Krishnamurti Subtitles home


OJ85Q1 - Première session de questions & réponses
Ojai, USA
Le 14 mai 1985



0:09 Krishnamurti: J'ai ma propre montre.
0:39 Beaucoup de questions ont été posées, écrites, dont certaines ont été choisies. Je ne les ai pas vues personnellement. Et il est impossible de répondre à toutes ces questions, il y en a trop. Ce serait très long.
1:10 Je pense qu'on devrait se demander pourquoi pose-t-on des questions, et il faut naturellement en poser, mais pourquoi en pose-t-on ? De qui attend-on une réponse ? De l'orateur, ou de quelqu'un qui peut expliquer les choses ? Ou peut-on avoir un dialogue à propos d'une question ? Ainsi, vous posez une question et l'orateur y répond, puis vous répondez à la question de l'orateur et l'orateur donne alors sa réponse. Donc c'est comme échanger une balle au tennis, jusqu'à ce que la question soit suspendue entre nous deux. C'est-à-dire, vous posez une question à laquelle je réponds, moi, l'orateur. Puis vous réagissez à ma réponse, et on continue ainsi jusqu'à ce que votre réponse et la mienne soient en fin de course. La question est donc suspendue, pour ainsi dire. Si vous vous y essayez, si vous l'avez jamais fait – probablement pas – la question acquiert alors sa propre vitalité, sa propre urgence, son propre pouvoir d'auto-réponse. Mais quand nous posons une question, c'est toujours à partir d'une base de mémoire. Ce pourrait être un préjugé, une sorte de conclusion, ou une sorte de foi, etc. Alors si nous pouvions suspendre tout cela et examiner la question elle-même, la laisser évoluer, croître, se développer, alors, si vous voulez une réponse, elle est dans la question, pas à partir de votre arrière-plan. Je me demande si je suis clair. C'est assez intéressant si vous vous y penchez. Il est très rare que l'on ait un tel dialogue. Car nous sommes si désireux de trouver une réponse que nous n'examinons jamais la question, la laissant évoluer, se développer, raconter son histoire. Et quant vous observez la question sans en dévier, pour ainsi dire, la question prend alors d'elle-même un sens extraordinaire. Est-ce clair ?
5:09 Nous allons donc examiner ainsi ces questions. Nous allons les observer, les écouter. Comme l'orateur ne les a pas lues, vous et l'orateur pouvez vous livrer à ce jeu d'aller-retour, jusqu'à ce que la balle reste suspendue en l'air. Si nous pouvons faire cela, c'est vraiment l'art d'avoir un dialogue, une conversation, une communication dans laquelle les participants n'agissent pas. Vous voulez bien jouer à cela ? Vous verrez alors que la question commence à répondre à partir du cœur même de la question. Alors essayons. Ainsi, vous et l'orateur allez avoir un dialogue dans lequel tous deux jouent un rôle. Ils ne s'emparent pas du rôle de celui qui pose la question et de celui qui y répond, mais ensemble, nous allons écarter nos arrières-plans, si nous en avons, et alors la question commence elle-même à agir, à déployer sa propre activité. Allons-nous faire cela ?
7:25 Vous savez, heureusement ou malheureusement, l'orateur a parlé dans le monde entier, sauf derrière le rideau de fer ou le rideau de bambou. Et toutes sortes de questions lui ont été posées. Et si l'orateur se contentait d'y répondre de mémoire, il n'y trouverait aucun amusement. Ce serait comme la répétition d'un gramophone. Mais si l'on écarte ses propres inclinations et tendances, son propre savoir acquis et l'on examine la question, et si la personne qui pose la question examine ses mimiques, ses gestes, la raison pour laquelle elle pose la question, l'expression de son visage alors on peut voir que soit c'est une question très superficielle, posée dans le but de vous piéger, ou voir quelle serait une réponse rapide de votre part, etc. Mais si nous pouvons faire ce que nous venons de dire, d'un côté et de l'autre, et laisser la question répondre d'elle-même, alors la réponse sise dans la question devient extraordinairement signifiante. Bien ? Nous pouvons faire cela.
9:30 1ère Question: Voulez-vous bien explorer davantage le mécanisme de la culpabilité et ce qui la relie à l'ego.
9:42 Voulez-vous bien explorer davantage le mécanisme de la culpabilité et ce qui la relie à l'ego.
9:54 L'ego étant la personne, la psyché, l'entité subjective – c'est ainsi qu'on appelle en général l'ego, le 'moi' et le 'vous'. La question est : quel est le lien entre la culpabilité – son mécanisme – et toute la structure de la personne.
10:27 Alors, c'est moi qui vous pose cette question. Et vous allez y répondre, à moi, l'orateur. Ensuite je vous répondrai et vous me répondrez. Et puis nous continuerons jusqu'à épuisement de nos forces. La question subsiste donc, la question est un défi, un problème que vous devez confronter et résoudre. Nous ne résolvons jamais aucun problème. Car nous répondons toujours à partir de notre arrière-plan. N'est-ce pas ? Alors, abordons cette question. Vous jouez le jeu, ne vous contentez pas de m'écouter, moi l'orateur.
11:34 Qu'est-ce que la culpabilité ? Et quel rapport a-t-elle avec l'ego, la totalité de la conscience de l'humanité, de l'homme, de la femme, etc. ? Qu'est-ce que la culpabilité ? Pourquoi épouve-t-on cet énorme sentiment de culpabilité ? Il pourrait être très, très superficiel, ou très, très profond, enraciné depuis l'enfance, et qu'on laisse grandir au cours des années. Et ce sentiment de culpabilité fait qu'on se sent très vide – vous savez tout cela – incapable de faire quoi que ce soit. Et partant de cette culpabilité on s'entoure d'un mur. Et ce mur empêche toute communication. Et l'on a peur de cette culpabilité : dès l'enfance, vous m'avez dit de faire quelque chose, et j'en suis incapable, tout en me sentant obligé de le faire, et si j'échoue, je me sens coupable. Et les parents jouent un rôle terrible là-dedans. Pardon. Ils encouragent cette culpabilité, consciemment ou inconsciemment. De sorte que cette culpabilité devient partie de l'ego, partie de moi.
13:48 Je pense qu'il serait faux de poser la question – quel rapport y a-t-il entre les deux – vous comprenez comment la question évolue ? Ce ne sont pas deux choses distinctes. C'est le produit d'un sentiment de culpabilité, avec d'autres facteurs, qui constitue l'ego. Ce ne sont pas deux activités ou deux réactions distinctes. Donc la culpabilité fait partie du psychisme, partie de l'ego, partie du 'moi'.
14:35 Dès lors, pourquoi se sent-on coupable ? Hormis les gens qui vous culpabilisent et vous maintiennent dans cet état. Car c'est très pratique pour eux : ils aiment houspiller les gens et provoquer un sentiment de culpabilité, le sentiment que vous devez vous soumettre, accepter, obéir. Bien que vous vous révoltiez contre ceci, vous le dissimulez et conservez votre culpabilité. N'est-ce pas ? Et d'autres facteurs constituent l'ego, le 'moi'. Et la culpabilité fait que l'on se sent terriblement seul. N'est-ce pas ? Discutons-nous ensemble ? Une sensation de dépression, et si cette culpabilité est très profonde et forte, je ne puis la résoudre. Par conséquent je viens à vous et dis : aidez-moi à surmonter cette culpabilité. Et alors, si vous êtes le patron, vous déclenchez une autre réaction de culpabilité. Donc, cela continue.
16:15 Nous demandons pourquoi cette sensation existe-t-elle le moins du monde ? Les religions l'encouragent, n'est-ce pas, les religions orthodoxes. Chez les chrétiens, il y a le péché originel et le sauveur, et par conséquent je me sens forcément coupable, d'où la confession et tout le cirque commence. Excusez-moi d'user de ce mot. Cela prend diverses formes. Dans le monde chrétien : la confession, l'absolution, et dans le monde asiatique cela a une autre forme : ils vont au temple – vous savez tout ce qu'ils font. Mais est-il nécessaire de ressentir cela ? Peut-il y avoir une éducation qui ne comporte rien de tout cela ? Je me le demande. Nous jouons ensemble, je vous prie. Y a-t-il un moyen d'élever un enfant sans qu'il y ait cet encouragement, ou un sentiment de culpabilité ?
17:51 La culpabilité devient un problème. N'est-ce pas ? Nous devons alors comprendre ce qu'est un problème. Vous suivez tout ceci ? Cela vous intéresse-t-il ?
18:12 Question: Puis-je dire quelque chose ?
18:14 K: Oui, Madame.
18:16 Q: Il y a une chose que je ne saisis pas et j'aimerais avoir votre avis : comment voir la culpabilité quand elle n'est pas évidente, sans me référer à mon arrière-plan ?
18:31 K: Je ne comprends pas la question.

Q: En l'absence momentanée de culpabilité, comment la voir sans regarder mon arrière-plan.
18:38 K: Nous allons y venir dans un instant. Laissez-moi finir – nous sommes en recherche, nous y viendrons un peu plus tard. Où en étais-je ?
18:55 Q: Elever des enfants sans culpabilité.
18:58 Q: Qu'est-ce qu'un problème.

K: Ah, oui !
19:05 La culpabilité devient un problème, comment le résoudre, comment s'en défaire avec tout ce qu'elle entraîne. Alors on en fait un problème. Qu'est-ce donc qu'un problème ? Les êtres humains semblent avoir d'innombrables problèmes, politiques, religieux, économiques, sexuels, relationnels, vous suivez ? Vivre devient un problème, généralement associé à la culpabilité, en partie. Qu'est-ce qu'un problème ? Le sens, l'étymologie de ce mot, si je puis me permettre une périphrase, signifie 'une chose qui vous est lancée'. Comme un défi qui vous est lancé. Et un problème est une chose qui vous est lancée avec force, que vous devez confronter. Et qu'est-ce qui a lieu ? Des problèmes politiques, et ainsi de suite. Et ceux-ci ne sont jamais résolus. La solution-même d'un problème fait que d'autres problèmes augmentent, se développent. Alors pour commencer, abordons la question de savoir pourquoi les êtres humains ont le moindre problème. Vous comprenez ce que je demande ? Vous avez des problèmes, n'est-ce pas ? Pourquoi en avez-vous ? Et est-il possible – nous verrons et répondrons à la question un peu plus tard – est-il possible de ne pas avoir le moindre problème ? Sexuel, religieux, politique, économique, relationnel, etc. Découvrons – vous jouez avec moi – découvrons pourquoi les êtres humains ont des problèmes.
21:49 Dès l'enfance, quand un enfant va à l'école, l'écriture lui pose un problème. N'est-ce pas ? Lire, épeler, puis les mathématiques, la géographie, l'histoire, la biologie, la chimie, les sciences, l'archéologie, etc. Ainsi, dès le tout début il est entraîné ou conditionné à avoir des problèmes. N'est-ce pas ? C'est évident. Donc son cerveau est conditionné à avoir des problèmes. N'est-ce pas ? Vous jouez le jeu ? Et tout au long de sa vie, de sa naissance à sa mort, le cerveau continue à vivre entouré de problèmes, car il a été éduqué, cultivé en rapport avec tout le système de comparaison, d'examens, de récompenses et punitions, etc., et tout cela a formé le cerveau à non seulement recevoir des problèmes, mais aussi à avoir les siens propres : il est conditionné de la sorte, par conséquent il ne peut jamais résoudre de problème. Alors, est-il possible dès le début d'épargner à l'enfant et à soi-même des problèmes ? C'est-à-dire, le cerveau peut-il être délivré de sa condition de vivre avec des problèmes ? Quand le cerveau en est libéré, il peut alors résoudre n'importe quel problème. Sommes-nous ensemble là-dessus ?
24:07 Q: M., comment s'y prendre...

K: Il n'y a pas à s'y prendre.
24:13 Q: Non, je parle des causes organiques, supposons que j'ai un cancer et je meurs...
24:18 K: Attendez M., vous ne mourez pas, vous êtes assis là. N'introduisez pas de théories, contentez-vous d'écouter. Voyez, nous faisons aussitôt des théories. Ce n'est pas du jeu. La balle est devant vous, vous ne pouvez pas dire : parlons du soleil, de la lune ou de la mort, ou d'autre chose. Excusez-moi, M.
24:50 Alors est-il possible d'avoir un cerveau qui n'ait pas problèmes, mais peut répondre aux problèmes ? Car j'ai des problèmes. Alors est-ce possible, car tant que vous avez des problèmes vous vous sentez obligé de les résoudre, et si vous n'y arrivez pas, vous vous sentez coupable, perpétuant ainsi le processus. D'autres viennent alors nous aider et tout cela recommence sous une autre forme.
25:36 Et autre chose émane de cette question : pourquoi cherchons-nous de l'aide ? Cherchez-vous de l'aide auprès de l'orateur ? Soyons un peu honnêtes à ce propos. Attendez-vous qu'il vous aide ? Et il dit, je regrette, je ne vous aide pas. C'est terrible de demander l'aide d'un autre, psychologiquement, subjectivement parlant. Cela fait des milliers d'années que nous demandons de l'aide : Dieu, le prêtre et la culture de la prêtrise, et puis les psychologues, nous voulons des leaders. Physiquement, ils vous diront comment vivre, comment bouger, quoi manger, comment vous coiffer, etc. Alors pourquoi demande-t-on la moindre aide ? Vous comprenez la question ? Ecoutez la question, à savoir, pénétrer le mécanisme de la culpabilité, son rapport avec l'ego, et nous avons dit : ne séparez pas les deux, car la culpabilité fait partie de l'ego, fait partie de 'moi', n'en est pas distincte. Par conséquent cela ne se relie pas. Elle est là. Nous l'avons donc compris, de part et d'autre. Puis nous avons dit : pourquoi avons-nous des problèmes ? Les problèmes existent depuis l'enfance, chez l'enfant qui va à l'école. Il est éduqué à avoir des problèmes. Donc toute sa vie devient un problème, dépression, anxiété et ainsi de suite, et je vais m'adresser à un autre. Ce qui signifie que je lui demande de l'aide. Et l'autre est moi-même. Il a ses problèmes. Il est déprimé, se sent seul, et veut être un gourou, mais le pauvre, il ne peut pas. N'est-ce pas ? Il est consumé par sa propre importance ou par son propre savoir, etc. Donc l'autre est vous. Je me demande si vous le réalisez. Alors à quoi bon demander de l'aide ?
28:52 Donc on découvre par l'investigation, l'exploration de la question, que la question commence à répondre à tout ceci, que ce n'est pas une invention de l'orateur. C'est comme une carte : dépliez-la, regardez l'ensemble et non une certaine partie. Mais en regardant la carte, on vise une certaine ville, une certaine route, mais on ne considère pas l'ensemble. Mais si vous prenez l'ensemble et puis en venez au but, c'est une autre façon de regarder. Bien ? Sommes-nous ensemble ici ? Bon.
29:39 Q: Il y a une autre sorte de culpabilité qui ne remonte pas directement à l'enfance, quand vous blessez quelqu'un ou commettez une injustice. Cette autre sorte de culpabilité est une réalité.
29:53 K: Je ne vous entends pas Dr Bellinger.
29:58 Q: Il y a une autre sorte de culpabilité due à une blessure, une injustice causée à autrui.
30:04 K: Ah oui, bien sûr. Vous me frappez, et je ne peux vous le rendre, mais je ressens... etc., j'inclus tout cela. Ne cherchez pas à rassembler diverses parties. Les parties ne forment pas le tout. Si vous voyez le tout, vous pouvez voir les parties, d'où l'importance d'un questionnement. Et si vous regardez la question sans allers-retours et rajouts, la question elle-même recouvre tout le champ. N'est-ce pas ? Est-ce clair ? Peut-on passer à la question suivante ?
30:49 Q: La racine de la culpabilité pourrait-elle alors être la division qu'il y a entre ce qui est et ce que vous aimeriez, et l'idéal proposé ?
31:03 K: M., votre question est-elle : pouvons-nous regarder un fait sans en faire un idéal, une idée ?

Q: Oui.
31:15 K: Contentez-vous d'écouter la question. A savoir, il y a le fait, et l'idéal, ou l'idéal distinct du fait. Bien ? C'est ce qu'il demande. Il y a la guerre, et l'idéal est d'avoir la paix et non la guerre. N'est-ce pas ? Le fait est la guerre. Pourquoi créer un idéal à partir de cela ? L'idée. L'idée n'est donc pas le fait. Alors, pouvons-nous rester avec le fait sans avoir d'idéaux et de théories sur la guerre ? Vous me tuez pendant la guerre, vous me tuez, c'est un fait. Encouragé par le patriotisme et tout le reste, vous me tuez. Mais il y a ceux qui ont des idées sur la guerre, à savoir : il ne faut pas tuer, il faut être sain, rationnel, bon, généreux, mais tout cela n'a pas de sens. En fait, vous me tuez. Restons donc avec le fait et regardons-le, on peut alors en faire quelque chose. N'est-ce pas ? Passons à la suivante. Voulez-vous faire une pause ?
32:51 2ème Question: L'évolution a généré des différences physiques dans des groupes raciaux. Y a-t-il parallèlement des différences psychologiques qui s'appliquent à un enfant d'une certaine race, ou ne s'agit-il que de conditionnement acquis ? Et si le conditionnement est hérité, peut-il être vraiment changé ou abandonné ?
33:27 C'est une longue question, si cela ne vous fait rien, je vais la relire. L'évolution a généré des différences physiques dans des groupes raciaux. Y a-t-il parallèlement des différences psychologiques qui s'appliquent à un enfant d'une certaine race, ou ne s'agit-il que de conditionnement acquis ? Et si le conditionnement est hérité, peut-il être vraiment changé ou abandonné ? Avez-vous compris la question ?
34:11 Q: Oui.
34:17 K: Supposons que je sois né en Chine, avec une peau jaune, des yeux bridés – je ne fais qu'observer, je ne critique pas. Je ne dis pas que l'un est beau et pas l'autre. Je suis né en Chine, avec certaines caractéristiques physiologiques, biologiques – petite taille, la peau pas si rose, ce qui est en vogue, yeux bridés et ainsi de suite. C'est un fait physique. L'auteur de la question demande si ce fait physique affecte le psychisme des Chinois, vous comprenez ? Bien ? Nous sommes ensemble là-dessus ? Ne dites pas ensuite que je ne suis pas clair. Ainsi, je suis né en Chine, je suis Chinois et j'ai hérité de certains traits physiques et biologiques : visage, membres, mains, démarche, et je ne supporte pas trop de contraintes physiques, etc. Ce fait biologique, physiologique externe affecte-t-il le psychisme, la structure de la psyché, le conditionnement racial affecte-t-il le psychisme ? C'est la question.
36:29 Théoriquement, je l'ignore, mais supposons que je sois né en Inde, ce qui revient au même, ils ont une autre couleur, ils sont bien plus subtiles, nerveux, bien plus habiles – pardon, excusez-moi – bien plus théoriques, bien plus analytiques, mais ils ne vont pas plus loin que cela. Ils sont tout là-haut, certains d'entre eux. Et ils peuvent discuter à perdre haleine et débattre du sexe des anges. Et continuer interminablement. Toute cette capacité, toute cette formation intellectuelle de 3, 5000 ans, tout cela affecte-t-il le psychisme ? Cela affecte-t-il le conditionnement ? Je suis né dans ce pays en tant que noir, avec tous les signes physiques afférants, et cette structure externe de l'organisme affecte-t-elle l'intérieur ? Et est-ce que j'hérite du physique, ce qui affectera le psychisme ? Vous comprenez ? Sommes-nous ensemble ? Le psychisme, l'état subjectif différe-t-il de celui du reste de l'humanité ? Vous êtes blanc, grand de taille, vous pouvez faire certaines choses, et je suis né en Inde avec un autre conditionnement biologique et physiologique; cela affectera-t-il le psychisme ? Ne souffrez-vous pas, comme moi ? Ne passez-vous pas par diverses formes de peur ? Comme moi, que je vive en Chine, ici, que je sois noir, blanc, pourpre, peu importe, et l'enfant hérite-t-il du conditionnement biologique ? Vous suivez tout ceci ? J'espère que vous écoutez la question. Vous pouvez alors y répondre si vous l'écoutez vraiment. L'auteur de la question dit : le conditionnement physique forme-t-il le psychisme ? Conditionne-t-il racialement l'enfance ? Si vous me traitiez de noir, moi qui suis né dans ce pays, vous me mettriez un peu à l'écart, ou plutôt me condamneriez ou me mépriseriez. Et je me sentirais inférieur, coupable – suivez bien ceci – coupable, donc vous m'exploitez. Ceci a lieu dans le monde entier, cela ne se limite pas qu'à ce pays. En Inde, il y a beaucoup de préjugés de couleur. Plus vous avez la peau claire, mieux c'est. Ils aimeraient épouser une fille ou un garçon de peau claire. Vous suivez ? C'est pareil dans le monde entier. Cela paraît bizarre et assez stupide, mais c'est un fait. Et l'auteur de la question dit : ce conditionnement biologique racial affecte-t-il l'enfant, et cet enfant qui grandit devient une exception biologique ?
41:07 Je ne le pense pas. Ce n'est pas une théorie, j'ai observé ce jeu qui se pratique dans le monde entier. A savoir, ceux qui se considèrent de race supérieure parce qu'ils ont la peau claire, ou peu s'en faut, se mettent à conditionner les autres qui ne le sont pas. Et ils pensent alors qu'il s'agit d'un héritage racial et se sentent coupables, etc. Mais, quand on observe ces choses de très près, sans procéder à des études livresques, etc., quand on voyage, ou même vivant dans ce pays, observant tout cela, on voit que fondamentalement nous sommes identiques psychologiquement : vous souffrez, je souffre, le noir, le blanc, tous. Nous souffrons, avons des angoisses, nous sentons coupables, anxieux, dans l'insécurité, confus, déprimés, etc. – comme vous. Mais nous ne le reconnaissons pas, car nous sommes si inhumains. Psychologiquement, nous sommes semblables. Ecoutez bien, cela signifie que vous êtes l'humanité entière. Car vous souffrez, êtes angoissés – moi aussi, lui aussi, le Chinois, le Russe et ainsi de suite. Donc vous êtes l'humanité entière. C'est là une formidable réalisation. Pas l'individu Américain et tout le reste. Ceci n'est pas une théorie. Ce n'est pas un idéal, une utopie. C'est un fait réel quotidien. Jouons-nous le jeu ? C'est un fait réel quotidien.
43:32 Q: Vous dites que le conditionnement n'est pas plus profond que cela.
43:38 K: Oui, il ne va pas au delà de la peau. Pour ainsi dire. Le conditionnement biologique. Il y a toutes sortes d'autres conditionnements non liés à la race, à savoir le conditionnement du psychisme, dont le désir de sécurité : en tant qu'Américain, je me sens en sécurité.
44:07 Q: Ce n'est toujours pas...

K: Je vous en prie, M. Ou Britannique, Français, tout cet ensemble. Et il y a aussi ceci : ce conditionnement psychologique ou hérité dans le sens de ce que m'ont dit mes parents lors de ma première venue en Angleterre comme jeune garçon : 'tu es Indien, ne lorgne pas au-dessus de la haie'. Vous comprenez ? La culpabilité est déjà plantée. Par bonheur, je ne me suis jamais adonné à ce jeu. Alors, est-il possible de lâcher ou d'être libre de ce conditionnement psychologique ? Vous comprenez ? Evidemment, si l'on y consacre son attention, pas analytiquement, mais en se bornant à observer, comme on observe dans un miroir son visage, ses réactions, sans aucune déformation. Et cela ne peut être fait qu'en relation avec autrui. La relation devient alors le miroir dans lequel vous vous voyez exactement tel que vous êtes. Et si vous aimez conserver cette image, faites-le. Si vous ne l'aimez pas, brisez-la. Ce n'est pas une chose terriblement difficile ou ardue. Nous aimerions la voir comme telle, car au fond de soi on se sent coupable, il faut faire ceci, faire cela, il nous faut tous être nobles, courageux.
46:20 Alors cette question, si l'on y vient sans aucun préjugé, l'abordant sans aucune conclusion, cette question recouvre énormément de choses. Vous comprenez ? Peut-on passer à la question suivante ?

Q: Oui.
46:49 Ai-je répondu à cette question, Mme ? Bien. Je n'y ai pas répondu, vous l'avez résolue.
47:09 3ème Question: Il a été dit que le produit de vos livres ne vous revient pas personnellement. Puis-je demander comment vous vivez, M. ?
47:24 Il a été dit que le produit de vos livres ne vous revient pas personnellement. Puis-je demander comment vous vivez, M. ?
47:35 Cela vous intéresse vraiment ? Je vais y répondre, c'est très simple. Cette question vous préoccupe-t-elle vraiment ?
47:49 Q: Non, pas vraiment. Sautez-la.
47:52 K: Comme elle est posée, abordons-la. Personnellement, je n'ai pas d'argent. Je n'en veux pas. On m'a offert des châteaux, des domaines. On m'a demandé de faire du cinéma – beaucoup d'argent m'a été offert. Je n'ai pas d'argent. Alors, ce qui est arrivé, très, très simplement : quand je suis allé en Inde, la Fondation s'est occupée de moi. De mes vêtements, de ma nourriture, d'appeler un médecin, si nécessaire, et des déplacements – je voyage partout en Inde. Et quand je me rends en Europe, en France, etc., c'est la Fondation anglaise qui prend K en charge. Et quand je viens ici, c'est exactement pareil. C'est très simple. Avez-vous la réponse ?
49:04 Q: Oui.

K: Bien. 4ème Question:
49:11 Pourquoi dites-vous qu'il n'y a pas d'évolution psychologique ?
49:17 Pourquoi dites-vous qu'il n'y a pas d'évolution psychologique ?
49:24 C'est vraiment une question très sérieuse. Pas comme la précédente, elle est vraiment très sérieuse.
49:38 Qu'entendons-nous par évolution ? Je le demande, vous êtes trop nombreux pour répliquer verbalement, mais vous devez y répondre. Qu'entendez-vous par évolution ? Le chêne, là, lâche son gland, d'où pousse l'arbre. C'est cela, évoluer, croître, se multiplier. N'est-ce pas ? Et nous avons évolué depuis la nuit des temps pour être où nous en sommmes, biologiquement, organiquement. Cela a pris 2 à 3 millions d'années psychologiquement pour en arriver là. C'est évident. Sommes-nous dans le jeu, jouez-vous le jeu ? La balle est dans votre camp.
50:52 Nous avons donc évolué, pas seulement biologiquement, mais psychologiquement, intérieurement, subjectivement. On ne peut développer un 3ème ou 4ème bras. Nous avons probablement atteint la limite biologique. Mais psychologiquement, subjectivement, nous pensons pouvoir croître, devenir quelque chose de plus noble, plus courageux, moins violent, moins brutal, moins cruel, vous suivez ? Pour nous, l'idée d'un progrès psychologique est terriblement importante. Sinon, l'ego n'a aucun sens. Je ne sais si vous suivez ceci. Je médite afin de devenir. Je respire afin de tranquilliser le cerveau. Je deviens sans cesse. Que ce soit dans le monde des affaires, dans le monde de la technologie, dans le monde du talent, je deviens toujours meilleur. Je suis meilleur en menuiserie qu'il y a deux ans, meilleur électricien, chimiste, meilleur ceci ou cela. Et j'applique le même mouvement au psychisme. Je ne sais si vous suivez tout ceci. Ainsi, je vais devenir quelque chose, psychologiquement. Vous suivez ? Est-ce un fait ? Non, je vous en prie, c'est très important, car si vous comprenez vraiment ceci, l'approfondissez, toute notre vie change. Vous comprenez ?
53:09 Le bien est-il l'ennemi du mieux ? Comprenez-vous ma question ?

Q: Non.
53:22 K: Le bien, avec tout ce qu'il implique – nous allons le voir – et je serai meilleur, je suis bon, mais je serai meilleur demain. Meilleur que bon. Donc le meilleur est l'ennemi du bien. Je ne sais si vous suivez ceci. Je vais l'approfondir. Alors y a-t-il une évolution psychologique ? Ou ce que je suis aujourd'hui, je le serai demain. Vous comprenez ? Nous avons évolué psychologiquement depuis 3 à 5000 ans – plus, bien plus, diable, qu'est-ce que je dis – 8.000, 10.000 ans, si vous vous êtes informés. Je ne vais pas aborder l'évolution ancienne de l'humanité. Je suis informé par ceux qui ont étudié cela, par conséquent je ne fais que répéter ce qu'ils m'ont dit, que vous pouvez vérifier. Mais nous mettons en question l'hypothèse qu'il y ait une quelconque croissance psychique, une amélioration, et qu'au cours du temps – un million d'années, 50.000 ans – nous nous sommes améliorés, sommes bien plus évolués; est-ce un fait ?
55:22 Répondez à cela.

Q: Je pense...
55:26 K: Si vous parlez tous, Mme, c'est impossible : vous interviendrez, lui aussi... contentez-vous d'y réfléchir, d'examiner, puis nous communiquerons, verbalement ou autrement. En tant que membre de l'espèce humaine existant sur cette terre depuis 2 ou 3 millions d'années, ou 50.000 ans, ou même 8.000 ans, ai-je progressé ? Evolué ?
56:08 L'avez-vous fait, psychologiquement ? N'êtes-vous pas tel que vous étiez au début ? Plus ou moins. Plutôt moins que plus. Plus ou moins brutal, violent, agressif, dans l'insécurité, voulant tuer au nom de votre tribu, de votre dieu, votre pays, ce même phénomène existe depuis la nuit des temps. A l'époque, vous poignardiez un homme ou une femme. Puis il y eut l'arc et la flèche. Ensuite l'arme à feu. A présent, la bombe à neutrons. Pensez à cet énorme progrès. Non M., ne riez pas. Regardez cela attentivement. Mais derrière l'archer, derrière le cannonnier, et de celui qui largue du haut de 10.000 mètres une bombe à neutrons, l'homme est le même. N'est-ce pas ? C'est un fait. Il peut planter un drapeau sur la lune et dire : c'est mon pays qui est représenté là-haut.
57:54 Non, regardez, considérez tout cela. Je ne vous demande pas de croire ce que je dis. Examinez-le. Donc on demande s'il y a une progression psychologique, ou une fin psychologique – il ne s'agit pas de devenir quelque chose. Vous comprenez ce que je dis ?

Q: Oui.
58:29 K: Si je ne mets pas fin à la violence aujourd'hui, cette violence qui existait il y a un million d'années chez l'être humain, si je ne quitte pas cette violence, ne la laisse pas tomber ou n'engendre pas une mutation radicale, je serai violent demain. C'est un fait. Alors, y a-t-il un progrès, un développement du psychisme en tant qu'évolution ? Pas pour moi, personnellement. Pour moi – ne l'acceptez pas. Je joue, je vous renvoie la balle.
59:23 La question subsiste donc, je suis ce que je suis à présent. N'est-ce pas ? J'étais ce que j'étais, je suis ce que j'étais. Je suis tous les souvenirs, raciaux, religieux, issus de l'éducation, des voyages, tout cela est le passé, c'est-à-dire moi. N'est-ce pas ? Mon expérience, mon désir d'être un grand homme, désir d'être important, d'être un gourou, d'être quelqu'un – je ne le suis pas, mais c'est pour dire – tout cela est le passé, c'est-à-dire moi. Si je ne laisse pas tomber tout cela, demain je serai pareil. Il en émane la question suivante : est-ce possible ? Vous comprenez ? Est-il possible de lâcher tout cela ? Non par l'effort, non par décision, par désir, car cela devient un autre accomplissement. Tout cela peut-il être lâché ? M., c'est dans votre camp. N'attendez pas que j'y réponde. C'est dans votre camp. C'est vous qui posez cette question. En réalisant que vous êtes tout l'arrière-plan. Vous êtes toute cette accumulation raciale, religieuse, économique, scientifique, politique, tout cela est le conditionnement de votre psychisme. Vous avez été programmés pendant 2.000 ans en tant que chrétiens. Et les autres ont leur propre mode. L'autre jour, quelqu'un disait avoir vu une statue du Bouddha assis vous savez, vous avez vu des statues du Bouddha. Et quelqu'un dit, à quoi bon cet homme assis comme cela toute la journée ? C'était émis par un chrétien. Attention, écoutez bien. Quelqu'un d'autre à côté de moi dit : à quoi bon cet homme pendu toute la journée sur cette croix ? Non, ne riez pas, regardez la chose ! Nous agissons,
1:02:34 pensons, ressentons selon nos préjugés, notre conditionnement. Si j'étais bouddhiste et vous me disiez cela, je serais terriblement contrarié. Je me fâcherais, deviendrais violent, car je vénère ce personnage. Mais si j'étais chrétien et que vous disiez à quoi bon cet homme pendu au mur ? Vous suivez ? Cela vous choque, inévitablement. Pouvons-nous regarder cela sans l'ombre d'un préjugé ? Vous comprenez ? Sans l'ombre d'une opinion, conditionnement, afin que nous réalisions que chacun crée une image qu'il vénère.
1:03:34 Un homme, que nous connaissions il y a bien des années, marchait sur une plage; il ramassa une branche, un morceau de bois long comme cela, qui avait une forme humaine. Il l'apporta chez lui – c'est un fait – et le plaça sur la cheminée. Un jour il mit une fleur dessus. Après plusieurs jours il l'entoura d'une guirlande et se mit à le vénérer. Vous suivez ? Les êtres humains créent leurs propres images à partir de leur conditionnement. Alors, y a-t-il la moindre évolution psychologique, ou y a-t-il seulement une fin, un non-devenir ? C'est-à-dire, la fin de la violence. Je prends cet exemple. Mettre complètement fin à la violence, pas demain, maintenant. Comprendre tout ce qu'implique la violence : l'agressivité, l'ambition, qui font partie du sentiment de culpabilité et ne pas vouloir être. Tout ce concept de croissance, de croissance psychologique. Bien sûr le bébé croît, devient adulte, vieillit et tire sa révérence. C'est ainsi. Il est un fait irrémédiable que nous allons tous finir dans la tombe ou être incinérés. Il faut donc examiner cela et se poser la question pour en découvrir la vérité, sans se borner à dire oui, je le pense ou ne le pense pas, mais en continuant jour après jour.
1:06:03 5ème Question: Vivre paisiblement exige une grande intelligence. Veuillez développer ceci je vous prie.
1:06:13 Vivre paisiblement exige une grande intelligence. Veuillez développer ceci je vous prie.
1:06:21 Lors de la 1ère causerie, ou précédemment, l'orateur dit qu'il faut une grande intelligence pour vivre paisiblement et on nous demande d'en discuter, d'avoir un dialogue à ce propos.
1:06:46 Qu'est-ce que l'intelligence ? Je vous pose la question, il faut y répondre. Pas vous tous, mais repondez-y pour vous-même. Qu'est-ce que l'intelligence ? Ce mot signifie – du latin etc., d'après le dictionnaire – lire entre les lignes, rassembler de l'information, acquérir du savoir, accumuler l'expérience des autres et de vous-même, d'où le savoir. Et rassembler de l'information qui vous procure davantage de savoir. Tel est en général le sens de ce mot dans le dictionnaire. C'est son usage courant.
1:08:00 Il vous faut énormément d'intelligence pour aller sur la lune. Une qualité extraordinaire d'intelligence. Avec littéralement la coopération de milliers de gens. Chaque détail devant être parfait. On m'a dit que 3.000 ou 300.000 personnes – j'ai oublié le nombre – ont dû coopérer pas à pas, chacun agissant à la perfection. Enfin l'assemblage, etc., et le départ pour la lune. Cela demande de l'intelligence. Et fabriquer un ordinateur demande aussi de l'intelligence. Le programmer demande de l'intelligence. Pour inventer la communication rapide entre ici, New York, Delhi et Moscou, demande aussi une énorme qualité d'intelligence. Cette intelligence – écoutez je vous prie, nous jouons le jeu – cette intelligence repose sur le savoir, repose sur l'expérience, sur le talent. N'est-ce pas ? C'est-à-dire l'intelligence extraordinaire de la pensée. Sommes-nous clairs là-dessus ? Le chirurgien qui opère doit avoir des mains extrêmement habiles, il llui faut posséder une grande expérience, une formidable maîtrise de son corps à cet instant, et y appliquer une attention totale. Tout cela repose sur l'expérience, le savoir, la mémoire, le talent. Et cela s'appelle l'intelligence. Bien ? Nous sommes ensemble ? Qu'il s'agisse de l'intelligence d'un idiot, de celle d'un très grand mathématicien, d'un biologiste ou d'un archéologue, etc., de scientifiques, de peintres. C'est donc une intelligence limitée. N'est-ce pas ? En êtes-vous sûrs ? Ne soyez pas d'accord, c'est dans votre camp, donc vous jouez avec vous-même, si vous le voyez, c'est ainsi. Car cette sorte d'intelligence repose sur l'expérience, le savoir, la mémoire, la pensée. Et la pensée est limitée, comme nous l'avons vu l'autre jour. Car la pensée repose sur la mémoire, la mémoire est le fruit du savoir, le savoir est le fruit de l'expérience, et l'expérience est toujours limitée. Il n'y a pas d'expérience complète, car il y a toujours l'expérimentateur qui dit : j'expérimente. Je ne sais si vous suivez tout ceci. Par conséquent, tant qu'il y a l'expérimentateur, c'est-à-dire le fond de la mémoire qui lui permet de reconnaître l'expérience – je ne sais si vous suivez – cette expérience est limitée, donc tout acte de penser est limité. Et à partir de cette limite, il y a une certaine forme d'intelligence. Et cette intelligence sert à tuer les autres, à contrôler les autres, à leur dénier la liberté, à les envoyer en camp de concentration, ce qui a lieu maintenant – pas seulement chez les Allemands dénaturés, cela a lieu à présent. On ne fait pas beaucoup de bruit là-dessus. On fait énormément de bruit à propos d'une chose qui a eu lieu
1:13:02 il y a 40 ans. On comprend cette intelligence qui fonctionne chaque jour, on ne pourrait conduire une voiture sans cette intelligence qui repose sur l'apprentissage de conduite d'une voiture. C'est-à-dire, vous avez la pratique, vos parents ou un spécialiste vous ont appris à conduire, ce qui est devenu automatique – l'expérience, le savoir, la mémoire, la pensée. C'est limité. Nous demandons donc : y a-t-il une intelligence qui ne soit pas limitée. Pas en opposition à l'intelligence limitée. Je me demande si vous comprenez. Vous le saisissez ? Je comprends très clairement l'intelligence limitée, elle est évidente. Et nous vivons de cette intelligence étroite, limitée. Nous inventons des dieux issus de cette intelligence, tout l'attirail des rituels, les vêtements médiévaux des prêtres et leur hiérarchie – toute cette connivence pour impressionner les gens, pour les maintenir unis dans une certaine croyance, et ainsi de suite. Tout cela est une forme d'intelligence limitée. C'est sur le terrain de jeu. Et si vous êtes alerte, conscient de tout ceci, vous demandez naturellement : y a-t-il une intelligence non-limitée ? Vous ne posez cette question que lorsque vous observez vraiment en vous et en autrui l'activité de l'intelligence limitée. Sinon, vous ne pouvez pas la poser. L'intelligence limitée consistant à s'entre-tuer. C'est tellement évident, si insupportable. Selon moi, rien n'est plus horrible que tuer des animaux et des êtres humains volontairement, la tuerie délibérée qui ne porte pas le nom d'assassinat. Cela s'appelle comme vous voudrez, donnez à cela un beau nom, mais c'est toujours tuer. Et une partie de l'intelligence sert à inventer des machines modernes. Vous comprenez, M. ? Les outils de guerre. Il faut énormément de réflexion, beaucoup d'expérimentation, des siècles de meurtres mutuels pour en arriver là : vaporiser des millions d'êtres humains.
1:16:31 Quand on réalise cela, pas intellectuellement ou verbalement, mais dans son coeur – pas par romantisme, mais le fait – on peut alors poser l'autre question : y a-t-il une intelligence qui ne soit pas limitée ? Découvrez-le, M. Vous ne pouvez avoir un pied ici et l'autre là. Vous pouvez avoir un pied là, dans cette intelligence non-limitée, et puis vous pouvez arriver à l'autre. Mais vous ne pouvez passer du limité à cela. J'ignore si vous comprenez tout ceci. On peut méditer, se tenir sur la pointe des pieds ou sur la tête, faire ce que l'on peut – on ne peut aller à l'illimité à partir du limité. Notre demande ne s'oppose donc pas au limité, car si la demande part du limité pour découvrir l'autre, on ne peut jamais le découvrir. Alors y a-t-il une intelligence non-limitée ? Et pour découvrir cela, il faut y consacrer sa vie, pas simplement ce matin, assis ici. Il faut appliquer son énergie, son austérité, son cœur, son cerveau, tout, à cette découverte. Et cela ne peut exister que quand il y a amour et compassion, rien d'autre.
1:18:50 Voulez-vous passer à une autre question ?
1:18:54 6ème Question: Vous avez de vastes auditoires dans le monde entier. Que désirons-nous tous ?
1:19:04 Je vais répéter. Vous avez de vastes auditoires dans le monde entier. Comment se fait-il que nous venons tous ici, et que voulons-nous ? Vous avez de vastes auditoires et que voulons-nous, que désirons-nous tous, espérons tous obtenir ? Allez-vous y répondre ?
1:19:46 Qu'est-ce – la question est posée avec grand respect, et humainement, c'est-à-dire humblement – que voulez-vous tous ? A quoi aspirez-vous ? Qu'est-ce qui fait que les gens vont à l'église, que désirez-vous tous ?
1:20:26 Pouvez-vous y répondre sérieusement et honnêtement ? Pas je veux d'abord ceci, puis je veux cela et ensuite, l'année suivante, je veux autre chose, comme cela a lieu dans ce pays. Une chose après l'autre. Un nouveau gourou passe par là et vous tous... Assis ici tranquillement, comme en ce moment, que voulons-nous tous ? Y a-t-il un mobile commun, un désir commun, une aspiration commune ? Ou tout est-il séparé, chacun voulant tout autre chose que l'autre ? Il est probable que l'on ne se soit jamais posé sérieusement cette question. Si vous posez cette question vraiment sérieusement, qu'est-ce que c'est ? Est-ce le bonheur ? Le bonheur est-il la fin de la vie ? Est-ce la sécurité ? Etre en sûreté. Etre en complète sûreté dans cette liberté que vous souhaitez. Sûreté et liberté. En sécurité dans un club, dans une société, dans un groupe, dans le pays, dans une croyance, et en même temps être libre. Veuillez regarder cela très sérieusement pour votre bien, regardez-le. Avoir de meilleurs rapports avec quelqu'un ? Vivre avec un mari, une femme, peu importe, sans le moindre conflit ? Voudriez-vous être complètement libre de votre conditionnement ? Ou ne pas avoir peur de la mort. Quand vous regardez tout cela, nos divers désirs, nos aspirations, nos fuites et nos attachements, que voulons-nous de tout cela ? Quelqu'un sur qui se reposer ? Je vieillis, il me faut quelqu'un sur qui me reposer. Et je vis heureux avec cette personne, mais ne le puis avec d'autres. Assurez-moi qu'elle et moi nous entendrons bien pour le reste de notre vie. Vous suivez tout ceci ? J'ai des complexes ou des barrières, un conditionnement, et je veux m'en débarrasser en totalité. Si l'on examine tout cela, pour peu que l'on soit éduqué, de grands intellectuels et romantiques, etc., scientifiques, politiciens, que voulons-nous dans notre cœur ?
1:24:56 Une seule réponse couvrirait-elle le tout ? Vous comprenez ? Si je peux trouver la racine d'une chose, de tout ceci, je peux alors tout lâcher. Vous comprenez ma question ? Est-ce la liberté ? Pas de faire ce que l'on veut, c'est trop puéril, trop immature, trop limité. La liberté. Ce mot lui-même comporte dans sa terminologie l'amour. Est-ce cela que vous voulez ? Ou n'avoir aucune responsabilité. Comme le soldat qu'on envoie à la guerre, il est parfaitement heureux, car il n'a pas de responsabilité. Est-ce cela que vous voulez ? Aucune responsabilité. Serait-ce pour cela que vous prenez de la drogue ? Ou pour accéder à plus d'excitation ? Vous voulez plus d'excitation, de sensation. M., rassemblez tout cela et ajoutez-y davantage. Il doit y avoir une racine à tout ceci. Vous comprenez ? Une question qui répondra à toutes les questions. Y a-t-il une telle chose ? Est-ce que vous voulez accroitre l'intérêt pour soi ? Pour stabiliser, renforcer, avoir de profondes racines dans l'intérêt pour soi ?
1:27:45 Je puis y répondre, mais la balle est dans votre camp, vous devez la renvoyer. Vous ne pouvez pas juste dire : je vais garder la balle un moment. Vous jouez à un jeu. Qu'est-ce qui répondra à toutes ces questions ? Ne voulez-vous pas qu'il soit répondu à toutes ces questions quand vous disposez d'une liberté psychologique inconditionnelle absolue ? Et liberté signifie amour, rien d'autre. L'amour n'est pas désir, plaisir, sensation, attachement. Et quand il y a amour, il y a compassion et cette intelligence illimitée. Quand c'est là, vous avez répondu à tout. Je ne sais si vous comprenez ceci. Il n'y aura pas de guerre, pas de conflit. Dans la relation, il n'y aura aucun conflit en présence d'amour, pas de lutte d'images de l'un et de l'autre. Vous comprenez ma question ? Est-ce la réponse ? Est-ce la racine de tous nos désirs, aspirations, prières, vénérations ? Il a été répondu à la question, M.