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CL68CHS - L’autorité est destructrice
Entretien avec Huston Smith
Claremont, Californie, USA
15 novembre 1968



1:00 S: I am Huston Smith, professor of philosophy at the Massachusetts Institute of Technology, and I invite you to a conversation arranged by the Blaisdell Institute of Claremont, California, with Krishnamurti, who was raised by Annie Besant and the Theosophists to be a World Teacher, and who, though he discarded the mantle of Theosophy, did indeed become a sage of our century, one whose voice is heard as much by the youth of today as throughout the world for the last sixty years. Je suis Huston Smith, professeur de philosophie à l'Institut de Technologie du Massachusetts et je vous invite à un entretien – organisé par l'Institut Blaisdale de Claremont en Californie – avec Krishnamurti, qui fut élevé par Annie Besant et les théosophes pour être Instructeur du Monde, et qui, bien qu'il ait quitté le couvert de la théosophie, est effectivement devenu un sage de notre siècle, écouté tout autant par les jeunes d'aujourd'hui qu'il l'a été par le monde entier depuis soixante ans.
1:38 Krishnamurti, maybe this morning I will have only one question which in one way or another I will be coming back to in various ways. In your writings, in your speaking, time and again you come back to this wonderful little word, ‘lucid and lucidity’, but is it possible, living as we are in this confused and confusing world, torn by conflicting voices without and conflicting passions within, with hearts that seem star-crossed and tensions that never go, is it possible in such a life, in such a world, to live with total lucidity? And if so, how? Krishnamurti, ce matin, je n'ai peut-être qu'une seule question à laquelle je reviendrai sous différentes formes : dans vos écrits, dans vos causeries, inlassablement, reviennent ces merveilleux petits mots : 'lucide' et 'lucidité'. Mais est-elle possible? Nous vivons dans ce monde troublé et troublant, tiraillés au dehors par des voix discordantes, tiraillés en nous-mêmes par des passions contradictoires, avec des cœurs malchanceux et des tensions perpétuelles : nous est-il possible, dans ce genre de vie, dans ce genre de monde, de vivre en toute lucidité? Et si oui, comment?
2:33 K: I wonder, sir, what you mean by that word ‘lucid’. I wonder whether you mean clarity. K: Je me demande, Monsieur, ce que vous entendez par 'lucide'? Voulez-vous dire : 'clarté'?
2:49 S: That's what first comes to mind, yes. S: Oui, c'est ce qui me vient spontanément à l'esprit.
2:54 K: Is this clarity a matter of intellectual perception, or is it a perception with your whole being, not merely a fragment of your being, but with the totality of one’s whole being? K: Cette clarté est-elle une perception intellectuelle ou bien est-ce une perception de tout votre être, pas seulement d'un fragment de votre être, de la totalité de votre être?
3:18 S: It certainly has the ring of the latter, it’s the latter. S: Cela semble bien être la seconde, c'est celle-ci.
3:21 K: So it is not fragmentary, therefore it is not intellectual or emotional, or sentimental. And so is it possible in this confused world, with so many contradictions, and such misery and starvation, not only outwardly, but also inwardly, such insufficiency, psychologically – outwardly there are so many rich societies – is it at all possible for a human being living in this world to find within himself a clarity that is constant, that is true in the sense not contradictory, is it possible for a human being to find it? K: Alors, ce n'est pas fragmentaire, donc ce n'est pas intellectuel, ou émotionnel, ou sentimental. Alors, est-il possible, dans ce monde incertain, si plein de contradictions, si misérable, si affamé physiquement et moralement, si impuissant psychologiquement – quand dans le monde il y a tant de sociétés riches – est-il vraiment possible à un être humain vivant dans ce monde de trouver en lui-même une clarté qui soit constante, qui soit vraie, qui ne puisse pas être contredite? Un être humain peut-il la découvrir?
4:28 S: That’s my question.

K: Your question. I don’t see why not. I don’t see why it shouldn’t be found by anybody who is really quite serious. Most of us are not serious at all. We want to be entertained, we want to be told what to do, we want someone else to tell us how to live, what this clarity is, what is truth, what is God, what is righteous behaviour and so on. Now if one could discard completely all the authority of psychological specialists, as well as the specialists in religion, if one could really deeply negate all authority of that kind, then one would be relying totally on oneself.
S: C'est ma question

K: C'est votre question. Pourquoi pas? Je ne vois pas pourquoi elle ne pourrait pas être trouvée par quiconque est vraiment tout à fait sérieux. Pour la plupart, nous ne sommes pas sérieux du tout. Nous voulons qu'on nous amuse, qu'on nous dise quoi faire, nous voulons qu'un autre nous dise comment vivre, ce qu'est la clarté, ce qu'est la vérité, qui est Dieu, ce qu'est une conduite juste, etc. Maintenant, si l'on pouvait renoncer totalement à toute l'autorité des spécialistes en psychologie, comme à celle des spécialistes en religion, si l'on pouvait vraiment nier en bloc toute autorité de ce genre, on compterait entièrement sur soi-même.
5:46 S: Well, I feel I may be right off, I am contradicting what you are suggesting because my impulse after you have said that it seems to you that it is possible to achieve this lucidity, my impulse is to ask you immediately, how? S: Là, je n'y suis plus, je suis en contradiction avec ce que vous suggérez car mon réflexe, dès que je vous entends dire qu'il est possible, d'après vous, d'atteindre cette lucidité, mon réflexe est de vous demander immédiatement : comment?
6:02 K: Wait, sir. K: Attendez, Monsieur...
6:04 S: But you say, am I looking to authority if I do that? S: Diriez-vous que je recherche une autorité?
6:07 K: No, no. What is necessary is the freedom from authority, not the ‘how’. The ‘how’ implies a method, a system, a way trodden by others, and someone to tell you, 'Do this and you will find it.' K: Non. Ce qu'il faut c'est être libre de l'autorité, pas 'comment'. 'Comment' implique une méthode, un système, suivre le sentier battu par d'autres, et quelqu'un qui vous dise : 'Faites ceci et vous trouverez'.
6:32 S: Now, are you saying with this that it is an inappropriate question to ask you how this lucidity is to be achieved? S: Est-ce que cela veut dire que c'est une question inappropriée de vous demander comment atteindre cette lucidité?
6:40 K: Not at all, but the ‘how’ implies that: a method, a system. And the moment you have a system and a method, you become mechanical, you just do what you are told. And that’s not clarity. It is like a child being told by its mother what it should do from morning until night. And therefore it becomes dependent on the mother, or the father, whatever it be, and there is no clarity. So to have clarity, the first essential thing is freedom – freedom from authority. K: Non, pas du tout, mais 'comment' implique une méthode, un système. Et, dès que vous avez système et méthode, vous devenez mécanique, vous faites ce que l'on vous dit de faire. Et ce n'est pas la clarté. C'est comme un enfant à qui sa mère indique du matin au soir ce qu'il doit faire : le résultat est qu'il devient dépendant de la mère, ou du père, peu importe. Il n'y a pas de clarté là-dedans. Pour la clarté, la chose essentielle et première est la liberté – être libéré de l'autorité.
7:29 S: And I feel in a kind of bind, because this freedom is attractive too and I want to go towards that, but I also want to pick your mind and ask you how to proceed? Am I moving away from my freedom if I ask you how to proceed? S: Je me sens dans un dilemme car cette liberté est attirante aussi, et c'est là que je veux aller, mais je veux aussi capter votre pensée et vous demander comment procéder? Est-ce que je perds ma liberté si je vous demande comment procéder?
7:49 K: No, sir, but I am pointing out the difficulty of that word, the implication of that word, the ‘how’. Not whether one is wandering away from freedom, or any other thing of that kind, but the word ‘how’ implies intrinsically a mind that says, 'Please tell me what to do.' K: Non, Monsieur, je signale la difficulté de ce mot, les implications de ce mot 'comment', et non si l'on s'éloigne de sa liberté ou quoi que ce soit de ce genre. Mais le mot 'comment' implique intrinsèquement un esprit qui dit : 'S'il vous plaît, dites-moi quoi faire'.
8:24 S: And I ask again, is that a mistaken question, is that a wrong question? S: Et, je répète, est-ce une question erronée, est-ce une fausse question?
8:30 K: I should think that’s a wrong question, the ‘how’. But rather if you say, what are the things, the obstructions that prevent clarity, then we can go into it. But if you say, right from the beginning, what is the method – there have been a dozen methods and they have all failed, they have not produced clarity, or enlightenment, or a state of peace in man. On the contrary, these methods have divided man: you have your method, and somebody else has his method, and these methods are everlastingly quarrelling with each other. K: Je penserais que 'comment' est une question mal posée. En revanche, si vous demandez quelles sont les choses qui font obstacle à la clarté, alors nous pouvons examiner. Mais si, dès le départ, vous dites : quelle est la méthode, il y a eu des méthodes par dizaines et elles ont toutes échoué ! Elles n'ont pas produit la clarté, ou l'illumination, ou un état de paix en l'homme. Au contraire, ces méthodes ont divisé l'homme : vous avez votre méthode, un autre a sa méthode, et ces méthodes sont perpétuellement en dispute.
9:17 S: Are you saying that once you abstract certain principles and formulate them into a method, this becomes too crude to meet the intricacies... S: Voulez-vous dire que concevoir certains principes et les formuler dans une méthode est trop rudimentaire pour répondre aux subtilités...
9:28 K: That’s right, the intricacies, and the complexities and the living quality of clarity. K: ... aux subtilités, et aux complexités, et à la qualité vivante de la clarté.
9:34 S: So that the ‘how’ must always be immediate, from where one stands, the particular or the general. S: Ainsi le 'comment' doit toujours être instantané, doit surgir de là où l'on se tient, du particulier ou du général?
9:41 K: I would never put the ‘how’ at all. The ‘how’ should never enter into the mind. K: Jamais je ne demanderais comment ! Le 'comment' ne devrait jamais venir à l'esprit.
9:46 S: Well, this is a hard teaching. It may be true and I am reaching for it, and yet I don’t know that it’s possible – I don’t feel that it’s possible completely to relinquish the question how and everything. S: Eh bien, voilà un enseignement sans concession. Ce pourrait être juste et je cherche à comprendre; pourtant, je n'ai pas le sentiment qu'il est vraiment possible de renoncer en toutes choses à la question 'comment'.
9:59 K: Sir, I think we shall be able to understand each other if we could go a little slowly, not into the ‘how’, but what are the things that prevent clarity. K: Monsieur, je pense que nous allons nous comprendre si nous examinons posément, non pas le 'comment', mais quelles sont les choses qui empêchent la clarté.
10:15 S: All right, fine. S: D'accord. Très bien.
10:16 K: Through negation, through negation come to clarity, not through the positive method of following a system. K: Par la négative : aboutir à la clarté par la négative, non par la démarche positive de suivre un système.
10:26 S: Fine. All right. This is the 'Via Negativa', that is good. S: Allons-y. D'accord. C'est la 'via negativa', elle est bonne.
10:33 K: I think that is the only way. The positive way of the ‘how’ has lead man to divide himself, his loyalties, his pursuits, you have the ‘how’ of yours, and the ‘how’ of somebody else, and the method of this – and they are all lost. K: Selon moi, c'est la seule façon. La voie positive, 'comment', a conduit l'homme à se diviser, moi et mes loyautés, moi et ma quête, alors il y a votre 'comment' à vous et le 'comment' de quelqu'un d'autre, et cette méthode, et cette autre – et tout le monde est perdu.
10:54 S: Fine. Donc, mettons de côté pour l'instant,
10:55 K: So if we could put aside that question, ‘the how’ for the time being, – and probably you will never put it, afterwards. And I hope you won’t.

S: Well, we’ll see.
cette question du 'comment', et il se peut que vous ne la posiez plus jamais par la suite – et je l'espère bien.

S: Ma foi, nous verrons.
11:08 K: So what is important is to find out what are the obstructions, the hindrances, the blocks that prevent clear perception of human anxiety, fear, sorrow, and the ache of loneliness, the utter lack of love and all that. K: Donc ce qui est important est de découvrir quels sont les freins, les entraves, les obstructions à la perception claire de l'anxiété, de la peur, de la souffrance humaines, de la douleur de la solitude, du manque total d'amour et tout cela.
11:42 S: Let’s explore the virtues of the negative. What are these obstacles?

K: Now, first of all, I feel, there must be freedom. Freedom from authority.
S: Bien, explorons les vertus de la voie négative. Quels sont ces obstacles?

K: Avant tout, je le sens, il faut la liberté. Liberté vis-à-vis de l'autorité.
12:00 S: Could we stop right there on this matter of authority ? When you say we should renounce all authority, it seems to me that the goal of total freedom and self-reliance is a valid one, and yet along the way it seems to me that we rely, and should rely, on all kinds of authorities in certain spheres. When I go to a new territory and I stop to ask the filling station attendant which way to go, I accept his authority as he knows more about that than I do. Isn’t this...

K: Obviously, sir, the specialist knows a little more than the layman, the experts, whether in surgery or in technological knowledge, obviously they know much more than any other person who is not concerned with that particular technique. But we are considering not authority along any particular line, but the whole problem of authority.
S: Pouvons-nous nous arrêter à cette question de l'autorité? Quand vous dites que nous devons répudier toute autorité, il me semble que l'objectif d'une liberté totale et de ne compter que sur soi est un objectif valable, et cependant il m'apparaît que nous comptons, et devons compter, sur toutes sortes d'autorités dans certains domaines. Quand j'arrive dans un lieu inconnu et que je m'arrête pour demander la route au pompiste, j'accepte son autorité car il en sait plus que moi. N'est-ce pas...

K: Évidemment, Monsieur. Le spécialiste en sait un peu plus que l'homme ordinaire, les experts, comme en chirurgie et dans la sphère technologique, en savent évidemment beaucoup plus que celui que n'intéresse pas cette technique particulière. Mais il ne s'agit pas de l'autorité en certaine matière : nous examinons tout le problème de l'autorité.
13:11 S: And in that area is the answer to understand the areas in which there is specialised authority, which we should accept, and where...

K: And where authority is detrimental, authority is destructive. So there are two problems involved in this question of authority: there is not only the authority of the expert – let’s call him for the moment – which is necessary, but also the authority of the man who says, 'Psychologically I know, you don’t.'

S: I see.
S: Et c'est là ce qui va permettre de savoir, de tous les domaines dans lesquels existe une autorité spécialisée, celle qu'on peut accepter...

K: ... celle où l'autorité est nuisible, ou l'autorité est destructrice. Donc cette question d'autorité a un double aspect : il y a d'une part l'autorité de l'expert – appelons-le ainsi pour l'instant – qui est nécessaire, et d'autre part l'autorité de l'homme qui dit : 'En psychologie, moi je sais, pas vous',
13:52 K: 'This is true, this is false', 'You must do this, and you must not do that.' 'Ceci est vrai, ceci est faux', 'Vous devez faire ceci, vous ne devez pas faire cela'.
13:57 S: So one should never turn over one’s life to... S: Donc nul ne devrait jamais confier sa vie à...
14:02 K: To anybody.

S:...to anyone else.
K: À personne !

S: ... à personne d'autre.
14:05 K: Because the churches throughout the world, the different religions, have said, 'Give your life to us, we will direct, we’ll shape it, we will tell you what to do. Do this, follow the saviour, follow the church and you will have peace.' But, on the contrary, churches have produced terrible wars. Religions of every kind have brought about fragmentation of the mind. So the question is not freedom from a particular authority, but the whole conceptual acceptance of authority. K: Toutes les églises du monde, les diverses religions, ont dit : 'Remettez votre vie entre nos mains, nous allons la guider, la modeler, nous vous dirons quoi faire, faites ceci, suivez le Sauveur, suivez l'Église, vous aurez la paix.' Mais c'est le contraire, les églises ont produit de terribles guerres. Les religions, toutes les religions, ont aidé à fragmenter l'esprit. Donc le sujet n'est pas la liberté d'une autorité précise, c'est tout le concept de l'acceptation de l'autorité.
14:50 S: Yes. All right. I think I see that and one should never abdicate one’s own conscience. S: Oui. D'accord. Je pense que je comprends cela, que nul ne doit jamais abdiquer sa propre conscience.
14:57 K: No, I am not talking of conscience. Our conscience is such a petty little affair. K: Non, je ne parle pas de conscience ! Notre conscience est une petite affaire sans intérêt.
15:03 S: I am thinking about the conscience of how I should live my life. S: Peut-être voulais-je dire la conscience de comment je dois vivre.
15:10 K: No, we started out to say, asking the question, why is it man, who has lived for two million years and more, why is man not capable of clear perception and action? That is the question involved.

S: Right. And your first point is that it is because he doesn’t accept the full responsibility...
K: Non, nous sommes partis de cette question : pourquoi l'homme, qui a vécu plus de deux millions d'années, n'est-il pas capable de percevoir et d'agir avec clarté? C'est cela la question.

S: En effet. Et votre première remarque est que c'est parce qu'il n'accepte pas la pleine responsabilité...
15:34 K: I don’t say that. No, I haven’t come to that point yet. I am saying that, as we said, we must approach this problem negatively. Which means I must find out what are the blockages. K: Ah, je ne dis pas cela. Non, je n'en suis pas encore là. Comme on l'a dit, nous devons aborder ce problème négativement, donc je dois découvrir les blocages...
15:54 S: Obstacles.

K: Obstacles which prevent clear perception.

S: Right.
S: Les obstacles.

K: Les obstacles qui empêchent une perception claire.

S: Bien.
16:01 K: Now one of the major blocks, or hindrances, is this total acceptance of authority. K: À présent, le principal blocage, ou empêchement, est cette soumission totale à l'autorité.
16:09 S: All right. So be ye lamps unto yourself. S: Très bien. Donc, sois la lampe qui t'éclaire.
16:12 K: That’s right. So you must be a light to yourself. K: C'est cela, vous devez être votre propre lumière.
16:15 S: Very good.

K: And to be a light to yourself you must deny every other light, however great that light be, whether it be the light of the Buddha, or X Y Z.
Et pour être sa propre lumière il faut refuser toute autre lumière, aussi puissante soit-elle, que ce soit la lumière de Bouddha ou de X, Y ou Z.
16:28 S: Perhaps, accept it here or there but nevertheless you retain the say-so as to where an insight might be valid. S: Peut-être l'accepter ici ou là mais néanmoins être celui qui décide si un insight est valide ou non.
16:39 K: No, no sir. No, no. S : You would never accept... K: Non, non, Monsieur !

S: Vous n'accepteriez jamais...
16:42 K: My own authority? What authority have I? My authority is the authority of the society. I am conditioned to accept authority: when I reject the authority of the outer, I accept the authority of the inner. And my authority of the inner is the result of the conditioning in which I have been brought up. K: ... ma propre autorité? Quelle autorité ai-je? Mon autorité est l'autorité de la société. Je suis conditionné à accepter l'autorité – quand je rejette l'autorité extérieure j'accepte l'autorité intérieure. Et mon autorité intérieure est le résultat du conditionnement dans lequel j'ai été élevé.
17:05 S: All right. I thought I had this in place. And I guess perhaps I still do. The only point that I am not quite sure about at this point is, it seems to me while assuming, accepting, affirming and maintaining one’s own freedom... S: Ah bon. Je pensais que je la possédais en propre. Je suppose que je le pense encore. Le seul point dont je ne suis pas certain à ce stade, est que, tout en supposant, en admettant, en affirmant et en cultivant sa propre liberté...
17:25 K: Ah, you can’t. Sir, how can a prisoner, except ideologically, or theoretically, accept he is free? He is in prison, and that is the fact from which we must move. Not accept a vague fantastic ideological freedom which doesn’t exist. What exists is that man has bowed to this total authority. K: Ah, vous ne pouvez pas ! Monsieur, comment un prisonnier – sauf en concept ou en théorie – peut-il croire qu'il est libre? Il est en prison, voilà le fait dont il faut partir. Et ne pas croire à une vague et imaginaire idée de liberté qui n'existe pas ! Ce qui existe, c'est que l'homme s'est incliné devant l'autorité absolue.
17:58 S: All right. And this is the first thing we must see and remove. S: Très bien. C'est ce que nous devons voir et éliminer en premier.
18:05 K: Absolutely. Completely that must go, for a man that is serious, and wants to find out the truth, or see things very clearly. That is one of the major points. And the demand of freedom, not only from authority, but from fear, which makes him accept authority. K: Absolument. Cela doit disparaître, pour tout homme sérieux qui veut trouver la vérité, ou voir les choses très clairement. C'est l'un des points principaux. Et l'exigence de liberté, non seulement vis-à-vis de l'autorité, mais vis-à-vis de la peur qui le pousse à accepter l'autorité.
18:37 S: Right. That seems true also. And so beneath the craving for authority is... S: D'accord. Cela semble vrai aussi. Donc sous cette soif d'autorité se cache...
18:44 K:...is fear.

S:...is fear which we look to authority to be free from.
K: ... la peur.

S: La peur. Et, pour nous en libérer, nous nous tournons vers l'autorité.
18:48 K: That’s right. So the fear makes man violent, not only territorial violence, but sexual violence and different forms of violence. K: Et donc la peur rend l'homme violent, pas seulement la violence territoriale mais la violence sexuelle et diverses formes de violence.
19:01 S: All right. S: Oui, d'accord.
19:04 K: So the freedom from authority implies the freedom from fear. And the freedom from fear implies the cessation of every form of violence. K: Ainsi, la liberté de l'autorité suppose la liberté de la peur. Et se libérer de la peur suppose la cessation de toute forme de violence.
19:19 S: If we stop violence then our fear recedes? S: Si nous arrêtons la violence, notre peur s'atténue?
19:25 K: Ah, no sir. It’s not a question of recession of fear. Let’s put it round the other way, sir. Man is violent, linguistically, psychologically, in daily life he is violent, which ultimately leads to war. K: Non, Monsieur, il ne s'agit pas d'atténuation de la peur. Prenons-le sous un autre angle. L'homme est violent, dans son langage, dans son psychisme, violent dans la vie quotidienne, ce qui, à terme, mène à la guerre.
19:49 S: There’s a lot of it around. S: Il y en a beaucoup tout autour.
19:52 K: And man has accepted war as the way of life, whether in the office, or at home, or in the playing field, or anywhere, he has accepted war as a way of life, which is the very essence of violence. K: Et l'homme a accepté la guerre comme son mode de vie, au bureau, à la maison ou sur le terrain de sport, partout – il l'accepte comme un mode de vie. Voilà l'essence même de la violence.
20:09 S: Yes. S: Oui.
20:11 K: And aggression and all that is involved. So as long as man accepts violence, lives a way of life which is violent, he perpetuates fear and therefore violence and also accepts authority. K: Et de l'agression, et de tout ce qui s'ensuit. Tant que l'homme tolère la violence, tant qu'il vit une existence violente, il perpétue la peur, d'où la violence et aussi l'acceptation de l'autorité.
20:31 S: So these three are a kind of vicious circle, each playing into the other. All right. S: Donc ces trois entités forment un cercle vicieux chacune jouant sur l'autre. D'accord.
20:37 K: And the churches say, live peacefully, be kind, love your neighbour, which is all sheer nonsense. They don’t mean it. It is merely a verbal assertion that has no meaning at all. It is just an idea because the morality of society – which is the morality of the church – is immoral. K: Et les églises disent : 'Vivez en paix, soyez bon, aimez votre prochain' ce qui est pure absurdité, elles n'en pensent rien ! C'est juste une phrase qui ne signifie rien du tout. C'est juste une idée, car la morale de la société – qui est la morale de l'Église – est immorale.
21:07 S: As we try to see then these things that stand between us and lucidity and freedom, we find authority and fear and violence working together to obstruct us. Where do we go from there? S: Ainsi, en cherchant à découvrir ce qui se dresse entre nous et la lucidité, et la liberté, nous trouvons l'autorité, la peur et la violence, opérant ensemble pour nous en empêcher. Partant de là, où allons-nous?
21:29 K: It’s not going to some place, sir, but understanding this fact that most of us live a life in this ambience, in this cage of authority, fear and violence. We can’t go beyond it, unless one is free from it, not intellectually or theoretically, but actually be free from every form of authority, – not the authority of the expert but the feeling of dependence on authority. K: Il ne s'agit pas d'aller quelque part, Monsieur, mais de comprendre ce fait : la plupart d'entre nous vivent leur vie dans cette ambiance, dans cette cage d'autorité, de peur et de violence. On ne peut pas dépasser cet état sans s'en être libéré, pas intellectuellement, pas en théorie, mais réellement libéré de toute forme d'autorité – à part l'autorité de l'expert – du sentiment de dépendre de l'autorité.
22:17 S: All right. S: Tout à fait.
22:19 K: Then, is it possible for a human being to be free completely of fear? Not only at the superficial level of one’s consciousness, but also at the deeper level, what is called the unconscious. K:À présent, un être humain peut-il être totalement libéré de la peur? Pas seulement dans sa conscience superficielle mais aussi au niveau le plus profond, que l'on nomme l'inconscient.
22:39 S: Is it possible?

K: That’s the question, otherwise you are bound to accept authority. Of anybody. Any Tom, Dick and Harry, with a little bit of knowledge, little bit of cunning explanation or intellectual formulas, you are bound to fall for him. But the question whether a human being, so heavily conditioned as he is, through propaganda of the church, through propaganda of society, morality and all the rest of it, whether such a human being can really be free from fear. That is the basic question, sir.
S: Est-ce possible?

K: C'est la question, faute de quoi on va forcément accepter l'autorité, de n'importe qui. Le premier quidam venu, muni d'un brin de savoir, d'habileté dans l'explication, ou de tournures intellectuelles – vous allez lui tomber dans les bras ! Cette question de savoir si un être humain, aussi lourdement conditionné par la propagande de l'Église, par la propagande de la société, par la morale et tout le reste, si un tel être humain peut vraiment être libéré de la peur, c'est la question fondamentale, Monsieur.
23:18 S: That’s what I wait to hear. S: C'est celle que je veux entendre.
23:22 K: I say it is possible, not in abstraction, but actually it is possible. K: Je dis que c'est possible, non pas en principe, c'est possible en réalité.
23:30 S: All right. And my impulse again is to say, how. S: D'accord. Et à nouveau ma réaction est de demander comment.
23:33 K: Refrain. You see, when you say, how, you stop to learn. You cease to learn. K: Retenez-vous. Si vous dites 'comment', vous n'apprenez plus. Vous cessez d'apprendre.
23:44 S: All right, let’s just forget that I said that because I don’t want to get distracted. S: D'accord, oublions ce que je viens de dire, je ne veux pas me laisser distraire.
23:50 K: No, no, you can never even ask that, ever, because we are learning: learning about the nature and the structure of human fear, at the deepest level and also at the most superficial level, and we are learning about it. And when you are learning you can’t ask suddenly, how am I to learn. There is no ‘how’ if you are interested, if the problem is vital, intense, it has to be solved to live peacefully. Then there is no ‘’how’, you say, let’s learn about it. The moment you bring in the ‘how’ you move away from the central fact of learning. K: Non, non, vous ne pouvez jamais demander cela – jamais ! Parce que nous sommes en train d'apprendre, d'apprendre sur la nature et la structure de la peur humaine, au niveau le plus profond comme au niveau le plus superficiel. Nous sommes en train d'apprendre Et, en plein appretissage, vous ne pouvez pas tout soudain demander : 'comment vais-je apprendre?' Il n'y a pas de 'comment' lorsque cela vous intéresse, si le problème est vital et intense. Il fau le résoudre si l'on veut vivre en paix, donc il n'y a pas de 'comment', vous dites : apprenons ! Dès que vous introduisez le 'comment', vous vous éloignez du fait central d'apprendre.
24:38 S: All right, that’s fine. Let’s continue on the path of learning about this. S: D'accord, fort bien, poursuivons dans cette voie, apprendre cette chose.
24:45 K: Learning. So, what does it mean to learn? K: Alors, que signifie apprendre?
24:52 S: Are you asking me?

K: Yes. Obviously. What does it mean to learn?
S: Vous me le demandez?

K: Oui, bien sûr. Que signifie apprendre?
25:00 S: It means to perceive how one should proceed in a given domain. S: Cela signifie percevoir comment s'y prendre dans un domaine donné.
25:10 K: No, sir, surely. Here is a problem of fear. I want to learn about it. First of all I mustn’t condemn it, I mustn’t say, ‘it’s terrible’, and run away from it. K: Non, Monsieur, certainement pas. Nous avons le problème de la peur. Je veux apprendre à son sujet. Avant tout, je ne dois pas la condamner, je ne dois pas dire : 'c'est terrible' et m'enfuir.
25:26 S: It sounds to me that you have been condemning it in one way or another.

K: I don’t, I don’t, I want to learn. When I want to learn about something I look there is no condemnation at all.
S: Il me semble que vous l'avez déjà condamnée d'une certaine façon.

K: Pas du tout, je veux apprendre. Quand je veux apprendre, je regarde, il n'y a pas condamnation du tout.
25:39 S: Well, we were going at this through a negative route... S: Pourtant, nous procédions par une approche négative...
25:43 K: Which is what I am doing. K: C'est ce que je fais.
25:44 S: And fear is an obstacle... S: ... et la peur est un obstacle...
25:47 K: About which I am going to learn.

S: All right.
K: ... à propos duquel je vais apprendre,
25:50 K: Therefore I can’t condemn it. donc je ne peux pas le condamner.
25:53 S: Well, it’s not good, you are not advocating it. S: Quand même, elle n'est pas bonne, vous n'allez pas la conseiller.
25:56 K: Ah, no. I am neither advocating or not. Here is a fact of fear. I want to learn about it. The moment I learn about something I am free of it. So learning matters – what is implied in learning. What is implied in learning? First of all, to learn about something there must be complete cessation of condemnation, or justification. K: Ah non ! Ni la conseiller ni l'inverse. Voici un fait, la peur. Je veux apprendre sur ce fait. Dès que j'apprends sur un sujet, j'en suis libéré, donc l'important est d'apprendre et ce qu'apprendre signifie. Apprendre, qu'est-ce que cela implique? D'abord, pour apprendre quelque chose, il faut l'arrêt complet de toute condamnation ou justification.
26:30 S: All right. Yes, I can see that. If we are going to understand something if we keep our emotions out of it, and just try to dispassionately to... S: D'accord. Oui, je vois cela. Si c'est pour comprendre quelque chose, on met ses émotions de côté et, sans passion, on essaie simplement...
26:42 K: To learn. You are introducing words like ‘dispassion’, that’s unnecessary. If I want to learn about that camera, I begin to look at it, undo it, go into it. There is no question of dispassion or passion, I want to learn! So I want to learn about this question of fear. So to learn there must be no condemnation, no justification of fear, and therefore no escape verbally from the fact of fear. K: D'apprendre. Vous introduisez les mots 'sans passion' – c'est inutile. Si je veux étudier cette caméra, je commence par l'observer, la démonter, l'examiner. Il n'est pas question de passion ou pas, je veux apprendre ! Donc je veux apprendre au sujet de la peur. Et pour apprendre il ne doit y avoir ni condammation, ni justification de la peur, donc pas d'échappatoire verbale au fait de la peur.
27:26 S: All right. S: D'accord.
27:28 K: But the tendency is to deny it. K: Mais la tendance est de nier son existence.
27:34 S: To deny the reality of fear ?

K: The reality of fear. The reality that fear is causing all these things. To deny by saying, ‘I must develop courage’. So, please, we are going into this problem of fear because it is really a very important question: whether human mind can ever be free of fear.
S: Nier la réalité de la peur?

K: La réalité de la peur, la réalité que la peur est à l'origine de toutes ces choses. La nier en disant : ' Je dois être plus courageux'. Donc, si vous le voulez bien, creusons ce problème de la peur car c'est vraiment une très importante question, si l'esprit humain peut un jour être libéré de la peur.
28:06 S: It certainly is. S: C'est certainement important.
28:08 K: Which means, whether the mind is capable of looking at fear, looking, not in abstraction, but actually at fear as it occurs. K: Autrement dit, l'esprit est-il capable de regarder la peur, pas la notion de peur, la peur réelle, quand elle surgit.
28:26 S: Facing fear.

K: Facing fear.
S: Faire face à la peur.

K: Faire face à la peur.
28:29 S: All right, we should do this, and I agree with you that we can’t deny it. S: D'accord, faisons cela, et je suis d'accord avec vous, nous ne pouvons pas la nier.
28:34 K: To face it, no condemnation. K: Pour lui faire face, pas de condamnation.
28:39 S: All right.

K: No justification.
S: D'accord.

K: Pas de justification.
28:43 S: Simply being truly objective. S: Être seulement vraiment objectif.
28:46 K: Aware of fear. K: Conscient de la peur.
28:48 S: Acknowledging? S: En la reconnaissant?
28:50 K: I don’t acknowledge it. If there is the camera there I don’t acknowledge it, it is there. K: Non, je ne la reconnais pas. Il y a là une caméra, je ne la reconnais pas, elle est là.
28:58 S: All right. I don’t want to distract our line of thought with these words. S: D'accord. Je ne veux pas dévier du fil de notre pensée pour des mots.
29:03 K: Please, sir, that’s why one has to be awfully careful of words here: the word is not the thing, therefore I don’t want to move away from this. To learn about fear there must be no condemnation or justification. That’s a fact. Then the mind can look at fear. What is fear? There is every kind of fear: fear of darkness, fear of the wife, fear of the husband, fear of war, fear of storm, so many psychological fears. And you cannot possibly have the time to analyse all the fears, that would take the whole life time, by then you have not even understood any fear. K: En effet, Monsieur, il faut beaucoup se méfier des mots, le mot n'est pas la chose, et je ne veux pas m'égarer. Pour apprendre sur la peur, ni condamnation ni justification – c'est un fait. Alors, l'esprit peut regarder la peur. Qu'est-ce que la peur? Il y a toutes sortes de peurs : peur du noir, peur de l'épouse, peur du mari, peur de la guerre, peur de l'orage, tant de peurs psychologiques. Vous n'aurez jamais le temps d'analyser toutes les peurs, cela prendrait tout une vie, et à la fin vous n'en auriez pas encore compris une seule.
29:56 S: So it is the phenomenon of fear itself rather than any... S: Donc c'est le phénomène, la peur elle-même, plutôt que...
29:59 K: Than any particular fear.

S: Right. Now what should we learn?
K: ... qu'une peur particulière.

S: Très bien. Maintenant, que devons-nous apprendre?
30:04 K: Wait, I am going to show you, sir, go slow. Now to learn about something you must be in complete contact with it. Look, sir, I want to learn about fear. Therefore I must look at it, I must face it. Now to face something implies a mind that does not want to solve the problem of fear. K: Je vais vous montrer, Monsieur, allons doucement. Pour apprendre une chose, il faut être totalement en contact avec elle. Regardez, Monsieur, je veux apprendre sur la peur. Donc je dois la regarder, je dois lui faire face. Maintenant, faire face demande un esprit qui ne désire pas résoudre le problème de la peur.
30:41 S: To look at fear... S: Regarder la peur...
30:43 K: ... is not to solve the problem of fear. Look, look, this is very important to understand because then, if I want to solve fear I am more concerned with the solution of fear than facing fear. K: ... n'est pas résoudre le problème de la peur. Regardez bien, c'est très important à comprendre : car si je cherche une solution à la peur, je m'intéresse plus à la solution de la peur qu'à la regarder en face.
31:03 S: A moment ago though we were saying we should think... S: Il y a un moment pourtant, nous disions que nous devrions penser...
31:06 K: I am facing it. But if I say, 'I must solve it', I am beyond it already, I am not looking. K: Je la regarde en face. Mais si je dis : 'je dois la résoudre', je vois au delà, je ne la regarde pas.
31:14 S: You say that if we are trying to solve the problem of fear, we are not truly facing it. Is that right? S: Vous dites qu'à chercher une solution au problème de la peur, nous ne l'affrontons pas vraiment. Est-ce juste?
31:20 K: Quite right, sir. You see, to face fear the mind must give its complete attention to fear, and if you give partial attention which is to say, ‘I want to solve it and go beyond it’, you are not giving it complete attention. K: Tout à fait, Monsieur. Voyez-vous, pour affronter la peur, l'esprit doit accorder à la peur son attention complète. Vous n'offrez qu'une attention partielle quand vous dites : 'Je veux la résoudre et aller plus loin', vous ne lui donnez pas toute votre attention.
31:42 S: I can see if you have split attention you're not fully attentive. S: Je vois qu'une attention partagée n'est pas l'attention complète.
31:46 K: So, in giving complete attention to the learning about fear there are several problems involved in it. I must be brief because our time is limited. We generally consider fear as something outside us. So there is this question of the observer and the observed. The observer says, 'I am afraid', and he puts fear as something away from him. K: Alors, donner toute son attention à l'apprentissage de la peur implique plusieurs questions. Je doit être bref car notre temps est limité. Nous voyons généralement la peur comme une chose extérieure. C'est cette question de l'observateur et de l'observé. L'observateur dit : 'J'ai peur' et il fait de la peur un objet extérieur à lui.
32:20 S: I am not sure. When I feel afraid, I am afraid, I feel it very much in here. S: Je n'en suis pas sûr. Quand je ressens la peur, j'ai peur, je la sens vraiment ici dedans.
32:26 K: But when you observe it, it is different. K: Mais quand vous l'observez, elle est différente.
32:33 S: When I observe fear... S: Quand j'observe la peur...
32:35 K: Then I put it outside. K: ... je la place en dehors.
32:38 S: Well, again that doesn’t seem quite right. S: Quand même, cela ne me paraît pas tout à fait juste, car...
32:42 K: All right. At the moment of fear there is neither the observer nor the observed. K: Très bien. Au moment de la peur il n'y a ni observateur ni observé.
32:49 S: That is very true.

K: That is all I am saying. At the crisis, at the moment of actual fear there is no observer.
S: C'est tout à fait vrai.

K: C'est tout ce que je dis. Dans la crise, à l'instant précis de la peur, il n'y pas d'observateur.
32:58 S: It fills the horizon. S: Elle prend tout l'horizon.
33:00 K: Now, the moment you begin to look at it, face it, there is this division. K: Mais, dès que vous la regardez, que vous l'affrontez, il y a cette division.
33:07 S: Between the fearful self and the...

K: The non-fearful self.
S: Entre le soi effrayé et le...

K: Le soi non effrayé.
33:11 S: ... the bear who is going to eat me out there. S : ... l'ours qui va me dévorer juste là.
33:14 K: So in trying to learn about fear, there is this division between the observer and the observed. Now, is it possible to look at fear without the observer? Please, sir, this is really quite an intricate question, a complex question, one has to go into it very deeply. As long as there is the observer who is going to learn about the fear, there is a division. K: Donc, dès que l'on tente d'apprendre sur la peur, il y a cette division entre l'observateur et l'observé. Alors, peut-on regarder la peur sans l'observateur? Vous savez, Monsieur, c'est vraiment une question très délicate, une question complexe, qui exige qu'on la creuse à fond. Tant qu'il y a l'observateur qui va apprendre sur la peur, il y a division.
33:51 S: That’s true. We are not in full contact with it. S: C'est vrai. Nous ne sommes pas complètement en contact.
33:55 K: Therefore in that division is the conflict of trying to get rid of fear, justify fear. So is it possible to look at fear without the observer, so that you are completely in contact with it all the time? K: Par conséquent, cette division entraîne le conflit de vouloir se débarrasser de la peur, ou de justifier la peur. Alors, peut-on regarder la peur sans l'observateur, et être ainsi complètement en contact avec elle, tout le temps.
34:19 S: Well, then you are experiencing fear. S: En ce cas, vous faites l'expérience de la peur.
34:23 K: I wouldn’t like to use that word ‘experience’, because experience implies going through something. Finishing with it. K: J'aimerais mieux ne pas utiliser ce mot 'expérience' car faire l'expérience veut dire traverser une chose et y mettre fin.
34:33 S: All right. I don’t know what word. It seems better than ‘looking at’, because ‘looking at’ does seem to imply a division between an observer and the observed. S: Très bien. Je ne sais pas quel mot employer. Il me semble plus approprié que 'regarder', car regarder paraît vraiment impliquer une division entre un observateur et l'observé.
34:41 K: Therefore we are using that word ‘observing’. Being aware of fear without choice, which means the choice implies the observer, choosing whether I don’t like this, or I like this. Therefore when the observer is absent there is choiceless awareness of fear. K: Donc, nous utilisons le mot 'observer', être conscient de la peur sans choisir, car le choix suppose l'observateur, qui choisit s'il aime ou s'il n'aime pas. Sans l'observateur, il n'y a que la conscience de la peur, sans choix.
35:07 S: All right.

K: Right. Then what takes place? That’s the whole question. The observer creates the linguistic difference between himself and the thing observed. Language comes in there. Therefore the word prevents being completely in contact with fear.
S: Très bien.

K: Bien. Ensuite, qu'est-ce qui se passe? C'est toute la question. L'observateur fabrique verbalement une différence entre lui-même et la chose observée – c'est là que le langage entre en jeu. Et le mot interdit d'être complètement en contact avec la peur.
35:43 S: Yes. Words can be a screen. S: Oui, les mots peuvent faire écran.
35:46 K: Yes. That’s all that we are saying. So the word mustn’t interfere. K: Oui, c'est ce que nous disons. Donc le mot ne doit pas interférer.
35:51 S: True. We have to get beyond that.

K: Beyond the word. But is that possible, to be beyond the word? Theoretically we say, yes, but we are slave to words.
S: Sûrement. Il faut aller au delà.

K : Au delà du mot. Mais est-il possible d'être au delà du mot? En théorie, oui, mais nous sommes esclaves des mots.
36:04 S: Far too much so. S: Beaucoup trop, c'est vrai.
36:06 K: It is obvious, we are slave to words. So the mind has to become aware of its own slavery to word, realising that the word is never the thing. So the mind is free of the word to look. That is all implied. Sir, look, the relationship between two people, husband and wife, is the relationship of images. Obviously, there is no dispute about it. You have your image, and she has her image about you. The relationship is between these two images. Now, the real relationship, the human relationship is when the images don’t exist. In the same way the relationship between the observer and the observed ceases when the word is not. So he is directly in contact with fear. K: C'est une évidence, nous sommes esclaves des mots. Donc l'esprit doit prendre conscience de son asservissement au mot, et réaliser que le mot n'est jamais la chose. Alors, l'esprit est libéré du mot pour observer. Cela implique tout cela. Regardez, Monsieur, la relation entre deux personnes, mari et femme, est une relation d'images. C'est évident, ce n'est pas discutable. Vous avez votre image, et elle a une image de vous. La relation a lieu entre ces deux images. À présent, la véritable relation, la relation humaine, existe lorsque les images n'existent pas. De même, la relation entre l'observateur et l'observé cesse quand il n'y a pas de mot. On est alors en contact direct avec la peur.
37:18 S: We pass through.

K: There it is. There is fear. Now there is fear at the conscious level – which one can understand fairly quickly. But there are the deeper layers of fear, so-called at the hidden parts of the mind. To be aware of that. Now is it possible to be aware without analysis? Analysis takes time.

S: Right. Surely it’s possible.
S: On traverse.

K: Elle est là. La peur est là. À présent, la peur est là, au niveau conscient, et on peut la comprendre assez vite. Mais la peur existe dans des couches plus profondes, dans ce qu'on appelle les régions cachées de l'esprit. Être conscient de cela. Maintenant, peut-on être conscient sans analyse? L'analyse prend du temps.

S: Oui, c'est sûrement possible.
37:55 K: How? Not the ‘how’ of method. You say, surely it is possible. Is it? There is this whole reservoir of fear – of the fear of the race, you follow, the whole content of the unconscious. The content is the unconscious. K: Comment? – pas le 'comment' d'une méthode. Vous dites : c'est sûrement possible. En est-il ainsi? Il y a tout ce réservoir de peur – la peur de la race humaine, tout le contenu de l'inconscient. Le contenu, c'est l'inconscient.
38:18 S: All right. S: D'accord.
38:19 K: Now, to be aware of all that, not through dreams, again that takes too long. K: Donc, être conscient de tout cela. Sans passer par les rêves, là encore cela prend trop de temps.
38:28 S: Now you are talking about whether we can be explicitly aware of the full reach of mind? S: Là, vous demandez si l'on peut être explicitement conscient de toute la portée de l'esprit?
38:35 K: Yes. The full content, reach of the mind which is both the conscious as well as the deeper layers. The totality of consciousness. K: De tout le contenu, toute la portée de l'esprit, c'est-à-dire le conscient plus les couches profondes – la totalité de la conscience.
38:47 S: Yes. And can we be explicitly aware of all of that? I am not sure.

K: I say it is possible. It is only possible when you are aware during the day what you say, the words you use, the gestures, the way you talk, the way you walk, what your thoughts are, – to be completely and totally aware of all that.
S: Oui. Et peut-on être explicitement conscient de tout cela? Je n'en suis pas certain.

K: Je dis que c'est possible. C'est possible quand vous êtes conscient, toute la journée, des mots que vous dites, de vos gestes, votre façon de parler, votre façon de marcher, de ce que sont vos pensées – totalement, complètement conscient de tout cela.
39:13 S: Do you think all of that can be before you in total awareness?

K: Yes, sir. Absolutely. When there is no condemnation and justification. When you are directly in contact with it.
S: Vous pensez que tout cela peut s'exposer devant vous dans l'attention totale?

K: Oui, Monsieur, absolument. Quand il n'y a ni condamnation ni justification, quand vous êtes directement en contact.
39:30 S: It seems to me that the mind is like an iceberg with regions of it... S: Il me semble que l'esprit est une sorte d'iceberg dont certaines parties...
39:35 K: An iceberg is nine-tenths below and one-tenth above. It is possible to see the whole of it, if you are aware during the day of your thoughts, of your feelings, aware of the motives, which demands a mind that is highly sensitive. K: L'iceberg a ses neuf-dixièmes sous l'eau et un dixième au-dessus. Il est possible de le voir tout entier, si, tout le jour, vous êtes conscient de vos pensées, de vos sentiments, conscient des motivations – ce qui demande un esprit hautement sensible.
39:58 S: We can certainly be aware of much, much more than we usually are. When you say we can be aware... S: On peut sûrement être beaucoup plus conscient que nous le sommes. Quand vous dites que l'on peut être conscient de...
40:06 K: Totally, yes, sir.

S: …of all the psychological factors.
K: Totalement, oui.

S: ... de toute la psychologie...
40:09 K: I am showing you, I am showing you! You are denying it. You say, ‘it is not possible’, then it is not possible. K: Je suis en train de vous le montrer ! Mais vous le contestez. Vous dites que c'est impossible. Alors, c'est impossible.
40:16 S: No, I’d like to believe that it’s possible. S: Non, j'aimerais croire que c'est possible.
40:18 K: No, it’s not a question of belief. I don’t have to believe in what I see. It’s only when I don’t see I believe – in God, in this or that. K: Non, il n'est pas question de croire. Je n'ai pas besoin de croire à ce que je vois. C'est seulement quand je ne vois pas que je crois – en Dieu, ou ceci-cela.
40:29 S: For me it is a matter of belief, maybe not for you because you... S: Pour moi, c'est une affaire de croyance, peut-être pas pour vous...
40:32 K: Ah no. Belief is the most destructive part of life. Why should I believe the sun rises? I see the sunrise. When I do not know what love is then I believe in love. K: Ah non. La croyance est l'élément le plus destructeur de la vie. Devrais-je croire que le soleil se lève? Je le vois se lever. Parce que je ne sais pas ce qu'est l'amour, je crois à l'amour.
40:48 S: Like so many times when I listen to you speak it seems to me like a half-truth which is stated as a full truth, and I wonder whether that is for the sake of emphasis, or whether it really is, you really mean to carry it all the way. S: Comme à chaque fois que je vous écoute parler, je crois entendre une demi-vérité énoncée en vérité absolue, et je me demande si c'est dû à une certaine emphase ou si c'est réel, si vous voulez vraiment aller jusqu'au bout.
41:11 K: No, sir. To me it really is. K: Non, Monsieur. Pour moi c'est une réalité.
41:13 S: We have been speaking of the elements that block us, the things that block us from a life of lucidity and freedom: authority, violence, fear. Our time is short and I wouldn’t like to spend all the time on these obstacles. Is there anything affirmative we can say of this condition? S: Nous avons parlé des éléments qui nous bloquent, des choses qui nous empêchent de vivre une vie lucide et libre : l'autorité, la violence et la peur. Nous avons peu de temps, je ne voudrais pas passer tout notre temps sur ces obstacles. Que peut-on dire d'affirmatif sur cette condition?
41:36 K: Sir, anything affirmative indicates authority. It’s only the authoritarian mind that says, ‘let’s be affirmed’. Which is in opposition to negation. But the negation we are talking about has no opposite. K: Monsieur, toute affirmation est un indice d'autorité. C'est l'esprit autoritaire qui veut une affirmation, laquelle est le contraire de la négation. Mais la négation dont nous parlons n'a pas de contraire.
42:00 S: Well, now when I ask you for an affirmative statement it doesn’t seem to me that I am turning over a decision to use an authority. I just want to hear if you have something interesting to say which I will then stand judgement upon. S: Bon, quand je vous demande une réponse affirmative, je n'ai pas l'impression de remettre ma volonté dans les mains d'une autorité. Je veux juste voir si vous avez une chose intéressante à dire sur laquelle je puisse appuyer mon jugement.
42:18 K: With regard to what? K: Vis-à-vis de quoi?
42:20 S: As to whether it speaks to my condition. S: Pour voir si elle parle à ma condition actuelle.
42:23 K: What? With regard to what, you said 'something', about what? K: Mais quoi? Concernant quoi? Vous dites 'une chose', à quel sujet?
42:28 S: About the state of life that it seems to me we are groping for in our words to describe. S: À propos de l'état d'existence que, me semble-t-il, nous tentons de décrire en tâtonnant dans les mots.
42:37 K: Are you trying to say, sir, that life is only in the present? K: Essayez-vous de dire, Monsieur, que la vie n'est que dans le présent?
42:46 S: In one sense I think that is true. Is that what you were saying? S: Dans un sens, c'est vrai. Est-ce cela ce que vous disiez?
42:49 K: No, I am asking you, is this what you are asking: is life to be divided into the past, present and future – which becomes fragmentary – and not a total perception of living? K: Non, c'est moi qui demande, est-ce votre question? La vie doit-elle être divisée entre passé, présent et futur – ce qui devient fragmentaire et n'est pas une perception totale de la vie?
43:08 S: Well, again as so often it seems to me that the answer is both/and. In one sense it is a unity and it is present and the present is all we have, but man is a time-binding animal, as they say, who looks before and after. S: Comme souvent, il me semble que la réponse est double : dans un sens, il y a une unité, c'est le présent et le présent est tout ce que nous avons. Mais l'homme est un animal lié au temps, il regarde devant et derrière.
43:25 K: So man is the result of time, not only evolutionary but chronological as well as psychological. K: Donc l'homme est le produit du temps, pas seulement dans l'évolution, dans sa chronologie comme dans sa psychologie.
43:35 S: Yes. S: Oui.
43:36 K: So he is the result of time: the past, the present and the future. Now, he lives mostly in the past. K: Donc il est le produit du temps, passé, présent et futur. Maintenant, il vit principalement dans le passé.
43:50 S: All right, mostly. S: Principalement.
43:51 K: He is the past. K: Il est le passé.
43:55 S: All right. Again it’s that half-truth. S: Bon. C'est encore une demi-vérité.
43:59 K: No, no, I’ll show it to you. He is the past because he lives in memory. K: Non, non ! Je vous le montre. Il est le passé, car il vit dans la mémoire.
44:05 S: Not totally. S: Pas entièrement.
44:06 K: Wait, sir. Follow it step by step. He lives in the past and therefore he thinks and examines and looks from the background of the past. K: Attendez, Monsieur, suivez-le pas à pas. Il vit dans le passé, donc il pense, il examine et il regarde à partir du substrat du passé.
44:18 S: Yes. Which is both good and bad. S: Oui. Qui est à la fois bon et mauvais.
44:22 K: No, no. We are not saying good and bad. There is no good past or bad past. We are concerned with the past. Don’t give it a name. K: Non, non, ne parlons pas de bon ou de mauvais, il n'y a pas de bon ou de mauvais passé. Nous nous occupons du passé. Ne lui donnez pas de nom.
44:31 S: All right. S: Très bien.
44:32 K: Like calling it good or bad, then we are lost. He lives in the past, examines everything from the past and projects the future from the past. So he lives in the past, he is the past. And when he thinks of the future or the present, he thinks in terms of the past. K: L'appeler bon ou mauvais, on s'y perd.. Il vit dans le passé, il examine tout à partir du passé et projette le futur à partir du passé. Donc il vit dans le passé. Il est le passé. Et, lorsqu'il pense au futur ou au présent, il pense en termes de passé.
45:01 S: All right. It seems to me that most of the time that is true but there are new perceptions that break through, new experiences that break through the momentum of the past. S: Très bien. Cela me paraît en grande partie juste mais il existe des perceptions neuves qui apparaissent, des expériences neuves qui brisent le flux du passé.
45:15 K: New experiences break through only when there is an absence of the past. K: De nouvelles expériences n'apparaissent qu'en l'absence du passé.
45:23 S: Well, it seems to me it is like a merging of things that we perforce bring with us from the past, but bring to play upon the novelty, the newness of the present and it is a fusion of those two. S: Cela me semble plutôt être un brassage des choses que nous amenons forcément avec nous du passé mais que nous faisons jouer sur le neuf, sur la nouveauté du présent – c'est une fusion entre ces deux choses.
45:38 K: Look, sir, if I want to understand something new I must look at it with clear eyes. I can’t bring the past, with all the recognition process, with all the memories, and then translate what I see as new. Surely, surely, now just a minute: the man who invented the jet, must have forgotten, or be completely familiar with the propeller, and then there was an absence of knowledge in which he discovered the new. K: Écoutez, si je veux comprendre quelque chose de nouveau, je dois le regarder avec des yeux clairs. Je ne peux pas amener le passé, ce système qui sert à reconnaître, avec tous ses souvenirs, puis traduire ce que je vois comme étant nouveau. Il est certain – un instant – que l'homme qui inventa l'avion à réaction dut avoir oublié, ou avoir si complètement assimilé la propulsion à hélice, qu'il s'est produit une absence de savoir dans laquelle il a découvert du nouveau.
46:15 S: That’s fine.

K: Wait, wait. It is not a question of, that’s fine. That is the only way to operate in life. That is, there must be complete awareness of the past, an absence of the past, to see the new. Or to come upon the new.

S: All right.
S: Très bien.

K : Attendez, attendez ! Ce n'est pas quece soit 'très bien', c'est la seule façon d'agir dans la vie. Autrement dit, il faut la conscience totale du passé, et l'absence du passé, pour voir le nouveau. Ou pour aboutir au nouveau.

S: D'accord.
46:40 K: You are conceding reluctantly. K: Vous le concédez avec réticence.
46:42 S: I am conceding reluctantly because I think I see what you are saying, and I think I agree with the point that you are making, but it is also true that one operates in terms of... S: Je suis réticent parce que je pense voir ce que vous dites, je pense être d'accord avec votre argumentation mais il est également vrai que l'on opère en termes de...
46:56 K: The past.

S: …symbols that one has. And it is not as though we begin de novo.
K: De passé.

S: ... des symboles que l'on a. Ce n'est pas comme si l'on recommençait 'de novo'.
47:02 K: De novo is not possible, but we have to begin de novo because life demands it, because we have lived in this way, accepting war, hatred, brutality, competition, and anxiety, guilt, all that. We have accepted that, we live that way. I am saying: to bring about a different quality, a different way of living the past must disappear. K: 'De novo' est impossible. Pourtant, il faut repartir 'de novo' car la vie l'exige, nous avons vécu comme ceci, acceptant la guerre, la haine, la brutalité, la rivalité, et l'anxiété, la culpabilité, tout ça – nous l'avons accepté, nous vivons comme cela. Je dis que pour faire naître une qualité autre, une autre façon de vivre, le passé doit disparaître.
47:32 S: We must be open to the new. S: Nous devons être ouverts au neuf.
47:34 K: Yes. Therefore the past must have no meaning. K: Et donc le passé doit n'avoir aucun sens.
47:38 S: That I can’t go along with. S: Là, je ne peux pas vous suivre.
47:41 K: That is what the whole world is objecting to. The established order says, ‘I can’t let go' – for the new to be. And the young people throughout the world say, ‘let’s revolt against the old’. But they don’t understand the whole complications of it. So they say, what have you given us, except examinations, job, and repetition of the old pattern – war and favourite wars, wars. K: Ah, c'est la même objection dans le monde entier, l'ordre établi refuse de lâcher prise pour faire place au neuf. Et les jeunes, partout dans le monde, disent : 'Révoltons-nous contre l'ordre ancien' mais ils n'en saisissent pas toutes les complications. Ils disent, que nous avez-vous donné, à part des examens, l'emploi, et répéter le vieux schéma, la guerre, les guéguerres – la guerre.
48:16 S: Well, you are pointing out, it seems to me, the importance of not being slaves to the past. And that’s so true and I don’t want to in any way... S: Il me semble que vous mettez l'accent sur l'importance de ne pas être esclaves du passé. C'est tellement vrai, et je ne voudrais en aucune façon...
48:29 K: The past being the tradition, the past being the pattern of morality, which is the social morality, which is not moral. K: Le passé qui est la tradition, le passé qui est le modèle moral, c'est-à-dire la morale sociale, laquelle n'est pas morale.
48:37 S: But at the same time there is only one generation, namely ourselves, that separates the future generation from the cave man. S: Mais en même temps il n'y a qu'une génération, nous-mêmes, entre la future génération et l'homme des cavernes.
48:47 K: I agree with all that. K: Je suis d'accord sur tout cela.
48:48 S: If the cave man were to be totally rescinded we would start right now. S: Si l'on annule l'homme des cavernes on peut recommencer à zéro.
48:52 K: Oh, no, no. To break through the past, sir, demands a great deal of intelligence, a great deal of sensitivity – to the past. You can’t just break away from it. K: Oh non, non ! Transcender le passé, Monsieur, exige infiniment d'intelligence, une grande sensibilité au passé. Vous ne pouvez pas passer au travers comme cela.
49:06 S: OK, I am content. S: OK, je suis satisfait.
49:12 K: So the problem really, sir, is, can we live a different way? K: Donc le réel problème est, peut-on vivre d'une autre manière?
49:20 S: Hear, hear! S: Oyez, oyez !
49:22 K: A different way in which there are no wars, no hatreds, in which man loves man, without competition, without division, saying you are a Christian, you are a Catholic, you are a Protestant, you are this... that’s all so immature! It has no meaning. It’s an intellectual sophisticated division. And that is not a religious mind at all, that’s not religion. A religious mind is a mind that has no hatred, that lives completely without fear, without anxiety, in which there is not a particle of antagonism. Therefore a mind that loves – that is a different dimension of living altogether. And nobody wants that. K: Une vie différente, sans guerres, sans haines, où l'homme aime l'homme, sans compétition, sans la division de vous appeler chrétien, catholique, protestant, et autre. Tout ceci manque tellement de maturité, cela n'a pas de sens. C'est une division de l'esprit, une sophistication, ce n'est pas du tout l'esprit religieux, ce n'est pas la religion. L'esprit religieux est un esprit sans haine, il vit totalement sans peur, sans anxiété, sans un atome d'antagonisme. Par conséquent c'est un esprit qui aime – c'est une dimension de vie différente, complètement ! Et personne n'en veut !
50:20 S: And in another sense everybody wants that. S: Et, d'un autre côté, tout le monde en veut.
50:22 K: But they won’t go after it. K: Ah, oui, mais ils ne vont pas y aller.
50:26 S: They won’t go after it?

K: No, of course not. They are distracted by so many other things, they are so heavily conditioned by their past, they hold on to it.
S: Ils ne vont pas y aller?

K: Non, bien sûr que non. Ils vont se laisser distraire par tant d'autres choses. ils sont si lourdement conditionnés par leur passé, ils y tiennent.
50:34 S: But I think there are some who will go after it. S: Je pense que certains vont y aller.
50:37 K: Wait, sir, very few. K: Monsieur, très peu.
50:39 S: The numbers don’t matter. S: Le nombre n'a pas d'importance.
50:41 K: The minority is always the most important thing. K: La minorité est toujours l'élément le plus important.
50:45 S: Krishnamurti, as I listen to you and try to listen through the words to what you are saying, it seems to me that what I hear is that, first, I should work out and each of us should work out his own salvation, not leaning on authorities outside; second, not to allow words to form a film between us and actual experience – not to mistake the menu for the meal – and third, not to let the past swallow up the present, take possession, to responding to a conditioning of the past, but rather to be always open to the new, the novel, the fresh. And finally, it seems to me you are saying something like the key to doing this is a radical reversal in our point of view. It is as though we were prisoners straining at the bars for the light, and looking for the glimpse of light that we see out there and wondering how we can get out towards it, while actually the door of the cell is open behind us. If only we would turn around, we could walk out into freedom. This is what is sounds to me like you are saying. Is this it? S: Krishnamurti, en vous écoutant, en tentant aussi d'écouter, derrière les mots, ce que vous dites il me semble que j'entends, en premier, que je dois – comme chacun – prendre en charge mon propre salut sans m'appuyer sur des autorités extérieures, en second, ne pas laisser les mots faire écran entre nous et l'expérience – ne pas prendre le menu pour la nourriture – et, en trois, ne pas laisser le passé avaler le présent, prendre le pouvoir, ne pas répondre au conditionnement du passé mais être toujours ouvert à la nouveauté, au neuf, au frais. Finalement, vous semblez dire que la clé de tout cela est un revirement complet de notre façon de voir. Comme des prisonniers collés aux barreaux pour la lumière, cherchant la lueur que nous entrevoyons là-bas nous nous demandons comment sortir par là, alors que la porte de la cellule est ouverte dans notre dos : il nous suffirait de nous retourner pour marcher vers la liberté. C'est ce que vous dites, il me semble. C'est bien cela?
52:13 K: A little bit, sir, a little bit. K: Un petit peu, Monsieur, un petit peu.
52:15 S: All right. What else? What other than that? Or if you want to amplify. S: Très bien. Quoi d'autre? Quelle autre chose? Ou peut-être souhaitez-vous développer.
52:23 K: Surely, sir, in this is involved the everlasting struggle, conflict, man caught in his own conditioning, and straining, struggling, beating his head to be free. And again we have accepted – with the help of religions and all the rest of the group – that effort is necessary. That’s part of life. To me that is the highest form of blindness, of limiting man to say, ‘you must everlastingly live in effort’. K: Il est certain, Monsieur, qu'en tout ceci on retrouve la lutte éternelle, le conflit, l'homme captif de son propre conditionnement. Il lutte, il force, il se tape la tête contre les murs pour sa liberté. Et, là encore, nous avons admis – bien aidés par les religions et tout le reste de la bande – que l'effort est nécessaire, qu'il fait partie de la vie. C'est pour moi la forme suprême de l'aveuglement, de limiter l'homme en disant : 'Tu vivras à jamais dans l'effort'.
53:20 S: And you think we don’t have to.

K: Not, ‘I think’, it is... Sir, it is not a question of thought. Thought is the most...
S: Vous pensez qu'on ne doit pas.

K: Pas 'je pense', c'est... Monsieur, ce n'est pas une question de penser, penser est le plus...
53:28 S: Let’s delete those two words and just say we don’t have to. S: Effaçons ces deux mots et disons que l'on n'a pas à le faire.
53:32 K: But to live without effort requires the greatest sensitivity and the highest form of intelligence. You don’t just say, ‘well, I won’t struggle’, and become like a cow. But one has to understand how conflict arises, the duality in us, the fact of ‘what is’, and ‘what should be’, there is the conflict. If there is no ‘what should be’, – which is ideological, which is non-real, which is fiction – and see ‘what is’, and face it, live with it without the ‘what should be’, then there is no conflict at all. It’s only when you compare, evaluate with ‘what should be’, and then look with ‘what should be’ at the ‘what is’, then conflict arises. K: Mais vivre sans effort exige la plus grande sensibilité, et la plus haute forme d'intelligence. On ne peut pas dire : 'bon, je ne vais pas lutter' et devenir un bovin. On doit comprendre comment naît le conflit, la dualité en nous. 'Ce qui est', le fait, et 'ce qui devrait', voilà le conflit. Sans 'ce qui devrait' – qui est une idée, ce n'est pas réel, c'est une fiction – voir ce qui est, et lui faire face, et vivre avec, sans 'ce qui devrait' – alors il n'y a pas de conflit du tout. C'est en comparant, en évaluant à partir de 'ce qui devrait', en regardant ce qui est à travers 'ce qui devrait', que le conflit surgit.
54:41 S: There should be no tension between the ideal and the actual. S: Il ne devrait y avoir aucune tension entre l'idéal et le réel.
54:45 K: No ideal at all. Why should we have an ideal? The ideal is the most idiotic form of conceptual thinking. Why should I have an ideal? When the fact is burning there, why should I have an ideal about anything? K: Pas d'idéal du tout. Pourquoi avoir un idéal? L'idéal est la forme la plus idiote de pensée conceptuelle. Pourquoi devrais-je avoir un idéal? Devant un fait brûlant, pourquoi un idéal de quoi que ce soit?
55:00 S: Well, now once more when you speak like that it seems to me that you break it into an either/or. S: Encore une fois, je crois entendre quand vous parlez ainsi une fracture, c'est ou ceci, ou cela...
55:07 K: No, no.

S: Not the ideal but the actual where it seems to me the truth is somehow both of these.
K: Non, non !

S: ... ou l'idéal, ou le réel, alors que pour moi la vérité est dans les deux, en quelque sorte.
55:14 K: Ah, no. Truth is not a mixture of the ideal and the ‘what is’, then you produce some melange of some dirt. There is only ‘what is’. Sir, look, take a very simple example: we human beings are violent. Why should I have an ideal of non-violence? Why can’t I deal with the fact? K: Ah non ! La vérité n'est pas une mixture d'idéal et de 'ce qui est', vous allez produire un mélange pas très propre. Il n'y a que 'ce qui est'. Prenons un exemple tout simple : nous, les humains, sommes violents. Pourquoi avoir un idéal de non-violence? Pourquoi ne puis-je pas m'attaquer au fait?
55:41 S: Of violence?

K: Of violence, without non-violence. The ideal is an abstraction, is a distraction. The fact is I am violent, man is violent. Let’s tackle that, let’s come to grips with that and see if we can’t live without violence.
S: De la violence?

K: La violence, sans la non-violence. L'idéal est une abstraction, c'est une distraction. Le fait est que je suis violent, l'homme est violent. Attaquons-nous à cela, prenons-le à la gorge, voyons si l'on ne peut pas vivre sans violence.
56:02 S: But can... S: Mais peut-on...
56:05 K: Please, sir, there is no dualistic process in this. There is only the fact that I am violent, man is violent, and is it possible to be free of that. Why should I introduce the idealistic nonsense into it? K: Monsieur, je vous en prie, il n'y a pas de dualité là-dedans. Il n'y a que le fait que je suis violent, l'homme est violent. Est-il possible de s'en libérer? Pourquoi y introduire l'absurdité de l'idéal?
56:26 S: No dualism, you say, no separation, and in your view is it the case that there is no separation? S: Vous dites, pas de dualité, pas de séparation. À vos yeux, est-ce le cas? Il n'y a pas de séparation?
56:34 K: Absolutely. K: Absolument.
56:37 S: Is there any separation, you, me? S: Ici même, y a-t-il une séparation entre vous et moi?
56:39 K: Sir, wait, physically there is. You have got a black suit, are a fairer person than me, and so on. K: Attendez, physiquement oui. Vous portez un costume noir, vous êtes plus clair de peau que moi, etc.
56:46 S: But you don’t feel dualistic.

K: If I felt dualistic I wouldn’t even sit down to discuss with you, then intellectually we play with each other.
S: Mais vous ne sentez pas de dualité.

K: Si je la ressentais, je ne m'assiérais jamais avec vous pour discuter, ce serait un jeu intellectuel.
56:56 S: Right. Now perhaps we are saying the same thing, but always it comes out in my mind it’s a both/and – we are both separate and united. Both. S: D'accord. Nous disons peut-être la même chose, mais dans mon esprit c'est toujours l'un et l'autre, nous sommes à la fois séparés et unis, les deux choses.
57:06 K: No. Sir, when you love somebody with your heart, not with your mind, do you feel separate? K: Non. Quand vous aimez quelqu'un avec votre cœur – pas votre tête – vous sentez-vous séparé?
57:11 S: I do in some... it's both. I feel both separate and together. S: Les deux. Je me sens à la fois séparé et ensemble.
57:16 K: Then it is not love. K: Alors ce n'est pas l'amour.
57:18 S: I wonder because part of the joy of love is the relationship which involves in some sense, like Ramakrishna said, ‘I don’t want to be sugar, I want to eat sugar’. S: Je me le demande. En partie, la joie de l'amour est la relation qui, dans un sens, comporte cela. Comme dit Ramakrishna : 'je ne veux pas être le sucre, je veux manger le sucre'.
57:30 K: I don’t know Ramakrishna, I don’t want any authority, I don’t want to quote any bird.

S: Don’t get hung up on this.
K: Je ne connais pas Ramakrishna, je ne veux d'aucune autorité, ni citer un de ces oiseaux-là.

S: Ne vous bloquez pas là-dessus.
57:37 K: Sir, no! We are dealing with facts, not with what somebody said. The fact is... K: Non, Monsieur, non ! Nous travaillons sur des faits, pas sur ce quelqu'un a dit. Le fait est...
57:45 S: That in love, part of the beauty and the glory of it, is the sense of unity embracing what in certain respects is separate. S: ... que la beauté, la splendeur de l'amour est due en partie au sentiment d'unité incluant ce qui, sous un autre aspect, est séparé.
57:58 K: Sir, just a minute, sir. Let’s be a little more unromantic about it. The fact is when there is love between man and woman, in that is involved possession, domination, authority, jealousy, all that is involved in it. Of course there is. And comfort, sexual pleasure, and the remembrance. All that. A bundle of all that. K: Une minute, Monsieur. Essayons d'être un peu moins romantiques. Le fait est que, dans l'amour entre l'homme et la femme on trouve possessivité, domination, autorité, jalousie, on y trouve tout cela. Bien sûr que ça y est. Et le réconfort, le plaisir sexuel et ses souvenirs. C'est tout cela. C'est un paquet de tout cela.
58:32 S: And there’s some positive things you have left out, but you are assuming those.

K: Yes, yes. A bundle of all that. Is love jealousy? Is love pleasure? Is love desire? If it is pleasure, it is merely the activity of thought, saying, ‘Well, I slept with that woman, therefore she is mine’ and the remembrance of all that. That’s not love. Thought is not love. Thought breeds fear, thought breeds pain, thought breeds pleasure, and pleasure is not love.
S: Et quelques choses positives que vous négligez de dire mais que vous supposez...

K: Oui, oui, un paquet de tout cela. L'amour est-il la jalousie? L'amour est-il le plaisir? L'amour est-il le désir? Si c'est le plaisir, c'est simplement l'activité de la pensée qui dit : 'J'ai couché avec cette femme, donc elle est à moi' et la mémoire de tout cela. Ce n'est pas l'amour. La pensée n'est pas l'amour ! La pensée engendre la peur, la pensée engendre la douleur, la pensée engendre le plaisir et le plaisir n'est pas l'amour !
59:13 S: Thought breeds only the negative?

K: What is the positive? What is the positive thing that thought produces, except mechanical things?

S: A love poem.
S: La pensée ne crée que le négatif?

K: Qu'est-ce que le positif? Qu'est-ce que la pensée produit comme chose positive, à part sur le plan mécanique?

S: Un poème d'amour.
59:24 K: Sir, love poem. What? The man feels something and puts it down. The putting down is irrelevant, merely a form of communication. But to feel it ! It's nothing to do with thought. To translate it then is necessary, for thought. But to love... K: Un poème d'amour. Qu'est-ce que c'est? Un homme ressent quelque chose et le met par écrit. L'écrit n'est pas signifiant, juste un mode de communication. Mais le ressentir ! Cela n'a rien à voir avec la pensée. Traduire en mots est un besoin de la pensée. Mais aimer...
59:48 S: Thought and words can also give form to our feelings which would remain inchoate without them. Bring them to resolution, to satisfying resolutions, through their expression. S: Pensée et mots peuvent aussi donner forme à nos sentiments qui sans eux resteraient mal définis pour les amener à se résoudre de manière satisfaisante, en les exprimant.
1:00:05 K: Is relationship a matter of thought? K: La relation est-elle une affaire de pensée?
1:00:10 S: Not only, but thought can contribute to a relationship. S: Pas seulement, mais la pensée peut contribuer à une relation.
1:00:17 K: Thought is always the old, relationship is something new. K: La pensée est toujours vieille, la relation est une chose neuve.
1:00:22 S: Yes, but there are new thoughts. S: Oui, oui, mais il y a des pensées neuves.
1:00:24 K: Ah! There is no such thing as new thoughts. Forgive me to be so emphatic. K : Ah ! une pensée neuve, ça n'existe pas ! Pardonnez-moi d'être aussi catégorique.
1:00:30 S: No, I like that. S: Non, j'aime bien.
1:00:31 K: I don’t think there is a new thought. Thought can never be free because thought is the response of memory, thought is the response of the past. K: Je ne pense pas qu'une pensée neuve existe. La pensée ne peut jamais être libre, elle est la réponse de la mémoire, la pensée est la réponse du passé.
1:00:40 S: When a great poet comes through with the right words to articulate a new perception, nobody has before, not even God, has thought of those particular words. S: Quand un grand poète, avec des mots justes, vient à exprimer une perception neuve, personne avant lui, pas même Dieu, n'a pensé à ces mots-là.
1:00:54 K: That’s a mere matter of a cunning gift of putting words together. But what we are talking about...

S: A noble trade. Poetry is a great contribution.

K: Ah, that’s a minor thing. No, sir, that’s a minor thing; the major thing is to see the beauty of life and see the immensity of it, and to love.
K: C'est juste un don d'associer savamment les mots, mais ce dont nous parlons...

S: C'est le noble métier. La poésie est une grande contribution.

K: Ah, c'est une chose mineure. Monsieur, c'est une chose mineure. La chose majeure, c'est voir la beauté de la vie, voir l'immensité de la vie, et aimer.
1:01:21 S: There it ended, a conversation with Krishnamurti. But what ended was only the words, not the substance. For Krishnamurti was speaking, as always, of that life that has no end, and no beginning. S: Ainsi prit fin un entretien avec Krishnamurti. Seuls les mots ont cessé, mais non pas la substance, car Krishnamurti parlait, comme toujours, de cette vie sans fin et sans commencement.