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OJ82T1 - Nous préoccupons-nous de la totalité de l’existence humaine ?
1ère causerie publique
Ojaï, Californie, USA
Le 1er mai 1982



1:10 I would like to point out, if I may, this is not a weekend entertainment. We are going to deal with the whole of life, with all its complex problems, and not a particular subject. This is not a lecture, that is, to talk about a particular subject in view of giving information. J'aimerais souligner, si vous me le permettez, que ceci n'est pas un week-end de divertissement. Nous allons traiter de la totalité de la vie, avec tous ses problèmes complexes, et non d'un sujet particulier. Ce n'est pas une conférence qui aurait pour objet de traiter un certain sujet en vue de fournir des informations.
2:07 I think it would be good if we could, from the very beginning of these talks – and there will be, I believe, six of them and four question and answer meetings – if we could from the very beginning understand that we are not instructing anybody anything. We are not bringing up some kind of ideas or beliefs or some conclusions to convince you of anything. This is not a propaganda; but rather, if we could, during all these talks, think over together, observe together, listen to the whole movement of one life – whether it is in South Africa, South America, Europe or America or Asia. We are dealing with a very, very complex problem that needs to be studied very carefully, hesitantly, without any direction, without any motive, to observe, if we can, the whole outward happening of our life. Because if we don’t understand what is happening outside of us, which is the measure by which we will be able to understand ourselves. If we do not understand what is actually going on in the world, the external world, outside the skin as it were, outside the psychological field, we will have no measure by which to observe ourselves. Je pense que dès le début de ces causeries – et il me semble qu'il y en aura six, plus quatre séances de questions et réponses – il serait bon que nous comprenions avant tout que nous n'enseignons rien à qui que ce soit. Nous ne cherchons pas à soulever certaines idées, croyances ou conclusions, ou à vous convaincre de quoi que ce soit. Il ne s'agit pas ici d'une propagande, mais plutôt, dans la mesure du possible au cours de ces entretiens, que nous réfléchissions, observions ensemble, soyons à l'écoute de tout le mouvement de la vie – que ce soit en Afrique du Sud, en Amérique du Sud, en Europe, en Amérique ou en Asie. Nous traitons d'un problème très, très complexe, qui nécessite une étude très attentive, hésitante, sans aucune direction, sans aucun motif, afin d'observer, si nous le pouvons, tous les événements extérieurs de notre vie. Car si nous ne comprenons pas ce qui se passe en dehors de nous – c'est-à-dire la mesure permettant la compréhension de soi – si nous ne comprenons pas ce qui a lieu effectivement dans le monde extérieur, extérieur à notre être, extérieur au domaine psychologique, nous n'aurons aucune mesure pour nous observer nous-mêmes.
4:41 So first, if we may, let us together observe. I mean by that word to look carefully, without any bias, as an American or Argentine or British, or French or Russian, to observe – or Asia, forgot, sorry – to observe without any motive, which is rather difficult. To see clearly, if we can, what is going on. As one observes and travels around the world, there is a great deal of dissension, discord, disagreement, disorder; a great deal of confusion, uncertainty. There are the demonstrations against one particular form of war. There is terrorism, the preparation for wars, spending untold money on armaments. There are the national divisions: one nation against another, preparing for eventual war. And there are the religious sectarian divisions: the Catholic, the Protestant, the Hindu, the Islamic world, the Buddhist. And there is this constant division in the world. Where there is division there must be dissension, conflict. We see this all over the world. Alors, si vous permettez, observons ensemble. J'entends par là que nous regardions attentivement, sans aucun biais en tant qu'Américain, Argentin, Anglais, Français ou Russe, – j'allais oublier l'Asie, pardon – que nous observions sans aucun motif, ce qui est assez difficile. Afin de voir clairement, si nous le pouvons, ce qui a lieu. Quand on voyage à travers le monde, on observe qu'il règne énormément de dissensions, de discordes, de désaccords, de désordre; énormément de confusion, d'incertitude. Il y a des manifestations contre une certaine forme de guerre. Il y a le terrorisme, la préparation aux guerres, d'énormes dépenses d'argent en armement. Il y a les divisions nationales : une nation s'opposant à une autre, se préparant à la guerre. Et il y a les divisions religieuses sectaires : le monde catholique, protestant, hindou, le monde islamique, bouddhiste. Et cette division règne perpétuellement dans le monde. Là où il y a division, il y a inévitablement dissension, conflit. Cela se voit dans le monde entier.
7:19 And there is the national honour, for which one is proud and willing to kill others. There are the various sects, gurus, with their particular following. There is the spiritual authority, in the Catholic world, in the Protestant world, not so much in the Buddhist and the Hindu world, but there is the authority of the book in the Islam. So wherever there is this dissension, disorder, there is conflict, destruction of each other, and the attachment to a particular nationality, hoping thereby to find some kind of security – physical outward security. This is the phenomenon that is taking place in the world, of which one is sure that we all observe the same thing: one group against another group. And so there is isolation taking place, not only for each human being, but the isolation of groups. Which are bound by a belief, by a faith, by some ideological conclusion, as in the totalitarian states and in the so-called democratic world with their ideals; so the ideals, beliefs, dogmas, rituals are separating mankind. Et puis il y a l'honneur national, dont on est fier et qui prédispose à tuer les autres. Il y a les diverses sectes, les gourous avec leurs adeptes attitrés. Il y a l'autorité spirituelle dans le monde catholique, dans le monde protestant, pas tant dans le monde bouddhiste et hindou, mais il y a l'autorité de l'écrit dans le monde islamique. Donc partout où il y a cette dissension, ce désordre, il y a conflit, destruction mutuelle et attachement à une certaine nationalité, espérant y trouver une sorte de sécurité – sécurité physique extérieure. Voilà le phénomène qui a lieu dans le monde, à partir duquel on est tous certains d'observer la même chose : un groupe s'opposant à un autre. D'où un isolement, tant chez chaque être humain que chez les groupes, lesquels sont ligotés par une croyance, par une foi, par une quelconque conclusion idéologique, comme dans les Etats totalitaires et dans le monde soi-disant démocratique avec ses idéaux; ainsi les idéaux, les croyances, les dogmes, les rituels séparent l'humanité.
9:51 This is actually what is going on in the world. The external world is the result of our own psychological world. This outward world is created by each one of us. Because we are isolated human beings. We have our own particular profession, our own particular belief, our conclusions and experiences to which we cling, and so gradually each one is isolating himself. There is self-centred activity, which is expressed outwardly as the nation, belonging to some religious group, whether that group has seven hundred million people as the Catholic world has, each one of us is isolating himself. And so we are producing or creating a world externally through nationalism, which is the glorified form of tribalism, and each tribe is willing to kill another tribe for their belief, for their land, for their economic trade and so on. C'est ce qui a lieu effectivement dans le monde. Le monde extérieur est le produit de notre propre monde psychologique. Ce monde extérieur est créé par chacun de nous. Car nous sommes des êtres humains isolés. Chacun a sa profession attitrée, sa propre croyance, ses conclusions et expériences auxquelles on se cramponne, de sorte que chacun s'isole progressivement. Il y a une activité égocentrique s'exprimant extérieurement en tant que nation, qu'appartenance à un groupe religieux qui peut compter jusqu'à 700 millions de fidèles comme dans le monde catholique, chacun de nous s'isolant. Ainsi, nous produisons ou créons un monde extérieur où règne le nationalisme qui est une forme glorifiée de tribalisme, et chaque tribu est prête à en tuer une autre pour sa croyance, son territoire, son économie, etc.
12:03 We all know this, at least, those of us who are aware, who listen to all the radios, television, newspapers and so on. And there are those who say this cannot be changed at all, there is no possibility of human conditioning being transformed. The world has been going on like this for thousands and thousands of years and this world is created by the human condition and that condition can never possibly be transformed, bring about a mutation in itself. They assert that there can be modification, slight change, but man will ever be what he is – in conflict with each other, murdering each other, and bringing about a division in himself and in the world. On le sait tous, pour peu que l'on soit conscient, que l'on écoute les radios, télévisions, lisons les journaux, etc. Et il y a ceux qui disent que tout cela ne peut pas changer, qu'il est impossible de transformer le conditionnement humain. Le monde va ainsi depuis des milliers et des milliers d'années, et ce monde est dû à la condition humaine, et cette condition ne pourra jamais être transformée, engendrer en elle-même une mutation interne. Ils affirment qu'une modification, qu'un léger changement est possible, mais l'homme demeurera à jamais tel qu'il est : en conflit avec son prochain, prêt à l'assassiner, et amenant la division en lui-même et dans le monde.
13:47 And there are those who have tried social reform of various kinds all over the world; but they too have not brought about deep fundamental mutation in the human consciousness. This is the state of the world. And how do we look at it? What is our response to it, as human beings? Not to the technological world – the computers, and all those extraordinary things the human brain is inventing – but what is actually our relationship, not only with each other but with this external world? What is our responsibility? Do we leave it to the politicians? Do we seek new leaders? Please, this is a very serious problem which we are discussing, talking over together. New saviours? Or go back to the old tradition, because human beings, unable to solve this problem, return to the old habitual tradition of the past, which is also what is happening. The more there is confusion in the world, the more desire and urge to return to some past illusions, past tradition, past leaders, past so-called saviours. Et il y a ceux qui ont essayé de promouvoir diverses réformes sociales partout dans le monde, mais eux non plus n'ont pas amené de mutation profonde, fondamentale dans la conscience humaine. Tel est l'état actuel du monde. Alors quel regard portons-nous sur cela ? Quelle réponse y apportons-nous en tant qu'êtres humains ? Pas au monde technologique, celui des ordinateurs et toutes ces inventions extraordinaires issues de l'esprit humain, mais quelle est en fait notre relation, vis-à-vis non seulement des uns et des autres, mais aussi du monde extérieur ? Quelle est notre responsabilité à cet égard ? Laissons-nous cela aux mains des politiciens ? Recherchons-nous de nouveaux leaders ? Je vous en prie, c'est là un problème très sérieux dont nous discutons ensemble. De nouveaux sauveurs ? Ou faut-il revenir à la tradition ancienne, les êtres humains étant incapables de résoudre ce problème, revenir à la vieille tradition coutumière du passé : c'est aussi ce qui a lieu. Plus il y a de confusion dans le monde, plus grand est le désir de revenir à quelqu'illusion révolue, à quelque tradition, leader, ou prétendu sauveur du passé.
16:23 So if one is aware of all this, as one must, what is our response to all this? Not a partial but total response to the whole phenomena that is going on, taking place in the world. Do we only consider our own personal lives? How to live a quiet, serene, undisturbed life in some corner, or are we concerned with the total human existence, with the total humanity? If we are only concerned with our own particular life, however troublesome it is, however limited it is, however much it is sorrowful and painful, then one does not realise the part is the whole. So one has to look at life, not the American life or the Asiatic life, but life as a whole – holistic observation. The observation that is not a particular observation – it’s not my observation or your particular observation, but the observation that comprehends the totality, the holistic view of life. Each one of us has been concerned with his own particular problems: problems of more money, no job, seeking one’s own fulfilment, seeking everlastingly pleasure, frightened, isolated, lonely, depressed, suffering, and creating, being personal, a saviour outside who will transform or bring about a salvation for ourselves, for each one of us. This tradition has been going on in the Western world for two thousand years. And the Asiatic world, which is probably the explosion from India over the East, has also maintained the same thing in different words, different symbols, different pictures, different conclusions. But it is the same individual search for his own salvation, for his own particular happiness, to resolve his many complex problems. That’s what each one of us is trying to do. Si l'on est conscient de tout cela, comme il le faudrait, comment y répond-on ? Par une réponse non partielle, mais totale à tout le phénomène qui se poursuit dans le monde. Considérons-nous seulement nos vies individuelles, comme vivre une vie paisible, sereine, dans son coin tranquille ? Ou nous préoccupons-nous de la totalité de l'existence humaine, de l'ensemble de l'humanité ? Si l'on ne se préoccupe que de sa propre vie, si perturbée, si limitée soit-elle, si triste et douloureuse soit-elle, alors on ne réalise pas que la partie est le tout. Il faut donc regarder la vie, pas la vie américaine ou la vie asiatique, mais la vie comme un tout – une observation holistique. C'est une observation holistique, non partielle – ce n'est pas mon observation particulière ou la vôtre, mais l'observation qui englobe la totalité, la vision holistique de la vie. Chacun de nous s'est préoccupé de ses propres problèmes : problèmes d'argent, de chômage, en quête de son propre accomplissement, à la recherche d'un plaisir perpétuel, apeuré, isolé, esseulé, déprimé, souffrant et créant pour soi un sauveur extérieur qui nous transformera ou apportera un salut à chacun de nous. Cette tradition s'est perpétuée dans le monde occidental pendant deux mille ans. Et dans le monde asiatique, dû probablement à un développement explosif de l'Inde vers l'Orient, la même chose s'est maintenue sous d'autres termes, d'autres symboles, d'autres images, d'autres conclusions. Mais c'est la même quête individuelle de salut, de bonheur individuel, en vue de résoudre tous ses problèmes complexes. Voilà ce que chacun de nous essaie de faire.
20:45 If we cannot solve our particular problem, there are the specialists of various kinds, psychological specialists to whom one goes to resolve our problems. They too have not succeeded. Nor the scientists – on the contrary. Technologically the scientists have helped enormously – less disease, better communication, curing, sanitation and so on. And also the scientists are maintaining the war. Scientists are responsible for all the gadgets of war. They are responsible for murdering millions and millions of people at one blow. So scientists are not going to save mankind, nor the politicians, whether in the East or West, or in the middle part of the world. They seek power, position, and they play all kinds of tricks on human thought. You know all this. And in the Western world we elect them – God knows how we elect them. And in the Russian world you don’t, there is totalitarian dictatorship, complete prison. And it is exactly the same thing in the religious world, so-called religious world. The authority of the hierarchy, the authority of the Pope, the bishop, the archbishop and the local priest, in the name of some image which thought has created. And we, as human beings, separated, isolated, we haven’t been able to solve our problems. We are highly educated, cunning, self-centred, capable of extraordinary things outwardly. But inwardly we are more or less what we have been for a million years: we hate, we compete, we destroy each other, which is what is going on actually at the present moment. You have heard the experts talking about the recent war. They are not talking about human beings being killed, but destroying airfields, blowing up this or that. So there is this total confusion in the world, of which one is quite sure we are all aware of. Si nous ne parvenons pas à résoudre notre propre problème, il existe divers spécialistes en psychologie chez qui l'on va pour résoudre ses problèmes. Eux non plus n'y sont pas parvenus. Ni les scientifiques, au contraire. Techniquement, les scientifiques ont été d'une grande aide – moins de maladies, de meilleures communications, soins, état sanitaire, etc. Et les scientifiques contribuent aussi à la guerre. Ils sont responsables de tous les gadgets de guerre. Ils sont responsables du meurtre de millions et de millions de personnes d'un seul coup. Donc ni les scientifiques, ni les politiciens ne sauveront l'humanité, qu'ils soient d'Orient ou d'Occident ou d'entre les deux. Ils sont à la recherche de pouvoir, de fonction, et jouent toutes sortes de tours à la pensée humaine. Vous savez tout cela. Et en Occident, nous les élisons – Dieu sait comment. Et dans le monde de la Russie ce n'est pas le cas, il y a là une dictature totalitaire, une prison absolue. Et il en va exactement de même dans le monde religieux, ou prétendu tel. L'autorité de la hiérarchie, l'autorité du pape, de l'évêque, de l'archevêque et du prêtre local, au nom d'une image créée par la pensée. Et nous autres êtres humains séparés, isolés, n'avons pas été capables de résoudre nos problèmes. Nous sommes très instruits, rusés, égocentriques, capables de réalisations extraordinaires, extérieurement. Mais intérieurement, nous sommes plus ou moins les mêmes qu'il y a un million d'années : nous haïssons, sommes en compétition, nous détruisons mutuellement, c'est ce qui se passe effectivement en ce moment même. Vous avez entendu les experts parler de la dernière guerre. Ils ne parlent pas des êtres humains qui sont tués, mais de détruire les aéroports, de faire sauter ceci ou cela. Il y a donc cette confusion totale dans le monde, dont on est très certainement tous au courant.
25:31 And from that arises the question: what shall we do? As a friend once some time ago told the speaker, you can’t do anything. You are beating your head against a wall. It will go on like this for the next million years: fight, kill, destroy each other, competition, caught in various forms of illusion. This will go on. Don’t waste your life and time. This tragedy, the terrifying events that may happen by some crazy person pressing a button, or the computer taking over man’s capacities, thinking much quicker, more accurate. The computer too may destroy the human being, the human mind, the human brain, because the computer with robot can do all kinds of things as they are doing in Japan. So what is going to happen to human beings? So this is the vast problem which we are facing. Et delà surgit la question suivante : qu'allons-nous faire ? Comme le disait un ami à l'orateur, on n'y peut rien. On se tape la tête contre un mur. Et ainsi de suite pendant un million d'années : luttes, meurtres, destructions mutuelles, compétitions, pris au piège de toutes sortes d'illusions. Ceci va continuer. Ne perdez pas votre vie et votre temps. La tragédie est que ces terribles événements peuvent survenir par la volonté d'un fou quelconque pressant sur un bouton, ou l'ordinateur qui prendrait le pas sur l'homme, pensant beaucoup plus vite, plus précisément. L'ordinateur aussi pourrait détruire l'être humain, l'esprit humain, le cerveau humain, car l'ordinateur et le robot peuvent faire toutes sortes de choses, comme cela se voit au Japon. Alors que va-t-il advenir des êtres humains ? Voilà donc l'énorme problème auquel nous nous confrontons.
27:55 And our education from childhood till we pass, if we are lucky, through college, university, is to specialise in some form or another, accumulate a lot of knowledge, store it up in the brain and act, get a job and hold on to the job skilfully, – if you can – for the rest of one’s life; going to the office, from morning till evening and dying at the end of it all. This is not a pessimistic attitude or observation; this is what actually is going on. When one observes the actuality, the fact, one is neither depressed, optimistic or pessimistic – it is so! Et notre éducation de la maternelle au collège, puis à l'université si nous en avons la chance, consiste à se spécialiser dans un domaine ou un autre, accumulant beaucoup de savoir dans notre cerveau pour agir, obtenir un emploi et s'en acquitter avec compétence – si l'on en est capable – pendant le reste de sa vie; aller au bureau du matin au soir et en fin de compte mourir. Ceci ne relève pas d'une attitude ou d'une observation pessimiste; c'est ce qui a effectivement lieu. Quand on observe la réalité, le fait, on n'est ni opprimé, ni optimiste, ni pessimiste : c'est ainsi !
29:13 And one asks, if one is at all serious and responsible, what is one to do? Retire into monasteries? Form some commune? Go off to Asia and pursue Zen meditation or other forms of meditation? One is asking seriously this question. When you are confronted with this crisis in consciousness – the crisis is not over there, outside of us, the crisis is in us. You know that saying, ‘We have seen the enemy and the enemy is us’. Et si l'on est le moins du monde sérieux et responsable, on demande : que faut-il faire ? Se retirer dans un monastère ? Former une communauté ? Se rendre en Asie et s'adonner à la méditation zen ou à une autre ? On pose sérieusement cette question. Quand on est confronté à cette crise de conscience, la crise ne se situe pas en dehors de soi, la crise est en nous. Vous connaissez ce dicton : 'nous avons vu l'ennemi, et l'ennemi est nous'.
30:44 So the crisis is not economic, war, the bomb, the politicians, the scientists, but the crisis is within us, the crisis is in our consciousness. Until we understand very profoundly the nature of that consciousness, and question, delve deeply into it and find out for ourselves whether there can be a total mutation in that consciousness, the world will go on creating more misery, more confusion, more horror. So our responsibility is not some kind of altruistic action, political, or economic, but to comprehend the nature of our being, why we human beings, who have lived on this beautiful, lovely earth, why we have become like this. La crise ne relève pas de l'économie, de la guerre, de la bombe, des politiciens, des scientifiques, la crise est en nous, la crise est dans notre conscience. Tans que nous ne comprenons pas à fond la nature de cette conscience, pour la mettre en question, ne la creusons pas profondément pour découvrir par nous-mêmes si cette conscience peut subir une mutation totale, le monde continuera à créer davantage de malheur, davantage de confusion, davantage d'horreur. Donc notre responsabilité ne consiste pas à nous livrer à quelque action altruiste, politique ou économique, mais à comprendre la nature de notre être, la raison pour laquelle, tout en vivant sur cette merveilleuse terre, nous sommes devenus ainsi.
32:33 So we should if you are willing, if it is your responsibility, we can perceive together the nature of our consciousness, the nature of our being. This is not, as we said, a lecture. A lecture being a dissertation on a particular subject giving or pointing out information – that’s what one means by a lecture. But here we are trying together, you and the speaker together, not separately, together, to observe the movement of this consciousness and its relationship to the world, whether that consciousness is individual, separate, or that consciousness is the whole of mankind. Do you understand? We are educated from childhood to be individuals, with your separate soul – if you believe in that kind of stuff – or you have been trained, educated, conditioned to think as an individual. We think because you have a separate name, separate form, that is: dark, light, tall, short, fair, black, and so on, and your particular tendency, we think we are separate individuals, with our own particular experiences and so on. Now we are going to question that very idea, whether we are individuals. Par conséquent, si vous le voulez, si vous sentez que votre responsabilité est engagée, nous pouvons percevoir ensemble la nature de notre conscience, la nature de notre être. Comme nous l'avons dit, ceci n'est pas une conférence. Une conférence est une dissertation sur un sujet particulier qui fournit de l'information; voilà ce que signifie le mot conférence. Mais ici, nous essayons ensemble, vous et l'orateur, ensemble, pas séparément, ensemble, d'observer le mouvement de cette conscience et son rapport au monde, pour savoir si cette conscience est individuelle, séparée, ou si cette conscience est la totalité de l'humanité. Vous comprenez ? On nous a appris depuis l'enfance à être des individus, chacun ayant une âme séparée – si vous croyez à toutes ces sornettes – ou bien vous avez été formé, éduqué, conditionné à penser en tant qu'individu. Du fait que nous avons un nom distinct, une conformation particulière – de peau foncée ou claire, grands ou petits de taille, blonds ou bruns, etc. et nos tendances spécifiques – nous pensons être des individus distincts, avec nos propres expériences et ainsi de suite. Nous allons maintenant mettre en doute cette idée même que nous sommes des individus.
35:33 It doesn’t mean that we are a kind of amorphous beings, but actually are we individuals? Though the whole world maintains, both religiously and in other ways, that we are separate individuals. And from that concept, and perhaps from that illusion, each one of us is trying to fulfil, become something. In that becoming something we are competing against another, fighting another. So if we maintain that way of life, we must inevitably cling to nationalities, tribalism, war. Why do we hold on to nationalism? The passion behind it – which is what is happening now, the British against the Argentines, the Jew against the Arab, Arab against the Jew, and so on. Why do we give such extraordinary passionate importance to nationalism, which is essentially tribalism? Why? Is it because in tribalism, holding on to the tribe, to the group, there is certain security, not only physical security but psychological security, inward sense of completeness, fullness. If that is so, then the other tribe also feels the same; and hence division and hence war, conflict. Cela ne veut pas dire que nous sommes des êtres amorphes, mais en fait, sommes-nous des individus ? Bien que le monde entier maintienne que, religieusement parlant et autrement, nous sommes des individus distincts. Et à partir de ce concept et peut-être même de cette illusion, chacun de nous essaie de s'accomplir, de devenir quelque chose. Et ce devenir quelque chose nous fait entrer en concurrence avec autrui, à lutter contre autrui. Si nous maintenons ce mode de vie, nous sommes inévitablement amenés à nous cramponner aux nationalités, au tribalisme, à la guerre. Pourquoi tenons-nous au nationalisme ? Avec la passion qui s'y cache – c'est ce qui a lieu en ce moment, les Anglais s'opposant aux Argentins, le Juif s'opposant à l'Arabe, l'Arabe au Juif, etc. Pourquoi accordons-nous une importance aussi passionnelle au nationalisme, qui est essentiellement du tribalisme ? Pourquoi ? Est-ce parce que dans le tribalisme, l'appartenance à la tribu, au groupe, il y a une certaine sécurité, pas seulement physique, mais une sécurité psychologique, un sentiment de plénitude intérieure. S'il en est ainsi, la tribu voisine ressentira les choses de la même façon, d'où division, d'où guerre, d'où conflit.
38:15 If one actually sees the truth of this, not theoretically, and if one wants to live on this earth, which is our earth, not yours or mine, American or the Russian or the Hindu, it’s our earth to live on, then there is no nationalism at all, there is only human existence. One life – it’s not your life or my life, it’s living the whole of life. And this tradition of individuality has been perpetuated by religions both in the East and in the West – individual saviour for each individual, and so on. Now is this so? You know, it is very good to doubt, very good to have a mind that questions, doesn’t accept; a mind that says, we cannot possibly live any more like this, in this brutal, violent manner. So doubt, questioning, has extraordinary importance, not just accept the way of life one has lived perhaps for fifty, sixty or thirty years, or the way one has lived for a million years. So we are questioning the reality of individuality. Is your consciousness – we understand by the meaning of that word, ‘to be conscious’, the content of your consciousness, to be conscious means to be aware, to know, to perceive, to observe – is your consciousness with its content, the content being your belief, your pleasure, your experience, your particular knowledge which you have gathered, either through some particular external subject or the knowledge you have gathered about yourself, your fears, the attachments, the pain, the agony of loneliness, the sorrow, the search for something more than mere physical existence; – all that is one’s consciousness with its content. The content makes the consciousness. Without content there is not the consciousness as we know it. Here there is no room for argument. It is so. Your consciousness, which is very complex, contradictory, with such extraordinary vitality, that consciousness – is it yours? Is thought yours? Or there is only thinking, which is neither East nor West, there is only thinking, which is common to all mankind, whether they are rich or poor. The technician with his extraordinary capacity, or the monk who withdraws from the world and is consecrating himself to an idea – it’s still thinking. Si l'on voit effectivement la vérité de ceci, pas théoriquement, et si l'on veut vivre sur cette terre, qui est notre terre, pas la vôtre ou la mienne, l'américaine ou la russe, ou l'hindoue, c'est notre terre, alors le nationalisme n'a aucune raison d'être. Il n'y a que l'existence humaine. Une vie; ce n'est ni votre vie, ni la mienne, mais le vécu de l'existence dans sa totalité. Et cette tradition d'individualité a été perpétrée par les religions tant en Orient qu'en Occident – un sauveur individuel pour chaque individu, etc. Alors en est-il ainsi ? Vous savez, il est très bon de douter, très bon d'avoir un esprit qui met en question, qui n'accepte pas; un esprit qui dit nous ne pouvons plus vivre ainsi, de cette façon brutale et violente. Doute, questionnement revêtent donc une importance extraordinaire, sans admettre d'emblée le mode de vie que l'on a vécu pendant peut-être cinquante, soixante ou trente ans, ou le mode de vie vécu pendant un million d'années. Nous mettons donc en cause la réalité de l'individualité. Votre conscience – nous entendons par ce mot, 'être conscient', le contenu de votre conscience, être conscient signifie être lucide, connaître, percevoir, observer – votre conscience avec son contenu, le contenu étant votre croyance, votre plaisir, votre expérience, le savoir spécifique que vous avez accumulé, soit par l'étude d'un certain sujet extérieur, ou le savoir que vous avez acquis sur vous-même, vos peurs, attachements, la douleur, l'angoisse de la solitude, la souffrance, la quête de quelque chose de plus qu'une simple existence physique, tout cela est notre conscience avec son contenu. Le contenu constitue la conscience. Sans contenu, point de conscience telle que nous la connaissons. Il n'y a pas ici matière à discussion. Il en est ainsi. Votre conscience, qui est très complexe, contradictoire, d'une vitalité si extraordinaire, cette conscience vous appartient-elle ? La pensée vous appartient-elle ? Ou il n'y a que l'acte de penser qui n'est ni d'Orient, ni d'Occident, que le 'penser' qui est commun à tous les humains, qu'ils soient riches ou pauvres. Le technicien avec ses aptitudes extraordinaires, ou le moine qui se retire du monde et se consacre à une idée – c'est toujours penser.
44:08 Is this consciousness common to all mankind – common in the sense, not degrading – is this consciousness yours or also the rest of mankind? Wherever one goes, one sees suffering, pain, anxiety, loneliness, insanity, fear, seeking security, caught in knowledge, the urge of desire, loneliness; it is common, it is the ground on which every human being stands. Your consciousness is the consciousness of humanity, the rest of humanity. It’s logical. You may disagree; you may say, my consciousness is separate, and it must be separate. But is it so? If one understands the nature of this, that you are the rest of mankind, though we may have a different name, we may live in different parts of the world, educated in different ways, affluent or very poor, when you go behind the mask, deeply, you are like the rest of mankind: aching, loneliness, suffering, despair, neurotic; belief – believing in some illusion, and so on. Whether you go to the East or West, this is so. You may not like it. You may like to think that you are totally independent, free individual. But when you observe very deeply, you are the rest of humanity. You may accept this as an idea, an abstraction, as a marvellous concept, but idea is not the actual. An abstraction is not what actually is taking place. But most of us make an abstraction of ‘what is’ into an idea, and then pursue the idea, which is really non-factual. Cette conscience est-elle commune à toute l'humanité – 'commune' dans le sens non péjoratif du terme – cette conscience est-elle vôtre ou est-ce aussi celle du reste de l'humanité ? Où que l'on aille, on constate souffrance, douleur, anxiété, solitude, insanité, peur, quête de sécurité, enfermement dans le savoir, poussée du désir, solitude; tout cela est le socle commun sur lequel repose chaque être humain. Votre conscience est la conscience de l'humanité, du reste de l'humanité. C'est logique; peut-être ne serez-vous pas d'accord; peut-être direz-vous : ma conscience est distincte, elle l'est forcément. Mais en est-il ainsi ? Si l'on comprend ce qu'il en est, que l'on est le reste de l'humanité, bien que l'on puisse porter un nom différent, vivre dans différentes parties du monde, être éduqué de différentes manières, être nanti ou très pauvre, si on contourne le masque, profondément, on est semblable au reste de l'humanité : souffrant, en proie à la solitude, à l'affliction, au désespoir, à la névrose; croyant en une quelconque illusion, et ainsi de suite. Que l'on se rende en Orient ou en Occident, il en est ainsi. Cela pourrait ne pas vous plaire. Vous aimeriez peut-être penser que vous êtes un individu totalement indépendant, libre. Mais quand vous observez en profondeur, vous êtes le restant de l'humanité. Vous admettrez peut-être cela en tant qu'idée, qu'abstraction, qu'un merveilleux concept, mais l'idée n'est pas le fait réel. Une abstraction n'est pas ce qui se passe en réalité. Mais la plupart d'entre nous fait de 'ce qui est' en une abstration, une idée, et poursuit alors cette idée, ce qui est vraiment non factuel.
48:13 So, if that is so, that is, if my consciousness and yours, with all its content – the content in itself is contradictory, confused, struggling against each other: fact and non-fact, wanting to be happy, being unhappy; wanting peace, living without violence and yet being violent – our consciousness, in itself, is disorder. It is the root of dissension. And until we understand, go into it very deeply, and discover total order, we shall have always disorder in the world. Alors, s'il en est ainsi, c'est-à-dire si ma conscience et la vôtre, avec tout son contenu – le contenu étant lui-même contradictoire, confus, en proie à des luttes internes entre fait et non fait, désir d'être heureux tout en étant malheureux, désir de paix, de vie sans violence tout en étant violent – notre conscience est intrinsèquement désordre. Elle est la racine de la dissension. Et tant que nous ne l'aurons pas très profondément compris, et découvert l'ordre total, nous aurons toujours le désordre dans le monde.
49:44 So a serious person – I mean by that word, not easily dissuaded from the pursuit of understanding, the pursuit of delving deeply into himself, into his consciousness, which is the common consciousness of all man; a man who is not easily persuaded by amusement, entertainment – which is perhaps sometimes necessary – but to pursue consistently, every day into the nature of man, that is, into yourself, to observe what is actually going on within oneself. And from that observation action takes place. Not, 'what shall I do as a separate human being?' but action which comes out out of total, holistic observation of life. By that word ‘holistic’ we mean a healthy, sane, rational, logical, and a perception that is whole, which is holy, h-o-l-y. We are using that word in that sense – holistic. Now is this possible? Is it possible for a human being like us who are laymen – not specialists – laymen, is it possible for us to look at this, look at the contradictory, confusing consciousness as a whole, or must we take each part of it? Please just listen for a few minutes, if you are interested. Donc quelqu'un de sérieux – par ce mot j'entends pas facilement dissuadé de chercher à comprendre, de chercher à creuser profondément en lui-même, en sa conscience qui est commune à celle de tout homme un homme qui n'est pas facilement conquis par les amusements, les divertissements ce qui peut être parfois nécessaire – poursuit avec constance, quotidiennement, l'étude de la nature de l'homme, pour observer ce qui se passe réellement en soi. Et de cette observation découle l'action. Non pas 'que vais-je faire en tant qu'être humain distinct ?', mais l'action qui découle d'une observation totale, holistique de la vie. Nous entendons par ce mot 'holistique' une perception saine, rationnelle, logique, une perception globale, sainte. Nous utilisons le mot 'holistique' dans ce sens là. Alors est-ce possible ? Est-ce possible pour l'être humain profane que nous sommes, qui ne sommes pas des spécialistes, nous est-il possible d'examiner cela, d'observer la conscience contradictoire et confuse comme un tout, ou nous faut-il prendre en compte chacune de ses parties ? Je vous prie seulement d'écouter quelques instants, si cela vous intéresse.
53:03 I want to understand myself, my consciousness. I know from the very beginning it’s very contradictory – wanting one thing, and not wanting another thing; saying one thing and doing another. I know belief separates man. I believe in, whatever it is, Jesus or Krishna or something, or I believe in my own experience which I hold on to; or the knowledge which I have accumulated through sixty years or forty years or ten years – that becomes extraordinarily important. I cling to that. So I recognise belief destroys and divides people. And yet I can’t give it up because belief has strange vitality. It gives me a certain sense of security. I believe in God – there’s an extraordinary strength in that. But God is invented by man. If,as some people believe, we are all the children of God, God must be an extraordinary person, because if we observe what we are, we are miserable entities, and God must be also rather miserable about all this. Je veux me comprendre moi-même, ma conscience. Dès le début, je sais qu'elle est très contradictoire, voulant une chose, n'en voulant pas une autre; disant une chose et en faisant une autre. Je sais que la croyance sépare l'homme. Je crois… en Jésus, Krishna, peu importe, ou je crois en ma propre expérience à laquelle je m'accroche, ou encore au savoir que j'ai accumulé pendant une soixantaine, une quarantaine ou une dizaine d'années, – cela prend une importance extraordinaire. Je m'y cramponne. Je reconnais donc que la croyance détruit et divise les gens. Et pourtant, je ne peux pas y renoncer, car la croyance a une étrange vitalité. Elle me donne un certain sentiment de sécurité. Je crois en Dieu, il y a là une force extraordinaire. Mais Dieu est une invention de l'homme. Si, comme certains le croient, nous sommes tous enfants de Dieu, Dieu doit être une personne extraordinaire; du fait que l'observation montre que nous sommes de malheureuses entités, Dieu doit en être aussi assez malheureux.
55:17 So God is the projection of our own thought, our own demands, our own hopeless despair and the opposite of all that. Or I believe in some form of guru, you know, all that – belief. Why do we have beliefs at all? A mind that is crippled by belief is an unhealthy mind. There must be freedom. That’s again a very complex problem, what is freedom, which we won’t go into now. So, is it possible for me, for you, to delve deeply into this consciousness, not persuaded, not guided by psychologists, psychiatrists and so on, to delve deeply into ourselves and find out, so that we don’t depend on anybody, including the speaker. In asking that question, how shall we know the intricacies, the contradictions, the whole movement of consciousness? Shall we know it bit by bit, take for instance, we took just now belief. And also in our consciousness, we are hurt. Each human being from childhood is hurt. Is hurt by the parents – psychologically I am talking about. Hurt in the school, through comparison, through competition, through saying you must be first-class at this subject, in college, university, and life – it’s a constant process of being hurt. We all know this. We are all human beings, we are hurt, deeply – of which we may not be conscious. And, from that hurt, there are all forms of neurotic actions. That’s part of our consciousness, part of our hidden or open awareness that one is hurt. Dieu est donc la projection de notre propre pensée, de nos propres exigences, de notre propre désespoir, et l'opposé de tout cela. Ou je crois en une forme de gourou, vous savez, tout cela – la croyance. Pourquoi avons-nous la moindre croyance ? Un esprit paralysé par la croyance est un esprit malsain. La liberté est nécessaire. Voilà encore un problème très complexe : qu'est-ce que la liberté ? Nous ne l'aborderons pas maintenant. Alors, nous est-il possible, à vous et moi, de creuser profondément cette conscience sans y être incité, sans être guidé par des psychologues, des psychiatres et ainsi de suite, de creuser profondément en soi afin de ne dépendre de personne, y compris de l'orateur ? En posant cette question, comment allons-nous connaître les enchevêtrements, les contradictions, le mouvement tout entier de la conscience ? Allons-nous connaître cela petit à petit, comme pour la croyance dont nous venons de parler ? Et il nous arrive aussi d'être blessé dans notre conscience. Chaque être humain est blessé depuis l'enfance. Il est blessé par les parents – psychologiquement parlant. Blessé à l'école par la comparaison, la compétition, par ceux qui lui demandent d'exceller dans tel sujet, au lycée, à l'université et dans la vie, – c'est un processus continu de blessures subies. Nous connaissons tous cela. Nous sommes tous des êtres humains et nous sommes blessés, profondément, ce dont nous pourrions ne pas être conscients. Et toutes sortes d'actes névrotiques découlent de cette blessure. Cela fait partie de notre conscience, de cette conscience ouverte ou cachée, d'être blessés.
59:02 Now is it possible not to be hurt at all? Because it’s a very important question to ask. Because the consequences of being hurt are: building a wall round oneself, withdrawing in our relationship with each other in order not to be hurt more. In that there is fear, a gradual isolation. Now we are asking: is it possible not only to be free of past hurts but also never to be hurt again. Not through callousness, through indifference, through total disregard of all relationship, but rather enquire why and what is it that is being hurt. This hurt is, as we said, part of our consciousness from which various neurotic contradictory actions take place. So we are examining, as we examined belief, we are examining hurt, which is part of our consciousness – please, it is not something outside of us, it’s part of us. Now what is it that is hurt and is it possible never to be hurt? Do you understand? A human being that is free, totally – never to be hurt by anything psychologically, inwardly. Isn’t it an important question? And what is that is hurt? We say, that is me, I am hurt. What is that me? From childhood one has built an image of oneself. We have many, many images, not only the images that people give us, but also the images that we ourselves have built, as an American – that’s an image – as a Hindu, as a specialist. So, the ‘me’ is the image that I have built about myself, as a great man, or I am very good at this or that, and that image gets hurt. Dès lors, est-il possible de ne pas être du tout blessé ? C'est là une question très importante qu'il faut se poser. Parce que les conséquences de la blessure sont que nous nous entourons d'un mur, que nous nous retirons de notre relation mutuelle afin de ne pas être encore plus blessés. Il y a en cela de la peur, un isolement progressif. Nous demandons à présent : est-il possible d'être non seulement libres de nos blessures passées, mais encore de ne plus jamais être blessés. Pas par insensibilité, par indifférence, en se désintéressant totalement de toute relation, mais plutôt en s'enquérant du pourquoi de la blessure et de ce qui est blessé ? Comme nous l'avons dit, cette blessure fait partie de notre conscience, dont résultent divers actes névrotiques et contradictoires. Donc comme nous l'avons fait pour la croyance, nous examinons la blessure qui fait partie de notre conscience – attention je vous prie, ce n'est pas extérieur à nous, cela en fait partie. Alors qu'est-ce qui est blessé et est-il possible de ne jamais être blessé ? Vous comprenez ? Un être humain libre, totalement, jamais blessé par quoi que ce soit, psychologiquement, intérieurement. N'est-ce pas là une question importante ? Et qu'est-ce qui est blessé ? Nous disons : c'est moi, je suis blessé. Qu'est-ce que ce moi ? Depuis l'enfance on s'est bâti une image de soi. Nous avons beaucoup, beaucoup d'images, non seulement les images que les autres nous ont données, mais aussi celles que l'on s'est bâties de soi, en tant qu'Américain – c'est une image – en tant qu'Hindou, qu'un spécialiste. Donc le 'moi' est l'image que je me suis bâtie de moi-même, celle d'un grand homme, ou je suis très bon dans tel ou tel domaine, et cette image est blessée. N'est-ce pas ?
1:03:01 Right? You have an image: you are a marvellous cook, a marvellous carpenter, great talker – I am not! – great talker, writer, spiritual being, a leader. We have created these images for ourselves. We have other images, which we won’t go into for the moment. These images are the whole of me: when I say I am hurt, we mean the image is hurt. If I have an image about myself – which I have not – if I have one, you come along and tell me, don’t be an idiot, I get hurt. That is, I have built about myself an image as not being an idiot, a silly ass, you come along and say, you are, and that hurts me. And I carry that hurt for the rest of my life, careful not to be hurt, warding off any statement of my idiocy. Don’t laugh, it’s your problem, not mine. Please, this is very serious, because the consequences of being hurt are very complex. And from that hurt we may want to fulfil, we may want to become this or that to escape from this terrible hurt. So one has to understand it. And is it possible not to have an image about oneself at all? Why do you have images about yourself? You may look very nice, bright, intelligent, clear-faced, and I want to be like you; and if I am not, I get hurt. So comparison may be one of the factors of being hurt, psychologically. Then, why do we compare? You understand all these questions? Vous avez une image de vous : celle d'un merveilleux cuisinier, d'un merveilleux menuisier, d'un grand orateur – pas moi ! – un grand orateur, écrivain, un être spirituel, un leader. Nous avons créé ces images pour nous-mêmes. Nous avons d'autres images que nous n'aborderons pas pour l'instant. Ces images me représentent en totalité : quand je dis que je suis blessé, c'est l'image qui est blessée. Si j'ai une image de moi – je n'en ai pas – si j'en ai une, vous survenez et me dites ne soyez pas idiot, et je suis blessé. C'est-à-dire, je me suis bâti de moi une image de quelqu'un qui n'est pas un idiot, un âne bâté, et vous survenez et me dites 'vous l'êtes', et cela me fait mal. Et je porte cette blessure pour le restant de ma vie, prenant garde à ne pas être blessé, écartant toute référence à mon idiotie. Ne riez pas, c'est votre problème, pas le mien. Attention, ceci est très sérieux, car les conséquences d'avoir été blessé sont très complexes. Et du fait de cette blessure, on pourrait vouloir s'accomplir, vouloir devenir ceci ou cela pour échapper à cette terrible blessure. Il faut donc la comprendre. Alors est-il possible de n'avoir aucune image de soi ? Pourquoi avez-vous des images de vous ? Vous êtes peut-être très gentil, brillant, intelligent, avenant, et j'aimerais être comme vous; si je ne le suis pas, je suis blessé. Ainsi, la comparaison pourrait être un des facteurs de blessure, psychologiquement. Alors pourquoi comparons-nous ? Vous comprenez toutes ces questions ?
1:06:05 So can one live a life in the modern world without a single image? The speaker may say it is possible. It is. It can be done. But that requires the understanding of relationship. What is relationship? Have we got time to go into that? We have talked over an hour. You must be tired. If you are treating this as an entertainment, intellectual or otherwise, then it is just an amusement, something to do on Saturday morning. But if you are serious, in the deep sense of that word, committed to the solution of the human problems, then your brain must be as active as that of the speaker, not just accept a lot of words. Perhaps some of you are not used to all of this, because we think along the old traditional lines, habits, and take the easiest way of life. But this requires a great deal of energy, so that you find out whether it is possible never to be hurt. And whether it is possible to live a life without a single belief, which is dividing the world and human beings and so destroying each other. The South Americans believe in one thing and the Western world believes something else. The ideas, the ideals, the ideologies, are destroying human beings. So whether one can live without a single belief. And discover never to be hurt, which means not to have an image about yourself; as a Hindu, as a Buddhist, as a Catholic, as a Protestant, as a professor. You may profess, you may teach, you may inform, but the image you have created about yourself as a professor – not what you profess, you understand? Is that possible? That’s real freedom. Alors peut-on vivre dans le monde moderne, une vie dépourvue de toute image ? L'orateur pourrait dire : c'est possible, mais cela nécessite la compréhension de la relation. Qu'est-ce que la relation ? Avons-nous le temps d'aborder cela ? Il y a plus d'une heure que nous parlons. Vous devez être fatigués. Si vous considérez tout ceci comme un divertissement, intellectuel ou autre, alors ce n'est pour vous qu'un amusement, une activité de week-end. Mais si vous êtes sérieux, dans l'acception profonde de ce mot, engagés à trouver la solution des problèmes humains, votre cerveau doit être aussi actif que celui de l'orateur, sans se contenter d'admettre un tas de mots. Certains d'entre vous ne sont peut-être pas habitués à tout ceci, car nous pensons selon de vieux schémas traditionnels, de vieilles habitudes et optons pour le mode de vie le plus facile. Mais ceci requiert énormément d'énergie pour découvrir s'il est possible de ne jamais être blessé, et s'il est possible de vivre une vie sans la moindre croyance, laquelle divise le monde et les êtres humains, détruisant ceux-ci par la même occasion. Les Sud Américains croient en une chose et le monde occidental croit en autre chose. Les idées, les idéaux, les idéologies détruisent les êtres humains. Alors peut-on vivre sans la moindre croyance et découvrir comment ne jamais être blessé, ce qui signifie ne jamais avoir une image de soi, en tant qu'hindou, bouddhiste, catholique, protestant, en tant que professeur. Vous pouvez enseigner, informer, mais [sans] l'image de professeur que vous vous êtes créée – pas de ce que vous enseignez, vous comprenez ? Est-ce possible ? C'est celà, la vraie liberté.
1:10:08 And it is possible, when I am called an idiot – because I’ve an image about myself if I have one – to give total attention to that statement as it is said. You understand? When I have an image about myself, and you call me an idiot, I react instantly. The reaction is immediate. As the reaction is immediate, to give attention to that immediacy. You understand? Am I making myself clear? That is, to listen very clearly to the idea that I am an idiot. You’ve called me an idiot – to listen to it attentively. When you listen completely, there is no reaction. It is the lack of listening acutely that creates the image. Have you understood this? Suppose I have an image about myself, because I have travelled all over the world, etc. I have an image about myself. You come along and say, 'Look, old boy, you’re not as good as the other guru, or the other leader, or some other teacher, some other idiot. You are in yourself an idiot.' I listen to that completely, give complete attention to what is being said. When there is total attention, there is no forming of a centre. It’s only inattention that creates the centre. Have you understood this? Et est-il possible, quand on me traite d'idiot – du fait que j'ai une image de moi pour autant que j'en ai une – de prêter une attention totale à cette affirmation telle qu'elle est proférée. Vous comprenez ? Quand j'ai une image de moi et que vous me traitez d'idiot, je réagis instantanément. La réaction est immédiate. Comme elle est immédiate, il s'agit de prêter attention à cette immédiateté. Vous comprenez ? Suis-je clair ? C'est-à-dire, prêter une écoute très claire à l'idée que je suis un idiot. Vous m'avez traité d'idiot; il s'agit d'écouter cela attentivement. Quand on écoute totalement, il n'y a pas de réaction. C'est le manque d'une écoute précise qui crée l'image. Vous avez compris ? Supposons que j'ai une image de moi du fait que j'ai voyagé de par le monde, etc. J'ai une image de moi. Vous survenez et dites 'regardez mon vieux, vous n'êtes pas aussi bon que l'autre gourou ou l'autre leader, ou qu'un autre professeur, ou qu'un autre idiot. Vous êtes vous-même un idiot.' J'écoute cela totalement, je prête une attention complète à ce qui est dit. Quand il y a attention totale, il n'y a pas de formation de centre. Ce n'est que l'inattention qui crée le centre. Vous avez compris cela ?
1:13:01 Can one give such attention? You understand? A mind which has been so slack, a brain which has been confused, disturbed, neurotic, which has never actually faced anything, which has never demanded of itself its highest capacity which is total attention. And when there is total attention to the statement that I am an idiot, it has lost totally all its significance. Because when there is attention there is not a centre which is reacting. Peut-on prêter une telle attention ? Vous comprenez ? Un esprit qui a été tellement négligent, un cerveau qui a été confus, perturbé, névrotique, qui n'a jamais confronté quoi que ce soit, qui n'a jamais exigé le maximum de lui-même, n'a pas cette attention totale. Et quand il y a attention totale au fait que j'ai été traité d'idiot, la chose a perdu toute signification. Car là où il y a attention, il n'y a pas de centre qui réagit.
1:14:10 I have finished for this morning. I believe we meet tomorrow morning. May I get up, please? J'en ai fini pour ce matin. Je crois que nous nous revoyons demain matin. Puis-je me lever ?