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BR85T3 - La liberté et l’intérêt personnel
3e causerie
Brockwood Park, Angleterre
31 août 1985



1:03 Ces personnes ont fait appel à votre coopération et générosité et l'orateur peut-il aussi se joindre à l'appel? Je fais appel à vous pour discuter de choses ensemble.
1:34 Nous avons parlé du temps, de la pensée et de la peur. Et comme nous l'avons dit, ceci n'est pas une conférence sur un sujet particulier dont le but serait d'informer ou d'instruire. Il s'agit d'une conversation entre vous et l'orateur. Ensemble nous allons examiner tout ce que nous considérons comme important dans notre vie quotidienne, non seulement notre vie en tant qu'homme d'affaires, médecin ou professeur ou homme de sciences etc., ou si vous voulez appartenir à tel groupe, à tels gourous. Nous n'allons pas nous préoccuper des autres mais allons plutôt avoir une conversation dans laquelle il n'y a ni autorité, ni spécialiste. Nous sommes tous des hommes du commun. Et ensemble, nous allons discuter de ce que nous avons fait au cours des deux causeries précédentes et questions-réponses. Et nous allons aussi au cours de cette matinée plutôt pluvieuse et venteuse, je le regrette hier était une journée merveilleuse nous allons parler ensemble de la liberté de l'intérêt pour soi, du plaisir, de la douleur de la souffrance et de l'amour, ce matin. Et s'il nous reste du temps, nous parlerons également de la mort si cela vous convient.
4:22 Comme nous l'avons dit précédemment nous formons un groupe assez sérieux tout au moins en ce qui concerne l'orateur. Cela fait 70 ans ou davantage qu'il se consacre à cela. Se contenter d'écouter une ou deux causeries ou de lire quelques mots imprimées ne va pas résoudre nos problèmes, ne va pas nous aider. Et l'orateur ne cherche pas à vous aider. Soyez-en convaincus je vous prie, soyez assurés que l'orateur n'est nullement une autorité et n'est donc pas une personne vers laquelle vous pouvez vous tourner pour obtenir de l'aide. Il y en a d'autres qui pourraient vous aider. Et si vous voulez être aidés, alors si l'on peut se permettre très respectueusement de l'indiquer vous laissez la solution de vos problèmes au soin des autres et ils les résoudront selon leurs désirs leur intérêt pour soi, leur pouvoir, leur situation et tout cela. Nous sommes donc des hommes du commun discutant ensemble. Nous allons étudier ensemble confronter les faits et non les idées sur ces faits, mais les faits. Et non des idologies, elles n'ont aucun sens. Non des théories, des spéculations pour savoir qui est illuminé et qui ne l'est pas qui est - quoi donc - plus près de Dieu que vous mais nous allons ensemble aborder cette question de la liberté et du lien qui unit la liberté au temps et le temps à la pensée et à l'action. Car nous vivons par l'action, tout ce que nous faisons est action pas une action particulière, soit dans le monde des affaires .soit dans le monde scientifique soit dans le monde spéculatif, autrement dit philosophique. Nous allons plutôt regarder les choses telles qu'elles sont.
7:28 Il y a énormément d'anarchie dans le monde, de chaos de désordre, et qui a provoqué tout cela? C'est notre première question. Qui est responsable de tout ce gâchis que nous avons dans le monde économiquement, socialement, politiquement et ainsi de suite, tout cela menant à la guerre? Des guerres ont actuellement lieu, des guerres terribles. Et chacun de nous se rend-t-il compte non pas intellectuellement, mais effectivement dans notre vie quotidienne, la maison dans laquelle nous vivons non seulement la maison construite extérieurement par l'homme, mais la maison intérieure nous rendons-nous compte combien elle est en désordre, contradictoire combien peu de liberté nous avons. Ce mot liberté implique aussi l'amour pas seulement la liberté de faire ce qui vous plaît quand cela vous plaît, et où cela vous plaît. Mais nous vivons sur cette terre, nous tous et chacun est à la recherche de sa propre liberté, de sa propre expression de son propre accomplissement, de son propre chemin vers l'illumination, quel que soit le sens de ce mot de sa propre forme de religion, de superstition, de croyance, de foi et tout ce que cela entraîne d'autorité hiérarchique, politique, religieuse et ainsi de suite. Nous avons donc très peu de liberté. Et ce mot, dont se sert avec tant de liberté chaque psychopathe et chaque être humain, qu'il vive en Russie où la tyrannie est épouvantable ou dans le monde soi-disant démocratique chaque être humain, intérieurement, consciemment ou inconsciemment, a besoin de liberté de même que chaque arbre dans le monde a besoin de liberté pour pousser pour manifester cette qualité de dignité, d'amour. Et quel rapport y a-t-il entre la liberté et l'intérêt pour soi?
11:10 Je vous en prie, nous discutons de ces choses ensemble si je puis me permettre de le sougliner vous n'êtes pas en train d'écouter un orateur d'écouter un homme assis sur une estrade il n'a aucune importance. Et l'orateur l'entend bien ainsi. Il n'est pas important, l'orateur. Mais peut-être prêterez-vous l'oreille à ce qu'il dit comme le font deux amis discutant de choses très sérieusement. Nous demandons: quel rapport y a-t-il entre la liberté et l'intérêt pour soi? Où situez-vous la limite entre la liberté et l'intérêt pour soi? Et qu'est-ce que l'intérêt pour soi? Quel rapport a-t-il avec la pensée et le temps? Je vous en prie, toutes ces questions sont impliquées dans la liberté. Tenant compte que la liberté n'est pas la satisfaction de ses de ses propres ambitions, avidité, envie, etc qu'est-ce qui lie l'intérêt pour soi à la liberté? Savez-vous ce qu'est l'intérêt pour soi? L'intérêt pour soi peut se cacher sous chaque pierre de notre vie, n'est-ce pas? Parlons-nous ensemble? Etes-vous tout à fait sûrs que nous parlons ensemble? Nul ne domine, nous sommes tous assis au même niveau.
13:46 Qu'est-ce que l'intérêt pour soi? Peut-on étudier cela consciemment, délibérément? A quelle profondeur, à quel niveau de superficialité se niche-t-il où est-il nécessaire où est-il totalement sans objet? Vous comprenez ma question? Nous questionnons ensemble. L'intérêt pour soi a amené énormément de confusion dans le monde énormément de désordre, de confusion, de conflit. Que cet intérêt pour soi s'identifie à un pays à une communauté, à une famille, ou à Dieu avec ce que cela implique de croyances, de foi, etc., tout cela est intérêt pour soi, recherche d'illumination pour l'amour du ciel, comme si ça pouvait être recherché! L'intérêt pour soi se niche également dans cette recherche, et aussi quand vous construisez une maison prenez une assurance, une hypothèque. Et le commerce encourage l'intérêt pour soi. Et aussi toutes les religions: elles parlent de libération, mais l'intérêt pour soi passe avant. Et il nous faut bien vivre en ce monde, il nous faut fonctionner gagner de l'argent, avoir des enfants, mariés ou non. Et tout en vivant dans ce monde du 20ème siècle, à quelle profondeur ou à quel niveau de superficialité se situe notre intérêt pour soi? Il est important de se pencher là-dessus. L'intérêt pour soi divise les gens, n'est-ce pas? Nous et eux, vous et moi, mon intérêt s'opposant au vôtre l'intérêt de ma famille s'opposant à ceux de la vôtre, votre pays mon pays dans lequel j'ai investi énormément d'émotion et d'intérêt physique, pour lequel je suis prêt à me battre et à tuer, c'est-à-dire la guerre. Et, nous investissons notre intérêt dans des idées, dans la foi dans les croyances, les dogmes, les rituels, etc., tout ce cycle. A la racine, il y a énormément d'intérêt pour soi.
17:38 Dès lors, peut-on vivre chaque jour en ce monde avec clarté, avec intérêt pour soi là où c'est nécessaire (j'use prudemment de ce mot) là où c'est physiquement nécessaire, alors que psychologiquement intérieurement, il est totalement abandonné? Est-ce possible? Vous comprenez? Sommes-nous ensemble? Nous est-il possible, à chacun de nous qui vivons ici, dans une société très, très complexe compétitive, divisée par nos accords et désaccords par nos fois qui s'opposent l'une à l'autre cette grande division qui se poursuit tant individuellement que collectivement et vivant en ce monde, où traçons-nous la démarcation entre l'intérêt pour soi et l'absence de tout intérêt pour soi psychologiquement? Pouvons-nous faire cela? Vous pouvez en parler sans fin, de même que nous aimons nous rendre à des causeries et conférences pour écouter quelqu'un, mais ici il nous faut observer ensemble il vous faut non seulement vous écouter l'un l'autre verbalement, mais encore découvrir intérieurement, l'ampleur non seulement de mon propre intérêt mais totalement, pleinement où se cache l'intérêt pour soi. Et intérieurement, psychologiquement peut-on vivre sans un soupçon d'intérêt pour soi pour la personne, ce 'moi' qui est l'essence de l'intérêt pour soi? Un autre ne peut expliquer ou affirmer: ceci est de l'intérêt pour soi cela n'en est pas, ce serait terrible. Mais on peut le découvrir par soi-même en cherchant avec grande attention, pas à pas avec hésitation, sans tirer de conclusion, le découvrir par soi-même. Car personne ne va nous y aider. Je pense qu'il faut être absolument certain que personne ne va nous aider. Peut-être feront-ils semblant, et peut-être ferez-vous semblant, mais le fait est que au terme de ces 2 millions et demi d'années, ou 40.000 ans nous sommes toujours en quête d'aide et nous sommes coincés. Nous arrivons au bout de notre laisse.
22:06 Et dans cette recherche sur l'intérêt pour soi il nous faut également aborder la question suivante: qu'est-ce que la liberté, et la liberté implique l'amour. La liberté ne signifie pas l'irresponsabilité, faire exactement ce que l'on veut ce qui a amené tant de gâchis dans ce monde. Et aussi, qu'est-ce qui relie l'intérêt pour soi à la pensée? L'autre jour, nous avons approfondi la question du temps et aussi la pensée, l'acte de penser. Nous faut-il revenir brièvement sur le temps et la pensée, le faut-il? Il est vain de répéter sans cesse la chose cela devient plutôt monotone, tout au moins pour l'orateur. Il lui faut donc varier les mots, la façon de tourner les phrases, le silence entre les phrases, tout cela afin de lui éviter l'ennui. Mais si vous vous contentez d'écouter des mots et des mots sans agir, alors il ne nous restera que des cendres.
24:13 Comme nous l'avons dit, le temps fait partie de l'évolution du cerveau depuis deux millions et demi d'années. Le temps c'est aussi le lever et le coucher du soleil. Le temps, c'est aussi l'espoir: j'espère, on espère. Le temps c'est aussi le souvenir. Le temps est aussi tout le savoir, l'expérience que l'on a accumulés le savoir, tant scientifique que personnel collectif, racial et ainsi de suite. Le temps est la tradition. Et la pensée est basée sur le savoir qui est issu de l'expérience que cette expérience soit personnelle, collective raciale ou traditionnelle, c'est toujours le savoir. Et le savoir est toujours limité, qu'il se situe dans le futur infini ou l'infini passé, parce que le savoir se construit essentiellement à partir de l'expérience, qui apporte encore et toujours plus à ce qui est déjà connu. C'est là ce que font les scientifiques. C'est ce que nous faisons, ajoutant toujours, toujours plus. Donc le savoir est toujours limité, toujours. Le passé, le présent et le futur. Et le temps est un processus d'accumulation appelé savoir. Il nous a fallu du temps pour nous rendre sur la lune du temps pour élaborer la chose du temps pour y coopérer collectivement, etc. Donc temps/pensée ne sont pas distincts C'est un seul et même mouvement. Bien? Avançons-nous ensemble? Ou tout cela n'est-il que des mots?
27:06 Donc le temps n'est pas seulement le passé, le présent et le futur le présent modifiant le passé et par conséquent le futur le futur de demain est ce que je suis aujourd'hui. Donc maintenant, c'est-à-dire l'instant présent pendant que vous êtes assis là, en train d'écouter prêtant peut-être attention, le maintenant contient tout le temps. Ainsi, si l'on comprend profondément cela le changement n'a alors aucun sens. Vous êtes ce que vous êtes maintenant. Et il s'agit de rester avec cela, ne pas dire: 'j'espère changer cela'... ..'je vais devenir ceci, je suis violent mais plus tard je serai non violent.' Vous comprenez de quoi nous parlons? Sommes-nous ensemble ici? Ne soyez pas perplexes, c'est très, très simple. C'est vraiment terriblement simple si vous voulez bien le regarder. Aujourd'hui je suis violent. J'ai été violent pendant les derniers 2 millions et demi d'années, comme vous. Nous avons donc été violents, d'accord? Nous avons essayé de le masquer de le recouvrir de mots, d'explications de conclusions logiques, mais nous sommes toujours violents nous entretuant, nous blessant tant physiquement que psychologiquement, étant compétitifs, barbares, n'est-ce pas? Nous sommes des gens violents. Tout cela a lieu dans le monde les bombes, les terroristes et toutes les choses horribles qui sont faites aux animaux, à d'autres êtres humains. Ne savez-vous pas tout cela? D'accord? Nous savons tout cela. Nous sommes des gens violents. Si aucune transformation n'a lieu maintenant, à cet instant même à la seconde, demain vous serez toujours violents, n'est-ce pas? C'est logique, raisonnable. Prêtez un peu d'attention à cela, si vous voulez bien. Si je suis coléreux, haineux, antagoniste maintenant il en sera de même demain, n'est-ce pas? C'est évident! Donc le maintenant contient le passé, le présent et le futur. Ainsi, tout changement implique un mouvement dans le temps, d'accord? Je suis ceci, mais je serai cela. Cela signifie le temps ce qui signifie que je n'ai vraiment pas capté la signification du temps. Mais, si je demeure complètement avec 'ce qui est' sans le moindre mouvement à l'écart de la chose ce que j'observe, ce que je tiens, ce avec quoi je reste, c'est moi. La violence n'est pas distincte de moi. Je suis violent. La colère n'est pas distincte de moi, je suis la colère. L'avidité, l'envie, je suis cela. Mais nous l'avons séparé, par conséquent il y a conflit. Tout cela est très simple. Inutile de... Est-ce quelque peu clair entre nous? Ce n'est pas moi qui vous le rend clair. Vous le clarifiez pour vous-même il ne s'agit pas pour vous de comprendre ce qui est dit ou que l'orateur explique ce qu'il veut dire... ou que vous disiez: 'je ne vous comprends pas'. Vous ne comprenez pas l'orateur, vous vous comprenez vous-mêmes vous vous regardez, si vous n'êtes pas trop déprimé ni trop paresseux, ni trop préoccupé par des choses superficielles.
32:54 Donc temps/pensée, intérêt pour soi, dans tout ce cycle il n'y a aucune liberté, c'est évident. Là où il y a de l'intérêt pour soi, il ne peut jamais y avoir de liberté. C'est tellement évident. C'est si simple si vous voulez bien le regarder. Et plus c’est simple, plus c’est subtil plus la profondeur en est extraordinaire.
33:37 Nous devrions aussi parler ensemble de tout le processus d'acquisition avec ce qu'il a d'agréable, de gratifiant, d'accord? Etes-vous désireux d'aborder tout cela? Ne dites pas: ouais! (rires) C'est comme creuser la terre pour découvrir de l'or. On ne trouve pas d'or en grattant superficiellement la terre il faut creuser, il faut aller très profond. Pas tout là haut, dans le ciel. Mais vous êtes l'humanité entière comme nous l'avons dit l'autre jour. Il n'est donc pas nécessaire de vous adresser à autrui pour qu'il vous assiste, ou vous aide à creuser ni d'entrer en vous-même, vous êtes cela vous êtes l'humanité entière car ce que vous pensez, des millions d'autres y pensent pas à quoi ils pensent, mais l'acte de penser. L'acte de penser est commun à toute l'humanité qu'il s'agisse de scientifiques de Bouddhistes, de Tibétains, ou de Dieu sait quoi d'autre. Tous pensent. Ils éprouvent tous le plaisir, sexuellement ou le plaisir dans l'attachement, dans la possession le plaisir d'obtenir une situation, de l'argent. la gloire, la renommée, et tout cela. Et tous les êtres humains, quelle que soit leur race leur couleur, leurs préjugés, leur religion passent par le plaisir, la douleur, l'anxiété l'incertitude et la souffrance, n'est-ce pas? Il ne s'agit donc pas de votre propre souffrance de votre propre plaisir, mais du plaisir de l'humanité, n'est-ce pas? Nous avons toujours recherché le plaisr .physiquement, psychologiquement et si nous ne le trouvons pas là, nous inventons alors quelque chose d'ex-territorial, les petits hommes verts! Excusez-moi d'en rire. Le plaisir dans l'acquisiton, la possession: je vous possède, vous me possédez; pensez-y, observez la chose. Et ce plaisir est toujours assombri par la peur. Donc plaisir, peur, intérêt pour soi, temps pensée, tout cela n'est qu'un seul mouvement et non des mouvements séparés, n'est-ce pas?
37:55 Et nous devrions également nous pencher sur ce que souffrir signifie pourquoi l'homme souffre-t-il depuis des temps immémoriaux. Tout a été fait sur cette terre bénie pour échapper à la souffrance non seulement à la souffrance physique mais encore bien plus à la souffrance psychologique. Et, en dépit de toutes les religions - dont une en particulier pratique le culte de la mort de la souffrance, comme cela se fait dans le Christianisme d'autres religions ayant d'autres échappatoires - jamais jamais l'homme ou la femme n'ont résolu ce problème. Ils le supportent, le tolèrent cela les mutile, ils en deviennent psychopathes, versent des larmes. Et la souffrance est notre lot commun à tous, sous des formes diverses. Ou elle s'exacerbe ou vous vous contentez de pleurer la gardez pour vous et continuez votre chemin. Et l'on continue toujours à s'entretuer, n'est-ce pas? Des milliers, des millions et des millions ont versé des larmes, quelle brutalité dans tout cela l'insanité des guerres, la fabrication des armes alors que des millions et des millions meurent de faim inutile d'aborder tout cela. Tout cela est très clair. Une nationalité combattant une autre nationalité un autre groupe d'êtres humains comme vous-mêmes; vous aurez beau vous prétendre Britanniques, Indiens, peu importe l'étiquette vous êtes avant tout des êtres humains. Nous demandons donc: y-a-t-il une fin à la guerre
41:02 disons plutôt à la souffrance, pas à la guerre. Tant que nous sommes séparés en tant que famille, communauté ou clique, en tant que nation, religion, et ainsi de suite cette division va toujours, perpétuellement créer le conflit. Vous et moi, nous et eux. C'est le jeu auquel nous nous livrons. C'était d'abord tribal, limité, et maintenant c'est global. Nous nous demandons donc, y a-t-il une fin à la souffrance? Posez-vous sérieusement cette question. Car là où il y a souffrance, il ne peut y avoir amour. Il peut y avoir sympathie, pitié, tolérance, empathie mais générosité, pitié, sympathie ne sont pas l'amour. L'amour peut contenir tout cela ou avoir tout cela, mais les parties ne font pas le tout. Vous pouvez bien cumuler sympathie, empathie bonté, générosité, amitié, mais l'amour n'est pas cela. Alors y a-t-il une fin à la souffrance?
43:03 Et il faut une énorme énergie pour pouvoir pénétrer la chose et ne pas se contenter de dire: 'j'y réfléchirai'. Penser pourrait être le facteur de la souffrance. Mon fils est mort, j'ai sa photo sur la cheminée ou sur le piano, dans un cadre en argent, je me souviens. Le souvenir est un processus de penser. Bien sûr. Penser à ce coucher de soleil dont jouissions tant ensemble quand nous marchions ensemble dans la forêt riant, sautant, et il s'en est allé mais son souvenir demeure. Et ce souvenir pourrait être le facteur de la souffrance. Je ne veux pas admettre que mon fils est mort, qu'il est parti. Admettre un tel fait, c'est admettre la solitude absolue. Et nous ne voulons pas faire face à ce fait d'être totalement seul. Je cherche donc quelqu'un d'autre sur qui je compte pour mon bonheur, ma satisfaction sexuelle ou autre, je me tourne vers un autre. Et je recommence à nouveau le même jeu. Mais je n'ai pas mis fin à la souffrance - pas moi l'orateur mais nous n'avons pas mis fin à la souffrance. La souffrance n'est pas seulement la pitié, l'intérêt pour soi mais également la perte de ce que j'ai eu, la perte l'échec de n'avoir pas réussi, de n'avoir pas accompli de n'avoir pas acquis ce que je recherchais pas seulement physiquement, mais psychologiquement, intérieurement. La souffrance implique tout cela, et bien davantage. Et nous nous demandons - personne ne pose cette question ni ne vous lance ce défi, mais vous vous le demandez à vous-même - si la souffrance peut prendre fin. Pas seulement la souffrance qui se trouve en soi-même mais aussi la souffrance de l'humanité dont vous faites partie. Ce qui signifie ne pas tuer autrui ne pas blesser psychologiquement autrui. Oui, Messieurs! Comme nous l'avons dit, là où il y a souffrance il ne peut y avoir amour. C'est un fait.
47:18 Nous devrions donc étudier, ou plutôt regarder, ce qu'est l'amour. Ce mot a été tellement utilisé, on a craché dessus, on l'a sali, enlaidi. 'J'aime mon pays,' 'j'aime mon dieu' 'je suis toute dévotion, je prie pour l'amour'... N'est-ce pas? 'On ne m'aime pas, mais je veux être aimé' - l'amour de la poésie. L'amour est-il sensation? Je vous en prie, posez-vous toutes ces questions. L'amour est-il une continuation et un souvenir du plaisir? L'amour est-il désir? Savez-vous ce qu'est le désir? Puis-je aborder cela brièvement? Qu'est-ce que le désir qui vous entraîne et vous enchaîne, vous déchire qu'est-ce que cette chose qu'on appelle le désir? Il ne s'agit pas de le réprimer, ni de le transmuer ou d'en faire quelque chose mais, qu'est-ce que le mouvement du désir, comment survient-il? Etes-vous en train de vous poser ces questions ou voulez-vous que l'orateur vous explique cela? Pour l'amour du ciel! Approfondissons cela.
49:43 Nous vivons de la sensation, qu'elle soit physique ou psychologique. La sensation fait partie de la réaction, de la comparaison, etc... Je sens, je ressens, je sens l'atmosphère, bonne ou mauvaise. La sensation, n'est-ce pas? Cette sensation s'éveille par la vision, le toucher, l'audition et que se passe-t-il après la sensation? Oh, allons Messieurs! La pensée survient et se sert de cette sensation comme d'une image. Je vois une jolie maison, ou un jardin ou un beau tableau, un meuble ou une jolie femme et il y a sensation, vision, observation. L'observation, le contact, puis vient la sensation. S'il n'y a pas sensation, nous sommes paralysés comme c'est le cas pour la plupart d'entre nous! Nous sommes paralysés si nous n'avons pas de sensations dans nos jambes dans nos mains et tout le reste. Il y a donc sensation; que se passe-t-il alors? La pensée se saisit de la sensation et en fait une image, n'est-ce pas? Je vous vois bien habillé, propre, en bonne santé brillant, bon, un bon cerveau, et tout le reste. Je vois cela, la façon dont vous parlez dont vous faites ceci ou cela, et ainsi de suite. La pensée dit alors: si je pouvais être comme lui, ou comme elle. A cet instant même, le désir est né, n'est-ce pas? Il y a sensation, puis désir, puis la pensée qui donne forme à cette sensation. Et s'il y a un intervalle entre la sensation et la pensée vous pouvez alors approfondir bien plus la chose, mais pas maintenant. Vous comprenez? Sommes-nous tant soit peu ensemble ici? Voyez-vous, Messieurs, notre difficulté est que nous sommes si compliqués dans notre façon de penser que nous voulons toujours, découvrir, regarder, regarder trouver une réponse à nos problèmes des solutions et: 'comment dois-je m'y prendre?' Nous ne sommes jamais simples. Pas physiquement, pour l'amour du Ciel ne réduisez pas cela à se procurer un peu de nourriture ou quelques vêtements, ou à prendre un repas et tout cela. Comment s'appelle cette sorte de nourriture J'ai oublié son nom, vous savez cela vient du Japon, comment cela s'appelle-t-il?
53:48 L'auditoire: la macrobiotique.

K: la macrobiotique. C'est cela. C'est une véritable folie! (rires) De même qu'on devient fou de yoga, et tout le reste le Taï-Chi, vous savez, nous jouons. Nous, nous ne jouons pas. Il ne s'agit pas d'une fantaisie. C'est une chose qui vous épingle. C'est là notre vie, notre petite vie quotidienne, solitaire, laide.
54:37 Alors qu'est-ce que l'amour? L'amour peut-il exister en présence de la haine, la peur, la compétition et la comparaison, là où il y a conformité, accord, désaccord? Approfondissez tout cela, Monsieur. Ou l'amour n'a-t-il rien à voir avec tout cela? L'amour se loge-t-il dans le cerveau, dans le crâne? Ou se situe-t-il totalement au-delà de la pensée et du temps? Et là où il y a intérêt pour soi, il ne peut y avoir amour. Bien sûr, Monsieur, on peut voir cela par soi-même. Alors quel rapport l'amour a-t-il avec la souffrance? Et l'amour peut-il être compassion pas seulement 'je vous aime, vous m'aimez'. L'amour n'est ni à vous, ni à moi, c'est l'amour. N'est-ce pas? Je puis être marié, avoir des enfants, la sexualité et tout le reste. Tout cela peut bien inclure la tendresse, la générosité la politesse, la gentillesse, la tolérance mais cela n'est pas l'amour. Donc la compassion et l'amour ne sont pas distincts, ils font un. Alors peut-on vivre ainsi? Vous comprenez? Peut-on avoir cela dans sa vie? Pas dans des moments d'abstraction ou des moments où l'on est assis seul, sur le canapé ou tout en marchant dans les bois: un éclair, une odeur, un parfum semblent pendant un instant transformer toute son existence. Peut-on vivre quotidiennement avec ce parfum? Car cette compassion a sa propre intelligence. Pas la compassion de celui qui part en Inde ou en Afrique, pour y effectuer un travail de missionnaire, ou pour aider les pauvres, les désespérés, cela n'est pas l'amour. Là où il y a amour, il y a liberté absolue non de faire ce qu'il nous plaît, non de s'affirmer soi-même ou de convertir les autres et toutes ces stupidités. Cette intelligence là n'est donc pas
58:43 l'intelligence de la pensée, n'est-ce pas? Il faut énormément d'intelligence une somme d'intelligence incroyable pour se rendre sur la lune pour construire un sous-marin, ou un ordinateur, n'est-ce pas? C'est là une intelligence partielle. Chez l'homme de sciences, le peintre, le poète la personne ordinaire qui fait du pain c'est de l'intelligence partielle et non l'intelligence totale. Et cette intelligence holistique toute la qualité de cette intelligence là ne peut survenir qu'avec la fin .de la souffrance, avec l'amour, et cela agit non par une action partielle suscitée par la pensée et le temps.
1:00:19 Pouvons-nous nous lever? Ou allons-nous rester assis sans bouger? Il n'est pas possible de se tenir par la main, mais on peut rester assis tranquillement pendant quelques minutes. On y va? L'auditoire: oui.

K: bien. Sans méditer. (rires) Assis tranquillement. (Longue pause) Voulez-vous bien vous lever? L'orateur se lèvera ensuite.