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OJ83T2 - La guerre est un symptôme
2ème causerie publique
Ojaï, USA
Le 15 mai 1983



0:33 Allons-nous attendre un peu ou avancer ? Des gens arrivent. Faut-il attendre ?
2:06 Pouvons-nous poursuivre ce dont nous parlions hier et aller de l'avant ? Il fait une matinée superbe et je suis heureux que la journée soit si belle.
2:26 Nous parlions, n'est-ce pas, du chaos qui sévit partout dans le monde, pas seulement dans la société, et des divisions que les religions créent dans le monde entier, de la menace de guerre et du chaos général, et nous demandions qui est responsable de tout ce gâchis. Et nous disions, n'est-ce pas, que la pensée a évolué de façon si extraordinaire dans le domaine technique, alors que psychologiquement, intérieurement, nous sommes toujours très primaires. Et ce primitivisme – pour autant qu'un tel mot existe, ce dont je doute – crée tout ce malheur et cette confusion. Et partant de là, nous en sommes venus à la relation. Nous avons vu que sans relation il n'y aurait pas d'humanité, que sans relation il n'y aurait aucune existence. La relation, avons nous dit, était un des facteurs essentiels de la vie; et qu'en général la relation, chez la plupart des gens, repose sur le souvenir et les choses du passé. Et hier matin, nous nous sommes penchés en détail sur ce sujet; je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'y revenir. Nous avons dit que souvenir et plaisir ne sont pas l'amour. Que le désir de s'accomplir, de devenir quelque chose dénie ce parfum que nous appelons l'amour. C'est là que nous en sommes restés hier et avons brièvement parlé de la paix.
5:23 Biologiquement, l'homme évolue probablement depuis plus ou moins un million d'années, et l'homme a toujours aspiré à la paix sur la terre; 'pacem in terris', l'ancienne phrase latine. Et il semble qu'il n'y ait pas de paix dans le monde; sans paix, il est impossible de fleurir. Il est possible, non pas d'évoluer, mais de voir la profondeur extraordinaire de la vie, sa beauté, l'immensité de tout le monde vivant. Il nous faut la paix. Et cette paix est niée là où il y a de la pauvreté. Dans ce pays aussi il y a une grande pauvreté, bien que cette société soit nantie. Plus vous allez vers l'est, plus la pauvreté augmente : en Afrique, au Moyen Orient, en Inde, etc. Là où règne la pauvreté, aucun gouvernement nationaliste ne peut jamais la résoudre, car c'est un problème global, mondial et non spécifique à un gouvernement particulier, qu'il soit totalitaire, marxiste, ou soi-disant démocratique. Et la pauvreté n'est pas qu'extérieure; si vous avez vécu dans un pays où règne une immense pauvreté, vous en voyez les effets : la dégradation, l'esclavage et la brutalité. Nous avons vécu tout cela. Et cette pauvreté n'est pas que celle de l'esprit; la pauvreté de l'esprit ne s'enrichit pas par les livres, par les institutions, les organisations et les fondations ou forums, cet esprit s'enrichit quand on comprend la totalité de sa propre existence et sa relation au monde dans son ensemble.
8:47 Et les religions n'ont pas encouragé ni amené la paix dans le monde. Elles en parlent énormément – tout le monde chrétien parle de 'pacem in terris', la paix dans le monde – mais les religions ont divisé l'homme. Il y a les catholiques, les protestants; j'ignore combien il y a de groupes religieux dans ce petit village, probablement une douzaine, d'institutions et de fondations, chacune s'efforçant de dire quoi faire aux autres, ou de les informer. Les religions ont empêché la paix, elles ont connu des guerres : la guerre de cent ans en Europe, la torture, toute la brutalité de cette culture-ci qui repose sur certains concepts, dogmes et croyances. Dans le monde entier, en Inde, en Extrême Orient, au Proche Orient, les religions ont empêché l'homme d'être en relation juste avec l'humanité. Ce sont là tous des faits. Il y a eu 5.000 ans de guerres. C'est une vérité historique, et nous continuons les guerres, nous entretuant – à l'origine peut-être avec une massue, et aujourd'hui vous vaporisez les hommes par millions. Nous n'avons pas évolué psychologiquement, intérieurement. Et tant que nous serons primitifs, psychologiquement, notre société le sera également.
11:20 Et peut-il y avoir la paix sur la terre ? C'est une question très, très sérieuse. Pas seulement en soi-même; vivre en paix, sans conflit, est-ce le moins du monde possible ? Ou l'homme est-il condamné à vivre à jamais en conflit ? Vous êtes gênés ? C'est l'avion ?
12:07 Q: Non.

K: Très bien.
12:17 L'homme est-il à jamais condamné à vivre en conflit, en guerre ? Ou y a-t-il une issue à tout ceci ? Certainement pas par les religions telles qu'elles existent; ni par les organisations politiques, qu'elles soient démocratiques, totalitaires ou marxistes. Ni par les divisions des nationalités. Tant que vous restez un Américain, et que l'orateur reste un hindou, un bouddhiste ou un musulman, nous n'aurons pas de paix sur la terre. Ni par les divisions raciales telles que le Juif, l'Arabe, l'Hindou, etc., ni culturellement. C'est donc une question très importante que nous devons nous poser; pas à un autre, pas de savoir si les gouvernements peuvent amener la paix. Ils sont créés à partir de ce que nous sommes. Ils ont été structurés, formés par nos propres exigences.
13:51 On demande donc : est-il possible d'avoir la paix sur cette terre ? Cette requête existe depuis des siècles; bien avant l'apparition de la chrétienté. Il y a 2.5OO ans, le Bouddha parlait de la paix. Et nous en parlons encore. Ayant donc pris conscience de tout cela, que faut-il faire ? Le soi-disant effort individuel pour vivre en paix n'a pas d'effet sur le monde entier. Peut-être vivez vous en paix dans cette belle vallée, calmement, sans être trop ambitieux, trop corrompu, ni trop compétitif, et vivez ici tranquillement, vous entendant bien avec votre femme ou votre mari, mais cela affectera-t-il la totalité de la conscience humaine ? Ou le problème est-il bien plus vaste, bien plus profond que cela ? Pour découvrir cela, pour autant que nous soyons sérieux... et, s'il nous est permis de vous le rappeler, ceci n'est pas un divertissement, c'est bien trop sérieux. Nous devons penser ensemble; ce n'est pas l'orateur qui pense, explique et décrit, mais ensemble, comme deux vieux amis, assis à l'ombre des arbres, et parlant de tout ceci, pas seulement intellectuellement, mais de leurs cœurs troublés. Ils sont très préoccupés par ce qui a lieu dans le monde et ce qui se passe en eux-mêmes, comme deux vieux amis conversant aimablement, sans chercher à se convaincre ni à se stimuler mutuellement, sans se cramponner à leurs propres opinions, jugements et conclusions, deux vieux amis ayant vécu ensemble, marché ensemble, vu bien des choses en ce monde. Vous et l'orateur sommes ainsi; nous pouvons donc penser ensemble, pas à quoi penser ou comment penser, mais penser, observer ensemble; observer le même arbre, les cieux, les oiseaux, et la beauté stupéfiante des montagnes. Ainsi, ensemble, vraiment ensemble, il ne s'agit pas que vous écoutiez l'orateur, mais qu'ensemble nous explorions cette question; la question que nous nous posons l'un à l'autre étant : peut-on vivre [en paix], pas seulement vous et moi, mais le reste de l'humanité ? Parce que cette terre est la nôtre, elle n'est pas américaine, irlandaise, anglaise ou française, c'est notre terre. Nous sommes ses hôtes. Nous devons y vivre en paix.
19:00 Et l'un dit à l'autre : quelle est la cause de tout ceci ? Si l'on peut découvrir la cause, alors l'effet, le symptôme peut prendre fin. La guerre est un symptôme. La cause en est très profonde, très complexe. Et quand on peut découvrir la cause d'une maladie, cette maladie peut être guérie. Donc les deux amis – j'espère que nous sommes des amis discutant ensemble – les deux amis disent : quelle est la cause de tout ceci ? Pourquoi les êtres humains sont-ils devenus ainsi ? Tellement irréfléchis, ne se souciant que d'eux-mêmes, rien ne leur importe hormis leurs propres désirs, leurs propres besoins, pulsions, ambitions, réussites, qu'il s'agisse de réussite dans les affaires ou dans le monde professionnel. Et psychologiquement, intérieurement, nous voulons être ou devenir quelqu'un. Alors l'un dit à l'autre : s'il vous plaît, écoutez bien ce que je vous dis. L'évolution psychologique existe-t-elle tant soit peu ? C'est là une question très, très sérieuse. C'est-à-dire, le devenir a-t-il une quelconque réalité psychologique ? Et ce devenir, s'accomplir intérieurement à partir de 'ce qui est' vers 'ce qui devrait être', du malheur à une forme de bonheur, de la confusion à l'illumination, c'est-à-dire devenir – de 'ce qui est' à 'ce qui devrait être', voilà ce qu'est devenir.
22:11 Ce devenir implique le temps. Et ce devenir, chacun s'efforçant de devenir quelque chose psychologiquement, pourrait être identique, physiquement, au mouvement consistant à passer de l'état d'employé à celui d'évêque. – non, plutôt de prêtre local à celui d'évêque; d'employé à celui de directeur. C'est le même mouvement, la même vague transposée au domaine psychologique. J'espère, demande l'ami à son compagnon, j'espère être clair. Non, répond celui-ci, vous n'êtes pas très clair, approfondissez un peu cela.
23:29 Dans toutes les religions, comme dans le monde psychologique, l'idée du changement consiste à devenir. N'est-ce pas ? Je suis confus, et je dois changer cette confusion pour arriver à la clarté. Je me dispute avec ma femme, et changer ou arrêter cela, ou mettre fin à cette dispute consiste à passer de la violence à la non-violence. C'est-à-dire qu'il y a toujours tentative d'être ce qui n'existe pas. N'est-ce pas ? Alors l'ami dit : c'est assez clair, mais pas encore suffisamment. Nous allons donc poursuivre notre conversation; la matinée est belle, nous avons du temps, le soleil est chaud et il y a assez d'ombre. L'ombre importe autant que le soleil. Il y a une grande beauté dans les ombres; mais ce qui intéresse la plupart d'entre nous est la lumière, l'illumination, et c'est cela que nous voulons accomplir. Cette réalisation psychologique pourrait elle-même être un des facteurs de conflit dans la vie. Alors, dit mon ami, examinons ce fait. Qu'est-ce que devenir ? J'espère que mon ami est très intéressé – et vous aussi – à l'écoute de cette conversation qui a lieu entre vous et l'orateur. Il n'y a pas d'autre ami que vous et l'orateur. Alors il dit : est-ce là la cause fondamentale de la division ? La division existe forcément, explique l'autre, tant que le psychisme est présent, l'individu, le 'moi', l'ego, la personne, qui se sépare de l'autre. Mais l'autre dit : c'est une bien longue histoire, c'est la nature de la condition humaine, à savoir que nous avons été formés, éduqués à admettre, tant religieusement qu'économiquement, etc., que nous sommes des individus distincts du reste de l'humanité, distincts l'un de l'autre. Et l'ami répond : en est-il ainsi ? Sommes-nous vraiment des individus ? Je sais que c'est la tradition, c'est ce que toutes les religions ont dit – des âmes séparées pour les chrétiens et pour les hindous, etc. Mais ensemble, vous, l'ami et l'orateur, l'autre, allez examiner si nous sommes vraiment des individus. Soyez patients, je vous prie. Voyez en toutes les implications avant de nier ou d'agréer. Vous l'admettezà présent; c'est votre conditionnement, en tant qu'individu, libre de faire ce qu'il veut. Et le totalitaire le refuse; il dit que vous n'êtes qu'un rouage de toute la structure sociale.
28:57 Nous nous interrogeons donc; non seulement le devenir psychologique pourrait être une illusion, mais aussi que psychologiquement nous sommes ou non distincts, car vous souffrez, vous êtes confus, vous êtes malheureux, anxieux, incertain, dans l'insécurité; même si vous avez une sécurité extérieure, celle-ci devient de plus en plus aléatoire. Il y a des millions de sans emploi dans ce pays et en Angleterre. 4 millions de personnes sont au chômage en Angleterre, un petit pays. En Inde, le chômage est une donnée inconnue. Ce chômage cause une grande misère, du malheur, du conflit et de la haine.
30:23 Nous posons donc ensemble la question – c'est vous et l'autre ami qui la posez – à savoir si nous sommes le moins du monde des individus. Ou nous sommes comme le reste de l'humanité; le reste de l'humanité est malheureux, souffrant, craintif, croyant en des fantasmes romantiques et dénués de sens; en proie à une grande souffrance, incertitude, comme vous-même. Et notre réaction, qui fait partie de notre conscience, est semblable à celle d'autrui. C'est un fait absolu. Peut-être n'aimez-vous pas y penser, peut-être préférez-vous penser que vous êtes totalement distinct d'autrui, ce qui est vraiment absurde. Donc votre conscience – c'est-à-dire vous-même, ce que vous pensez, ce à quoi vous croyez, vos conclusions, préjugés, votre vanité, arrogance, agressivité, douleur, chagrin, souffrance – est partagée par toute l'humanité. Tel est notre conditionnement, que l'on soit catholique, protestant, ou n'importe quoi.
32:35 Ce conditionnement est donc l'essence de ce qui constitue votre vie. Telle est la vérité. Et donc vous faites partie du reste de l'humanité; vous êtes le reste de l'humanité. Vous êtes l'humanité. C'est formidable de réaliser cela. Vous pouvez bien croire en un certain sauveur et l'autre croire en certaines idéologies et ainsi de suite; la croyance nous est commune à tous; la peur nous est commune à tous; la solitude, l'angoisse de la solitude est partagée par le reste de l'humanité. Alors, quand on prend conscience de cette vérité, devenir – c'est-à-dire changer 'ce qui est' en 'ce qui devrait être' – prend un tout autre sens. L'ami dit : je ne comprends rien à tout cela. Que voulez-vous dire par là ? L'autre ami répond : je ne sais pas très bien, mais examinons cela. J'espère que vous suivez, car c'est de votre vie qu'il s'agit, pas de la mienne. C'est votre vie quotidienne – que vous viviez dans cette vallée, à New York ou dans d'autres grandes villes, toutes les villes du monde – c'est notre vie. Nous devons comprendre cela, pas venant d'un autre, mais en examinant les faits de notre vie; se regarder comme vous vous regardez en vous coiffant ou en vous rasant, objectivement, sainement, rationnellement, sans aucune déformation, en voyant les choses telles qu'elles sont, sans avoir peur ou honte, mais en observant.
35:54 Donc l'ami dit : toute ma vie j'ai essayé de changer 'ce qui est' en ce 'qui devrait être'. Je connais la violence, le désordre, j'ai très bien connu tout cela. Et ce désordre, cette violence, j'ai essayé de les changer, c'est-à-dire, passer de la violence à la non-violence, du désordre à l'ordre. Alors demande l'ami... Cette mouche m'aime. L'autre ami dit : la non-violence est-elle un fait ? Ou n'est-ce qu'une conclusion imaginaire, une réaction au fait de la violence ? J'espère que nous nous comprenons mutuellement. Je suis violent; je projette l'idée de non-violence, car cela fait partie de mon conditionnement. J'ai vécu dans le désordre et m'efforce de rechercher l'ordre, de changer 'ce qui est' en 'ce qui devrait être'. Cela fait partie du devenir. Et cela pourrait être cause de conflit. Examinons donc cela attentivement. C'est vous qui l'examinez, pas l'orateur. Il faut constamment se souvenir de cela. Et l'orateur va constamment rappeler à son ami que ceci n'est pas une conversation à sens unique; ce n'est pas une communication à sens unique. Nous sommes tous deux des amis, vous et l'orateur observons tout cela. L'orateur exprime cela en paroles, mais vous devez aussi l'observer, pas seulement les paroles, mais le fait. Donc l'ami dit : cette violence peut-elle prendre fin ? Pas en devenant non-violent. L'envie, l'avidité, la peur, peuvent-elles finir ? Pas devenir courageux, libre de ceci ou cela. Voilà la question. Alors l'autre ami dit : je vais vous le montrer. Cependant ce pourrait être nouveau pour vous, alors écoutez le plus attentivement possible.
39:57 Prenez d'abord conscience de ce que nous faisons : ainsi, 'ce qui est' devient l'idéal, c'est-à-dire 'ce qui devrait être'. L'idéal est inexistant, c'est un non fait. Mais 'ce qui est' est un fait. N'est-ce pas ? Alors, comprenons 'ce qui est' et non l'idée de non-violence, ce qui est absurde. Ceci a été enseigné par diverses personnes en Inde, d'abord par Tolstoï et d'autres. C'est notre tradition, notre conditionnement, notre tentative de devenir quelque chose. Et nous n'avons jamais rien accompli. Nous ne sommes jamais devenus non-violents. Jamais. Alors examinons attentivement s'il est possible de mettre fin à 'ce qui est', de mettre fin à ce désordre ou à cette violence. Mettre fin, pas devenir quelque chose. J'espère que nous nous comprenons. Le devenir implique le temps. Il est très important de le comprendre. Quand nous parlerons de la peur – dans un instant – nous aborderons la question du temps, qui est extraordinairement complexe.
42:00 Alors M., tâchons de comprendre si l'on peut mettre fin à 'ce qui est', et non changer 'ce qui est' en ce que nous aimerions être. Prenons la question de la violence. Ou si vous préférez, le désordre, peu importe, c'est pareil. La violence est un héritage remontant à la nuit des temps, de l'animal, du primate, jusqu'à nous. Nous en avons hérité. C'est un fait, nous sommes des gens violents. Sinon, nous ne tuerions personne, nous ne ferions de mal à personne, nous ne proférerions pas une parole contre qui que ce soit, mais nous sommes violents par nature. Alors que veut dire ce mot ? Il s'agit de retenir le mot, de sentir le poids, la complexité de ce mot. Pas seulement la violence physique, le terroriste qui jette des bombes, ces terroristes qui veulent changer la société, créant toutes sortes de perturbations, les bombes, etc., mais ils n'ont jamais changé la société. Et il y a les terroristes qui le font pour le plaisir. La violence n'est pas que physique, mais bien plus psychologique. La violence, c'est la conformité, car se conformer à quelque chose, c'est ne pas comprendre 'ce qui est' mais se conformer, imiter. Et la violence existe forcément tant qu'il y a division extérieurement et intérieurement. Le conflit est la nature même de la violence. L'ami dit : oui, je vois cela. C'est assez clair. Alors comment y mettez-vous fin ? Comment mettez-vous fin à toute la question si complexe de la violence ? Il dit : je comprends très bien que devenir non violent fait partie de la violence. Non ? Partie de la violence, car vous avez projeté la non-violence à partir de la violence. Et je comprends très clairement que cette projection est en fait une illusion. J'ai donc rejeté ce concept ou cette idée, ce sentiment qu'il faut devenir non-violent. Il dit : oui je comprends cela très clairement. Il n'y a que ce fait. Que dois-je faire maintenant ?
46:21 L'ami répond : ne me le demandez pas - écoutez attentivement - ne me le demandez pas, mais regardons plutôt la chose. Dès que vous demandez quoi faire ou comment s'y prendre, vous attribuez à l'autre personne le rôle de guide. Vous en faites votre autorité; par conséquent l'amitié cesse. N'est-ce pas ? Alors, voyons cela ensemble. Etant totalement délivrés de l'idée de non-violence, observons ce qu'est la violence, regardons-la, prêtons attention au fait, sans chercher à le fuir, sans le rationaliser. Ne dîtes pas : pourquoi faut-il ne pas être violent, cela fait partie de moi. Mais si cela fait partie de vous, vous créerez toujours des guerres de diverses nature : guerres entre vous et votre femme, guerres... meurtrières.
47:51 Alors observez cela sans conflit. Vous comprenez ? Regardez la chose comme si elle n'était pas distincte de vous. Vous comprenez tout ceci ? C'est assez difficile. Ainsi, la violence fait partie de vous, vous êtes violent, comme vous êtes avide. L'avidité n'est pas distincte de vous. La souffrance n'est pas distincte de vous. L'anxiété, la solitude, la dépression, tout cela est vous. Mais notre tradition, notre éducation ont stipulé que l'on est distinct de tout cela. N'est-ce pas ? Donc là où il y a séparation, dualité, il y a inévitablement conflit. Comme le juif, l'arabe, je prends cet exemple, vous comprendrez peut-être mieux ainsi. Conflit entre deux grandes puissances, divisions et ainsi de suite. C'est donc vous; vous êtes cela. Vous n'en êtes pas distinct. Celui qui analyse n'est pas distinct de ce qui est analysé. N'est-ce pas ? L'ami dit, j'arrive un peu mieux à suivre. Poursuivez, expliquez encore un peu. Je vais le faire, dit-il.
49:46 Nous observons l'arbre, les montagnes, vous observez votre femme et vos enfants, qui est l'observateur et qui est l'observé ? Je procède prudemment, suivez je vous prie. L'observateur est-il distinct de l'arbre ? Il l'est évidemment, j'espère bien. L'observateur est distinct de cette montagne. Il est distinct de l'ordinateur. Mais l'observateur est-il distinct de l'anxiété ? L'anxiété est une réaction définie par le mot anxiété, mais le sentiment est vous-même. Le mot est distinct – suivez bien ceci – le mot est distinct, mais le mot n'est jamais la chose. La chose est le sentiment d'anxiété, le sentiment de violence. Le mot 'violence' ne l'est pas. Alors observez bien ce mot afin qu'il ne brouille pas votre observation. Vous suivez ? Car notre cerveau est pris dans un faisceau de mots. Si je dis : vous êtes Américain, vous en êtes très fier. Quand je me dis Sud-Africain ou Zoulou, je ressens , vous suivez, quelque chose de très différent. Il faut donc veiller avec grand soin à ce que le langage ne conditionne pas notre pensée. Ceci est un tout autre problème. N'est-ce pas ? Ailors l'ami dit à l'autre : observez ce sentiment sans le mot. Si vous vous servez du mot, vous renforcez les souvenirs de ce sentiment particulier. Vous suivez ? C'est l'acte d'observer où le mot n'est pas la chose, et où l'observateur est l'observé. L'observateur qui dit 'je suis violent', cet observateur est la violence. N'est-ce pas ? Donc l'observateur est l'observé. Le penseur est la pensée. L'expérimentateur qui dit je dois faire l'expérience du nirvana, du paradis ou de ce que vous voulez est l'expérience. Celui qui analyse est l'analysé, etc. Regardez donc le fait de ce sentiment, sans un mot, sans l'analyser, contentez vous de regarder. C'est-à-dire, soyez avec. Soyez avec cette chose telle qu'elle est. Ce qui signifie que vous y consacrez toute votre attention. Bien ? Analyser, examiner, c'est un gaspillage d'énergie, tandis que si vous consacrez toute votre attention, c'est-à-dire toute votre énergie à ce sentiment, celui-ci prend alors totalement fin.
54:04 L'ami dit cherchez-vous à m'hypnotiser par tant de véhémence, en y mettant une telle passion ? Je réponds, non. Je ne vous stimule pas, je ne vous dis pas quoi faire. Vous avez vous-même réalisé que la non-violence est un non fait, qu'elle n'est pas réelle. Ce qui est réel est la violence. Vous l'avez vous-même réalisé. Vous-même avez dit : oui, je suis violent; je ne suis pas distinct de la violence. Le mot sépare, mais le fait du sentiment est moi. Moi, mon nez, mes yeux, mon visage, mon nom, mon caractère, tout cela est moi. Je n'en suis pas distinct. Quand vous séparez, vous agissez dessus. Bien ? Ce qui signifie le conflit. Par conséquent, vous avez fondamentalement effacé la cause du conflit quand vous êtes cela, n'en êtes pas distinct. Est-ce clair ? Bien ?
55:45 Donc... les amis ont appris quelque chose. J'ai appris un grand phénomène que je n'avais jamais encore réalisé. Avant, je mettais à part mes sentiments, comme si j'en étais distinct. A présent, je réalise la vérité que je suis cela. Par conséquent, je reste avec la chose. Et quand vous restez avec elle, l'avez en main, vous n'en faites plus partie et cela vous donne une énorme énergie. Et cette énergie dissipe, met complètement fin à cette violence. Pas pour un jour, pas pour la durée de votre présence ici : c'en est fini.
56:48 Nous pouvons donc passer au sujet suivant, si nous en avons le temps. Oh, bien, il y a tout le temps. J'espère que vous n'êtes pas fatigués. Il nous faut à présent aborder la question que se posent les deux amis : comment mettre fin à la peur ? Car cela a été l'un de nos problèmes; depuis la nuit des temps, l'homme a vécu avec la peur. Diverses peurs : peur de la fin, de la mort, peur de ne pas profiter, peur de l'échec dans la vie, peur de perdre son emploi, peur de l'obscurité, peur de l'opinion publique, peur de perdre sa femme, il y a tant de peurs différentes. Peur d'être obtus. Quand je vois quelqu'un de brillant, intelligent, capable, vivant, j'en suis jaloux; cela fait partie de la peur.
58:43 Il faut donc comprendre la nature et la structure de la peur; car c'est de nos peurs que sont nés nos dieux, vous comprenez ? Celui qui n'éprouve pas la moindre peur est l'homme le plus libéré de la terre. Dès lors, pas besoin de dieux. On est son propre dieu. Pour comprendre la nature de la peur il faut examiner avec soin le temps. Le temps est la peur. J'ai peur de demain; j'ai peur de ce qui a eu lieu il y a deux ans. Ces deux ans sont le passé; le passé est le temps, et j'ai peur de ce qui pourrait arriver demain. Cela fait partie du temps. J'ai un emploi, mais je pourrais le perdre. C'est le temps. N'est-ce pas ? Il faut donc comprendre, si on le peut, et approfondir avec grand soin ce qu'est le temps.
1:00:11 Le temps n'existe pas seulement physiquement, mais psychologiquement. Le temps d'apprendre une langue, de se rendre d'ici à votre maison, le temps qu'indique la montre, le soleil qui se lève et se couche, l'obscurité de la nuit et la lumière du jour. Il y a le temps physique. Il faut du temps pour construire un ordinateur. Vous comprendrez mieux cet exemple, car vous avez l'esprit mécanique. Ne prenez pas cela pour un sarcasme. Donc le temps est nécessaire dans un certain domaine. Nous mettons maintenant en cause l'existence même du temps psychologiquement, intérieurement. Ainsi, le mot 'espoir' – ne vous laissez pas déprimer par tout ceci, contentez-vous de le regarder – le mot 'espoir' implique le temps. J'espère être; j'espère devenir; j'espère réaliser; j'espère accomplir; j'espère atteindre le paradis, l'illumination. Et tout ceci demande du temps, psychologiquement. Nous disons qu'en un sens, dans un domaine, le temps est nécessaire, mais que le temps psychologique pourrait être une illusion totale. La racine du mot 'illusion', son sens étymologique est 'jouer', jouer avec quelque chose. Nous jouons avec les illusions, parce que c'est amusant. Nous prenons grand plaisir à avoir des dizaines d'illusions. Plus elles sont névrotiques, le mieux c'est. Le mot – examinons particulièrement ce mot – sa signification originelle est 'ludere', jouer.
1:03:13 Alors y a-t-il psychologiquement un demain ? Examinez cela, ne le niez pas, dis-je à mon ami, ne soyez pas contrarié. Ne levez pas les bras au ciel en disant 'décampez' ! Regardez-le, observez-le. Ne refusez ni n'acceptez la chose. Et étant conditionné, vous le refuserez peut-être. Vous direz peut-être : je ne puis vivre avec l'idée qu'il n'y a pas d'espoir. Cela implique un conditionnement. Est-il possible de ne pas être conditionné ? Toutes ces questions sont liées. Etre conditionné, qu'est-ce que cela signifie ? Etre limité. Nos cerveaux sont conditionnés. Ecoutez tout cela je vous prie, demande l'ami, écoutez s'il vous plaît. Car c'est très important si vous pouvez le comprendre. Une fois délivré du conditionnement vous serez quelqu'un d'extraordinaire. Pas extraordinaire et donc déconditionné, mais comprenez-le d'abord et cela se produit naturellement. De nombreux érudits, des scientifiques et d'autres disent que le cerveau des êtres humains sera toujours conditionné, par leur langue, leurs aliments, leurs vêtements, leur environnement, la société, etc., et que vous pouvez modifier ce conditionnement, mais n'en serez jamais libéré. De grands auteurs ont écrit à ce sujet. Nous en avons discuté avec des gens éminents qui sont convaincus que les êtres humains ne peuvent se libérer de tout conditionnement.
1:05:54 Alors mon ami dit : parlez-moi de cela. Est-il possible de ne pas être conditionné ? Quel est le facteur de ce conditionnement ? Qu'est-ce qui amène le cerveau à être conditionné ? Avant tout, il est conditionné à un besoin de sécurité. Nous ne préconisons pas l'insécurité. Ecoutez seulement toute l'histoire. Physiquement, nous voulons la sécurité, ce qui est naturel : le besoin de nourriture, de vêtements et d'abri est naturel. C'est nécessaire à tout le monde, pas seulement à une minorité. La limiter à une minorité équivaut à sa négation-même. Il y a de la pauvreté, donc le conflit est inévitable. Quand le cerveau se met en quête, c'est la pensée, naturellement. Le cerveau pense par essence. C'est sa racine, la nature du cerveau est de penser. Mais la pensée s'étant rendue compte qu'elle est incertaine, elle recherche donc la sécurité. Mais cette quête de sécurité passe par la division : je suis un Américain, ma famille, votre famille, et cette sécurité est donc mise en cause; vous pouvez le constater. Alors existe-t-il une sécurité qui ne soit pas liée au temps ? Vous comprenez ? Qui ne soit pas liée à l'espoir, vous suivez ? Y a-t-il une sécurité qui ne repose pas sur le désir ? N'est-ce pas ? L'ami répond : oui, il existe une sécurité absolue. Une sécurité irrévocable. L'autre dit : montrez-le moi. Ne soyez pas trop malin avec cela. Ne vous perdez pas en explications, montrez-moi seulement où est la sécurité. Mais l'autre répond : ne soyez pas si impatient. Regardez cela très attentivement; à savoir que nous avons besoin de sécurité, de sécurité physique. Et cela nous est refusé par toutes les divisions dans le monde : religieuses, politiques, raciales, divisions des idéologies, des guerres. Petit à petit, la sécurité physique est érodée. Alors faites quelque chose à ce sujet. Le désir de trouver la sécurité intérieure en tant qu'être humain séparé en est donc la cause. J'espère que vous suivez tout ceci.
1:10:25 Alors, découvrez s'il existe une sécurité intérieure. Il n'y a pas de sécurité dans l'attachement. N'est-ce pas ? L'attachement à ma femme, à mon ami, à ma fille, à mon homme, ou l'attachement à une idée, un concept, une image. Il n'y a pas de sécurité – n'est-ce pas ? – en cela. Quand vous dites : 'd'accord, il n'y a pas de sécurité là-dedans', que se passe-t-il ? Avant, vous ne l'aviez pas examiné, vous étiez simplement attaché. Mais maintenant, en examinant cela, il s'est produit un changement radical. Vous suivez ceci ? Le cerveau a été conditionné par l'attachement. Il cherchait la sécurité dans cet attachement – à ma femme, à mon emploi, à un idéal, à un certain dieu. La découverte que rien de cela ne donne de sécurité, que s'est-il produit dans le cerveau ? Observez-le très attentivement, Que s'est-il produit dans votre cerveau traditionnellement conditionné à être attaché, espérant trouver de la sécurité dans tout cela, et découvrant soudain qu'il ne s'y trouve aucune sécurité, que s'est-il produit dans le cerveau ? Vous suivez ? Un changement total a eu lieu. Vous comprenez ?
1:12:40 Tant que vous vous cramponnez à un certain attachement réconfortant, vous recherchez la sécurité dans cet attachement; puis vous découvrez par une observation très attentive qu'il n'y a là aucune sécurité : tout ce mouvement s'en est écarté. Votre cerveau est donc déconditionné. Et ce déconditionnement a eu lieu, car vous avez vu la vérité du fait que l'attachement n'apporte aucune sécurité. Voir qu'il n'y a aucune sécurité dans une illusion est de l'intelligence. Cette intelligence, son éveil, vous donne une sécurité absolue; dans l'intelligence, pas dans l'attachement. Vous l'avez saisi ? Bien ? C'est clair ?
1:13:57 Alors l'ami dit : revenons-en à la peur. Oh ! J'ai un quart d'heure. Encore un quart d'heure, vous voulez bien ? Il est très intéressant d'approfondir tout ceci; c'est plus fascinant que tous les cinémas du monde. Vous entreprenez un long voyage, un voyage sans fin; c'est éternel, infini. Ce qui implique que là où il y a intelligence, il y a compassion. Nous verrons cela plus tard.
1:14:53 A présent, mon ami et moi parlons de la peur. L'ami demande : peut-elle prendre fin ? Pas pour une seule journée ou quelques heures, mais sa fin totale. Parce que, dit-il, je réalise ce que provoque la peur : elle obscurcit ma vie toute entière; elle handicape ma pensée; c'est une contraction physique, une tension nerveuse. Je sais très bien, dit mon ami, ce qu'est la peur. J'en connais diverses manifestations, mais je ne me soucie pas des formes que prend la peur, car si je parviens à en extirper la racine, alors je n'ai pas à me soucier des branches.
1:16:14 Ainsi, dit l'ami, je ne me soucie pas de tailler les branches de l'arbre de la peur, mais plutôt de mettre fin à la peur. Est-ce possible ? Ou doit-on éternellement vivre dans la peur ? L'homme vit dans la peur depuis des milliers d'années. Et vous venez et dites qu'on peut y mettre fin. De quel droit affirmez vous cela ? N'est-ce qu'une fiction verbale de plus, ou est-ce un fait ?
1:17:08 Alors l'ami dit : approfondissons cela ensemble. Il faut le voir par soi-même, ce n'est pas à moi de le voir et de vous le dire pour que vous le refusiez ou l'admettiez, mais entamons ensemble le voyage pour découvrir s'il est possible de mettre fin à la peur, totalement, psychologiquement. Alors extérieurement cela ira de soi. Bien ? Quand psychologiquement la peur prend fin, cette fin s'exprime d'elle-même extérieurement, et non l'inverse. Est-ce clair ? L'ami dit alors : le temps est un facteur de la peur. C'est un fait. Et la pensée est aussi un facteur de la peur. Je pense que demain pourrait être dangereux; je pense tomber malade; je pense à ce que le public pourrait dire; j'ai un emploi, mais je pourrais être victime du chômage.
1:18:37 Le temps et la pensée sont donc à la racine de la peur. Abordez cela lentement. Nous avons expliqué la nature du temps. N'est-ce pas ? Le temps est espoir, est devenir, il faut du temps pour apprendre à conduire, etc., extérieurement et intérieurement. Nous voyons à présent que le temps est facteur de peur; évidemment. C'est clair. Et la pensée aussi est un facteur de la peur. Je suis ici; je pourrais mourir. La pensée dit : je pourrais mourir. Donc, sans trop élaborer le mouvement de la pensée, la pensée est expérience, savoir tiré de l'expérience, savoir stocké dans le cerveau en tant que mémoire, la mémoire étant la réaction à la pensée. Et la pensée est toujours limitée, parce que le savoir l'est aussi; l'expérience est toujours limitée. Dans le monde scientifique, dans le monde biologique, les savants veulent toujours plus de savoir, si étendu qu'il soit. Ainsi, le savoir présent, passé ou futur sera toujours limité. C'est un fait. Et donc la pensée est limitée. Et quoi que fasse la pensée, son action est limitée. Donc temps et pensée sont à la racine de la peur.
1:20:50 Oui, dit l'ami, je vois, mais comment arrêter la pensée ? Ne demandez pas comment. C'est la question la plus facile qu'on puisse poser. Et à qui la posez vous ? Je suis votre ami, pas votre guide ou votre gourou, je ne suis pas votre autorité; ne demandez jamais comment. Mais observez ! Regardez très attentivement. Si le temps et la pensée sont à la racine de la peur, et ils le sont – veuillez écouter, dit l'ami à l'autre, écoutez attentivement : ils sont à la racine de la peur. Et il ne s'agit pas de savoir comment arrêter la pensée ou le temps, mais de voir le fait que la pensée est à l'origine de la peur. Réalisez cela, voyez-le. Mais il vous faut du temps, ou de la pensée, pour aller d'ici à là. Assis là, vous devez rentrer chez vous; cela demande du temps et de la pensée. Sinon vous ne pourriez bouger. Mais psychologiquement, le temps et la pensée ont engendré la peur. Et vous êtes la peur, vous n'en êtes pas distinct. Donc celui qui examine la peur est ce qu'il examine. N'est-ce pas ? Ayant dit que le temps et la pensée sont à la racine de la peur, après une observation attentive il voit que le temps et la pensée sont vous. Vous êtes le piège de la peur. Compris ? Vous êtes la peur. C'est une révélation, vous comprenez ? Avant, vous disiez : j'ai peur, je vais faire quelque chose à ce sujet. Je fuirai; je deviendrai courageux, serai ceci ou cela. Il y a donc du conflit là-dedans. N'est-ce pas ? Tandis que vous-même voyez maintenant ce que vous êtes : le temps et la pensée. Vous ne pouvez donc rien faire à ce sujet. Je me demande si vous le réalisez.
1:24:07 L'ami dit à l'autre : vous rendez-vous compte de l'immensité de cette affirmation, de sa profondeur, que vous êtes cela, par conséquent vous ne pouvez rien faire à ce sujet. Ce qui signifie quoi ? Que toute action à l'égard de la peur a pris fin. N'est-ce pas ? Voyez ce qui a lieu à ce moment-là. Avant, vous agissiez dessus; maintenant, vous n'agissez plus, vous n'êtes plus l'acteur. Vous êtes cela; vous êtes à la fois l'acteur et la pièce. N'est-ce pas ? Vous êtes cela. Que se passe-t-il quand vous êtes cela ? Cela fait partie de la méditation : observez attentivement cela; prenez-le dans vos mains, comme un joyau précieux et regardez-le. Vous êtes cela quand tout mouvement cesse. Vous comprenez ? Quand vous le réalisez, tout mouvement cesse naturellement. Le mouvement est un gaspillage d'énergie. Par conséquent, en l'absence de tout mouvement, vous avez cette formidable énergie pour regarder. Par conséquent, c'est fini.
1:25:57 Je suis fatigué, dit l'ami. Vous avez entrepris ensemble un long voyage par monts et par vaux, à travers pâturages et bois. J'ai compris beaucoup de choses. Je n'ai pas appris. Je n'ai rien appris, mais j'ai observé, et cette observation a apporté beaucoup de lumière, une grande intelligence; et cette intelligence opère – ce n'est pas moi qui opère sur cela. Bien ?
1:27:06 Puis-je me lever ?