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OJ85T2 - Une crise dans notre conscience
Seconde causerie publique
Ojai, USA
Le 12 mai 1985



0:32 Krishnamurti: May we continue with what we were talking about yesterday morning. We have got the next two talks – three talks, rather – today and next Saturday and Sunday. We have to cover a great deal of ground. We must talk over together the question of time, thought, and the various forms of fear, and the everlasting pursuit of pleasure, satisfaction, gratification, and also we should talk over together sorrow – whether it is possible to end sorrow. And also love and compassion, death, and the religious mind, or the brain. And also we should go into the question of meditation, and ask ourselves if there is anything beyond all the travail of man, all this confusion, all this loneliness and despair and anxiety, if there is anything sacred, holy. And so we have a great deal of ground to cover, if you are willing. Krishnamurti: Pouvons-nous poursuivre ce dont nous parlions hier matin ? Il nous reste deux causeries – trois, plutôt – aujourd'hui, samedi et dimanche prochains. Nous avons beaucoup de terrain à couvrir. Nous devons parler ensemble de la question du temps, de la pensée, des diverses formes de peur, et de la recherche éternelle du plaisir, de satisfaction, de gratification, et nous devrions aussi discuter ensemble de la souffrance, de la possibilité d'y mettre fin. Et aussi de l'amour et de la compassion, de la mort et de l'esprit religieux ou du cerveau. Et nous devrions aussi aborder la question de la méditation, et nous demander s'il y a quelque chose au delà de la peine humaine, de toute cette confusion, de toute cette solitude, ce désespoir et cette anxiété, s'il y a quoi que ce soit de sacré. Nous avons donc beaucoup à couvrir, si vous le voulez bien.
2:53 As we said yesterday, we are not imposing anything on you, not trying to convince you of anything. And the speaker really means it. We are not trying to convert you, do propaganda or program you, because we are apt to be rather gullible, easily satisfied with new forms of experiences and sensations. So we should together – not that the speaker is the only talker – but together, you and the speaker are going to look into all these matters. Not only verbally or analytically, which is comparatively easy, but rather go much deeper than mere rationalisation, explanation, and description. If that is clearly understood between us, that the speaker doesn't want anything from you, fortunately, neither your applause – please, your applause at the end of the talks – or your encouragement or discouragement. Literally, he doesn't want a thing from you. So you can all be quiet, relaxed, and listen. Comme nous l'avons dit hier, nous ne vous imposons rien, ni n'essayons de vous convaincre de quoi que ce soit. Et l'orateur l'entend bien ainsi. Nous n'essayons pas de vous convertir, de faire de la propagande ou de vous programmer, car nous avons tendance à être assez crédules, à nous satisfaire facilement de nouvelles expériences et sensations. Nous devrions donc ensemble, sans que l'orateur soit le seul à parler, mais qu'ensemble, vous et l'orateur examinions tous ces sujets. Pas seulement verbalement, analytiquement, ce qui est comparativement facile, mais plutôt que nous allions bien plus profondément qu'une simple rationalisation, explication et description. Qu'il soit bien clair entre nous que l'orateur n'attend rien de vous, heureusement, ni vos applaudissements à la fin des causeries, ni que vous m'encouragiez ou me découragiez. Il ne veut littérallement rien de vous. Vous pouvez donc tous rester tranquilles, vous détendre et écouter.
5:19 It has been one of our problems, perhaps for many, many millennia, the question of guilt. It is important to understand this question, why human beings throughout the world have this sense of guilt. Having been told from childhood to do something and not being able to do it like most children, happily, but unfortunately they cultivate this sense of guilt. And also in religions, especially in Christianity, the original sin – you must know all about it if you are Christian – and one who saves you from that sin. So you begin to have guilt there too. That we are all guilty, we are all the product of original sin whatever that may mean. Depuis peut-être bien des millénaires, un de nos problèmes a été la question de la culpabilité. Il est important de comprendre cette question, à savoir pourquoi les êtres humains de par le monde ont ce sentiment de culpabilité. Enfants, ayant été enjoints de faire une chose de bon cœur et, comme beaucoup d'enfants, n'en étant pas capables, , ils ont malheureusement développé ce sentiment de culpabilité. Et aussi, dans les religions, spécialement la chrétienté, le péché originel – si vous êtes chrétien vous devez le savoir – et celui qui vous rachète tous vos péchés. Donc vous commencez là aussi à vous sentir coupables. A savoir que nous sommes tous coupables, nous sommes tous issus du péché originel, comme on dit.
6:45 And also, we are always falling short of our own ideals. And thereby also one feels guilty. You must know this. Probably most of us do. Either we are aware of it or it is deeply hidden in most people. We are indifferent to all that, and if one awakens to it, knows the process of guilt, what is implied in it. And also there are those who love to keep other people feeling guilty. Then you have them under your thumb and they love that kind of power. So there is the guilt of not behaving rightly, according to some tradition or according to your own pattern of thought, and not being able to reach that level one begins to feel guilty, and so on. And also there is the other question. We are living with something dreadful around us, something very, very ugly. Surely we all must be aware of it. Not only the ugliness, the naughtiness, the brutality of wars, but also this tremendous – if one can call it evil, the speaker doesn't like to use that word – but the constant pressure, influence of certain ideologies, like the totalitarian Communist ideologies, which is completely monstrous and deadly, if you know all about it, and we have to live with that next door. It is our brother across the wall. Not only the Berlin wall, but the wall that exists to push this away or to fight it or face it. And we are living with that. If you are at all aware of all this, not only the monstrosities and the cruelty of war, but the ideology of wars. And how do we meet that, not only as individuals but collectively, and what is the response of each one of us? We are living with something in the world that is becoming more and more ugly, more and more destructive, tyrannical. This is happening the world over, it isn't just in certain spots of the world, it is gradually creeping. And what is our response to all that? Is it indifference? Is it we don't care what happens in the other field? Is it that we don't want to face all this? And if we do face it, what can we do? Not organisationally, because that always ends up in another kind of mess. What do we, as human beings living on this earth, – which is also being gradually destroyed because of overpopulation, more and more big cities, and our indifference to nature – what is our responsibility to all this? Do we feel at all responsible? Responsible in the sense not only to your wife or husband or to your family, but to the rest of mankind, whether you be Protestant, Catholic, Hindu, Buddhist – those are all just names, labels, without much depth. De plus, nous sommes tous en deça de nos idéaux. Et là aussi, on se sent coupable. Vous devez savoir cela, comme la plupart d'entre nous. Soit nous en sommes conscients, soit c'est caché tout au fond de la plupart des gens. Tout cela nous laisse indifférents, et il s'agit de s'éveiller à la chose, de connaitre le processus de la culpabilité, ce qu'il implique. Et il y a ceux qui adorent entretenir une culpabilité chez d'autres. Ils les gardent alors sous leur coupe, et adorent ce genre de pouvoir. Il y a donc la culpabilité due à une conduite non conforme à une certaine tradition ou contraire à votre propre mode de pensée, et ne parvenant pas à atteindre ce niveau, on commence à se sentir coupable, et ainsi de suite. Et il y a aussi l'autre question. Nous vivons dans un environnement redoutable, dans quelque chose d'affreux. Nous devous tous en être conscients. Non seulement de la laideur, la méchanceté, la brutalité des guerres, mais aussi de ce terrible mal – si l'on peut l'appeler ainsi, l'orateur n'aime pas se servir de ce mot – de la pression constante, l'influence de certaines idéologies, comme les idéologies communistes totalitaires, ce qui est absolument monstrueux et mortel – si vous savez tout là-dessus – et nous devons vivre avec cela à nos portes. C'est notre frère, de l'autre côté du mur. Pas seulement le mur de Berlin, mais le mur établi pour repousser ceci ou le combattre, ou le confronter. Et nous vivons avec cela. Si vous êtes tant soit peu au courant, non seulement des monstruosités et cruautés de la guerre, mais aussi de l'idéologie des guerres. Et comment nous y faisons face, non seulement au niveau individuel, mais collectivement, et quelle est la réponse de chacun de nous ? Nous vivons dans le monde avec une chose qui devient de plus en plus laide, de plus en plus destructrice, tyrannique. Cela a lieu dans le monde entier, pas seulement en certains lieux, cela gagne peu à peu du terrain. Et quelle est notre réponse à tout cela ? Est-ce de l'indifférence ? Sommes-nous indifférents à ce qui a lieu ailleurs ? Serait-ce que nous ne voulons pas confronter tout ceci ? Et si nous le confrontons, qu'y pouvons-nous ? Pas de façon organisationnelle, car cela aboutit toujours à un autre gâchis. En tant qu'êtres humains vivant sur cette terre – qui est aussi graduellement détruite à cause de la surpopulation, de plus en plus de mégapoles, et de notre indifférence à la nature – quelle est notre responsabilité à cet égard ? Nous sentons-nous tant soit peu responsables ? Responsables non seulement à l'égard de votre femme, votre mari, ou votre famille, mais à l'égard du reste de l'humanité, que vous soyez protestant, catholique, hindou ou bouddhiste – ce ne sont là que des noms, des étiquettes sans grande portée.
13:24 Will you go into all this matter? Please don't wait – if I may most respectfully point out – for the speaker to tell you what to do. Which would be another form of cultivation of guilt. But rather, in talking things over together, observing, hearing each other very carefully, not merely to the words but behind the words, the deep significance of a word and what it signifies, then we don't have to tell each other what to do. Aborderez-vous tout cela ? Je vous en prie – si je puis très respectueusement me permettre de le souligner – n'attendez pas que l'orateur vous dise quoi faire. Ce serait une autre façon de développer une culpabilité. Mais plutôt, en discutant ensemble des choses, en observant, en s'écoutant mutuellement très attentivement, pas seulement au niveau des mots, mais de ce qu'ils recouvrent, le sens profond d'un mot et ce qu'il signifie, alors on n'a pas à se dire ce que chacun doit faire.
14:27 So there is guilt, and there is the thing with which we are living daily, and what is the relationship of that, of these two, to fear. And in the enquiring into this question of fear, – that which is brutal, terrible, that is happening in the world, and also our own sense of inadequacy, which is another form of guilt – what is the relationship of all this to fear and what is fear, not the superficial or deep fears but the root, not only the trunk of it but the many, many branches of it, what is the root of it? Il y a donc la culpabilité et la chose avec laquelle nous vivons quotidiennement, et qu'est-ce qui relie cela, ces deux éléments, à la peur ? Et dans notre étude de la peur, – cette terrible brutalité qui a lieu dans le monde, et aussi notre propre sentiment d'insuffisance qui est une autre forme de culpabilité – quel rapport tout ceci a-t-il avec la peur, et qu'est-ce que la peur, pas les peurs superficielles ou profondes, mais la racine de la peur, pas seulement son tronc, mais ses multiples branches, quelle en est la racine ?
15:49 So we are going to enquire not only into time, because time is related to fear, as we shall go into it. What is time, by which we live – today, tomorrow, the past, the future – and also what is thinking? Because we live by thinking. Everything we do, act, is based on thought. So may we go into all that? Nous allons donc nous pencher non seulement sur le temps, car le temps est lié à la peur, comme nous le verrons. Qu'est-ce que le temps par lequel nous vivons – aujourd'hui, demain, le passé, le futur – et aussi, qu'est-ce que penser ? Car nous vivons en pensant. Tout ce que nous faisons – nos actes – repose sur la pensée. Alors, pouvons-nous aborder cela ?
16:47 It is a nice, not too hot a morning, pleasant under the trees, and a rather cool breeze, which one hopes you will not mind, and it is rather convenient to go to sleep here, if you are well covered with blankets, etc. Nice Sunday morning, free of all the office work, and labour and travail and skill. And under the trees in the dappled light it is rather pleasant. 'You can go on talking, but it doesn't matter, I will go to sleep and you go on.' If that is what you want, go to sleep. But if we are serious, earnest, which we must be because that is one of the crises we have come to. It is no longer mere entertainment, no longer mere intellectual game, or seeking sensation from one thing to another, or from another. We have got to face some extraordinary crises in life – life being our consciousness. The crisis is not in economics, political, religious, but the crisis is in our consciousness. Why we are what we are after thousands and thousands of years, that is where the crisis is. And merely to solve the economic crisis or the political crisis or the brutality of ideologies and wars, it is not only there but it is much deeper. So we are going to enquire first, because they are all related, all problems are related to each other, they are not separate. If one can solve one problem completely, then you have solved all other problems because there is no separate problem, whether it be sexual, whether it be the desire to fulfil, and so on. So in the resolution of one the whole thing is solved, if you know how to do it. C'est une belle matinée, pas trop chaude, avec la caresse d'une brise assez fraîche qui, nous l'espérons, ne vous gènera pas et qui inciterait plutôt à faire un somme ici, pour peu que l'on soit sous une couverture; par un beau dimanche matin, libre de tout travail de bureau, de labeur et d'expertise, il est agréable d'être sous les arbres dans cette lumière tamisée : 'vous pouvez discourir, peu importe, continuez et je vais faire un somme.' Si c'est ce que vous voulez, endormez-vous. Mais si nous sommes sérieux, délibérés, et il le faut, car c'est là une des crises que nous avons rencontrée. Ce n'est plus un simple divertissement, un simple jeu intellectuel, ou une quête de sensation d'une chose à l'autre, ou provenant d'une autre. Il nous faut confronter des crises extraordinaires au cours de la vie – la vie étant notre conscience. La crise n'est pas économique, politique ou religieuse, elle se situe dans notre conscience. Pourquoi sommes-nous ce que nous sommes après tant de millénaires, c'est là qu'est la crise. Et se contenter de résoudre la crise économique ou la crise politique, ou la brutalité des idéologies et des guerres ne suffit pas, c'est bien plus profond. Nous allons donc procéder dans l'ordre, car tous les problèmes sont liés les uns aux autres, ils ne sont pas séparés. Si l'on peut résoudre complètement un problème, on a alors résolu tous les autres, car il n'y a pas de problème séparé, qu'il soit sexuel, qu'il s'agisse du désir d'accomplir, etc. Donc la solution d'un seul résout l'ensemble, si vous savez vous y prendre.
20:31 So what is time? Time not only by the sunrise and the sunset, the darkness of a night and the glory of a morning. Time as the past, not only the past of one's own life but the vast historical past, the story of mankind, which is the history of mankind. That is, the long centuries, millennia upon millennia past, and the present – and the past modifying itself through the present becomes the future. Time is a cycle, it is a circle in which we are caught. So we should look at it closely, not merely understand it intellectually but actually go into it, if you will. Qu'est-ce alors que le temps ? Non seulement celui du lever et du coucher du soleil, l'obscurité d'une nuit et la gloire d'un matin. Le temps en tant que passé, pas seulement le passé de sa propre vie, mais l'immense passé historique, le roman de l'humanité, c'est-à-dire l'histoire de l'humanité. A savoir, le déroulement des siècles, de millénaire en millénaire, le passé et le présent – le passé se modifiant à travers le présent devient le futur. Le temps est un cycle, un cercle dans lequel on est pris. Il faudrait donc l'examiner attentivement, sans juste le comprendre intellectuellement, mais en le sondant vraiment, si vous le voulez.
22:20 We are the past, whether that past be one day or many thousands of years. The past being the knowledge, the memories, the remembrances, concealed or open, and from that past is our action. That past is the tradition, that past is the religions of Christianity with all its divisions during the last 2000 years. That is the past. And in India and China the past is 3 to 5000 years old, with their tradition, with their beliefs, with their superstition, with their nonsense. So the past is what we are. Without the past, you are not. So that past, that enormous past, weighty past, goes through and modifies itself through the present. You can see economically, the pressures change the present, which is the past. And the future – tomorrow or the very end of one's life and beyond, not reincarnation, we will go into all that presently – the future. That future is the modified form of the past. It is so obvious. And that future is in the now. Right? Because the past modifying itself is the future. And that future is now, because if I am smoking, I will smoke tomorrow, if I am greedy, tomorrow I will be greedy still, and so on. So the past is in the present. Please understand this very simple fact. This whole movement from the past through the present modifying itself as the future, and that future is now because unless I fundamentally change, the future will be what I am now. Right? See the truth of this simple fact. Not I am persuading you, not that you are being told or pressurised, or computerised. This is a simple fact. If I am vicious, cruel, brutal today, as I have been in the past, I will be that tomorrow. You can't get away from it. If I am quarrelling with my wife or husband and so on, I will do it tomorrow too. So tomorrow is now. And to break this chain in which we are caught there must be a mutation now. You follow this? Simple fact. This is the whole cycle of time, isn't it? Nous sommes le passé, que ce soit le passé d'un jour ou de milliers d'années. Le passé étant le savoir, les souvenirs, les rappels, dissimulés ou ouverts, et de ce passé découle notre action. Ce passé est la tradition, ce passé est les religions telle la chrétienté avec toutes ses divisions au cours des derniers 2000 ans. C'est le passé. En Inde et en Chine le passé date de 3 à 5000 ans, avec leur tradition, leurs croyances, leurs superstitions, leurs inepties. Le passé est donc ce que nous sommes. Sans le passé, vous n'existez pas. Donc cet énorme passé, ce lourd passé suit son cours et se modifie à travers le présent. Cela se voit économiquement, les pressions modifient le présent, qui devient le passé. Et le futur – demain ou la toute fin de sa vie et au delà, pas la réincarnation, nous verrons cela sous peu – le futur. Ce futur est la forme modifiée du passé. C'est tellement évident. Et ce futur est dans le maintenant. N'est-ce pas ? Parce que le passé qui se modifie est le futur. Et ce futur est maintenant, car si je fume, je fumerai demain, si je suis avide, je le serai encore demain, et ainsi de suite. Donc le passé est dans le présent. Comprenez ce fait tout simple, je vous prie. Tout ce mouvement du passé traversant le présent se modifie en tant que futur, et ce futur est maintenant, car si je ne change pas fondamentalement, ce futur sera ce que je suis maintenant. N'est-ce pas ? Voyez la vérité de ce simple fait. Je ne cherche ni à vous persuader, ni à vous enjoindre, vous pressurer ou vous programmer. C'est un simple fait. Si je suis vicieux, cruel, brutal aujourd'hui, comme je l'ai été dans le passé, je le serai demain. On ne peut s'y soustraire. Si je me dispute avec ma femme ou mon mari, etc., je le ferai aussi demain. Demain est donc maintenant. Et pour rompre cette chaîne dans laquelle on est pris il faut qu'il y ait une mutation maintenant. Vous suivez ? C'est un simple fait. C'est là tout le cycle du temps, n'est-ce pas ?
27:24 And is it possible to bring about this mutation? What is it that is being – not transformed, the word 'transformed' means moving from one form to another form, therefore it is not mutation – what is it that is being radically changed – even that word 'change' implies time, changing from this to that. So we have to stick to that word – to bring about a mutation. That is, a radical ending of something, and the beginning of something totally new. Et est-il possible de provoquer cette mutation ? Qu'est-ce qui est – pas transformé, le mot transformé signifie passer d'une forme à une autre, ce n'est donc pas une mutation – qu'est ce qui est en train d'être radicalement changé – même ce mot 'changé' implique du temps, changer de ceci à cela. Nous devons donc nous en tenir à 'provoquer une mutation'. C'est-à-dire une cessation radicale de quelque chose, et le début d'une chose totalement nouvelle.
28:26 Isn't it that our consciousness, each one's consciousness, which is what we are. There are lots of books written about this stuff, but it is very simple. I don't know why people like things very complex. It is probably very exciting to get talking about things rather complex. But it is rather simple. What is one's consciousness? Surely what one believes, what one has faith in, what one desires, one's nationality, one's fears, one's terrors, one's depression, anxiety, loneliness, despair, cruelty, guilt, fear, pleasure, sorrow, the multiplication of desires all that is our consciousness, isn't it? Let's be simple about it. You see, to approach very complex problems one must come simply to it first. Then it becomes complex, then you can understand it. But if you begin already with complexity, then the thing will become more and more complex, we will never resolve anything. Notre conscience, la conscience de chacun, n'est-elle pas ce que nous sommes ? Beaucoup de livres ont été écrits à ce propos, mais c'est très simple. J'ignore pourquoi les gens aiment les choses très complexes. Il est probablement très excitant de parler de choses complexes. Mais c'est assez simple. Qu'est-ce que notre conscience ? Certainement ce que l'on croit, ce en quoi on a la foi, ce que l'on désire, sa nationalité, ses peurs, ses terreurs, sa dépression, son anxiété, sa solitude, son désespoir, sa cruauté, sa culpabilité, peur, plaisir, souffrance, la multiplication des désirs, tout cela est notre conscience, n'est-ce pas ? Soyons simples à ce sujet. Voyez-vous, pour aborder un problème très complexe il faut d'abord y venir simplement. La complexité vient ensuite, alors on peut le comprendre. Mais si l'on commence par la complexité, la chose devient de plus en plus complexe, et l'on ne résoudra jamais rien.
30:38 So, our consciousness is all its content. You can put into that content everything you can think of: your knowledge, your superstitions, your fears, and so on. The multiplication of human experiences and trials and attempts, etc. And can the content, which is what we are, which is not only the past but the future – and that future is now, we went into all that just now, briefly. The whole of that is you, is the persona, is the ego, is the tremendous self-interest. And we are asking, can that – that consciousness is the result of vast evolution, not only the survival but also the knowledge of surviving – so can there be a total mutation in that consciousness? And if we rely on time, as we do, then we will begin the same old pattern again. I wonder if we understand each other. Notre conscience est donc tout son contenu. Vous pouvez mettre dans ce contenu tout ce à quoi vous pensez : votre savoir, vos superstitions, vos peurs, etc. La multiplication des expériences humaines et les essais et tentatives, etc. Et le contenu, qui est ce que nous sommes, c'est-à-dire non seulement le passé, mais le futur – et ce futur est maintenant, comme nous l'avons brièvement vu – tout cet ensemble est vous, est la personne, est l'ego, est l'énorme intérêt pour soi. Et nous demandons – cette conscience est le produit d'une vaste évolution, pas seulement la survie mais aussi la connaissance de la survie – peut-il donc se produire dans cette conscience une mutation totale ? Et si nous comptons sur le temps, comme nous le faisons, alors nous reprendrons le même vieux schéma. Je me demande si nous nous comprenons.
32:49 The speaker recently talked – if I may most humbly point out, this is not out of vanity I am informing you – he talked to the United Nations. I don't know why he was invited, but he went there. And after the talk, one of the high authorities there said, 'I have come to the conclusion, conviction rather, that after 40 years working in this organisation, I have come to the conclusion that I must not kill'. 40 years it took him. No, just see the significance of it. That it takes the human brain to come to some truth during 40 years. That is, not to kill another human being. And the whole organisation is based on not to bring about wars, prevent wars – they haven't done, that is irrelevant. But the whole point is how the human brain refuses to face fact and act. And we think that during time we will resolve everything. Time will help you to forget, and so on. L'orateur a récemment parlé – je vous en informe non par vanité, mais en toute humilité – il s'est adressé aux Nations Unies. J'ignore pourquoi il était invité, mais il y est allé. A la fin de l'exposé, une des éminentes autorités dit : 'J'en suis venu à la conclusion ou plutôt à la conviction, après avoir travaillé 40 ans dans cette organisation, j'en suis venu à la conclusion que je ne dois pas tuer'. Cela lui a pris 40 ans. Voyez seulement ce que cela signifie : qu'il faut 40 ans au cerveau humain pour parvenir à une vérité, quarante ans. C'est-à-dire, ne pas tuer un autre être humain. Et toute l'organisation est basée sur la prévention des guerres, prévenir les guerres – que cela n'ait pas été fait est hors de propos. Mais ce qui est pertinent, c'est à quel point le cerveau humain refuse de confronter le fait et agir. Et nous pensons que le temps nous permettra de tout résoudre. Le temps vous aidera à oublier, et ainsi de suite.
34:57 So that is the nature of time: the past modifying itself through the present and continuing as the future. So the future, the past, and the present are one unless there is fundamental, radical ending of all that. Otherwise you will be what you are tomorrow. We are unfortunately miserable people, unhappy people, which is a fact, and if we don't change now we will be tomorrow the same. It is simple reality, truth of it. And also, what is the relationship of time – not the chronological time only, what is the relationship of time to thought? And what is the relationship of time, thought, to fear? You follow? May we go on? You are not too bored with all this? I hope the sun is warming you. But please, keep awake for another 50 minutes or so, will you? Which is not an insult, please, asking this. So we are asking, what is the relationship of time, thought, and fear. Telle est donc la nature du temps : le passé se modifie en passant par le présent et en continuant en tant que futur. Donc le futur, le passé et le présent ne font qu'un s'il y a un changement fondamental, un achèvement radical de tout cela. Sinon, vous serez demain ce que vous êtes. Malheureusement, nous sommes des gens tristes, malheureux, c'est un fait, et si nous ne changeons pas maintenant, nous serons pareils demain. C'est la réalité, la vérité toute simple. Et quel lien y a-t-il entre le temps – pas seulement le temps chronologique – quel rapport le temps a-t-il avec la pensée ? Et qu'est-ce qui relie le temps, la pensée à la peur ? Vous suivez ? On continue ? Tout cela ne vous ennuie pas trop ? J'espère que le soleil vous réchauffe. Restez éveillés encore 50 minutes, vous voulez bien ? Il n'y a rien d'insultant dans cette demande. Nous demandons donc quel est le rapport entre le temps, la pensée et la peur ?
37:00 We have more or less gone into the question of time, so let us go into the question of thought. What is thinking? The speaker is using words to communicate what he is supposed to be thinking, and you hear the words and translate those words according to your pleasure or displeasure, or you are casually hearing, or probably you don't understand English quite well, or you do understand English very well and give certain significance to those words. Thinking. This is the whole process of thinking. Thought has put man on the moon. Thought has created the instruments of war. Thought has created the destruction of man. Put together the most amazing cathedrals in the world, temples and mosques – if you have seen some of them, they are marvellous beauties. And thought has also created the vast technological world. Thought has also established a relationship between man and woman, which we will go into presently, afterwards. Thought produces all our actions, so thought is very important. Not to expand or give greater depth to thought, but we are enquiring into the very nature and structure of thought, of thinking. Right? Shall we go into it? Nous avons plus ou moins vu la question du temps, alors voyons la question de la pensée. Qu'est-ce que penser ? L'orateur se sert de mots pour comuniquer ce qu'il est censé penser, et vous entendez les paroles et les traduisez selon votre plaisir ou déplaisir, ou vous écoutez superficiellement, ou peut-être ne comprenez-vous pas bien l'anglais, ou vous le comprenez très bien et donnez un certain sens à ces paroles. Penser. Tel est tout le processus de la pensée. La pensée a placé l'homme sur la lune. La pensée a créé les instruments de guerre. Le pensée a créé la destruction de l'homme. Elle a bâti les cathédrales les plus stupéfiantes, les temples et mosquées – si vous en avez vu, elles sont d'une merveilleuse beauté. Et la pensée a aussi créé le vaste monde technologique. La pensée a aussi établi une relation entre homme et femme, ce que nous allons voir sous peu. La pensée produit tous nos actes, la pensée est donc très importante. Il ne s'agit pas de développer ou d'approfondir la pensée, mais nous étudions la nature même et la structure de la pensée, de l'acte de penser. Bien ? On y va ?
39:33 The speaker doesn't know if you have really gone into this question at all. Probably one has never asked, even the professionals don't ask, so why should you? You are not educated to enquire, you are educated to conform, educated to say, yes, I have memorised, I have acquired information, knowledge, and I will get a good job, or no job, or whatever one does. But one has never gone into this question really very deeply – enquiring what is thinking. Why does the brain, which is after all our only instrument we have, neurologically, biologically, emotionally, it is the centre of all our existence. And that thing inside the skull, which we call the brain, that brain has never asked itself: why am I constantly thinking, chattering away like blazes about everything – what I did yesterday, what I will do tomorrow, what I am doing, why this, why that, dreaming at night and all day long chattering. What extraordinary human beings we are. So we must enquire what is thought, what is thinking? What is the origin of it? L'orateur ignore si vous avez vraiment abordé cette question. On ne se l'est peut-être jamais posée, même les professionnels ne le font pas, alors pourquoi le feriez-vous ? Vous n'êtes pas éduqués à chercher, vous êtes éduqués à vous conformer, éduqués à dire 'oui, j'ai mémorisé, j'ai acquis de l'information, du savoir et je vais obtenir un emploi, ou pas', peu importe ce qu'on fait. Mais on ne va jamais très à fond dans cette question : étudier ce qu'est penser. Après tout, le cerveau est le seul instrument dont nous disposons; neurologiquement, biologiquement, émotionnellement il est le centre de notre existence. Et cette chose qui loge dans notre crâne, que nous appelons le cerveau, ne s'est jamais demandé : pourquoi est-ce que je pense constamment, bavardant furieusement, à tout propos : ce que j'ai fait hier, ce que je ferai demain, ce que je fais, pourquoi ceci, pourquoi cela, rêvant la nuit et bavardant toute la journée. Quels êtres humains extraordinaires nous sommes. Il faut donc se demander qu'est-ce que la pensée, qu'est-ce que penser ? Quelle en est l'origine ?
41:37 Do you want my explanation? You see, that is what I am objecting to, because you are not actually enquiring. You are waiting for somebody to tell you. Therefore he becomes the nasty guru and you become the follower. And the speaker says please don't do that. That is, you will destroy not only yourself but also the one who leads you. So let's put aside all that nonsense and enquire together. The word 'together' is important, but don't let's go into that for the moment. Voulez-vous mon explication ? Voyez-vous, voilà ce à quoi je m'oppose, car vous n'êtes pas vraiment en train de chercher. Vous attendez que quelqu'un vous le dise. Celui-ci devient alors le vilain gourou et vous, le disciple. Et l'orateur dit : ne faites pas cela, je vous prie. Non seulement vous vous détruirez, mais détruirez aussi celui qui vous dirige. Ecartons donc toute cette ineptie et cherchons ensemble. Le mot 'ensemble' est important, mais laissons cela de côté pour l'instant.
42:44 So what is thinking? Does thinking rely on memory? The accumulated memories, remembrances – I want to be a great man because I have seen a great many people, great men, having a good time, becoming famous, plenty of money, plenty of cars, etc. So, there is this vast collection of memories. Not only personal, but also the remembrance of many things past, the remembrance historically, collected memories, conscious memories and deep layers of memories – aren't we the memories? Aren't we a bundle of memories? Forgive me for using that word and putting it so limited, in a limited manner, aren't we all memories? And what are memories based on? Please enquire with me, don't just listen to the poor man. Go into it with the speaker. What are memories based on? Aren't they based on knowledge? The tremendous accumulation of information as knowledge, whether it be vast – not vast – limited knowledge of science, adding to itself all the time, and that knowledge which is being added to must always be limited because you are adding to it, therefore it is limited. One doesn't know about aerodynamics or the astrophysics, but I will gather, I will get it experiment after experiment. Alors, qu'est-ce que penser ? Penser ne relève-t-il pas de la mémoire ? De l'accumulation de souvenirs, de remémorations : je veux être un grand homme car j'ai vu beaucoup de gens, de grands hommes, avoir du bon temps, devenant célèbres, ayant plein d'argent, de voîtures, etc. Il y a donc cette vaste accumulation de souvenirs. Pas seulement personnels, mais aussi la remémoration de bien des choses révolues, la remémoration historique, le cumul de souvenirs, les souvenirs conscients et ceux profondément enfouis – n'est-on pas ces souvenirs ? N'est-on pas un tas de souvenirs ? Excusez-moi d'user de ce mot en le limitant tellement, ne sommes-nous pas tous des souvenirs ? Et sur quoi reposent les souvenirs ? Cherchez avec moi, ne vous bornez pas à écouter le pauvre homme. Approfondissez cela avec l'orateur. Sur quoi reposent les souvenirs ? Ne reposent-ils pas sur le savoir ? L'énorme accumulation d'informations en tant que savoir, qu'il soit ample – pas ample : le savoir limité de la science qui s'accroit constamment, et ce savoir qui s'accroit ne peut qu'être limité, car si vous l'augmentez, c'est qu'il est limité. On n'a aucune connaissance sur l'aérodynamique ou l'astrophysique, mais je vais en acquérir, expérience après expérience.
45:26 So, knowledge is based on experience. Right? And experience, or experience and all that, is essentially limited. Isn't it? All experience, it doesn't matter whatever experience it is, it must be limited because there is an experiencer who is experiencing. And the experiencer is the past – his memories, his accumulation, his hopes, his fears, his wanting to be enlightened, his wanting to be godly, his wanting to say, I want to be popular, therefore I will learn a few phrases and translate in my own way and then become – blah, blah, blah. Le savoir repose donc sur l'expérience. N'est-ce pas ? Et l'expérience, tout cela, est essentiellement limitée. N'est-ce pas ? Toute expérience, peu importe laquelle, ne peut qu'être limitée, car il y a un expérimentateur qui expérimente. Et l'expérimentateur est le passé : ses souvenirs, l'accumulation, ses espoirs, ses peurs, le fait qu'il veut être illuminé, être pieux, disant 'je veux être populaire, donc j'apprendrai quelques phrases et les traduirai à ma façon et deviendrai...' bla, bla, bla.
46:37 So, experience must be recognised, otherwise it is no experience at all. And the one who recognises is the past – it is all so silly, isn't it? So, the experiences are always limited. I experience the divine, that tremendous feeling of elation, temporarily – you can fall back. So, experiences are always limited, therefore knowledge is always limited. Always. In the past, or now, to which that knowledge is being added to, is limited. So memories are limited. So thought is limited. Right? I wonder if we understand this, actually the truth of it, not just intellectual concept of it or the idea of it, the truth of it, that thought will always be limited. Thought can imagine the limitless, but it is still limited. Thought has invented gods all over the world, for the last millennia upon millennia, those gods are limited, naturally. So whatever the activity of thought and its action, must always be limited. Therefore thought is not holistic. You understand? If we can realise this simple fact that the thought and the thinker are one, and therefore they are always limited. L'expérience doit donc être reconnue, sinon ce n'est pas une expérience. Et celui qui la reconnait est le passé – c'est trop bête, non ? Les expériences sont donc toujours limitées. J'expérimente le divin, cette fabuleuse sensation d'exaltation, temporaire : on peut retomber. Les expériences sont donc toujours limitées, par conséquent le savoir est toujours limité. Toujours, dans le passé, ou maintenant, auquel s'ajoute ce savoir qui est limité. Donc les souvenirs sont limités. Donc la pensée est limitée. N'est-ce pas ? Je me demande si nous en comprenons la vérité, pas juste un concept intellectuel ou une idée de la chose, mais sa vérité, à savoir que la pensée sera toujours limitée. La pensée peut imaginer l'illimité, mais elle est encore limitée. La pensée a inventé les dieux, partout dans le monde, de millénaire en millénaire; ces dieux sont limités, naturellement. Donc quels que soient les actes de la pensée, ceux-ci sont toujours limités. Par conséquent la pensée n'est pas holistique. Vous comprenez ? Il s'agit donc de réaliser ce simple fait que la pensée et le penseur ne font qu'un, et qu'ils sont donc toujours limités.
48:55 Therefore all the religions of the world, though they say divine revelation direct from the horse's mouth – I am not being irrelevant or cynical, but that is so, they all claim direct... and putting on medieval dresses and robes, and all the trickery of that goes on in the name of religion is invented by thought. And therefore the whole hierarchical and the religious structure is limited. And their belief, their faith, their ritual etc., is limited because it is based on thought. Par conséquent, toutes les religions du monde, bien qu'elles prétendent découler de la parole divine – je ne suis ni irrévérencieux ni cynique, c'est ainsi, elles revendiquent toutes un lien direct... le fait de revêtir des vêtements médiévaux et toute la supercherie qui a lieu au nom de la religion sont des inventions de la pensée. Et donc toute la hiérarchie et la structure religieuse sont limitées. Et leur croyance, leur foi, leur rituel, etc. sont limités, car basés sur la pensée.
49:51 So the question arises, if you will kindly listen: is there something beyond thought, or everything is thought? Not nature, of course. The tiger wasn't put together by thought – thank God – or the swift gazelle. So, what is the relationship of time, thought to fear? We are talking about fear. Is there fear without time and thought? Please look at it carefully. Is there a sense of fear that is not rooted in thought and time? I have done something some time ago, and I am frightened of that, guilty. Something that I have done ugly, not straight, not excellent in its quality, and I am ashamed of it, and I am frightened of it, I feel guilty about it, I have lived with it – and fear of all that. Therefore the root of fear is time and thought. Fear of what might happen. I have got a good reputation, but tomorrow you might not turn up – not that I would care, but I'm just... So there is always the shadow of fear with us, shadow of this fear between man and woman, what might happen. And the ultimate fear is death, and out of this fear all the gods are invented. D'où la question, si vous voulez bien écouter : y a-t-il quelque chose au delà de la pensée, ou tout n'est-il que pensée ? Pas la nature, bien entendu. Le tigre n'a pas été créé par la pensée, Dieu merci, ni la preste gazelle. Alors qu'est-ce qui relie le temps, la pensée à la peur ? Nous parlons de la peur. Y a-t-il de la peur sans le temps ou la pensée ? Examinez cela attentivement, je vous prie. Y a-t-il une sensation de peur qui n'ait pas sa racine dans la pensée et le temps ? J'ai fait quelque chose il y a un certain temps, et j'en ressens de la peur, une culpabilité. Une chose assez laide, incorrecte, pas d'excellente qualité, et j'en ai honte, cela me fait peur, je m'en sens coupable, et j'ai vécu avec, d'où la peur de tout cela. La racine de la peur est donc le temps et la pensée. Peur de ce qui pourrait arriver. J'ai une bonne réputation, mais demain vous pourriez ne pas venir – non que je m'en soucie, mais quand-même... L'ombre de la peur nous accompagne donc toujours, l'ombre de cette peur entre homme et femme, ce qui pourrait arriver. Et la peur ultime qu'est la mort, et cette peur est à l'origine de l'invention des dieux.
52:46 So one asks is there an end to fear, total ending? You are asking this question, not I, not the speaker. Which means, is there an end to thought and time? You understand the relation? The logical sequence of all this. It is not only logical, but factual. Is there an ending to all this process, which causes fear? And one knows the results of fear, the consequences of fear, all the cruelty, all the ugliness, the shrinking, the whole world of fear which is dark. And that breeds a great deal of neuroticism, etc. So is there an ending to all this? Not only to ask a question of that kind – the very question sounds rather silly – you can't end time. You can't end thought. Because to go to your house from here you need thinking. To turn on the ignition you need thinking. On Monday morning you are probably going to an office or something or other, you need to think. So to say, can thought end, or time end, is not the actual question. But rather to ask, do I really comprehend, understand the truth of time and thought? Because thought has its place, time has its place. But why should fear arise from thinking? You understand the question? Why should time be a factor in fear? Nous demandons donc s'il peut y avoir une fin totale de la peur ? C'est vous qui posez cette question, pas l'orateur. Ce qui signifie, y a-t-il une fin à la pensée et au temps ? Vous voyez le lien ? La séquence logique de tout ceci. Pas seulement logique, mais factuelle. Y a-t-il une fin à tout ce processus qui cause la peur ? Et l'on connait les résultats, les conséquences de la peur, toute la cruauté, la laideur, la contraction, tout le monde obscur de la peur. Et cela génère beaucoup de névrose, etc. Alors, y a-t-il une fin à tout cela ? Il ne suffit pas de poser une telle question, laquelle semble à priori plutôt bizarre : on ne peut mettre fin au temps. On ne peut mettre fin à la pensée. En effet, il vous faut penser pour aller chez vous. Pour mettre le contact, il vous faut penser. Lundi matin vous irez probablement au bureau ou ailleurs, vous devrez penser. Alors, dire 'peut-il y avoir une fin de la pensée ou du temps' n'est pas la question adéquate. Il faut plutôt demander : est-ce que je saisis vraiment la vraisemblance du temps et de la pensée ? Car la pensée a sa place, comme le temps. Mais pourquoi la peur naîtrait-elle de l'acte de penser ? Vous comprenez la question ? Pourquoi le temps serait-il un facteur de la peur ?
55:36 So, if I understand the whole picture, the whole design, the whole map of time, thought, guilt, or fear, then the very observation of it, the very eyes, seeing, not only the eyes, but your whole being looking at it. That means giving your whole attention to this map of fear, not one spot in the map, not one village or town or the road, but the whole map of it. Can one observe without any distortion, this whole structure of it? Of course one can. That is to give attention to pure observation without any distortion. Then that whole chain is broken. Donc si je comprends tout le tableau, tout le topo, toute la carte du temps, de la pensée, de la culpabilité ou de la peur, alors son observation même, la vision même de la chose, non seulement par les yeux, mais par tout votre être, signifie que toute votre attention se focalise sur cette carte de la peur, pas sur un seul point, un village, une ville ou la route, mais sur toute la carte. Peut-on en observer sans aucune déformation toute la structure ? Bien sûr qu'on le peut. C'est donner de l'attention à l'observation pure sans aucune déformation. Alors, toute cette chaîne se brise.
57:06 What time is it, sirs? Quelle heure est-il, MM. ?
57:09 Audience: Twenty-six until one. Auditoire: Une heure moins vingt six.
57:14 K: Twenty five minutes. Shall we go on little while longer? K: Vingt cinq minutes. On avance un peu plus ?
57:19 A: Yes.

K: Aren't you tired?
R: Oui.

K: Vous n'êtes pas fatigués ?
57:21 A: No.

K: Why not? Are you all so actively thinking, working, applying, or just saying, well, it is a nice day, let's talk about it.
R: Non.

K: Pourquoi pas ? Etes-vous tous si actifs, pensant, travaillant, appliquant, ou dites-vous : bien, il fait beau, parlons-en.
57:45 One also, in understanding fear, one should look at desire. We are driven by desire, not only for God, whatever that may mean, not only for success, for power, position, being at the centre of everything, like in Washington or in Delhi or in London or in Paris or in Moscow, or Peking – shall we include Peking – better. We want so many things in life, not only physical things: good cars, good clothes, having a nice body, a nice face, nice cosmetic, you know, the whole game of it. Commercialism in this country is rampant – buy, buy, buy, buy. And desire to be good, desire not to hurt my closest friend but it doesn't matter if I hurt others, but somebody nearby, and so on. We have got so many desires. To be great, to be this, to be that. And we have never asked, perhaps, what is desire? Why religions, the monks have suppressed desire. They burn with it, but they suppress it. The speaker was once walking behind a lot of monks in the Himalayas. Have you ever been to the Himalayas? Some marvellous hills, marvellous mountains. It was a place where you see nearly 400 miles across the horizon, snow-capped, great valleys, great marvellous blue sky, unpolluted, sharp, clear. 400 or 350 miles from range to range to range, the highest peaks. The speaker was walking behind a path and there were monks in front of me. They were chanting, and never looking at any flower, any sky, any tree, and the rivers, they have little streams singing down the hill, dancing waters. And there they were, completely absorbed in what they were supposed to be thinking. Didn't dare to look up and see the beauty of the sky, the trees and the rivers and the flowers. Because that is a distraction. Like all the monks all over the world. Pour comprendre la peur il faut aussi examiner le désir. Nous sommes mus par le désir, pas seulement le désir de Dieu, – quel qu'en soit le sens – de réussite, de pouvoir, de situation, d'être au centre de tout, comme à Washington, à New Delhi, à Londres, à Paris, à Moscou ou à Pékin – incluons Pékin, c'est mieux. Nous voulons tant de choses dans la vie, pas seulement des choses physiques : de bonnes voitures, de beaux habits, avoir un beau corps, un beau visage bien maquillé, vous connaissez tout ce jeu. Le commerce est rampant dans ce pays : achetez, achetez, achetez. Et le désir d'être bon, de ne pas nuire à mon meilleur ami, à un proche, etc., mais peu importe si je nuis aux autres. Nous avons tant de désirs : être valeureux, être ceci ou cela. Et nous n'avons peut-être jamais demandé : qu'est-ce que le désir ? Pourquoi les religions, les moines ont-ils réprimé le désir ? Ils en brûlent, mais le répriment. Une fois, l'orateur suivait un groupe de moines dans l'Himalaya. Avez-vous jamais été dans l'Himalaya ? Ces merveilleuses collines et montagnes. C'était un lieu d'où la vue s'étend sur des centaines de kilomètres jusqu'à l'horizon, ourlés de neige, de grandes vallées, un vaste ciel d'un bleu merveilleux, non pollué, immaculé. Les plus hauts sommets s'étagent sur 4 à 500 kilomètres d'une chaîne à l'autre. L'orateur suivait un chemin, devancé par des moines. Ils chantaient sans jamais regarder une fleur, le ciel, un arbre, les rivières et les petits torrents dévalant les collines en une dance bondissante. Et ils étaient là, complètement absorbés par ce à quoi ils étaient censés penser, sans oser lever la tête pour contempler la beauté du ciel, les arbres, les rivières et les fleurs. Car c'est là une distraction. Comme pour les moines du monde entier.
1:01:57 So there is this desire in every human being, and without suppressing or denying or transforming or transmuting into something higher, which becomes another form of desire, can we – sorry to laugh – can we look at desire and find out what is the nature, what is the movement, what is the structure of it? Quite objectively. What is desire? What is the beginning of it? Not the ending of it. What is the origin, the source, the movement of it? Shall we go into it? Il y a donc ce désir chez chaque être humain, et sans le réprimer, le nier, le transformer ou le transmuer en quelque chose de plus élevé, ce qui deviendrait une autre forme de désir, pouvons-nous – excusez mon rire – pouvons-nous regarder le désir et en découvrir la nature, le mouvement, la structure ? Très objectivement. Qu'est-ce que le désir ? Quel en est le commencement ? Pas sa fin. Quelle en est l'origine, la source, le mouvement ? Allons-nous nous y colleter ?
1:03:19 We live by sensation. Biologically it is necessary. Otherwise we are paralysed. Sensation plays a tremendous part in our life, not only sexually, but wanting, having more and more and more sensations. Sensation is the result of seeing – will you kindly follow this for a little – seeing, contact, sensation. Right? Seeing those hills and saying, how beautiful, getting a sensation from it, and that is sensation. I read a beautiful poem and sensation, or see a marvellous painting, that is another sensation and so on. That is a natural thing, sensation, isn't it? You look at the trees and the leaves and the sky, and you say, how beautiful it is. Nous vivons de la sensation. Biologiquement, c'est nécessaire. Autrement nous serions paralysés. La sensation joue un rôle énorme dans notre vie, pas seulement sexuellement, mais en voulant de plus en plus de sensations. La sensation résulte de la vision, – veuillez bien suivre un peu ceci – vision, contact, sensation. N'est-ce pas ? Voir ces collines et dire comme c'est beau, en retirer une sensation, c'est cela la sensation. Je lis un très beau poème, d'où une sensation, ou je vois un merveilleux tableau, c'est une autre sensation et ainsi de suite. La sensation est une chose naturelle, non ? Vous regardez les arbres, les feuilles et le ciel, et vous dites : comme c'est beau.
1:04:51 We are not talking about what is beauty. Perhaps we will at the next meeting if we have time. But we live by sensation, the whole nervous organism is sensation. What is the relationship of sensation to desire? You understand my question? Because we are enquiring into desire. What is the relationship between sensation and desire? Why they are always instantly related. I wish I could always live under these trees with a nice house – and then desire: I must have a nice house under the tree. So what is the actual fact, the relationship, the communication, between sensation and what is called desire? Right? Is there an interval – please listen – is there an interval between sensation and the movement of desire, a gap, or they are instant. See something, grab it, if you want. So we are going to find out if there is a division, if there is a separation, if there is an interval. Right? Nous ne parlons pas de ce qu'est la beauté. Peut-être lors de la prochaine rencontre, si nous avons le temps. Mais nous vivons de sensation, tout le système nerveux est sensation. Quel est le lien entre la sensation et le désir ? Vous comprenez ma question ? Car nous étudions le désir. Quel est le lien entre la sensation et le désir ? Pourquoi sont-ils toujours instantanément reliés ? Si je pouvais toujours vivre sous ces arbres dans une belle maison – d'où le désir : il me faut une belle maison sous l'arbre. Alors, quel est le fait réel, le lien, la communication entre la sensation et ce qu'on appelle le désir ? N'est-ce pas ? Y a-t-il un intervalle – écoutez je vous prie – y a-t-il un intervalle entre la sensation et le mouvement du désir, un espace ? Ou ils sont instantanés. Voir une chose, la saisir si vous voulez. Nous allons donc découvrir s'il y a une division, une séparation, un intervalle. Bien ?
1:06:48 There is sensation in seeing a beautiful garden, well kept, a lawn that has been mowed and rolled for the last 500 years. There are such lawns. And you see it and you say, my God, how marvellous it is, what depth, what beauty in that grass. And you wish you could have it in your back yard. Il y a une sensation lors de la vision d'un beau jardin, bien entretenu, une pelouse tondue et roulée depuis 500 ans. Il existe de telles pelouses. Et vous voyez cela et dites : Dieu, que c'est beau, quelle profondeur, que cette herbe est belle. Et vous souhaitez en avoir une dans votre jardinet.
1:07:26 So watch it, please just watch it closely. Sensation, seeing that grass, rich, heavy, deep-rooted grass, then the sensation, then wanting it in your garden. So that is, desire is born – please listen – the moment, the second thought takes control or gives shape to sensation, and then at that second, desire is born. You follow? That is, seeing that lawn, protected behind walls, and seeing it, the sensation, and thought saying, I wish I had that. At that second desire is there. You understand? Alors, observez-le simplement, attentivement. La sensation à la vue de cette herbe, riche, lourde, bien enracinée, d'où la sensation, puis le désir d'en avoir dans votre jardin. Ainsi, le désir est né – écoutez seulement – dès l'instant où la pensée prend le contrôle ou donne forme à la sensation, à cet instant, le désir est né. Vous suivez ? Ainsi, voyant cette pelouse protégée par des murs, sa vision, la sensation et la pensée qui dit : si je pouvais l'avoir, à cet instant, le désir est là. Vous comprenez ?
1:08:56 Now, we are asking, can there be a movement, an interval between the sensation and thought giving it a shape, an image. You understand? That is, sensation, which is natural, seeing that beautiful grass, that field, that lawn, and then thought comes in and says, I wish I had it. At that second, desire is. Right? That is the truth. So we are asking, can these two be separate for awhile? See a shirt in the window, go and touch it and say, what beautiful material it is, and leave it – we don't leave it there. We say, I wish I had it. Then desire is born. So, the interval can be kept – the gap can be kept separate for a while, then you will see the movement of desire, how it comes into being. Then you can stretch that space indefinitely or keep it very narrow. You understand what I am saying? When you understand this, then discipline is not necessary at all – control or suppress or fight it. You understand all this? Not verbally – in your heart. Then you will do it naturally. When you see something beautiful, it is beautiful, and there it is. You can't have those mountains nor that beautiful lawn. One can look at it, admire it, and say, how lovely, and feel it. That requires great alertness, awareness, a sense of deep attention to it. But we rarely give all that, except for money or for pleasure. This is much more stringent, requires a great deal of austerity. The word 'austerity' comes from Greek, which means 'dry mouth'. And then we have translated it, etc. – austere: a few clothes, one meal a day and all that stuff. But austerity is something tremendous, not the trivial stuff. To be so attentive to this movement of sensation and desire, and all the things we have talked about. To watch it very carefully, see every thought in you, not let it go by without understanding why it arose, what is its cause – that is real austerity. Not joining a monastery and all that kind of stuff. Austerity is in our daily life. Dès lors nous demandons s'il peut y avoir un mouvement, un intervalle entre la sensation et la pensée lui donnant une forme, une image. Vous comprenez ? C'est la sensation, ce qui est naturel : voir cette belle herbe, ce champ, cette pelouse, et la pensée intervient alors, disant : j'aimerais l'avoir. A cet instant, le désir existe. N'est-ce pas ? C'est la vérité. Alors nous demandons : ces 2 éléments peuvent-ils être séparés un moment ? Voir une chemise dans une vitrine, aller la toucher et dire : quel beau tissu, et la laisser. Nous ne la laissons pas là. Nous disons : j'aimerais la posséder. Alors le désir est né. Donc l'intervalle peut être maintenu, l'espace peut être maintenu un moment, et vous verrez alors le mouvement du désir, comment il se manifeste. Vous pouvez alors étendre indéfiniment cet espace ou le maintenir très serré. Vous comprenez ce que je dis ? Quand vous comprenez ceci, il n'y a nullement besoin de discipline, de maîtrise, de répression ou de lutte. Vous comprenez tout ceci ? Pas verbalement, dans votre coeur. Vous le ferez alors naturellement. Quand vous voyez une belle chose, elle est belle et c'est tout. Vous ne pouvez posséder ces montagnes, pas plus que cette belle pelouse. On peut la regarder, l'admirer et dire : comme c'est beau et le ressentir. Cela demande une grande vivacité, lucidité, un sens de profonde attention à la chose. Mais nous faisons rarement tout cela, sauf pour de l'argent ou le plaisir. C'est bien plus exigeant, cela demande une grande austérité. Le mot 'austérité' qui vient du grec signifie 'la bouche sèche'. Et nous l'avons traduit, etc. – austère : quelques habits, un repas par jour et tout cela. Mais l'austérité est une chose considérable, pas de la trivialité. Il s'agit donc d'être attentif à ce mouvement de la sensation et du désir et à tout ce dont nous avons parlé. De l'observer très attentivement, de voir en soi chaque pensée sans la laisser passer, sans avoir compris sa naissance, sa cause : c'est cela la vraie austérité. Et ne pas entrer dans un monastère et toute cela. L'austérité est dans notre vie quotidienne.
1:13:26 So we have talked about all this. Tuesday and Thursday will be questions, next Saturday and Sunday we will talk about other things – pleasure, sorrow, pain, and all the implications of loneliness, death, if we have time, and what is religion, what is a religious mind. Is there something which thought has not touched at all? The limitless, the immense, the nameless. Which is not an invitation for you to come. It is part of our life, not all the buying, buying, buying and selling, going to office every day of one's life, conflict and all that. One must also give one's energy to find this out. Not merely live on faith, symbols and all that. So perhaps we will see each other the day after tomorrow or next Saturday and Sunday. Nous avons donc parlé de tout cela. Mardi et jeudi il y aura les questions, samedi et dimanche prochains nous parlerons d'autres choses, du plaisir, de la souffrance, de la douleur et de toutes les implications de la solitude, de la mort, si nous en avons le temps, et de ce qu'est la religion, un esprit religieux. Y a-t-il quelque chose que l'esprit n'a absolument pas touché ? L'illimité, l'immensité, l'indicible. Ce n'est pas une invitation à venir ici. Cela fait partie de notre vie, pas toute cette manie d'acheter, d'acheter et vendre, de se rendre tous les jours de sa vie au bureau, le conflit et tout cela. Il faut consacrer son énergie à cette découverte. Ne pas seulement vivre dans la foi, les symboles, etc. Alors peut-être nous verrons-nous après demain, ou samedi et dimanche.