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BR84T1 - Le pourquoi du conflit dans la relation
1re causerie
Brockwood Park, Angleterre
25 août 1984



2:01 Seigneur, qu'il y a de monde, n'est-ce pas?
2:24 Nous allons avoir quatre causeries et deux sessions de questions-réponses au cours des dix prochains jours. J'aimerais vous rappeler, s'il m'est permis que ceci n'est pas un divertissement. Ce n'est pas une chose à laquelle on va consacrer un jour ou une heure à écouter des causeries ou des questions-réponses alors que ceci est une affaire très, très sérieuse. Et si vous êtes venus ici par curiosité ou parce que vous avez vu quelque chose à la télévision, et avez envie d'écouter cet homme, cela ne suffit pas. Nous participons ici à une réunion .de personnes très sérieuses, tout au moins l'espère-t-on. Et nous ne cherchons nullement à vous convaincre de quoi que ce soit de quelques nouvelles théories nouvelles conclusions, nouveaux concepts ou idéaux que ce soit. Pour l'orateur, toutes ces choses sont véritablement abominables elles ne signifient rien dans la vie quotidienne. Et ces choses ne sont pas populaires. La popularité est on ne peut moins souhaitable. Ce qui importe, nous semble-t-il, c'est que nous examinions ensemble tant objectivement que subjectivement, tous les problèmes, les conflits les luttes, les douleurs, souffrances, peurs etc et ce pendant notre présence à ces causeries et questions-réponses. Veuillez garder à l'esprit, si l'on peut se permettre de vous le rappeler avec insistance, que l'orateur n'a aucune autorité en tant que personne. Ceci n'est pas ici un culte de la personnalité ni un sujet d'accord ou de désaccord. Car nous devons utiliser nos cerveaux avec raison, logique, bon sens. Sans dire "je vous apprécie, par conséquent je suis d'accord avec vous" ou bien, "vous êtes quelqu'un d'étrange et je ne suis donc pas d'accord avec vous" mais au lieu de cela, nous allons penser ensemble. Sans être ou non d'accord, mais en observant ensemble tout le phénomène de l'existence, de notre vie quotidienne notre façon de vivre, nos pensées, émotions, réactions.
7:09 Et étudier profondément tout le processus de notre façon de vivre de ce qui se passe extérieurement, dans le monde, objectivement et de ce qui a lieu intérieurement, subjectivement. C'est-à-dire psychologiquement si vous n'aimez pas le mot subjectif ou d'états psychologiques, sous la peau... - il ne s'agit pas de chair et d'os de sinus et ainsi de suite, mais de tout le domaine inexploré par chacun de nous bien que des spécialistes aient pu l'explorer superficiellement. Mais ensemble, et l'orateur dit bien ensemble, non pas qu'il aille parler en avançant certaines idées, mais ensemble nous allons observer ces événements extraordinaires de notre vie: les conflits les nombreux, très nombreux problèmes humains, les problèmes relationnels pourquoi les êtres humains sont-ils blessés, psychologiquement. Mais nous allons aussi parler ensemble de toute la question de la peur: voir s'il est du tout possible d'être délivré de la peur, en ne commençant pas par l'extérieur par l'objectif, mais subjectivement intérieurement, afin d'être entièrement libre de la peur. Et nous allons parler ensemble de la question du plaisir que recherchent diversement les êtres humains. Et aussi de l'énorme fardeau de la souffrance non seulement de la sienne propre, mais de la souffrance de l'humanité.
9:50 Et nous allons également parler ensemble de la question de la religion. Pas de celle qui est organisée, pas de celle en laquelle vous croyez ou ne croyez pas, mais de la question suivante: qu'est-ce que la religion quel est l'état d'un cerveau libre capable de percevoir ce qui est sacré, vrai. Et nous allons également parler ensemble de la mort qui est le lot de chaque être humain en ce monde. C'est là une certitude absolue. Et nous allons aussi parler ensemble de la méditation, etc.
10:46 Nous nous intéressons donc à la totalité de la vie et non à un seul de ses aspects. Ni à une seule de ses forme mais à l'ensemble de notre existence sur cette terre. Et nous allons aussi parler ensemble de ce qu'est la beauté. Sans beauté, il n'y a pas de vérité. Pas seulement la beauté extérieure, de l'environnement mais également le sens de ce qui est réellement beau. Nous allons donc ensemble sans la moindre forme de persuasion ni de séduction sans récompense ou punition, penser, observer ensemble entreprendre un très long voyage en nous-mêmes un long voyage objectivement dans le monde, et aussi subjectivement, intérieurement. Et pour pouvoir faire cela avec grand soin, minutie, précision il faut que prévale une qualité de doute de scepticisme, de questionnement sans jamais rien admettre, ni sa propre expérience ni celle d'un autre, ni aucun concept philosophique théorique ou idéologique. Si chacun de nous y est préparé, alors nous verrons par nous-mêmes combien c'est important, combien c'est sérieux que ce n'est pas une chose à laquelle on consacre un week-end et c'en est un long, paraît-il un jour chômé, au lieu de quoi appliquons nos énergies, et nous en avons le loisir pendant au moins une heure ou deux ce matin. Et parlons ensemble de ces problèmes.
14:00 Ce qui signifie qu'il faut écarter pour l'instant, si vous le voulez bien ou de façon définitive, ses propres préjugés, ses propres partis pris ses propres opinions obstinées ou non, parce qu'ils déforment empêchent, bloquent au moment où doit avoir lieu la perception précise. Pouvons-nous entreprendre ce voyage ensemble? Pas au prix d'un effort considérable mais plutôt de façon hésitante, à titre d'essai sans suivre qui que ce soit. Il n'y a pas de gourou et toute cette absurdité. Les sujets soi-disant psychologiques ou subjectifs ne souffrent pas d'autorité. Ni l'autorité de sa propre expérience l'autorité de son propre savoir (et tout savoir est limité). Nous allons voir tout cela. Ni obéir à quelques concepts. Tout ceci empêche naturellement une perception claire. Est-ce le moins du monde possible? Etre libre de ses propres conclusions, des concepts et images que l'on s'est construits pour se guider, ou des idéaux projetés par la pensée, en opposition ou en connivence avec le présent de sorte que le cerveau devient très clair actif, nous permettant d'observer de penser et d'entreprendre cette exploration du monde extérieur et en nous-mêmes.
17:20 Tel est le souci qui sous-tend toutes ces causeries et questions-réponses. Il n'y a aucune autorité en la matière. Chacun de nous est responsable de ses actes de ses pensées, de la façon dont il vit, etc. Et si nous voulons blâmer les autres, l'environnement, ou la société la société est telle que nous l'avons faite. La structure sociale est ce que les êtres humains ont construit au cours des siècles par leur ambition, par leur compétition leur agressivité, leur peur, leur plaisir et ainsi de suite. La société dans laquelle nous vivons, corrompue, se préparant aux guerres est la conséquence, le résultat de la façon dont nous vivons la façon dont nous pensons et ressentons, et ainsi de suite.
19:12 Au vu de tout ceci, est-ce que nous gaspillons nos vies? Gaspillage égale conflit... ..conflit dans lequel nous vivons perpétuellement dès l'instant de notre naissance jusqu'à notre mort, c'est un fait. Et les êtres humains n'ont jamais été capables de résoudre leur problème. C'est un sujet très complexe que celui de savoir si les êtres humains de par le monde y compris nous tous ici, peuvent jamais être délivrés de toute espèce de conflit. Ou bien est-il naturel que les êtres humains historiquement et actuellement aient à vivre en conflit tant intérieurement qu'extérieurement, dans des guerres perpétuelles, s'entretuant. Dans le passé, peut-être cinq ou six mille personnes se faisaient tuer maintenant, on peut vaporiser un million de personnes avec une seule bombe. Et cela s'appelle le progrès. Et chaque nation au monde accumule des armes, ce que vous savez tous fournies par ce pays-ci, dont 80% sont exportés par l'Amérique, la Russie, l'Allemagne et ainsi de suite.
21:38 Nous avons admis tout cela comme mode de vie naturel: conflit, boucherie mutilation, terrorisme et tout ce qui a lieu dans le monde. Et nous ne semblons pas nous en soucier. Nous disons que la lutte existe partout dans la nature. Il y a lutte dans la nature, conflit le tigre tuant l'antilope, et ainsi de suite. Il est donc naturel que les être humains s'entretuent, à cause de leur religion leur prétendue religion, leur croyance qui dit: vivez en paix aimez-vous les uns les autres, cela se dit depuis des milliers d'années avant même l'ère chrétienne. La chrétienté a probablement tué plus de monde que n'importe quelle autre organisation religieuse.
23:07 Nous avons donc accepté le conflit comme étant naturel, inévitable. Conflit l'un contre l'autre, l'homme, la femme. Et, au terme de ces 50.000 années d'évolution parvenus au point culminant de notre condition d'être humain prétendument sophistiqué est-il naturel, inévitable qu'il nous faille vivre dans le conflit - d'accord?
24:08 Pouvons-nous approfondir ceci ensemble et voir si nous pouvons réellement le comprendre en profondeur, pas verbalement ni intellectuellement, mais en voyant le fait qu'on est en conflit. Et voir s'il peut y être mis fin? Qu'est-ce que le conflit? Les idéaux engendrent-ils le conflit? Toutes les formes du futur et du présent sont-elles responsables de nos conflits? Le futur, on l'ignore, et le présent est le passé. Le passé est en conflit avec le présent et avec le futur. J'espère que l'on suit tout ceci. Le conflit est-t-il la dualité entre plaire et déplaire entre le bon et le mauvais, entre ce qui devrait être et ce qui est. Le conflit émane-t-il de ces facteurs? Il est un fait évident, pour peu que l'on soit sérieux et conscient que l'on vit dans le conflit. Depuis l'enfance, pendant les longues ou courtes années de l'existence le conflit semble être un des facteurs majeurs de la vie. Si l'on ne découvre pas pour soi-même la causalité de ce conflit se contenter d'en élaguer les expressions extérieures aura bien peu de sens. Quelle est la cause du conflit? Chaque fois qu'il y a une cause avec son effet quand cette cause est comprise en profondeur, pas seulement verbalement théoriquement ou intellectuellement, mais comme un fait de sa propre vie comprise en profondeur, alors la cause peut prendre fin. Et par conséquent le conflit peut prendre fin.
27:55 Donc ensemble, nous allons découvrir quelle est la cause du conflit. Sa cause, sa racine. Bien entendu, si vous admettez que le conflit est inévitable, naturel car les êtres humains ont vécu les derniers millénaires dans le conflit vous demanderez pourquoi n'en irait-il pas de même pour nous? Ce type d'argument, si je puis dire, est assez stupide et inepte. Mais si nous pouvions approfondir, examiner percevolr, pénétrer visuellement la causalité du conflit, alors peut-être, celui-ci finirait-il. Découvrir la cause ne résulte pas d'un processus d'analyse. L'analyse implique, n'est-ce pas, la présence de l'analyseur et de l'analysé. Celui qui dit :"je dois découvrir la cause de ce conflit" et qui commence à l'étudier comme si elle se trouvait à l'extérieur de lui-même, c'est alors cela qu'il analyse. L'analyseur n'est-il pas l'analysé? Veuillez approfondir un peu ceci, je vous prie.
29:54 Nous demandons: l'analyseur n'est-il pas... ou plutôt: l'analyseur est-il distinct de ce qu'il analyse? Qui est l'analyseur? Mis à part les psychologues professionnels les psychiatres et ainsi de suite ce que nous faisons maintenant, c'est comprendre la causalité du conflit. Ce conflit, sa cause, faut-il l'analyser? Si vous analysez la cause, alors l'analyseur, qui est-il? N'est-ce pas? L'analyseur est-il distinct de ce qu'il analyse? Comprenez-vous ma question? Est-ce que je parle tout seul? Tout ceci vous intéresse-t-il vraiment?
31:25 L'auditoire: Oui.
31:27 K: Je vous en prie, n'encouragez pas l'orateur. Il n'en vaut pas la peine. (Rires) Tout cela vous intéresse-t-il vraiment?
31:36 L'auditoire: Oui.
31:38 K: Non, je vous en prie, ceci est très sérieux, comprenez-vous? Ce n'est pas l'affaire d'une heure: il s'agit de votre vie de votre mode de vie, de toute la question de l'amour de la tendresse, de l'affectlon, cela comprend tout ceci. Il ne s'agit pas seulement d'être d'accord avec l'orateur, ce qui serait plutôt absurde. Si l'on est vraiment, profondément intéressé par ceci à savoir découvrir par soi-même, et non par l'orateur mais découvrir par soi-même la cause du conflit quand se produit cette découverte de la cause l'effet disparaît alors, car toute cause peut être changée. Si l'on a mal aux dents ou à la tête, il y a une cause à cela. Et quand vous découvrez la cause, cela disparaît. Il en va de même pour la recherche de la ou des causes de ce qu'on vit en conflit perpétuel, et le fait de creuser profondément la chose ne relève pas d'un processus d'analyse, car l'analyse implique l'existence d'une division entre l'analyseur et l'analysé et par conséquent un tel processus d'analyse comporte encore un conflit. J'espère que vous comprenez tout ceci. Mais il s'agit de pouvoir observer le fait ou de venir au devant de la réalité de la cause ce qui nécessite de l'attention de l'application, de ressentir profondément avec passion la nécessité de sortir de ce conflit; cela demande de l'énergie. Et l'analyse est un processus de gaspillage d'énergie. Est-il donc possible d'observer clairement, de percevoir
34:20 d'avoir une vision pénétrante (insight) de la causalité du conflit? Si nous pouvons en découvrir la causalité alors cette chose disparaît totalement l'effet, c'est-à-dire le conflit.
34:40 Donc nous essayons, ou plutôt nous demandons ceci: la cause est-elle la pensée? La pensée elle-même. Permettez que l'orateur expose ces choses ne soyez ni d'accord, ni en désaccord, nous allons les examiner. La cause est-elle ce sentiment de dualité qui nous anime la division entre ce que je suis et ce que je devrais être? Le "devrais être" est une projection de la pensée. Ainsi, on n'aime pas la façon dont on vit, ou bien celle-ci est douloureuse, par conséquent on projette le concept d'une meilleure façon de vivre, un idéal et l'on se conforme à cet idéal, d'où conflit. Le réel et l'idéal. Est-ce là la cause, ou une des causes du conflit? Ce qui signifie que nous ne confrontons jamais effectivement ce qui est évitant ou fuyant sans cesse une véritable observation de la réalité de la mesquinerie de notre vie, des idiosyncrasies, etc.
36:43 Observer sans aucun préjugé, sans aucune opinion sans l'arrière plan de sa propre culture, de son conditionnement est-ce possible? Ou n'est-ce donné qu'à un petit nombre, qu'à l'élite et par conséquent ce ne n'est pas une chose dont chacun peut se libérer? Comprenez-vous toutes ces questions? Ainsi, une des causes du conflit serait-elle le temps?
37:34 C'est-à-dire le futur, le présent et le passé? Comprenez-vous? Bien? Avançons-nous ensemble, même un tout petit peu? C'est-à-dire le passé, la totalité de notre expérience, savoir, tradition tout ce que nous avons appris, c'est-à-dire le savoir tout cet arrière fond qui forme le passé la tradition, qui agissent en ce moment constituent le présent, et le futur sera ce que nous sommes maintenant. N'est-ce pas? Demain est ce que je suis aujourd'hui peut-être légèrement modifié sur les bords sur la frange, mais demain sera ce que je suis effectivement maintenant. A moins, bien sûr, qu'il y ait un changement radical auquel cas demain est totalement différent. C'est-à-dire que tout temps est contenu dans le présent. Le passé, le présent et le futur. Tout cela est maintenant, n'est-ce pas? Donc le futur est maintenant. Le demain est maintenant. Et la pensée est-elle un des facteurs du conflit? Nous examinons, approfondissons la chose nous ne faisons pas de déclaration dogmatique. Nous demandons si la pensée, si tout le processus de penser est une des causes principales du conflit, dont la forme ultime est la guerre? N'est-ce pas? Il faut donc se pencher, comme nous l'avons fait, sur ce qu'est le temps. Le temps est le passé, le présent et le futur. C'est une série continue de mouvements associés. Donc le temps est le passé, le présent et le futur. Et ce temps est contenu dans le maintenant. Est-ce là un des facteurs du conflit, le temps?
41:22 Et nous demandons aussi: la pensée, tout le processus de penser tant objectivement que subjectivement, la fonction de penser est-elle aussi une des causes majeures de conflit? Et pour pénétrer cela il nous faut poser la question suivante: qu'est-ce que penser? Nous passons nos jours et nos nuits, et nos années à penser. Tous nos actes reposent sur la fonction de penser. Cette fonction de penser joue un rôle immense dans notre relation. Penser fait partie du processus de reconnaissance, du savoir. La fonction de penser a fait des choses extraordinaires objectivement, de la dernière bombe la bombe atomique, aux structures céramiques les plus complexes, aux grands bateaux de guerre, aux sous-marins, aux ordinateurs. La pensée a également apporté à l'humanité la grande médecine, la chirurgie, et ainsi de suite.
43:13 Il faut aussi se demander: qu'est-ce que penser? En posant cette question, êtes-vous en train de penser ou d'écouter la question "qu'est ce que penser" et d'observer le processus? Avez-vous compris? Non, ne soyez pas d'accord, s'il vous plaît. Quelqu'un vous demande: qu'est-ce que penser? Trouvez-vous immédiatement la réponse ou y travaillez-vous, vous mettez-vous en quête, ou écoutez-vous la question, vous comprenez? Ecouter implique qu'une qualité de silence doit-être présente lors de l'écoute, n'est-ce pas?
44:40 Nous demandons: qu'est-ce que penser? Vous ne vous êtes probablement jamais posé cette question ou peut-être les professionnels n'ont-ils pas écrit à ce sujet. Peut-être êtes-vous habitués à ce que les professionnels vous disent ce qu'est l'acte de penser, et puis vous le répétez. Mais ceci empêche toute recherche sur la fonction de penser on se contente de répéter, ce qui n'est pas penser. Qu'est-ce donc que penser? Quelle est l'origine de la pensée? La pensée qui a placé l'homme sur la lune, la pensée qui a divisé le monde en nationalités, la pensée qui a fait les guerres la pensée entre vous et votre femme, ou mari, fille ou garçon etc., qu'est-ce que cette énorme énergie de pensée? L'acte de penser n'est-il pas un processus de mémoire? N'est-ce pas? Un processus de mémoire. La mémoire est stockée dans le cerveau, elle vient avec le savoir. Le savoir est basé sur l'expérience. N'est-ce pas? Tout savoir scientifique est basé sur l'expérience sur les théories, les hypothèses. Il s'y ajoute toujours plus. Dans quelque domaine que ce soit, mathématiques, biologie aérodynamique, etc., dans tous domaines le savoir se fonde sur l'expérience. Le savoir s'additionne continuellement, s'accumule par conséquent l'expérience est limitée donc le savoir est limité, d'accord? Tant maintenant que dans le futur. Parce que le savoir est toujours limité. Ainsi, la mémoire est limitée, et donc la pensée est limitée. Tout ce qui est limité ne peut que causer le conflit, n'est-ce pas? Si l'on pense à soi du matin au soir, comme le font la plupart des gens pensant à leurs soucis, leurs problèmes, leurs sympathies et antipathies se souciant perpétuellement de leur propre personne c'est là une façon très très limitée de vivre et par conséquent ce qui est limité cause inévitablement le conflt. Quand en Grande-Bretagne ils disent: nous sommes "Britanniques" c'est très limité, et par conséquent ils sont perpétuellement en guerre, ils ont perdu des empires, vous connaissez toute cette affaire. La France est limitée, et ainsi chaque pays désirant la sécurité crée des frontières de pensées, de culture, de langage, et par conséquent il est limité. Donc toute forme de limitation doit inévitablement être cause de conflit. Et l'on trouve la sécurité dans cette limitation, n'est-ce pas? Car le cerveau est tout le temps à la recherche d'une forme quelconque de sécurité, que celle-ci soit illusoire ou réelle. Et la plupart d'entre nous cherchent celle-ci dans une forme quelconque d'illusion. Ce sont là des faits. Et ainsi la pensée étant toujours limitée elle a beau penser de façon expansive imaginer l'horizon sans limite, l'univers sans limite du fait qu'elle pense, qu'elle imagine, tout cela est limité.
50:31 Donc partout où il y a limitation, la guerre s'ensuit inévitablement il y a nécessairement conflit, parce que cette limitation divise, sépare. Sommes-nous ensemble ici, ne fut-ce qu'un petit peu? Alors, voyant cela, cesserez vous d'être Britannique cesserez vous d'être Allemand, Français, Indien et toute cette absurdité? Parce qu'alors votre cerveau est extraordinairement libre de limitations et il a alors une fantastique énergie. Donc la limitation est un gaspillage de vie. Comprenez-vous ceci? Quand on pense à soi-même, se demandant comment méditer comment devenir religieux, comment être heureux, n'est-ce pas comment être délivré de problèmes, tout cela est du "penser à soi". Ce "penser à soi" est très limité et par conséquent il y a toujours conflit dans notre relation. Par conséquent, la pensée et le temps, nous l'avons dit constituent la cause, l'une des raisons majeures du conflit. Si l'on comprend cela en profondeur, pas verbalement pas en se contentant de répéter ce qu'un autre a dit, mais par sa propre véritable perception, en en voyant la vérité cette perception même libère le cerveau du conflit.
52:58 Il en découle la question suivante: est-il possible, dans notre relation mutuelle, entre homme, femme, garcon, fille, vous savez tout le reste nous est-il possible de vivre une relation qui ne comporte pas l'ombre d'un conflit? Etes-vous fatigués? Pouvons-nous poursuivre?
53:43 Pour pouvoir comprendre cela, il nous faut examiner ce que sont en réalité nos rapports, en réalité, non ce que nous pensons qu'ils devraient être. Le fait tel qu'il est de nos rapports avec autrui entre homme et femme, homme et homme et ainsi de suite, quel est-il? Il nous est impossible d'exister tous seuls. Bien sûr, on peut se rendre dans un monastère ou partir pour un pays asiatique y compris l'Inde, et disparaître dans les montagnes en quête de quelque vérité ou de quelque gourou - toute cette absurdité. On ne peut vivre sur terre sans relation. La relation est ce qu'il y a de plus important dans la vie. Et dans cette relation, il y a conflit, mariage ou non mariage divorce ou non divorce, tout cela. Et que se passe-t-il en fait dans cette relation? Hormis les besoins sexuels de chacun .serait-ce que nous nous utilisons mutuellement, nous exploitant l'un l'autre, afin de satisfaire nos propres désirs nos propres besoins l'un vis-à-vis de l'autre? Et quel rapport y-a-t-il entre ce conflit et l'amour? Dans la relation? Les deux choses peuvent-elles coexister? La jalousie, l'antagonisme, chacun poursuivant son propre chemin chacun poursuivant ses ambitions, ses réalisations, ses besoins? Et se retrouvant sexuellement, ayant des enfants alors que le conflit se poursuit? Et tout cela peut-il prendre fin dans la relation? Donc encore une fois, quelle est la cause de ce conflit dans la relation?
57:09 Est-ce le désir? Est-ce l'obsession de se posséder l'un l'autre de dépendre l'un de l'autre: "Je ne puis vivre sans lui ou sans elle". Et cette dépendance implique donc la possession, la possessivité et là où il y a possessivité, il y a faiblesse, n'est-ce pas?
57:52 L'orateur est-il en train de raconter un conte de fées? Ou de décrire, d'énoncer des faits? Et ces faits démontrent qu'il n'y a pas d'amour. On peut bien parler d'amour, "oh, comme je l'aime" vous connaissez très bien tout cela. Et en cela il y a dépendance, attachement, peur, antagonisme progressivement jalousie - vous suivez? tout ce mécanisme de la relation humaine avec ce qu'elle implique d'angoisse de peur, de perte, gain, désespoir, dépression, vous savez bien. Ne connaissez-vous pas tout ceci? Vous êtes bien silencieux quand il s'agit de faits réels. Et comment tout ceci peut-il prendre fin de sorte que nous ayons une réelle relation réciproque entre homme et femme. Est-ce le fait de se connaître l'un l'autre? Je vous en prie regardez, examinez la chose. Je connais ma femme, ce qui vent dire quoi? Quand vous dîtes: "je la connais, c'est ma femme" qu'est-ce que cela signifie? Ou c'est ma petite amie, peu importe qui, en fait. Est-ce tout le plaisir, la douleur, l'anxiété la jalousie, la lutte avec des élans de tendresse occasionnels? Tout cela fait-il partie de l'amour? L'attachement est-il amour? Je pose ces questions, Messieurs, approfondissez les, découvrez. On est attaché à sa femme, terriblement. Qu'implique cet attachement? Que faute d'être auto-suffisant, je dois dépendre de quelqu'un qu’il s’agisse d'un mari d'un psychiatre ou vous savez, d’un gourou et toutes ces inepties! Là où il y a attachement, il y a peur de perdre. Là où il y a attachement, il y a un profond sentiment de possessivité qui engendre par conséquent la peur, vous connaissez tout cela.
1:01:50 Pouvons-nous donc examiner le fait de notre relation et découvrir par nous-mêmes la place qu'occupe la pensée dans cette relation. Comme nous l'avons dit, la pensée est limitée, c'est un fait. Et si la pensée joue un rôle prééminent dans notre relation la présence dans la relation de ce facteur limitatif ne peut qu'engendrer le conflit dans notre relation mutuelle. Le conflit existe entre l'Arabe et l'Israélien parce que chacun se cramponne... à son propre conditionnement, c'est-à-dire qu'il est programmé, chaque être humain est programmé comme un ordinateur. Je sais, cela peut paraître cruel, mais c'est un fait. Quand on vous dit depuis l'enfance que vous êtes un Indien appartenant à un certain type ou à une certaine catégorie sociale, religieuse vous êtes conditonnés, et pour le restant de votre vie vous êtes un Indien un Britannique, un Français, un Allemand ou ce que vous voudrez. Aimeriez-vous qu'on y inclut le Russe? Oui. Le voici donc.
1:04:00 Donc notre relation, qui devrait être la chose la plus extraordinaire dans la vie est une des causes du gaspillage de notre vie. Nous gaspillons notre vie dans notre relation. Il s'agit donc d'en voir réellement le fait, d'y consacrer son attention c'est-à-dire de comprendre en profondeur la nature de la pensée et du temps ce qui n'a rien à voir avec l'amour. La pensée et le temps sont un mouvement dans le cerveau. Et l'amour se situe en dehors du cerveau. Je vous en prie, approfondissez tout ceci avec grand soin car ce qui se trouve dans le crâne est très important: comment cela fonctionne, quels en sont les blocages pourquoi c'est limité, à quoi rime ce bavardage perpétuel pensées sur pensées, associations, réactions, réponses en série tout ce réservoir de mémoire, et la mémoire n'est évidemment pas l'amour. Par conséquent l'amour ne se trouve pas dans le cerveau, dans le crâne. Et quand nous nous bornons à vivre tout le temps à l'intérieur du crâne tous les jours de notre vie, pensant, pensant, pensant problème sur problème, c'est- à-dire à vivre dans la limitation ceci engendre forcément conflit et malheur.
1:06:57 On a entendu tout ceci, pour autant qu'on ait un peu écouté et que va-t-on faire à ce sujet? Allons-nous poursuivre nos vieux schémas? Ou, au vu de la réalité de notre vie quotidienne au vu des diverses classifications, divisions, limitations allons-nous les étudier, les poursuivre jour après jour sans jamais laisser échapper la moindre pensée avant de l'avoir comprise? Ou nous sommes-nous tellement habitués à tout, à notre religion à notre façon de vivre, acceptant toutes choses? En réalité, nous aspirons à une vie facile! Ce que nous voulons, c'est du réconfort, une certaine sécurité .tant extérieurement qu'intérieurement, biologiquement et objectivement. Nous ne demandons jamais s'il existe la moindre sécurité. Extérieurement, y a-t-il une sécurité dans une quelconque nation? Si la sécurité se trouve dans une communauté, dans un état coopératif ou sous une dictature totalitaire ou sous divers dictateurs, y a-t-il une sécurité en temps de guerre? A un moment ou un autre, ils perpétuent les guerres. La sécurité existe-t-elle extérieurement? La menace est là. Et intérieurement, psychologiquement, la sécurité existe-t-elle? Il est bien plus important de découvrir d'abord s'il existe intérieurement une profonde sécurité, une assurance, une protection, y en a-t-il? Qu'est-ce que la sécurité? Extérieurement, on peut bien avoir une assurance, une hypothèque vous savez tout cela; nous n'allons pas l'aborder. Il nous faut une sécurité extérieure une maison, un appartement, une tente un toit quelconque sous lequel on dort et l'on vit, des vêtements, etc. Cela, il nous le faut. Tout être humain au monde doit avoir cela. Et cela nous est refusé par le fait des nationalités, vous comprenez? des divisions: Grande-Bretagne, France, Inde, Russie, Amérique etc. Alors intérieurement, y a-t-il une sécurité? On peut inventer une illusion: Dieu, l'ultime illusion. Et l'on peut s'y cramponner, s'y accrocher. Et historiquement, nous avons vécu des millénaires et des millénaires dans cette illusion avec les prêtres, les rituels et tout cela, le pouvoir, n'est-ce pas? Pouvoir, situation, statut social extérieurement, c'est très important pour les gens qui veulent le pouvoir. Et le pouvoir est étrangement destructeur qu'il s'agisse d'un pouvoir politique du pouvoir religieux, ou du pouvoir sur votre femme ou mari ou du pouvoir du gourou - mon Dieu, vous vous rendez compte! C'est-à-dire du prêtre, et ainsi de suite.
1:12:40 Alors, où se trouve la sécurité chez les êtres humains? Posez-vous cette question, je vous prie. Pour l'être humain que vous êtes, qui vit sur cette terre si merveilleuse en train d'être lentement détruite, où se trouve la sécurité? La sécurité, cela signifie quelque chose de permanent, d'intangible qui n'est pas susceptible de disparaître, qui est ferme, solide, immuable. Existe-t-il une telle sécurité? Car le cerveau a besoin de sécurité sinon il ne peut fonctionner à son plus haut niveau. Mais il a découvert diverses formes de sécurité: les illusions, les idéologies, familles, nations, tribalisme diverses formes de sécurité extérieure mais jamais un être humain n'a découvert un état de profonde sécurité intérieure, durable, immuable. Et existe-t-il une telle sécurité? S' il y en a une si on l'a rencontrée, il n'y a alors plus la moindre peur. Cela, c'est intemporel. Alors existe-t-il une telle sécurité?
1:15:23 La pensée ne peut dispenser cette sécurité là car, comme nous l'avons dit, la pensée est limitée. Quoi qu'elle ait pu inventer, c'est toujours limité. Et nous avons vécu dans le domaine de la limitation de la pensée. Et il n'y a là aucune possibilité de ne jamais avoir la sécurité et par conséquent notre cerveau est toujours en train de chercher, de demander, de questionner d'exiger, d'avoir peur, d'être incertain, déprimé, vous suivez? C’est tout le processus de notre activité. Et la sécurité, il existe bien une sécurité. Mais cela demande une grande recherche. La sécurité dans la liberté. Pas la liberté par rapport à quelque chose: la liberté à l'égard de la peur, de l'anxiété et ainsi de suite. Tout cela est partiel, limité. La liberté n'est pas limitée. Existe-t-il une telle liberté? Et qui pose cette question? Est-ce le prisonnier qui demande s'il existe une telle liberté? Il ne peut découvrir une telle liberté que s'il quitte la prison. Mais nous voulons vivre dans la prison et pourtant nous réclamons la liberté. D'accord? C'est un fait évident. Nous aimons notre prison, ou nous en somme inconscients. Et quand on nous montre la prison, tout ce que l'on fait c'est d'essayer d'admettre les mots, vous savez, tout cela mais on ne brise jamais la prison, on ne la démolit jamais. Et quand il y a liberté, il y a intelligence. C'est de cette intelligence là que nous allons parler au fur et à mesure que nous avançons. Cette intelligence est en elle-même la sécurité absolue, inébranlable. Car elle ne dépend de rien, ni de l'environnement ni d'une personne, ni d'une quelconque idéologie. Donc nous avons commencé ce matin par parler ensemble de l'énorme problème
1:18:59 que constitue le fait de vivre, qui devient très très complexe. Et ce qui est très complexe doit être abordé très simplement. Non par un simple esprit, mais avec une qualité d'humilité et de simplicité. Pas la simplicité des vêtements et tout cela, mais la simplicité d’un cerveau qui entreprend un voyage et doit le poursuivre jusqu'à ce qu'il en découvre la fin.
1:19:50 Cela fait une heure un quart que nous parlons. Je pense que cela suffit pour ce matin. Nous nous rencontrerons à nouveau demain si vous le voulez et nous réprendrons là où nous en sommes restés.