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OJ85Q2 - Seconde session de questions & réponses
Ojai, USA
Le 16 mai 1985



0:15 Krishnamurti: Je me demande de quoi vous aimeriez que nous parlions.

Q: (inaudible)

K: Un instant, M., je viens de commencer. J'aimerais savoir, si vous permettez, de quoi vous aimeriez que nous parlions. Il y a beaucoup de questions auxquelles il nous est impossible de répondre, en dehors de quelques unes, et les voici par écrit, je ne les ai pas vues. Mais avant de commencer à les poser
1:05 je me demande de quoi vous aimeriez parler. Pas tous ensemble, ce serait impossible.
1:13 Q: Parler des conditions requises pour que les gens saisissent ce que vous dites.
1:24 K: Je n'ai pas entendu.
1:26 Q: Parler des conditions, créer les conditions requises, pour que tout le monde saisisse ce dont vous parlez. Car vous le savez bien, Krishnamurti. Vous comprenez ? J'en doute, mais je dois poursuivre. Il manque quelque chose que le cerveau ne peut saisir.
1:58 K: Je ne saisis pas tout à fait la question.
2:02 Q: Quelles sont les conditions requises pour que l'on comprenne ce dont vous parlez ?
2:07 K: Quelles conditions sont nécessaires à propos de ce dont parle K. Est-ce cela ?
2:16 Q: Afin de saisir ce dont vous parlez.
2:24 K: Pour saisir ce dont vous parlez, qu'est-ce qui est nécessaire ? Est-ce de cela que vous voulez parler ? Voilà un avis, M. De quoi aimeriez-vous tous parler ?
2:40 Q: Qu'allons-nous enseigner à nos enfants ?
2:51 Q: Pourriez-vous préciser ce que vous disiez mardi, que liberté signifie amour. Pourriez-vous beaucoup développer cela.
3:09 K: Ce dont vous parliez mardi à propos de l'amour, pourriez-vous le développer. Bien ?
3:16 Q: Oui, vous avez dit que liberté signifie amour.
3:20 K: Voyez, nous sommes si nombreux. La première question était : quelle qualité de cerveau faut-il avoir pour comprendre, saisir ce dont vous parlez. Ce n'est pas de cela que parle l'orateur, mais de saisir votre propre compréhension de vous-même. Supprimez ou écartez ce dont parle K et voyons ce qui est nécessaire pour comprendre, entrer en soi. Est-ce cela ? Aimeriez-vous parler de cela ?
4:11 Auditoire: Oui.
4:15 K: Hormis les questions,
4:25 quelles sont les barrières qui nous empêchent de nous comprendre nous-mêmes, pas seulement au niveau conscient de nos activités quotidiennes, mais encore bien plus profondément ? Est-ce
4:51 de cela que vous voulez que nous parlions ?
4:54 A: Oui.
5:04 K: Si l'on se pose cette question, qu'est-ce qui nous empêche, vous ou moi, de comprendre, de creuser très à fond en soi-même, qu'est-ce qui manque ? N'est-ce pas cela ? Qu'en pensez-vous ? Ne répondez pas tous ensemble. Quelle est la réponse de chacun de nous quand nous nous posons cette question ? Je suis pris toute la journée par les affaires, voyageant ici et là. Si je suis un artiste, je suis occupé à peindre, à écrire des poèmes, de la littérature, et si je suis un politicien, je me soucie beaucoup de politique, de la place que j'y occupe et de mon propre intérêt, de mon ambition et ensuite des gens. Alors qu'est-ce qui manque ? De l'énergie ? De l'aptitude intellectuelle ? Nous allons chercher cela ensemble. L'aptitude intellectuelle ? Ou nous sommes trop émotionnels. Ou nous avons trop de concepts romantiques illusoires, d'images des autres et de nous-mêmes, ce qui nous empêche de saisir la totalité de notre être. Serait-ce que je suis trop occupé par mes enfants, ma femme, mon travail, mes distractions, ma place dans la société, etc. ? Cette occupation perpétuelle, ce bavardage continu à propos de nos propres problèmes et notre propre position pour ou contre l'environnement ou le fondamentalisme – j'ignore si vous avez remarqué ce fait que le fondamentalisme se répand énormément dans ce pays. Et il se répand aussi en Iran, en Irak, au Liban, et il s'insinue aussi peu à peu en Inde. Et ceci prend énormément de notre temps. Et alors serait-il que nous n'avons pas l'énergie ou l'élan nécessaire, à la fin ou au début de la journée, que nous ne sommes pas suffisamment recueillis, étant profondément préoccupés. Nous nous préoccupons d'argent, de sexe, de fonction, etc., etc.
8:59 Ainsi, nous nous occupons énormément de choses superficielles. Cela nous prive-t-il de l'énergie requise pour creuser en profondeur ? Je me borne à poser ces questions. Ou tout ceci ne m'intéresse vraiment pas. J'aime en capter un peu ici et là, aller voir divers gourous et escrocs, théoriciens et théologiens et experts en religion, et capter un peu de tout ceci, un excellent sujet de conversation à table. Est-ce cela qui nous occupe la plupart du temps ? Ou réservez-vous – nous ne recommandons rien, nous ne faisons qu'en parler – ou vous réservez un peu de temps le matin, l'après-midi ou le soir et essayez d'être un peu sérieux. Ou nous segmentons chaque partie de la vie et traitons ces segments. Je peux continuer. Ou peut-on examiner la totalité de la structure de soi en tant qu'un tout et non en tant qu'être humain fragmenté ? Est-ce possible ? C'est-à-dire, si l'on peut se permettre, vous ne comprenez pas K. Vous comprenez ou utilisez K comme un miroir pour vous comprendre. Et le miroir n'est pas important. C'est ce qu'il faut d'abord réaliser. Le miroir, la personne n'importe pas. Ce qu'il dit pourrait refléter ce que vous êtes – pourrait. C'est peut-être paradoxal, mais vous commencez à vous observer, doutant, questionnant, demandant.
11:56 Alors, comment abordez-vous cette question ? Parce que l'approche importe bien plus que le fait. Sommes-nous ensemble ici ? L'approche, qu'il s'agisse d'un problème scientifique, artistique ou humanitaire, ou encore social, politique ou religieux – comment l'abordez-vous, vous en approchez-vous ? Car la façon dont vous l'abordez est d'une grande importance. Pas la nature de la question, ou celle du problème. Car si je l'aborde avec une image idéologique préconçue, cette image intervient entre l'approche et la chose à approcher. Sommes-nous ensemble ici ? Tant soit peu ? Peut-on donc aborder un sujet, un défi, un problème, si trivial, si profond soit-il, sans la moindre complaisance, sans conclusions, préjugés préalables et y venir à neuf ? Pouvons-nous le faire ou est-ce impossible ? Car dès l'enfance on a été éduqué en tant que catholique, protestant, hindou, bouddhiste, etc., et on se révolte contre tout cela si l'on est tant soit peu intelligent et actif, disant : tout cela n'a pas de sens. Mais cela rend aussi notre vie très superficielle. On tâche alors d'emplir cette superficialité par toutes sortes d'amusements, drogues, distractions, sexe, etc. Alors, comment aborde-t-on la question ? Posez-la vous, je vous prie. Si vous êtes un homme d'affaires, vous l'abordez très prudemment, en évaluant la récompense – non, la punition et la récompense. Si la récompense est bonne, vous continuez. Si elle ne l'est pas, vous hésitez un peu, en parlez et apprenez progressivement, évitant une chose non profitable. De la même manière, nous évaluons la vie sur une base de récompense/punition. Si je fais ceci, je peux atteindre le paradis ou le nirvana, peu importe, l'illumination, etc. Il y a donc toujours ce fond de gain et de perte. N'est-ce pas ? Peut-on écarter tout cela et regarder le problème, l'aborder librement ?
15:55 Une question vient d'être posée : voudriez-vous aborder la question dont vous parliez mardi. C'était à propos de l'amour et de sa complexité. Bien ? Pourquoi voulez-vous que j'en parle ? Pourquoi ne peut-on soi-même l'aborder très prudemment, sans rien présumer, en étant terriblement honnête, et voir ce que tout cela signifie ? Est-ce impossible ? Vous voyez, malheureusement une de nos difficultés est que nous lisons tellement. On nous a tant raconté, les philosophes, experts, spécialistes, ceux qui ont voyagé dans le monde entier et recueilli de l'information, rencontré divers saints, escrocs, gourous et tout ce cercle disent oui, j'ai rencontré tous ces gens, je sais. Et nous sommes si crédules et si avides. Nous adoptons leur apparence. Le faisons-nous ? C'est ce que nous font tous les journaux, les magazines. La publicité de tous les soirs Vous suivez ? Voyez tout cela. Et nous sommes bombardés de tout cela, de sorte que progressivement nos cerveaux rétrécissent à cause de ce bombardement. Cela équivaut à être constamment choqués.
18:25 Alors voudriez-vous considérer s'il est possible d'écarter tout ceci et d'y jeter un regard neuf, frais, comme si vous voyiez les choses pour la première fois. Pourrions-nous faire cela ? Ou n'est-ce accessible qu'à un petit nombre – ce qui est absurde. Bien que des gens prétendent : oui, je peux le faire, mais je vais vous en parler. Je n'accepterais pas une telle chose. Pourquoi notre cerveau est-il devenu si mesquin ? Le mot 'mesquin' signifie étroit, limité, profondément ancré dans l'intérêt pour soi.
19:46 M., voilà des questions qui peuvent être posées. Mais la réponse ou la découverte ou la racine de tout ceci, il faut soi-même la creuser ou l'aborder. Inutile de se parler toute la journée, même une heure. Il est bon de s'écouter mutuellement. Et la façon dont vous écoutez a une grande importance. Il s'agit d'une réelle écoute, dans le sens où vous écoutez sans aucune détermination, sans aucune direction amenant votre propre réaction. Vous vous contentez d'écouter comme un enfant écoute une histoire excellente, excitante, plein d'une ardente curiosité pour découvrir l'issue. Pourrions-nous faire cela ? Pas seulement en écoutant les mots, etc., mais en écoutant aussi toutes nos pensées, tous nos sentiments, et en observant les images que nous formons constamment.
21:22 Pouvons-nous revenir aux questions ? Comme nous l'avons dit, il y a ici plusieurs questions. Il y en a huit. Pouvons-nous commencer par écouter la question sans aucune réaction, sans dire 'oui, je comprends', capter simplement la question. C'est comme semer une graine dans le sol, dans un sol sain et enrichi – semer une graine. Si la graine a de la vitalité, de l'énergie, sa propre valeur intrinsèque, alors vous n'avez rien à faire sinon arroser de temps à autre, la surveiller et elle poussera. La question est donc une graine, il faut la laisser faire. Laisser la question se développer, grandir, et voir s'il y a quoi que ce soit dans la question ou si ce n'est qu'une mauvaise herbe. Certaines mauvaises herbes semblent jolies et utiles, mais d'autres sont totalement inutiles et destructrices. Nous allons donc découvrir – excusez toutes ces remarques – nous allons découvrir la valeur de la question. Elle pourrait être posée superficiellement ou avec une noble intention. Et la question ne provient pas de quelqu'un d'autre, elle se pose à chacun de nous.
24:13 1ère Question: Quelle différence y a-t-il entre cette 'timidité' dont vous avez parlé et la peur ?
24:24 Quelle différence y a-t-il entre cette 'timidité' – entre guillemets – dont vous avez parlé et la peur ? J'ignore quand je vous en ai parlé – désolé.
24:37 Q: Peut-être veulent-ils dire l'humilité ?
24:43 K: La timidité.

Q: L'humilité ?
24:52 K: Nous parlions l'autre jour de la peur. La peur est identifiée à l'ego, au 'moi', avec toute la structure de mon psychisme, cela fait partie de mon psychisme, partie de moi. Et la peur engendre la culpabilité, divers types d'avidité. Et tout ceci nous rend plutôt nerveux, on éprouve de la témérité, de la timidité, un sentiment de retrait, tout en voulant s'exprimer. Il y a donc une contradiction en soi. Et cette contradiction engendre davantage de culpabilité et nous continuons ainsi.
25:58 Alors quelle en est la racine ? Vous comprenez ma question ? Peur, culpabilité, étant assez timide et ne voulant pas nuire aux autres. Et pourtant les mots mêmes que vous dites pourraient nuire. Si un Indien dit : 'de quoi parlez-vous, toutes vos inepties religieuses', cela vous blesse et vous le blessez, donc cela continue. Tout d'abord, peut-on vivre quotidiennement sans peur ? C'est important, pas toutes ses ramifications : culpabilité, timidité, et le désir de résister, de rendre les coups. Tout cela est enraciné dans la sensation de peur. Seriez-vous d'accord là-dessus ? Le voyons-nous ? Pas parce que je le décris, pas parce que l'orateur le déploie; vous le voyez, si vous observez calmement les activités de la peur, comme elle crée des barrières, non seulement dans nos relations, mais aussi dans nos attitudes à l'égard de l'ensemble de l'humanité, etc.
28:03 Nous commençons donc par demander : est-il possible de vivre sans peur ? Sans dire 'je dois être courageux'. Vous pouvez être courageux en vous droguant. Nous avons un ami qui produit du rhum. Il fournit du rhum à l'armée, et il dit : c'est une affaire très profitable, car les soldats qui vont au front sont très, très nerveux ce qui leur donne une sensation de courage, et pour diverses autres raisons. Alors, si nous pouvions creuser à fond cette question, ensemble, non que j'explique et que vous admettiez, cela n'a aucun sens.
29:12 Comme on l'a dit l'autre jour, le temps et la pensée sont deux facteurs majeurs dans la fabrique – si l'on peut se permettre ce mot – de la peur. Nous avons vu la question du temps. Allons-nous y revenir ? Oui ?
29:43 Vous êtes plutôt silencieux.

A: Oui.
29:47 K: Je ne vous force pas. C'est une question assez complexe qui doit donc être abordée très simplement. Nous vivons tous dans le cadre, le périmètre du processus du temps. Nous tous vivons dans ce processus. Ainsi, j'ai fait quelque chose, je le referai aujourd'hui, le changerai, le modifierai et le referai demain, mais autrement. Et si vous vous observez de très près, tous les souvenirs résultent de l'expérience, du savoir contenus dans le cerveau – peut-être pas la totalité du cerveau, sa partie essentielle. L'orateur n'est pas expert en neuro-biologie du cerveau, etc., il n'a fait qu'observer, et en observant on apprend beaucoup. Pas seulement des livres, l'orateur ne lit pas de livres, heureusement. Il lit d'autres choses, des 'thrillers', etc. – ne vous en souciez pas.
31:32 Donc, en un sens, le temps est de l'évolution, le temps en tant que survie, en tant qu'une chose à gagner, une chose à accomplir, un idéal à rechercher ou une théologie, une conclusion, une idéologie à conserver vigoureusement et veillant à ce qu'elle s'accomplisse. Et la même chose s'applique aux théologiens. Ils ont certaines théories sur Dieu et les mènent à bien. Et tout cela prend du temps. N'est-ce pas ? Et le temps est aussi nécessaire dans le sens où aujourd'hui je suis ainsi, je l'étais aussi hier, mais il me faut du temps pour le changer. Le mot 'changer' implique le temps. Je ne sais si vous suivez tout ceci. Cela vous intéresse-t-il ? Très bien, je parlerai pour parler – pas pour parler. Je m'y intéresse énormément.
33:03 Nous sommes captifs du cycle du temps. Qu'il s'agisse du grand scientifique, de la personne très religieuse – soi-disant religieuse – ou de l'homme ordinaire comme nous, nous en sommes captifs. Il y a le temps d'après le lever et le coucher du soleil, et le temps d'après la montre, le temps pour aller à votre rendez-vous. Il faut du temps pour acquérir une langue, un talent, etc., davantage de savoir, tout cela demande du temps. Et quelqu'un a demandé : le temps a-t-il une fin ? Il l'a demandé. Vous le trouverez dans la littérature : pour Shakespeare, m'a-t-on dit, 'le temps doit cesser'. Les philosophes, les saints d'Orient et les gens de l'Est y ont aussi pensé. Ils s'y sont penchés et ont inventé diverses façons de mettre fin au temps, diverses méthodes. Tout ceci vous intéresse-t-il ? Ainsi, y a-t-il une fin du savoir, c'est-à-dire du temps ? Je me demande si vous le captez. Il me faut du temps pour acquérir du savoir. N'est-ce pas ? Je ne sais pas voler, mais je vais apprendre. Je ne sais pas comment être un bon maître charpentier, mais je vais apprendre, y travailler. C'est-à-dire acquérir du savoir sur une aptitude, à voler, en science, peu importe. Et ils ont demandé : y a-t-il une fin au savoir ? Ou cela doit-il continuer, encore et toujours ? L'ennui que cela implique. Vous comprenez ?
35:37 Alors vous posez cette question. C'est-à-dire le temps dans lequel nous vivons, agissons, pensons, ressentons, et quand on l'observe, on commence à s'en fatiguer, à s'ennuyer. De plus, l'acquisition de cette aptitude mène à la solitude. Et à partir de cette solitude, on agit, se livrant à diverses activités. Et l'on devient névrosé et psychopathe, etc. Donc cela continue. Alors on demande avec grande précaution, qu'est-ce que le passé ? C'est-à-dire le temps. D'après les archéologues, les savants, etc., l'humanité vit sur cette terre depuis 2 ou 3 millions d'années, ou plus récemment, 50.000 ans. N'est-ce pas ? Nous avons évolué. Et durant ce long laps de temps notre cerveau a acquis une somme infinie d'information et l'on s'est battu, s'entretué. On a commis toutes sortes d'horreurs, de barbarismes, de cruautés, de brutalités extraordinaires, d'holocaustes. Pas seulement l'holocauste récent, en Allemagne, mais il y a eu Attila, Genghis Khan, Napoléon, César, et cette boucherie se poursuit.
37:53 Alors, au terme de cette longue période, où en sommes-nous ? Vous comprenez ma question ? Qu'êtes-vous ? Sommes-nous toujours barbares, sauvages ? Des sauvages hautement cultivés, sophistiqués, se battant, agressifs, brutaux, meurtriers. Voilà ce qui a lieu, M. Avez-vous jamais remarqué – ne soyons pas trop catégoriques là-dessus – que pas un seul prêtre de la hiérarchie de l'église catholique, pas un seul n'a dit : arrêtons les guerres. Ne tuez plus. N'est-ce pas ? Pas un seul. S'ils insistaient là-dessus, l'église s'effondrerait, car les gens aiment s'entretuer. Non ? Oui, M. Ils veulent se nuire l'un l'autre, être cruels entre eux. Donc tout ceci est survenu et persiste entre nous au cours de cette longue période d'évolution, c'est-à-dire le temps. Je me demande si vous captez tout ceci. Et donc on demande : y a-t-il une fin à tout ceci ? C'est-à-dire la fin du temps. Et le temps, c'est aussi devenir quelque chose, psychologiquement, ce qui est bien plus important. Cela signifie avoir certains idéaux, concepts, certaines théories, visions, et accomplir cela prendra du temps. C'est-à-dire, je deviendrai cela. C'est encore de la récompense/punition – la même chose dite autrement.
40:15 Alors tout cela, qui implique le temps, peut-il finir ? M., demandez-le, mettez-y vos tripes – passez-moi cette expression. Mettez-y tout votre cœur à le découvrir. C'est-à-dire, j'ai été ainsi pendant des siècles, dans le passé. Et ces siècles sont maintenant. N'est-ce pas ? Ces siècles d'expériences, tout cela est maintenant, en moi, en vous. Et demain est modifié par les récents défis, éconmiques, sociaux, la guerre et ainsi de suite, le passé est modifié et se poursuit dans le futur. C'est un fait. Donc on dit : le futur est maintenant. Je me demande si vous le voyez. Bien, MM. ? Le voyez-vous réellement, pas verbalement, en voyez-vous la vérité. Le futur est maintenant, car si j'étais ainsi pendant des siècles, des millions d'années, et si je ne suscite pas à présent une mutation fondamentale, je serai le même demain, modifié. Donc demain est maintenant. Je me demande si vous le voyez.
42:08 Quelle est alors la situation d'un cerveau, ou l'état d'un cerveau qui ne se projette pas demain – je vais changer, je vais devenir cela – parce que tout cela est maintenant s'il n'y a pas de révolution psychologique totale. Les communistes ont peur d'une révolution parce qu'ils sont figés dans leur idéologie et ne changeront pas. Ils continueront dans ce sens jusqu'à ce qu'une prochaine révolution physique ait lieu. Nous faisons donc exactement de même sous une forme atténuée. Donc le passé, qui se modifie aujourd'hui, continue en tant que demain. C'est un fait. Demain est donc maintenant, et s'il n'y a pas de profonde révolution dans le psychisme, demain sera identique. Alors est-il possible de finir radicalement ? J'ai été avide, violent, âpre au gain, possessif – cela suffit. Et tout cela peut-il cesser maintenant, dans l'instant ? Posez la question, M. Soit vous traitez tout cela comme une idée, soit comme un fait. C'est-à-dire, vous entendez cela et traduisez ce que vous entendez en idée, en concept, en utopie, en une chose à accomplir. Et vous voilà revenu dans le cycle. Mais pouvez-vous regarder le fait et rester avec lui ?
44:57 Comment observez-vous un fait ? Il s'agit d'observer, pas d'analyser. Comment observez-vous un fait ? Il y a là un chêne. Comment le regardez-vous ? Regardez ce chêne, je vous prie, et découvrez comment vous l'observez. Pas seulement visuellement, optiquement, avec toutes les réponses nerveuses, mais quel est le processus d'observation ? Tout ceci vous intéresse-t-il ?

Q: Oui.
45:40 K: Non, ne soyez pas avides, ne dîtes pas oui trop vite. Il est facile d'observer l'arbre impartialement, sans aucun préjugé. Oui, dites-vous, c'est un chêne. Ou les montagnes, les rivières, les vallées, les prairies et les bocages. C'est assez simple. Mais pouvez-vous observer votre femme, votre ami, votre adversaire sans aucune direction, sans aucun biais ? Etre conscient sans choix. N'est-ce pas ? Pouvez-vous le faire ? Il devient extrêmement intéressant de découvrir si vous pouvez le faire. N'est-ce pas ?
47:04 Nous en sommes toujours à la première question. Il est presque midi un quart. Pour être très bref, puisqu'il nous faut continuer, peut-on observer comme on observe son visage dans un miroir, comme pour vous coiffer, vous raser, etc., pouvez-vous vous observer dans un miroir pour voir psychologiquement, dans le plus petit détail, ce que vous êtes ? Vous comprenez ma question ? Existe-t-il un miroir psychologique comme il existe un miroir physique ? Un bon miroir ne déforme pas. Il montre exactement ce que vous êtes, si votre apparence vous intéresse. Y a-t-il donc un miroir qui ne déforme rien psychologiquement ? Vous voyez tout le psychisme pendant que vous bougez, regardez, vous pouvez observer les détails de votre visage, les sourcils, les yeux, la forme du nez, sa profondeur, l'oreille et tout cela. C'est ce que fait la majorité des gens, spécialement les dames. Vous continuez donc à regarder. Nous demandons s'il existe un tel miroir intérieurement, de sorte que vous voyez les infimes détails, les dernières rides. Pouvez-vous voir de la sorte ? Il y a un tel miroir. Le miroir est votre relation. N'est-ce pas ? La relation entre vous et un autre, entre vous et votre femme, ou votre mari, vos enfants – la relation. Cette relation est soit très, très superficielle, uniquement au niveau sensoriel ou sexuel – même là vous commencez à voir très clairement si vous regardez le miroir – ou elle est très intime, très proche, très observable. La relation est le miroir. Elle ne déformera jamais. Mais quand il y a dans cette relation la sensation, la possession, la domination, seulement de la sensation, etc., alors le miroir déforme. N'est-ce pas ? Il s'agit donc d'observer très attentivement dans ce miroir la plus infime activité, et alors que vous l'observez, le miroir vous raconte toute l'histoire. Dès lors, vous pouvez écarter le miroir, car le miroir n'est pas important. La relation devient alors extraordinairement importante. Seigneur !
51:30 2ème Question: Tout le monde de la nature est en compétition pour survivre. N'est-il pas inné chez les humains de lutter pour la même raison ? Et ne luttons-nous pas contre notre nature originelle en cherchant à changer ?
51:53 Tout le monde de la nature est en compétition pour survivre. N'est-il pas inné chez les humains de lutter pour la même raison ? Ne luttons-nous pas contre notre nature originelle en cherchant à changer ?
52:18 Ne changez pas. C'est très simple. Si vous voulez rester comme vous êtes, continuez, personne ne va vous en empêcher. Les religions ont essayé de civiliser l'homme, mais elles n'ont pas réussi. Au contraire. Certaines religions comme le christianisme, ont tué plus que quiconque sur terre. N'est-ce pas ? Je ne sais si vous l'avez observé. Ils ont eu deux guerres épouvantables, et ont tué des millions de gens. Pas seulement Staline et Mao Tsé-tung; ces guerres ont été destructrices. N'est-ce pas ? Et si nous voulons continuer à ne pas changer, très bien. Mais la question est : la nature lutte pour parvenir à la lumière. Par exemple dans une forêt. Et c'est une lutte, n'est-ce pas ? Dans la nature, le plus grand, le plus fort tue le plus faible. Le tigre tue le daim, le lion tue autre chose, cela fait partie de la nature. Et l'auteur de la question dit : si cela fait partie de la nature, pourquoi devrait-on changer ? Parce que c'est intrinsèque. Pourquoi dit-on que c'est intrinsèque ? Pourquoi dit-on que c'est très bien, et donc que c'est très bien pour nous aussi, alors pourquoi se soucier de changer. Cela fait partie de nous, de la nature, de notre existence, intrinséquement c'est ce que nous sommes. Et si c'est ainsi, si c'est de l'instinct, si cela nous est inné, ce dont on doute très profondément, alors, je ne peux rien changer. Mais pourquoi faudrait-il admettre que cela nous est inné ? Serait-ce mon indolence qui me fait dire : laissons cela tranquille ? Serait-ce par épuisement ? Ou on est censés être, en tant qu'êtres humains, un peu plus intelligents, un peu plus raisonnables, un peu plus sensés, on est censés faire usage de notre bon-sens, de notre intelligence, expérience, pour vivre différemment. N'est-ce pas ? Vivre différemment. Cette différence pourrait être totale, ne se limitant pas à un comportement médiocre – les êtres humains étant actuellement encouragés à rester médiocres par leur éducation, etc., je ne vais pas aborder cela.
56:18 Alors, est-ce la médiocrité qui nous assaille, à laquelle nous tenons, disant : nous nous mouvons lentement, tout va bien. Nous nous mouvons lentement vers le précipice. Ou vous commencez à questionner tout le processus de notre existence, faisant preuve de bon sens, de logique, de raison, de lucidité, questionnant l'intuition, qui est plutôt douteuse, car ce pourrait être un vœu pieux que d'appeler cela de l'instinct ou de l'intuition, il faut rester logique là-dessus, sans juste dire que c'est inné. Passons à la question suivante.
57:21 3ème Question: Pourquoi l'humanité a-t-elle été universellement en quête de ce qu'on nomme Dieu ? Est-ce seulement par peur et besoin de sécurité ? Ou y a-t-il un instinct religieux essentiel chez tous les êtres humains ?
57:44 Pourquoi l'humanité a-t-elle été universellement en quête de ce qu'on nomme Dieu ? Est-ce seulement par peur et besoin de sécurité ? Ou y a-t-il un instinct religieux essentiel chez tous les êtres humains ?
58:08 Qu'en pensez-vous ? Quelle est votre réponse à cette question ? Est-ce la peur ? Est-ce un désir de sécurité ? Est-ce le désir d'être finalement récompensé ? Est-ce un désir de réconfort ? Sommes-nous tellement mécontents de tout ce qui nous entoure que nous voulons atteindre ou gagner quelque chose ? Et les religions ont dit que Dieu a fait l'homme – peu importe les termes utilisés. Cela doit être un dieu bien étrange. Et l'homme a-t-il fait Dieu ? Vous comprenez ? Si Dieu nous a faits, quelque chose a mal tourné. Non, je vous en prie, c'est très sérieux – c'est à la fois risible et tragique. Nous avons tué – non, vous savez tout cela. Alors, qu'est-ce qui fait que les êtres humains créent une chose qui porte ce nom ? Faute de ce nom, vous créez autre chose.
1:00:15 Donc la question n'est pas s'il y a un Dieu ou non, mais pourquoi les êtres humains vivent-ils dans des illusions ? Illusions, images, symboles, pourquoi ? Si vous vous regardez, vous avez beaucoup d'images, d'abord de vous-même, puis l'image de votre femme et de vos enfants si vous êtes parent, ou vous avez une image des politiciens, des religieux. Vous suivez ? Nous accumulons des images, c'est-à-dire des illusions. Si je crée une image de ma femme, ce que nous faisons – je brûle ? Si je crée une image de ma femme, cette image ayant mis 50 ans, 10 jours ou 1 jour à se former, qu'est-ce qui a lieu dans notre relation ? L'image devient bien plus importante que le fait. N'est-ce pas ? J'impose donc cette image à ma femme ou mon mari ou qui que ce soit, au politicien. Et le potentiel de cette image prend alors bien plus d'importance que la femme, que la réalité. Vous qui êtes marié, vous connaissez bien ce jeu, les disputes. Ce qui signifie que l'image intervient sans cesse. Donc cette image ou les images nous séparent. Elle réalise son ambition, sa position dans la société. L'énorme activité féminine et l'activité masculine. Ainsi, ces images et l'accomplissement de ces images séparent l'homme et la femme. C'est du bon sens.
1:03:29 Et le cerveau dit alors : pourquoi devrais-je créer ces images ? Quelle en est la raison d'être ? Aucune, si vous l'approfondissez. La femme est ce qu'elle est, et moi, l'homme, je suis ce que je suis. Et partant de là, vous pouvez faire quelque chose. Vous pouvez briser l'image et dire : bien, confrontons les choses telles qu'elles sont. Vous êtes possessif, je ne veux pas l'être. Homme ou femme, vous aimez être possédé, et moi : 'ne vous agrippez pas à moi, pour l'amour du Ciel'. Et je commence donc à me disputer, car j'ai une image de moi. Vous suivez ? Il dit 'je ne veux pas être agrippé', pas par elle, mais par quelqu'un d'autre ! Et cela continue. Alors peut-on vivre – c'est la vraie question – sans croire en Dieu ou pas ? Ou la vraie question est celle-ci : peut-on vivre sans la moindre illusion ? Voilà la vraie liberté. Vous comprenez ? Cela signifie que vous confrontez sans cesse les faits, sans essayer de les changer; ceci a lieu quand vous vous bornez à les observer.
1:05:22 4ème Question: Quel est l'obstacle principal qui empêche l'observation et l'insight ?
1:05:30 Quel est l'obstacle principal qui empêche l'observation et l'insight ?
1:05:46 On vient de parler de l'observation et l'on n'y reviendra donc pas, car cela devient fatiguant. Qu'est-ce que l'insight ? Les gens en ont parlé; avoir un insight dans des choses, c'est avoir une perception non seulement au sein des images, des illusions, mais au sein des faits. Comment avoir un insight dans des choses ? Comment avez-vous un insight – je prends cet exemple – dans le fait que toute organisation religieuse n'est qu'activité de convenance, de peur, toutes organisations religieuses, chrétiennes ou hindoues. Vous comprenez ? Insight, cela veut dire quoi ? Si je m'accroche à l'hindouisme, je n'aurai pas d'insight dans l'hindouisme. N'est-ce pas ? Je dois donc être libre de mon conditionnement pour avoir un insight. L'insight implique de ne pas avoir de continuité de mémoire, c'est-à-dire du passé, etc., mais terminer tout cela, voir quelque chose de neuf. Si j'ai été programmé comme catholique, hindou, peu importe l'épithète, démocratique, républicain ou presbytérien, Dieu sait quoi d'autre, si j'ai été conditionné et si ce conditionnement est toujours actif, je ne puis avoir d'insight. Je serai peut-être apte à inventer. Naturellement, l'invention repose sur le savoir, pas la création. Je ne vais pas aborder cela, c'est un tout autre sujet. La création est continue, ce n'est pas juste la création et point final. Nous en parlerons samedi, dimanche si nous avons le temps.
1:08:20 Donc pour avoir un insight au sein des choses, il faut une liberté à l'égard de la mémoire, c'est-à-dire du conditionnement. Le cerveau programmé comme il l'est ne peut avoir d'insight. Il peut avoir des insights légers, partiels, comme en ont les scientifiques. Car l'invention engendre alors d'autres résultats, nuisibles, bénéfiques, etc. – tout cela a lieu. Mais un insight total consiste à avoir un cerveau libre de conditionnement, et cette liberté totale vous procure un insight holistique complet.
1:09:32 5ème Question: Quelle est notre responsabilité envers nous-mêmes et les autres ?
1:09:40 Quelle est notre responsabilité envers nous-mêmes et les autres ? Je ne comprends pas très bien la question. Examinons-la. Qu'entendez-vous par responsabilité ? Le mot 'responsabilité', qui signifie répondre, vient de ce mot 'répondre'. Répondre est rétrospectif. N'est-ce pas ? Soyez attentifs, je ne sais pas, nous ne faisons qu'étudier le mot. J'ai une responsabilité envers ma femme. C'est ce que nous disons. Nous examinons le mot 'responsabilité'. Je réponds d'elle, en quelle que sorte, et ne réponds pas des autres de la même façon. N'est-ce pas ? Je réponds selon mon arrière-plan, d'après ce que j'ai appris d'elle, et elle répond d'après ce qu'elle a appris de moi. Si cette réponse est rétrospective, c'est-à-dire, qui regarde derrière, car elle est ma femme et j'ai appris à son sujet, c'est de la mémoire.
1:11:39 Donc le mot 'responsabilité' implique mémoire, reconnaissance, la reconnaissance fait partie de la mémoire, tout cela. Donc la responsabilité envers elle et la responsabilité dans notre relation, sexuelle ou autre; la sensation produit le bébé, et ensemble nous sommes responsables du bébé. Nous sommes responsables de son éducation – une éducation superficielle – école, collège, université si vous avez les moyens, ou à mi-chemin. Nous sommes donc responsables d'eux jusqu'à un certain âge. Après cela, ils s'en vont. Et quand je suis vieux, ils me rejettent, m'envoient en Floride ou ailleurs, ou à l'hospice. Vous savez ce qui a lieu dans ce pays. Vous n'en voyez pas la tragédie. Et en Inde, il n'y a pas de Sécurité Sociale. On m'a dit hier que le pays le plus peuplé du monde est l'Inde. Sa taille est un tiers de celle de l'Amérique, de ce pays, et la population croît à raison de 15 millions par an. Elle dépasse les 800 millions d'habitants. Là, comme il n'y a pas de Sécurité Sociale, il leur faut des enfants, surtout des garçons, car quand ils vieilliront, comme nous tous, le fils s'occupera d'eux. Cela explique qu'ils aient trois ou quatre enfants, au lieu d'un seul. Vous comprenez ? Veuillez comprendre la tragédie de tout ceci. Le garçon grandit, obtient un emploi, et un de ses fardeaux est de s'occuper de ses parents, d'éduquer son frère et sa soeur. Vous comprenez, M. ? J'ai connu plusieurs cas de suicide chez des garçons et des filles, car ils ne pouvaient plus s'en charger. Ils se sentent si responsables de leurs parents. Donc le mot 'responsabilité' est très complexe. Vous comprenez ? Sommes-nous responsables envers nous-mêmes ? C'est la question. Qu'est-ce que la responsabilité envers soi-même et les autres ? Sommes-nous responsables envers nous-mêmes ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Qui est ce 'nous-mêmes' ? Vous comprenez, M. ? Qui est ce 'nous-mêmes', qui est ce 'nous' ? Qui est ce 'je' ? Et suis-je responsable envers moi, ce qui signifie – vous comprenez la division ? Je me demande si vous le voyez. Il y a une personne qui est responsable envers moi. De même que je suis responsable envers ma femme, il y a quelqu'un en moi, ou en dehors de moi qui est responsable envers moi. Cela semble un peu bête, non ? Ou y a-t-il une telle personne qui est responsable ? Dieu ? Brejnev ? Le père glorifié – vous suivez ? Vous voyez comment fonctionne notre cerveau. Quand nous disons je suis responsable envers moi-même, cela signifie que je me suis divisé en une entité qui est responsable envers moi. Par conséquent, je suis responsable envers cette entité que j'ai séparée avec soin, qui est moi-même. J'ignore si vous avez approfondi cela. Ainsi, le penseur est la pensée. Sans pensée il n'y a pas de penseur. N'est-ce pas ? Mais nous avons séparé le penseur de la pensée. Je dois maîtriser cette pensée. C'est une mauvaise pensée et je dois bien penser. Ce qui signifie que je suis distinct de la pensée. Donc le penseur est la pensée, il n'y a pas de séparation. Psychologiquement, l'observateur est l'observé. Il n'y a pas d'expérience sans l'expérimentateur. Bien ? L'expérimentateur est l'expérience.
1:17:57 Alors qu'elle est la responsabilité envers les autres ? N'est-ce pas ? Quelle est ma responsabilité envers vous ? Et quelle est votre responsabilité envers moi ? Vous, l'auditoire, quelle est votre responsabilité envers moi ? Et en quoi suis-je responsable envers vous ? M., regardez la chose. Je la regarde pour la première fois. Et tout ceci ressort parce que je veux vraiment creuser cette question de responsabilité. Je veux voir, suis-je responsable envers vous ? Et êtes-vous responsable envers moi ? Et si je dis : je ne suis pas responsable de vous, alors je m'isole. N'est-ce pas ? Et si vous me dites : on n'est pas responsable envers vous, alors vous m'écartez. Je me demande si vous le voyez.
1:19:19 La responsabilité implique la division, fondamentalement. Bien ? Je suis responsable envers elle, et elle est reponsable envers moi. Je suis responsable envers vous, et vous l'êtes envers moi. Cela signifie que je me suis séparé de ma femme, et je me suis séparé de vous, et vous vous êtes séparé de moi. Et donc nous nous disputons – je ne vous comprends pas, et nous ne vous comprenons pas. Nous avons dit la même chose, à savoir, je suis l'Arabe, vous êtes l'Israélien. Ou vous n'aimez pas les Israéliens – je suis l'Israélien, vous êtes l'Arabe. Je suis le Musulman et vous êtes l'Hindou. Si cela ne vous plaît pas, je suis le Musulman et vous êtes l'Hindou. Donc nous nous battons. C'est mon pays, je vais le protéger, c'est votre pays, protégez-le et nous nous faisons la guerre. C'est votre idéologie et je vais être responsable envers cette idéologie et vous allez être responsable envers l'autre idéologie. N'est-ce pas ? C'est ce qui a lieu dans le monde, au nom de la responsabilité, spécialement l'élite. L'élite déclare : 'nous sommes responsables du peuple'. Etant parvenus à cet élitisme, au sommet, ils disent : nous sommes responsables – pour moi, c'est de la bêtise, pour moi personnellement, parce que nous ne sommes qu'un être humain. Vous passez par toutes sortes de peines, et idem chez l'autre être humain, psychologiquement. Ils ont versé des larmes en Inde, et ils en ont versé en Europe, et vous en avez versé ici. N'est-ce pas ? Les larmes nous sont communes à tous, comme le rire. Ici, vous avez détruit toute la culture indienne d'Amérique, l'avez annihilée. C'est votre holocauste. Oui M., confrontez-le. Et cela a lieu depuis la nuit des temps. Et la responsabilité implique le devoir. Le devoir : je dois faire ceci. Devoir envers mon pays. Devoir envers mon idéal. Voyez tout cela, M.
1:22:51 Alors est-il possible de vivre sans division ? Est-il possible de vivre avec ma femme, si j'en ai une, sans le moindre sens de division entre elle et moi ? Sans ambition commune. Vous comprenez ? Si c'est de l'ambition commune, c'est encore une division. Si chacun de nous s'accomplit, là encore, une division. Je me demande si vous voyez tout cela.
1:23:44 Alors, est-il possible de vivre sans aucune nationalité ? L'orateur a un passeport diplomatique et un passeport indien. Le gouvernement indien m'a donné cela, j'ignore pourquoi. Et c'est ennuyeux d'avoir un tel papier en franchissant des frontières, et ce papier ne fait pas de soi un Indien. Vous comprenez ? Alors est-il possible de vivre sans la moindre nationalité ? Sans être identifié à aucun pays ? Parce que c'est notre terre, pas la vôtre ni la mienne. Est-il possible de vivre sans aucune identification, sans aucune religion ? Réfléchissez-y, MM., ne soyez pas juste d'accord ou pas. Ne vous identifiez à aucun groupe, à aucune organisation, aucune institution, ce qui ne veut pas dire que vous vous retirez du monde, vous isolant, au contraire, car vous êtes alors l'humanité entière. Pas seulement en idée, mais en le ressentant, ressentant religieusement que vous êtes l'humanité entière. Je suis le gardien de mon frère. Cela ne signifie pas que je vais me mêler de ce pauvre gars, lui dire quoi faire.
1:26:03 Ceci est la dernière séance de questions et réponses. Il nous reste ici plusieurs questions, je ne puis les aborder maintenant. Si l'on peut se permettre, qu'avez-vous retiré de tout ceci ? Je vous le demande avec grand respect et humilité, cette question n'a rien d'agressif. Après avoir écouté certains faits, pas des idées, des théories, des opinions et des jugements, qu'a-t-on capté, reçu – pas de l'aide – vu pour soi-même ? Bien M., c'est terminé.
1:27:23 Pouvons-nous nous lever ?