortes que nous vivons. N'est-ce pas? Voyez tout cela. Je vous en prie, nous n'essayons pas de vous persuader de le regarder... Nous ne cherchons ni à vous persuader, ni a vous convaincre de quoi que ce soit. L'orateur n'est pas votre gourou. Alors, ne suivez personne, pas même l'orateur. Mais regardez ces faits.
51:26 La question qui se pose alors est celle-ci: est-il possible de vivre psychologiquement sans le moindre souvenir? Vous comprenez? Posez-vous cette question, s'il vous plaît. Mon frère, mon fils, ma femme, mon mari, est mort. Je me souviens de tous les incidents, des joies et tout ce qui s'en suit, la relation intime. C'est une vaste remémoration du passé, de la mémoire. Et je vis là-dessus. J'ai un portrait, des photos et il y a cette stimulation qui émane continuellement de la photo. Donc le "moi", la personne, l'ego est un mouvement d'identification au souvenir. N'est-ce pas? Je suis un Chrétien, un Hindou, un Bouddhiste... Nous sommes si terriblement attachés à nos identifications. C'est là notre conditionnement. Et quand vous voyez cela, pas verbalement, pas en tant qu'idée mais quand vous voyez le fait tel qu'il est, il y a alors action. Comme quand vous avez un violent mal de dent, l'action découle de sa présence. Mais si vous imaginez avoir mal aux dents, c'est alors un tout autre processus.
54:06 Voyons-nous donc clairement, sans persuasion sans y être acculés voyons-nous très clairement, par nous-mêmes, ce que nous sommes c'est-à-dire notre conditionnement, qui est notre conscience. Et voyant cela, que doit-on faire? Est-ce clair? Pouvons-nous poursuivre à partir de là? Il nous reste dix minutes. Avons-nous atteint ce stade? S'il vous plaît, avons-nous tous - ou quelques uns d'entre nous ont-ils atteint ce stade où l'on se rend pleinement compte que l'on est .conditionné, et que ce conditionnement est une vaste série de mouvements de souvenirs. Et les souvenirs relèvent toujours du passé la remémoration de choses du passé, projetées ensuite dans le futur modifiées par le présent, mais restant néanmoins un mouvement de souvenirs. N'est-ce pas? Et nous donnons à ces souvenirs le nom de savoir. N'est-ce-pas?
55:56 Ensuite, comment examine-t-on ces souvenirs? Vous comprenez ma question? Comment observe-t-on ces souvenirs? Nous avons des milliers de souvenirs. N'est-ce pas? Nous les accumulons depuis l'enfance souvenirs agréables, désagréables, ceux de nos aspirations de nos réalisations, souvenirs de douleur, de peur, de grande souffrance. Tout cela est du souvenir. Et voyez-vous ces souvenirs comme étant distincts de l'observateur?
57:14 Comprenez-vous ma question? Nous observons. J'observe que je suis une longue série de souvenirs. Je l'ai affirmé, je suis souvenirs; mais il y a en moi le sentiment que je ne suis pas que cela qu'il y a autre chose qui observe. N'est-ce pas? Suivez-vous? Sommes-nous ensemble, ici? Alors, l'observateur est-il distinct de l'observé? C'est un vieux thème. Vous êtes probablement nombreux à en avoir entendu parler. Vous dites "ah, voilà que vous nous ressortez cela". (rires) Mais quand vous prenez conscience de ce fait il se passe quelque chose d'extraordinaire rien de mystérieux, de parapsychologique, etc quelque chose qui met fin au conflit et qui importe plus que tout au monde.
58:52 Tant qu'existe cette division entre les souvenirs et l'observateur, cette division crée le conflit. N'est-ce pas? La division entre Arabes et Juifs entre les Britanniques et les Maldives - puis-je mentionner les Maldives? Bien. (Rires) Entre les Hindous et le monde Islamique. Là ou il y a division il y a nécessairement conflit. N'est-ce pas? Non, non, poursuivez ce sujet, je vous prie. Là ou règne l'action isolée, le plaisir solitaire isolé les aspirations solitaires, cette solitude est en elle-même un acte séparateur. Par conséquent, la personne même qui poursuit sa propre ambition son accomplissement personnel, ses aspirations, etc crée inévitablement le conflit, non seulement pour elle, mais pour les autres. De là découle la question suivante:
1:00:21 tout conflit niché au sein même de notre être, peut-il prendre fin? Car nous vivons avec le conflit. Vous direz peut-être: "Eh bien, toute la nature est en conflit. Le moindre arbre dans la forêt lutte pour trouver la lumière il lutte, force le passage en excluant les autres. Et les être humain, nés de la nature, en font de même". Si vous admettez cela, vous admettez du même coup toutes les conséquences du conflit les guerres, la confusion, la brutalité, la laideur de la guerre. Tant que vous serez un Britannique, un Français ou un Indien vous créerez inévitablement des guerres. N'est-ce pas? Mais nous voyons cela et ne faisons rien à ce sujet. Ainsi, mettre fin au conflit, c'est-à-dire
1:01:46 vivre avec cette paix, ce qui nécessite énormément d'intelligence revient à comprendre la nature du conflit. Je dois m'arrêter maintenant. Nous continuerons demain matin, vous voulez-bien? Excusez-moi d'arrêter ici. Ce n'est pas pour vous inciter à revenir demain. Q. Pouvez-vous dire quelque chose au sujet de l'apparition d'un souvenir
1:02:26 il semble venir de l'extérieur et alors vous réagissez. On se sent embarrassé, puis la mémoire revient, tout au moins chez moi. Vous comprenez? K. Ce Monsieur demande si la mémoire est extérieure, si elle vient de dehors.
1:02:44 Q. Il faut bien qu'il y ait un observateur pour réagir à ce souvenir...
1:02:48 K. Vous réagissez à ce souvenir et vous le renforcez
1:02:56 ou vous écartez ce souvenir. N'est-ce pas? Etes-vous distinct de la mémoire? Voyez-vous, c'est toute la question. Nous résultons de ce mouvement du dehors vers le dedans. D'accord? De l'intérieur vers l'extérieur. N'est-ce pas? N'avez-vous pas remarqué: c'est comme la mer qui se retire et puis revient. Nous avons créé cette société monstrueuse, et celle-ci nous contrôle. D'accord? Et nous essayons de changer cette société, par la loi, par les gouvernements par toutes sortes de grèves, etc., puis nous réagissons à cela. C'est donc un mouvement continu de l'extérieur vers l'intérieur de l'intérieur vers l'extérieur. N'est-ce pas? C'est un seul mouvement. Ce n'est pas un mouvement distinct - l'eau, c'est de l'eau. Elle se retire et revient. C'est de l'eau salée. Dès lors, la question qui découle de cela
1:04:26 est de savoir si ce mouvement peut arrêter l'action et la réaction. Vous suivez? Vous me frappez, et je vous rends le coup. Vous me haïssez, et je vous hais en retour. Je suis propriétaire de ce terrain et vous vous battez pour l'avoir. Et je me défends et contre attaque. Vous suivez? Cela fait des millions d'années que cela dure: le flux et le reflux de la réaction. S'il vous plaît, posez vous la question de savoir si ce mouvement peut cesser. Si cette guêpe me pique, je réagis, c'est naturel. Mais pourquoi devrais-je réagir si vous me flattez ou m'insultez? Donc, pour poser cette question..
1:05:46 de savoir si ce mouvement d'action réaction peut cesser pour y apporter une réponse, il faut l'approfondir énormément. Cela suffit-t-il pour ce matin?
1:06:02 Pouvons-nous nous lever?