Krishnamurti Subtitles home


OJ85T3 - La création ne finit jamais
Troisième causerie publique
Ojai, USA
Le 18 mai 1985



0:25 Krishnamurti: It is a beautiful morning, isn't it? And I hope you are enjoying yourself. We have only this morning's conversation between you and the speaker, and also tomorrow morning. We have to go into various subjects or various problems. We are going to talk over together the whole question of pleasure, sorrow, death, and what is it that human beings throughout the world have sought, beyond the physical daily troublesome, boring, lonely life, what is there beyond, not only for the individual, but the whole of humanity. What is there that is not touched by thought, that has no name, that may be eternal, that is lasting, enduring? Krishnamurti: C'est une belle matinée, n'est-ce pas ? Et j'espère que vous en profitez. Nous n'avons que ce matin pour converser, vous et l'orateur, et aussi demain matin. Nous avons à aborder divers sujets ou problèmes. Nous allons parler ensemble de toute la question du plaisir, de la souffrance, de la mort, et de ce que les êtres humains ont recherché partout dans le monde au delà des aléas, de l'ennui, de la solitude de la vie quotidienne, de ce qu'il y a au delà, non seulement pour l'individu, mais pour toute l'humanité. Qu'est-ce qui n'est pas touché par la pensée, qui n'a pas de nom, qui pourrait être éternel, qui dure, persiste ?
2:11 So we are going to talk over all these matters, including meditation, perhaps yoga too. Everybody seems to be terribly interested in yoga. They want to keep young and beautiful. Shall we begin with that? I thought you would be interested in it. Yoga has now become a business affair like everything else. There are teachers of yoga all over the world, and they are coining money, as usual. And yoga at one time, I have been told by those who know a great deal about this, it was only taught to the very, very, very few. Yoga doesn't mean merely to keep your body healthy, normal, active, intelligent. But also it meant, the meaning of that word in Sanskrit means 'join together'. Joining the higher and the lower. I don't know who joins it, but that is the tradition. And also, there are various forms of yoga. But the highest form is called raja yoga, which is the king of yogas. There, that system, or that way of living was concerned not merely with the physical wellbeing, but also much more strict psychologically. There was no discipline, no system, nothing to be repeated day after day. But to have a brain that is in order, that is all the time active but not chattering, but active, that activity – the speaker is interpreting all this. Probably they wouldn't tell you all this. The speaker has talked to various scholars and pundits and real yoga teachers. There are very few of them now. Nous allons donc traiter tous ces sujets, y compris la méditation, peut-être aussi le yoga. Tout le monde semble terriblement s'intéresser au yoga. Ils veulent rester jeunes et beaux. Allons-nous commencer par là ? Je pensais que cela vous intéresserait. Le yoga est devenu une affaire commerciale, comme tout le reste. Il y a des professeurs de yoga partout dans le monde, et ils encaissent de l'argent, comme d'habitude. Et à une certaine époque, d'après ceux qui en savent beaucoup à ce sujet, le yoga n'était enseigné qu'à un très petit nombre. Yoga ne signifie pas seulement maintenir le corps dans un état sain, actif, intelligent. Mais en Sanskrit le sens de ce mot est d'unir. Unir le plus élevé au moins élevé. J'ignore qui les unit, mais c'est la tradition. Et il y a aussi diverses formes de yoga. Mais la plus élevée s'appelle 'raja yoga', c'est-à-dire le roi des yogas. Là, ce système ou ce mode de vie ne s'appliquait pas seulement au bien-être physique, mais aussi bien plus fermement psychololgiquement. Il n'y avait pas de discipline, pas de système, rien à répéter de jour en jour, mais il s'agissait d'avoir un cerveau ordonné, continuellement actif, mais ne bavardant pas tout en maintenant cette activité – l'orateur interprète tout cela. Ils ne vous le diraient sans doute pas. L'orateur en a parlé avec divers érudits et pandits, et de vrais maîtres de yoga. Il y en a très peu à présent.
5:39 So to have a very deeply, orderly, moral, ethical life, not just merely take various postures but to lead a very moral, ethical, disciplined life, that was the real meaning of the highest form of yoga. Thereby you kept the body healthy. The body was not first, of primary importance. What was of primary importance was to have a brain, a mind, a wellbeing that is clear, active – not in the sense of movement, but in itself active, alive, full of vitality. But now it has become rather shallow, profitable and becoming mediocre. The speaker was taught – oh, many years ago – something that could not be taught to another. Let's leave it at that, shall we? Is that enough talk about yoga? Ainsi, mener une vie très profonde, ordonnée, morale, éthique, sans se contenter de prendre diverses postures, mais mener une vie très morale, éthique, disciplinée, tel était le vrai sens de la forme la plus élevée du yoga. Vous mainteniez ainsi le corps en bonne santé. Le corps n'était pas l'essentiel. L'essentiel était d'avoir un cerveau, un esprit reflétant un bien-être clair, actif, pas dans le sens du mouvement, mais intrinsèquement actif, vivant, plein de vitalité. Mais à présent, c'est devenu assez superficiel, axé sur le profit et de plus en plus médiocre. L'orateur reçut un enseignement – oh, il y a bien longtemps – qui ne pouvait être transmis à autrui. Restons-en là, n'est-ce pas ? A-t-on assez parlé du yoga ?
7:11 Questioner: Could you go into it more? Participant: Pourriez-vous élaborer un peu ?
7:12 K: Or you want me to tell you what I was taught? I am sorry, I can't tell you. It is not to be taught to the casual. It is something that you do, perhaps every day as the speaker does for an hour, to have perfect control of your body. So that you are watchful – I won't use the word 'control,' but to watch your body, not make any movement, any gesture, which is not observed. There is no unnecessary movement of the body. But it is not controlled. That is where the difference is. May we drop that subject and go on to something else? I know you are reluctant, because you think, perhaps you may consider yoga to be something to be practised day after day to develop your muscles, have a muscular body. It is not that at all. It is something you live all day long. Something you watch, observe, be clear about. K: Vous voulez que je vous dise ce qu'on m'a enseigné ? Je regrette, je ne puis vous le dire. Ce n'est pas à enseigner au tout venant. C'est une chose que l'on fait, peut-être une heure par jour, comme le fait l'orateur, pour avoir une parfaite maîtrise du corps – je n'userai pas du mot 'maîtrise' : afin d'être attentif, étudier son corps, sans le moindre mouvement, sans un geste qui ne soit observé. Il n'y a pas de mouvement inutile du corps, mais il n'est pas maîtrisé. C'est là qu'est la différence. Pouvons-nous quitter ce sujet pour autre chose ? Je sais que vous êtes réticents, car peut-être pensez-vous que le yoga est une chose à pratiquer de jour en jour pour développer ses muscles, pour avoir un corps musclé. Ce n'est rien de cela. C'est une chose que vous vivez toute la journée. Une chose que vous regardez, observez afin d'être clairs là-dessus.
9:04 We were talking about, the other Saturday and Sunday, the question of guilt, being psychologically hurt, wounded, and the various forms of relationship. Not only with human beings, with each other, but also our relationship to nature, to all the beauty of the world, to the mountains, to the meadows, to the groves, and the hills and the shadows, the lakes and the rivers. To have a relationship. We talked a little bit about that relationship too. Where there is an image made by thought between you and the mountain, all the fields and the flowers, as one makes an image about one's wife or husband and so on, that image prevents one from having complete relationship with another. Samedi et dimanche derniers nous parlions de la question de la culpabilité, d'être blessés psychologiquement et des diverses formes de relation. Non seulement entre êtres humains, mais aussi notre relation à la nature, à toute la beauté du monde, aux montagnes, aux prairies, aux bocages, et les collines, les ombres, les lacs et les rivières. Etre en relation. Nous avons aussi un peu parlé de cette relation. Quand il y a une image fabriquée par la pensée, entre vous et la montagne, les champs et les fleurs, comme l'image qu'on se fait de sa femme ou de son mari, etc., cette image nous empêche d'avoir une relation complète avec un autre.
10:47 And our relationship with each other now, between you and the speaker, that relationship is very important to understand. He is not persuading you to any point of view. He is not putting any kind of pressure so that you listen, accept or deny. He has no authority. He is not a guru. He has an abomination of all this idea of leadership psychologically or spiritually, if I can use that word. It is an abhorrence to him. And he really means it. It is not something to be taken lightly, that the speaker pretends. that is why one has to be extremely honest in all this. De même que la relation réciproque qui existe en ce moment entre vous et l'orateur, il est très important de la comprendre. Il ne vous persuade d'aucun point de vue quel qu'il soit. Il n'exerce aucune pression pour vous amener à écouter, à admettre ou à réfuter. Il n'a aucune autorité. Ce n'est pas un gourou. Il abhorre toute cette idée de conduite psychologique ou spirituelle, si vous me permettez ce mot. C'est pour lui une abomination. Et il l'entend bien ainsi. Ce n'est pas une chose à prendre à la légère, comme un simulacre de l'orateur, c'est pourquoi il faut être extrèmement honnête là-dessus.
12:07 And we talked about the activity of time. We went into it fairly clearly. And also the movement of thought, what is thinking. We talked about that too. Do you want the speaker to repeat it again? Please tell me. If it is not clear, the speaker has got a great deal of patience about it. Perhaps I won't even use the word 'patience'. So we talked about all that, had a conversation between you and the speaker. Therefore that conversation is carried on mutually. It isn't one sided conversation. Et nous avons parlé de l'activité du temps. Nous avons traité cela assez clairement. De même que le mouvement de la pensée, de qu'est-ce que penser. Nous avons aussi parlé de cela. Voulez-vous que l'orateur le répète ? Dites-le moi, svp. Si ce n'est pas clair, l'orateur peut faire preuve de beaucoup de patience à cet égard. Peut-être éviterais-je même le mot 'patience'. Nous avons donc parlé de tout cela lors d'une conversation entre vous et l'orateur. Donc cette conversation se poursuit mutuellement. Ce n'est pas une conversation à sens unique.
13:17 And also, we said the world is made up of bullies – the religious bullies, the newspapers, the politician, the guru, the priests, the bullies in the family. And those bullies make us feel guilty, they attack first and then you have to defend. That is the game that has been going on in our relationship with each other and so on. So that brings about this feeling of guilt. We talked a great deal about that. And also we talked last Sunday about fear. Why human beings who have evolved through these many, many, many millennia, live with this terrible burden called fear. That fear is a sensation. And sensation takes many forms, the sensation of drugs, alcohol and so on, the sensation of sexuality, the sensation of achieving something, climbing the ladders, either the mundane ladder or the so-called spiritual ladder. Et nous avons aussi dit que le monde est constitué de brutes : les brutes religieuses, les journaux, le politicien, le gourou, les prêtres, les brutes dans la famille. Et ces brutes font que nous nous sentons coupables, elles mènent l'attaque et l'on doit se défendre. C'est le jeu qui a lieu dans notre relation mutuelle, etc. Cela engendre donc ce sentiment de culpabilité. Nous avons beaucoup parlé de cela. Et dimanche dernier nous avons aussi parlé de la peur. De la raison pour laquelle les êtres humains, qui ont évolué au cours de tant de millénaires, vivent avec ce terrible fardeau qu'est la peur. Cette peur est une sensation. Et la sensation revêt beaucoup de formes, sensation due aux drogues, à l'alcool, etc., sansation due à la sexualité, sensation d'accomplir quelque chose, de grimper les échelles, soit l'échelle terrestre, ou la soi-disante échelle spirituelle.
15:13 We talked also, what is the relationship between time and thought. Or are they one? And we went into that, and also what is the root of fear? And we have many, many fears, which destroy not only the human capacity, distort the brain, distort or curtail or limit both biological and psychological activity. What is the root of it, root of fear? We went into it. We said the root of fear is time and thought. Nous avons aussi parlé du rapport qu'il y a entre le temps et la pensée. Ou ne sont-ils qu'un ? Nous avons vu cela et aussi la question de la racine de la peur. Et nous avons de multiples peurs qui détruisent non seulement les aptitudes humaines, mais déforment le cerveau, déforment ou réduisent, limitent l'activité biologique et psychologique. Quelle est la racine de la peur ? Nous avons vu cela. Nous avons dit que sa racine est le temps et la pensée.
16:20 One can listen to all this casually or seriously, listen to each other's conversation. But the words are not the thing. Fear is not the word. Or the word may create the fear. You understand? The word may create the fear, or there is fear by itself. Right? The word is the picture, is the idea. But the fact of fear is quite different. On peut écouter tout ceci, superficiellement ou sérieusement, écouter la conversation des uns et des autres. Mais les mots ne sont pas la chose. La peur n'est pas le mot. Ou le mot pourrait créer la peur. Vous comprenez ? Le mot peut créer la peur, ou la peur existe d'elle-même. N'est-ce pas ? Le mot est l'image, l'idée. Mais le fait de la peur est tout autre chose.
17:10 So one has to be clear that the word is not inducing, cultivating fear and then overcoming that fear, which means overcoming the word but not the fact. You are following all this? And we said one has to face this fact. And how one faces this fact is all-important, not the fact, but how you approach it, how you come to it. If one has conclusions, concepts, how to get over fear, how to suppress it, or how to transcend it, or go to somebody who will help you to overcome that fear, then that fear will continue in different forms. It may be one day you are frightened of something, the next day another. And out of this fear we have done terrible things to mankind. We have done terrible things to each other. Out of this fear of wanting security, or having security, we have destroyed human beings by the million. The last war and the previous war showed it. Where there is fear there is God, and all the comfort that one derives out of illusion. But when there is psychologically, and therefore biologically, not the other way around – it is not physical security first and then the psychological security after. The socialists, the communists, the radicals, so-called radicals, have tried to establish order outside, as the communists are trying to do, the totalitarians. And they are not succeeding, they are only suppressing. But if one starts to understand this whole psychological structure of every human being, of oneself, then one begins to understand the nature of fear. And it can be ended if we understand the nature of time, thought, which we went into. Il faut donc être certain que le mot n'est pas en train de provoquer, de cultiver la peur pour ensuite la surmonter, ce qui revient à surmonter le mot mais pas le fait. Vous suivez tout ceci ? Et nous avons dit qu'il faut confronter ce fait. Et la manière dont on le confronte est essentielle, pas le fait, mais la manière dont on s'en approche, dont on l'aborde. Si l'on a des conclusions, des concepts sur comment surmonter la peur ou comment la réprimer, ou comment la transcender, ou si l'on cherche quelqu'un qui vous aidera à la surmonter, alors la peur continuera sous d'autres formes. Vous pourriez un jour avoir peur d'une chose, et le lendemain d'une autre. Et cette peur nous a fait faire de terribles choses à l'humanité. Nous avons fait de terribles choses les uns aux autres. A cause de cette peur ou de notre désir de sécurité, nous avons détruit les êtres humains par millions. La dernière guerre et la précédente l'ont démontré. Là où règne la peur, il y a Dieu, avec tout le réconfort que l'on retire de cette illusion. Mais psychologiquement et donc biologiquement, – pas dans l'autre sens, la sécurité physique ne vient pas d'abord, suivie de la sécurité psychologique. Les socialistes, les communistes, les soi-disant radicaux ont essayé d'établir un ordre extérieur, comme essaient de le faire les communistes, les totalitaires. Et ils n'y arrivent pas, ils ne font que réprimer. Mais si l'on commence à comprendre toute la structure psychologique de chaque être humain, de soi-même, on commence alors à comprendre la nature de la peur. Et il peut y être mis fin si l'on comprend la nature du temps, de la pensée, ce que nous avons vu.
20:32 And we ought to talk over together this morning, as it is such a beautiful morning, what is beauty. Are you interested in this? What is beauty? The speaker is putting you that question, and you must reply. Not all of you, that is impossible, or even one. What would be your reply, if one may ask respectfully, what is your response to that question? What is beauty? Is it in the mountains? In the shadows? In the dappled light under these trees? Is it a sheet of water still in the moonlight? Or the stars of a clear evening? Or the beautiful face, well-proportioned, having that weight and beauty inward? Or does it lie in the museums, the pictures, the statues? There is a marvellous statue in the Louvre in Paris. The statue of the Victory of Samothrace. It is a marvellous statue. And is that beauty? Et nous devrions parler ensemble, par une si belle matinée, de ce qu'est la beauté. Ceci vous intéresse-t-il ? Qu'est-ce que la beauté ? L'orateur vous pose cette question, et vous devez y répondre. Pas tous, c'est impossible, ou même un seul. Quelle serait votre réponse, si l'on peut se permettre de le demander, quelle est votre réponse à cette question ? Qu'est-ce que la beauté ? Repose-t-elle dans les montagnes ? Dans les ombres ? Dans les taches de lumière sous ces arbres ? Dans une étendue d'eau paisible au clair de lune ? Ou les étoiles d'une soirée tranquille ? Ou un beau visage, bien proportionné, reflétant la beauté intérieure ? Ou se trouve-t-elle dans les musées, les tableaux, les statues ? Il y a une merveilleuse statue au Louvre, à Paris : la Victoire de Samothrace. C'est une merveilleuse statue. Est-ce cela la beauté ?
22:33 So one should ask this question. Not the beauty in a magazine. Is that beauty? A beautiful woman, carefully made up, etc., etc. Is that beauty? So one should ask this question of ourselves. Because man, woman, are seeking this thing all the time. that is why museums become important because in ourselves we are so ugly. Not sinful, that is a wrong word to use. We are so broken up, fragmented, we can never see something whole, holistic way of living. And we think beauty is out there, in the pictures, in a lovely poem of Keats, or in marvellously written literature. So what is beauty? Are you waiting for the speaker to explain? Or have you ever asked of yourself? Or are you seeking for the experts to tell you? Can we go into it together? Not that the speaker wants to convince you, show you, tell you anything. That is very important to understand. He is not authority. He is not a public figure. He hates all that ugly reputation, success, becoming somebody. Then you can threaten that somebody. You understand? But it is not like that. We are two human beings talking over together our whole complex problem of existence. So what is beauty? Is beauty love? Is beauty pleasure? Is beauty something that gives you an élan, a sensation? You say, how marvellous, how beautiful that picture is. So what is beauty? May we go into it together? Together. On devrait donc se poser cette question. Pas la beauté dans un magazine. Est-ce cela la beauté ? Une belle femme, soigneusement maquillée, etc., etc. Est-ce cela la beauté ? Il faudrait donc se poser cette question. Car l'homme, la femme recherchent constamment cette chose. D'où l'importance que prennent les musées, car nous sommes si laids en nous-mêmes. Pas pécheur, ce n'est pas le mot qui convient. Nous sommes si morcelés, fragmentés, nous ne pouvons jamais voir l'ensemble, un mode de vie holistique. Et nous pensons que la beauté est là-bas, dans les tableaux, dans un charmant poème de Keats ou dans la merveilleuse littérature. Qu'est-ce alors que la beauté ? Attendez-vous que l'orateur vous l'explique ? Ou vous l'êtes-vous jamais demandé ? Ou recherchez-vous l'explication auprès d'experts ? Pouvons-nous aborder cela ensemble ? Non pas que l'orateur cherche à vous convaincre, à vous montrer, à vous dire quoi que ce soit. Il est très important de comprendre cela. Il n'a rien d'une autorité. Il n'est pas un homme public. Il exècre toute cette vilaine réputation, le succès, devenir quelqu'un : on peut alors menacer ce quelqu'un. Vous comprenez ? Mais ce n'est pas ainsi. Nous sommes 2 êtres humains parlant ensemble de toute la complexité des problèmes de l'existence. Alors, qu'est-ce que la beauté ? La beauté est-elle amour ? La beauté est-elle plaisir ? Est-ce une chose qui vous donne un élan, une sensation ? Vous dites : comme ce tableau est beau, merveilleux. Qu'est-ce alors que la beauté ? Pouvons-nous aborder cela ensemble ? Ensemble.
26:33 When you see those hills behind there and the blue sky and the line of those mountains against the sky, and see some of the shadows on the sunburned grass and the shady trees, when you look at it, not verbalise it immediately but when you look at it, or see a great mountain full of snow, high peaks, and a sky that has never been polluted – when you see this majesty of a mountain, what takes place? Does the majesty of that mountain, the enormous solidity of it, the greatness of it, what happens at that second when you see that mountain and that hill and those shadows or this dappled light under these trees? For a second, the greatness of the mountain drives away all our pettiness, all our worries and problems and all the travail of life – for that second. Then you become silent and look. Right? Quand vous voyez ces collines, là derrière, le ciel bleu et la ligne de crête de ces montagnes contre le ciel, et voyez ces ombres sur l'herbe brûlée par le soleil, et l'ombre des arbres, quand vous regardez cela sans aussitôt le verbaliser, mais le regardez, ou voyez une haute montagne toute enneigée, ces pics élevés, et un ciel qui n'a jamais été pollué, quand vous voyez la majesté d'une montagne, qu'est-ce qui a lieu ? Quand vous voyez la majesté de cette montagne, son immense stabilité, sa grandeur, que se passe-t-il à cet instant ? La vision de ce sommet, de ces ombres, ces taches de lumière sous ces arbres, n'écarte-t-elle pas un instant toute notre mesquinerie, tous nos soucis, nos problèmes et toute la peine de la vie à cet instant ? Vous devenez alors silencieux et regardez. N'est-ce pas ?
28:43 Take a boy, small boy or a girl, they have been running about all day long, shouting, you know, being a little bit naughty, which is nice. But parents don't like them to be that way. What happens to their naughtiness when you give them a lovely toy, complicated toy? Their whole energy is concentrated in that toy. They are not naughty. Until they break that toy. Then the whole begins again. That is, the toy – please listen to this, together we are talking – that toy absorbs the child. The toy becomes all important. He loves it, he holds it, he kisses – you follow? You have seen teddy bears worn out. And all that naughtiness has gone because the toy has absorbed the naughtiness, the toy becomes important. Right? You know this if you are mothers and fathers. And the toy is the television, unfortunately. So, the mountain absorbs us for the second. that is our toy. And we forget ourselves. This is actuality. If you see a marvellous statue, not only Grecian statues, but the ancient Egyptian ones. Their extraordinary sense of earth, fullness, richness, stability, dignity. For a second, for a moment, their dignity, their immensity drives our pettiness away. So we are absorbed by the toys. The grown-ups too. It is maybe their business, their chicanery in politics. So all these things absorb us. And if there is nothing to absorb you, then you get depressed, try to escape from it, do all kinds of things to run away from what we are. Prenez un garçon, un petit garçon ou une fille, ils ont passé la journée à courir, à crier, vous savez, un peu malicieux, ce qui est mignon. Mais les parents n'aiment pas qu'ils soient ainsi. Qu'en est-il de leur méchanceté quand vous leur donnez un beau jouet, un jouet compliqué ? Toute leur énergie se concentre sur ce jouet. Ils ne sont pas méchants. Jusqu'à ce qu'ils cassent ce jouet. Alors tout recommence. C'est-à-dire – écoutez ceci, je vous prie, nous parlons ensemble – ce jouet absorbe l'enfant. Le jouet devient primordial. Il l'aime, il le tient, l'embrasse – vous suivez ? Vous avez vu des ours en peluche complètement usés. Et toute cette méchanceté a disparu, car le jouet a absorbé sa méchanceté, le jouet est devenu important. N'est-ce pas ? Vous le savez si vous êtes parents. Et le jouet est la télévision, malheureusement. Donc la montagne nous absorbe pendant un instant, c'est notre jouet. Et nous nous oublions. C'est la réalité. Si vous voyez une merveilleuse statue, non seulement les statues grecques, mais celles de l'Egypte ancienne : la sensation extraordinaire de leur plénitude, richesse, stabilité, dignité. Pendant un instant, leur dignité, leur immensité écartent notre mesquinerie. Nous sommes donc absorbés par les jouets. Les adultes aussi. Ce pourrait être leurs affaires, leurs chicaneries politiques. Donc toutes ces choses nous absorbent. Et s'il n'y a rien pour vous absorber, vous sombrez dans la déprime, essayez de vous en échapper en faisant toutes sortes de choses pour fuir ce que nous sommes.
32:17 So, is not beauty something that takes place when you are not? When you with all your problems, with your anxieties, insecurity, whether you are loved or not loved, when you with all the psychological complexities are not, then that state is beauty. Alors, la beauté ne serait-elle pas ce qui se manifeste quand vous n'êtes pas ? Quand vous, avec tous vos problèmes, vos angoisses, votre insécurité, que vous soyez ou non aimé, quand vous, avec toute votre complexité psychologique, n'êtes pas, alors cet état est la beauté.
33:04 And this is one of the problems of meditation. To cultivate, practise, day after day, to see that you are not. And who is the entity that is practising? You understand? It is the same old toy. Only you call it meditation. So where you or K is not, there is beauty. As we said, beauty is not pleasure, it is not sensation. Et c'est là un des problèmes de la méditation. Cultiver, pratiquer, jour après jour, pour voir que vous n'êtes pas. Et qui est l'entité qui pratique ? Vous comprenez ? C'est le même vieux jouet. Mais vous l'appelez méditation. Alors, là où vous ou K n'est pas, il y a la beauté. Comme nous l'avons dit, la beauté n'est ni plaisir, ni sensation.
34:03 So we ought to talk over together pleasure, because for us pleasure is an extraordinarily important thing. The pleasure of a sunset, the pleasure of seeing somebody whom you like enjoying himself. So we ought to talk over together the whole concept of pleasure. Because that is what we want, if you are honest. And that is our difficulty, we are never seriously honest to ourselves. But we think to be so terribly honest to oneself may lead to further trouble, not only for yourself but your husband, wife, etc. So to understand the nature of fear, guilt, relationship, and all the movement of our daily life one has to look at it very closely, not control it, shape it, and say this must go that way or that way. But to look at it first, without fear, without being depressed or feeling that you must do something about it. Nous devrions donc parler ensemble du plaisir, car pour nous le plaisir est extraordinairement important. Le plaisir dû à un coucher de soleil, le plaisir de voir quelqu'un que vous aimez éprouver de la joie. Nous devrions donc discuter ensemble de tout le concept du plaisir. Car c'est ce que nous voulons, pour être honnêtes. Et la difficulté est qu'on n'est jamais sérieusement honnête vis-à-vis de soi-même. On pense qu'être tellement honnête vis-à-vis de soi mènerait à plus de problèmes, non seulement pour soi, mais son mari, sa femme, etc. Donc pour comprendre la nature de la peur, de la culpabilité, de la relation, et tout le mouvement de notre vie quotidienne, il faut examiner la chose avec grand soin, sans la maîtriser, la façonner et dire que ce doit être comme ceci ou comme cela, mais commencer par la regarder, sans peur, sans être déprimé ou sentir qu'il faut faire quelque chose à cet égard.
35:59 So we are going to together enquire what is pleasure. To possess a beautiful car. Or have lovely 12th century furniture – to polish it, to look at it, to evaluate. There is a furniture in England, in a particular room, it is about 16th, 15th century. And one has paid a great deal of money for it. And it gives you great pleasure watching it. Then you identify yourself with that furniture. Then you become the furniture, because whatever you identify yourself with, you are that. It may be an image, it may be a piece of furniture, it may be a man, woman, or it may be some idea, some conclusion, some ideology. And all the identification with something greater or something which is convenient, satisfying, doesn't give you too much discomfort, that brings us a great deal of pleasure. And pleasure goes with fear. I don't know if you have watched it. It is the other side of the coin. But we don't want to look at the other side. But we say to ourselves pleasure is the most important thing, either through drugs, which is now becoming more and more in this country – opium, cocaine, alcohol. You know all that, what is happening in the world, especially in this country, which breeds certain irresponsibility, gives you for the moment certain élan, energy, quietens the brain probably and dulls the brain, and ultimately destroys human beings. You have seen all this on television. If you haven't seen all this, you know somebody, and so on. We start with pleasure, and end up in ruination. And pleasure of possessing something, the woman or the man, pleasure of power over somebody. It may be, if you have domestic help, over that person, or your wife or husband or something or other – we want power. Right? Let's be quite honest about all this. We admire power, we extol power, we idolise power. Whether it is spiritual power of the religious hierarchy, or the power of a politician, the power of money. To the speaker power is evil, that is why followers who want power through knowledge, through enlightenment, you know all that rot they talk about. Not that there is not enlightenment, but the rot, the stupidity, nonsense they talk about. That gives them power. Nous allons donc ensemble étudier ce qu'est le plaisir. Posséder une belle voiture ou un ravissant meuble du 12ème siècle – l'astiquer, le regarder, l'évaluer. Il y a quelque part en Angleterre un meuble datant du 15ème ou 16ème siècle. Et cela nous a coûté énormément d'argent. Et l'on éprouve à le voir un grand plaisir. Puis on s'identifie à ce meuble. Puis on devient le meuble, car l'on est tout ce à quoi on s'identifie. Ce pourrait être une image, un meuble, un homme, une femme, ou ce pourrait être une certaine idée, conclusion, idéologie. Et toute identification à quelque chose de plus grand, quelque chose de commode, de satisfaisant, qui ne soit pas trop gênant, nous procure beaucoup de plaisir. Et le plaisir va avec la peur. Je ne sais si vous l'avez observé. C'est l'autre face de la médaille. Mais on ne veut pas regarder l'autre face. On se dit que le plaisir est ce qui importe le plus, qu'il s'agisse de drogues, ce qui se développe de plus en plus dans ce pays : opium, cocaïne, alcool. Vous savez tout ce qui a lieu dans le monde, surtout dans ce pays, ce qui engendre une certaine irresponsabilité, vous donne momentanément un certain élan, de l'énergie, tranquillisant peut-être le cerveau, l'engourdissant, et finit par détruire les êtres humains. Vous avez vu tout cela à la télévision. Si vous ne l'avez pas vu, vous connaissez quelqu'un, et ainsi de suite. Nous commençons par le plaisir et aboutissons à la ruine. Et le plaisir de posséder quelque chose, la femme ou l'homme, le plaisir du pouvoir sur quelqu'un : par exemple sur une aide domestique, si vous en avez une, ou sur votre femme, votre mari ou qui que ce soit, nous voulons le pouvoir. N'est-ce pas ? Soyons trés honnêtes à ce propos. Nous admirons le pouvoir, nous exaltons le pouvoir, nous idolâtrons le pouvoir. Qu'il s'agisse du pouvoir spirituel de la hiérarchie religieuse, ou du pouvoir d'un politicien, du pouvoir de l'argent. Pour l'orateur, le pouvoir est maléfique, c'est pourquoi ceux qui veulent du pouvoir par le savoir, l'illumination, et toute cette boue dont ils parlent – nous ne réfutons pas l'illumination, mais la boue, la stupidité l'ineptie dont ils parlent, cela leur donne du pouvoir.
40:39 Which is, if we may go on with it, our education, televisions, our environment, ambience, all that is making us mediocre. We have read too much of what other people say. The word 'mediocre' means going up the hill halfway and never reaching the top. Not success – success is utter mediocrity. Sorry to talk emphatically about all these matters. If you don't want to listen, it is all right too. You are not entertaining the speaker, or he is entertaining you. These are all terribly serious matters. And we give power to others because we ourselves lack power, position, status, therefore we hand it over to somebody else. And then we worship that, adore it, or idolise it. And we have lived that way for millennia. C'est-à-dire que, pour poursuivre là-dessus, notre éducation, la télévision, notre environnement, notre ambiance, tout cela nous rend médiocres. Nous avons trop lu de ce que les autres disent. Le mot 'médiocre' signifie gravir la colline à mi-chemin sans jamais parvenir au sommet. Pas la réussite, la réussite est le comble de la médiocrité. Excusez-moi d'être si emphatique sur tous ces sujets. Si vous ne voulez pas écouter, très bien. Vous ne divertissez pas l'orateur, pas plus qu'il ne vous divertit. Ce sont là des sujets terriblement sérieux. Et nous donnons du pouvoir à d'autres parce que nous-mêmes manquons de pouvoir – situation, statut – nous le passons donc à quelqu'un d'autre. Et alors, nous vénérons, adorons, idolâtrons cela. Et cela fait des millénaires que nous vivons ainsi.
42:23 So, power, identification, having security, money, and feeling that money will give you freedom, which is not freedom at all. In freedom you can choose what you want or what you like, is that freedom? One does not know if you have gone into this question of freedom, what does freedom mean? Not in heaven. Do you remember that joke – may I repeat a joke? Two men are in heaven with wings and halos, all that. One says to the other, 'If I am dead, why do I feel so awful?' Have you got it? So all forms of pleasure is part of our life. It has become more and more sensational, more and more – it is becoming noisy, vulgar, mediocre. And so we go on with our pleasures, and in its wake comes fear. So unless one understands this activity of sensation, fear and pleasure will go on. Ainsi, le pouvoir, l'identification, la sécurité, l'argent et sentir que l'argent vous donnera une liberté qui n'est en fait pas la liberté. Une liberté qui vous permet de choisir ce que vous voulez, est-ce cela la liberté ? On ignore si vous avez abordé cette question de la liberté; que signifie la liberté ? Pas au paradis. Vous souvenez-vous de cette plaisanterie ? je la répète ? Deux hommes sont au paradis, avec des ailes et auréoles, etc. L'un dit à l'autre : 'si je suis mort, pourquoi est-ce que je me sens si mal ?' Vous avez saisi ? Donc toutes les formes de plaisir font partie de notre vie. C'est devenu de plus en plus sensationnel, toujours plus, cela devient bruyant, vulgaire, médiocre. Et ainsi, nous continuons avec nos plaisirs, dans le sillage desquels vient la peur. Ainsi, à moins de comprendre cette activité sensorielle, la peur et le plaisir continueront.
44:40 What is sensation? If one may go into it now. The actual meaning of that word is 'the activity of the senses'. Right? Either that activity of the senses is partial, which it always is, or all the senses are fully awakened. You understand? When it is partial, it is limited. Right? You want more and more and more and more. And 'the more' means that the past sensation has not been sufficient. You want some more of it, go to different schools of thought, go from one sect to another. You have seen all this in this country, and elsewhere. So, is there a holistic activity for all the senses? You understand my question? I am asking you a question. Our sensations are limited. And you take drugs, etc., to have higher sensation. It is still limited because you are asking for more. When you ask for 'the more' there is always 'the little', therefore it is partial. Right? Simple. So we are asking, is there a holistic awareness of all the senses, therefore there is never asking for 'the more'. Qu'est-ce que la sensation ? S'il nous est permis de l'aborder maintenant. Le sens réel de ce mot est 'l'activité des sens'. N'est-ce pas ? Cette activité des sens est soit partielle, ce qu'elle est toujours, soit tous les sens sont pleinement éveillés. Vous comprenez ? Quand elle est partielle, elle est limitée. N'est-ce pas ? Vous en voulez toujours plus. Et le 'plus' signifie que la sensation passée a été insuffisante. Vous en voulez davantage, allez dans différentes écoles de pensée, allez d'une secte à l'autre. Vous avez vu tout cela dans ce pays, et ailleurs. Alors y a-t-il une activité holistique de tous les sens ? Vous comprenez ma question ? Je vous pose une question. Nos sensations sont limitées. Et vous prenez des drogues, etc., pour renforcer les sensations. C'est toujours limité parce que vous en demandez plus. Quand vous voulez 'le plus' il y a toujours 'le peu', par conséquent c'est partiel. Bien ? C'est simple. Nous demandons donc s'il y a une présence holistique de tous les sens, d'où jamais de demande de 'plus' ?
47:04 I wonder if you follow all this? Are we together in this, even partially? And where there is this total, fully aware of all the senses – awareness of it, not you are aware of it – the awareness of the senses in themselves, then there is no centre in which there is an awareness of the wholeness. You understand? When you look at those hills, can you look at it not with only visual eyes, optic nerves operating, but with all the senses, with all your energy, with all your attention? Then there is no 'me' at all. Then when there is no me, there is no asking for more, or trying to become better. Vous suivez tout ceci ? Sommes-nous ensemble là-dessus, même partiellement ? Et quand il y a cette présence totale, pleinement lucide de tous les sens – pas que vous en soyez conscients, mais la lucidité des sens eux-mêmes – il n'y a alors aucun centre dans lequel se situerait une conscience du tout. Vous comprenez ? Quand vous regardez ces collines, pouvez-vous le faire, pas seulement au moyen des yeux, de l'usage des nerfs optiques, mais avec tous vos sens, toute votre énergie, toute votre attention ? Il n'y a alors pas le moindre 'moi'. Alors, sans 'moi', il n'y a pas de demande de 'plus', ou d'essayer de devenir meilleur.
48:20 Then we ought to also talk over together, what is sorrow. You understand? All these are related to each other. Guilt, the psychological wounds, which most people have, and what the consequences are of those psychological wounds, the vanity of one's own cultivated intelligence, which gets hurt, and the images that one has built about one's self – that gets hurt, nothing else. We went into all that. And we talked about relationship. We talked about fear, pleasure. They are all interrelated, they are not something to be taken bit by bit or separated and say, this is my problem, and stick to that. If you say, I can solve that, I don't mind the rest, but the rest remains there. So can one see this whole movement, not just one movement? Nous devrions ensuite discuter aussi ensemble de ce qu'est la souffrance. Vous comprenez ? Tous ces éléments sont liés entre eux. La culpabilité, les blessures psychologiques qu'a la plupart des gens, et les conséquences de ces blessures psychologiques, la vanité de sa propre intelligence qu'on a cultivée, qui est blessée, et les images que l'on s'est faites de soi : c'est cela qui est blessé, rien d'autre. Nous avons vu tout cela. Et nous avons parlé de la relation. Nous avons parlé de la peur, du plaisir. Ils sont tous liés entre eux, ils ne sont pas à prendre un à un, ni à séparer pour dire 'c'est mon problème', et s'en tenir à cela. On aurait beau dire 'je peux le résoudre, le reste m'indiffère', mais le reste subsiste. Alors peut-on voir ce mouvement en totalité et non comme un mouvement partiel ?
50:04 So we want to talk about sorrow. This is an immense subject. It brings tears to one's eyes. Not the words. The word 'sorrow' has been in the minds of men and women from the beginning of time – this feeling of sorrow. And sorrow has never ended. If one travels, especially in the Asiatic world or in Africa, you see immense poverty, immense. And you shed tears or do some social reform, or give them food or give them clothes, etc. But there is still sorrow there. And there is the sorrow of someone whom you have lost. You have their picture on the mantelpiece, or the piano, or hung on the wall and you remember it, look at it, shed tears, and all the memories connected with that picture. One sustains, nourishes, continues loyally with that picture. That picture is not the person. That picture is not the memories. But we cling to those memories, and that brings us more and more sorrow. And the sorrow of those people who have very little in their life, not only money, few sticks of furniture, but also ignorance. Not the ignorance of something great, but the ignorance of their daily life, of their having nothing inside them – not that the rich people have either, they have it in the bank account, but nothing inside. Look at all this. Nous voulons donc parler de la souffrance. C'est un sujet immense. Il nous arrache des larmes. Pas les mots. Le mot 'souffrance' a occupé l'esprit de l'homme et de la femme depuis la nuit des temps – ce sentiment de souffrance. Et la souffrance n'a jamais cessé. Si l'on voyage, spécialement dans le monde asiatique ou africain, on y constate une immense pauvreté, immense. Et vous pleurez ou participez à une œuvre sociale, ou distribuez de la nourriture ou des vêtements, etc. Mais la souffrance est toujours là. Et il y a la souffrance due à la perte de quelqu'un. Vous avez son portrait sur la cheminée ou le piano, ou accroché au mur, cela ravive les souvenirs, et à sa vue vous versez des larmes, en évoquant les souvenirs liés à ce portrait. On les entretient, les nourrit par loyauté envers ce portrait. Ce portrait n'est pas la personne. Ce portrait n'est pas les souvenirs. Mais nous nous agrippons à ces souvenirs, et cela nous apporte de plus en plus de souffrance. Et la souffrance de ces gens qui ont très peu dans la vie, non seulement peu d'argent, de mobilier, mais aussi par cause d'ignorance. Pas l'ignorance de quelque chose de grand, mais l'ignorance de leur vie quotidienne, due à leur vide intérieur – non que les riches en aient, ils en ont à la banque, mais intérieurement, rien. Voyez tout ceci.
53:30 And there is the immense sorrow of mankind which is war. Thousands, millions have been killed, and if you have seen it in Europe – thousands of crosses all in a straight line. How many women, men, parents have cried, not only in this country, every community, every country, every state. Have we realised that for the last historical times there have been wars every year? Tribal wars, national wars, ideological wars, religious wars. In the Middle Ages they tortured people, burnt them. They were heretics. You know all this if you have listened, if you have looked. And from the beginning of man or woman the sorrow has continued in different forms, poverty of sorrow, poverty of ignorance, poverty of not being able to fulfil your desires, poverty of achievement – there is more to be achieved. Et il y a l'immense souffrance de l'humanité, c'est-à-dire la guerre. Des milliers, des millions ont été tués, et peut-être avez-vous vu en Europe ces alignements de milliers de croix. Combien de femmes, d'hommes, de parents ont pleuré, non seulement dans ce pays-ci, mais dans chaque communauté, chaque pays, chaque Etat. Avons-nous réalisé que, historiquement, il y a eu chaque année des guerres ? Guerres tribales, nationales, idéologiques, religieuses. Au Moyen Age ils torturaient les gens, les brûlaient. C'était des hérétiques. Vous savez tout cela pour peu que vous ayez écouté, observé. Et depuis l'aube de l'humanité la souffrance a continué sous diverses formes, pauvreté de la souffrance, pauvreté de l'ignorance, de l'incapacité de satisfaire vos désirs, pauvreté d'accomplissement – il y a davantage à accomplir.
55:40 And all this has brought immense sorrow, not only personal sorrow, but also the sorrow of humanity. In Cambodia, what is happening there. What is happening in Russia, in the totalitarian states. We read about it, we never shed a tear! We are indifferent to all this because we are so consumed by our own sorrow, our own loneliness, our own inadequacy. So we are going to ask ourselves is there an end to sorrow? Ending, not what happens after sorrow, after the ending. Is there an end to our personal sorrow, with all the implications of it? Ugly face – I won't call them ugly, it is a face you don't like. You know the whole business of all this. And one asks, if one is at all serious, involved, committed to find out, is there an end to sorrow? And if there is an end, what is there? Because we always want a reward. Something – if I end this, I must have that. We never end anything by itself, for itself – per se. So can this sorrow end? Which means, can there be sorrow with love? Et tout ceci a amené une immense souffrance, non seulement la souffrance personnelle, mais aussi la souffrance de l'humanité. Voyez ce qui a lieu au Cambodge, en Russie, dans les Etats totalitaires. Nous lisons à ce propos et ne versons jamais une larme ! Nous y sommes indifférents, étant anéantis par notre propre souffrance, notre propre solitude, notre propre inaptitude. Nous allons donc nous demander : y a-t-il une fin à la souffrance ? Une fin, pas ce qui a lieu après la souffrance, après sa fin. Y a-t-il une fin à notre souffrance personnelle, avec toutes ses implications ? Un visage laid – je ne dirai pas laid : un visage que vous n'aimez pas. Vous savez tout cela. Et l'on demande, si l'on est tant soit peu sérieux, impliqué, engagé dans cette recherche : y a-t-il une fin à la souffrance ? Et s'il y en a une, qu'y a-t-il ? Car nous voulons toujours une récompense : si je mets fin à ceci, il me faut cela. On ne met jamais fin à une chose pour elle-même – per se. Alors cette souffrance peut-elle finir ? Ce qui signifie : la souffrance peut-elle cohabiter avec l'amour ?
58:34 Let's go into it. I love my son – if I have a son and daughter, I love them. And they become every kind of human being – drugs, you know the whole process of it. And I cry. And I call that sorrow. What is the relationship of sorrow to love? You understand my question? I am asking you, please find out. We know what sorrow is: great pain, grief, loneliness, sense of isolation. My sorrow is entirely different from yours. In the very feeling of it I have become isolated. We know, not only verbally but in depth, in the feeling, inward feeling in our very being, we know what the meaning of that word is. And what is the relationship of sorrow to love? Then we have to ask what is love. You are asking this question, not the speaker. What is love? When one asks that question, does one come to it positively, in the sense, 'love is this', give it certain definition, verbal definition, or inward definition, and stick to it? Love of God, love of books, love of trees, love of a dozen things. So what is love? Have you ever asked this question? If you have, is it sensation? Sexual, reading a lovely poem, looking at these marvellous old trees. Is love pleasure? Voyons cela. J'aime mon fils – si j'ai un fils et une fille, je les aime. Et ils deviennent comme chaque type d'être humain : drogues, vous connaissez tout le processus. Et je pleure. Et j'appelle cela la souffrance. Quel est le lien entre la souffrance et l'amour ? Vous comprenez ma question ? Je vous la pose, découvrez-le, je vous prie. Nous savons ce qu'est la souffrance : grande douleur, chagrin, solitude, sensation d'isolement. Ma souffrance est toute différente de la vôtre. Le fait même de la ressentir m'a isolé. Nous savons, pas seulement verbalement, mais en profondeur, par notre ressenti intérieur, nous savons ce que ce mot veut dire. Et quel est le lien entre la souffrance et l'amour ? Il nous faut alors demander qu'est-ce que l'amour. Vous posez cette question, pas l'orateur. Qu'est-ce que l'amour ? Quand on pose cette question, y vient-on positivement, au sens de 'l'amour est ceci', lui donnant une certaine définition, une définition verbale ou intérieure et s'y tenant ? Amour de Dieu, amour des livres, amour des arbres, amour d'une dizaine de choses. Alors qu'est-ce que l'amour ? Avez-vous jamais posé cette question ? Si vous l'avez posée, est-ce une sensation ? Sexuelle, lire un ravissant poème, regarder ces merveilleux vieux arbres. L'amour est-il plaisir ?
1:01:52 Please, one must be terribly honest to ourselves, otherwise there is no fun in this. Humour is necessary, to be able to laugh, to find a good joke, to be able to laugh together, not when you are by yourself, but together. And we are asking ourselves what is love. Is love desire? Is love thought? Is love something that you hold, possess? Is love that which you worship? You understand? Worship the statue, the image, the symbol. Is that love? The symbol, the statue, the picture, is put together by thought. Your prayers you put together by thought. Is that love? Please go into it for yourself. And when one realises all that is not love – your pleasures, sensation, having a good cigar, good meal, well-clothed, with good taste. So is pleasure, desire – of course fear is not, obviously, love. Have you ever looked at hate? If you hate, you dispel fear. Yes. If you really hate somebody there is no fear. Right? I hope you don't... Soyons terriblement honnêtes avec nous-mêmes, autrement ce n'est pas amusant. L'humour est nécessaire, pouvoir rire, trouver une bonne plaisanterie, pouvoir rire ensemble, pas quand vous êtes seul, mais ensemble. Et nous nous demandons ce qu'est l'amour. L'amour est-il désir ? L'amour est-il pensée ? L'amour est-il une chose que vous détenez, possédez ? L'amour est-il ce que vous vénérez ? Vous comprenez ? Vénérer la statue, l'image, le symbole. Est-ce cela l'amour ? Le symbole, la statue, le tableau sont produits par la pensée. Vos prières, vous les produisez par la pensée. Est-ce cela l'amour ? Approfondissez cela vous-même. Il s'agit donc de réaliser que tout cela n'est pas l'amour, vos plaisirs, sensations, avoir un bon cigare, un bon repas, être bien vêtu, avec bon goût. Donc le plaisir, le désir et bien sûr la peur ne sont évidemment pas l'amour. Avez-vous jamais examiné la haine ? Si vous haïssez, vous chassez la peur. Oui. Si vous haïssez vraiment quelqu'un, il n'y a pas de peur. N'est-ce pas ? J'espère que ce n'est pas le cas...
1:04:44 So, can we through negation of what is not love, negate completely in oneself, totally put aside entirely all that which is not love? Then that perfume is there. And that perfume can never go once you have put aside completely those things which are not love. Then love, which goes with compassion, has its own intelligence. It is not the intelligence of thought, not the intelligence of the scientific mind, brain. When one has that love, that compassion, there is no grief, no pain, no sorrow. But to come to that – you can't come to it, sorry – it is there when you negate everything that it is not. Not the beauty of an architect, which has put stones together. If you have seen those cathedrals, the temples and the mosques, they are all put together by thought and pleasure, or devotion, worship. Is all that love? If there is love then you will never kill another. Never! You will never kill another animal for your food. Of course, please, go on eating meat if you want to, I am not telling you. Alors, par la négation de ce que l'amour n'est pas, en le niant complètement en soi, pouvons-nous écarter totalement tout ce qui n'est pas l'amour ? Alors, ce parfum est là. Et ce parfum ne peut jamais s'en aller une fois qu'on a totalement écarté ce que l'amour n'est pas. Alors l'amour, qui va de pair avec la compassion, a sa propre intelligence. Ce n'est pas l'intelligence de la pensée, ni l'intelligence d'un esprit scientifique. Quand on a cet amour, cette compassion, il n'y a pas de chagrin, de douleur, de souffrance. Mais pour y parvenir – on ne peut y parvenir, pardon – c'est là quand vous niez tout ce qu'il n'est pas. Pas la beauté d'un assemblage de pierres réalisé par un architecte. Si vous avez vu ces cathédrales, temples et mosquées, tout cela a été réalisé par la pensée et le plaisir, ou la dévotion, la vénération. Tout cela est-il l'amour ? S'il y a l'amour, alors vous ne tuerez jamais autrui. Jamais ! Vous ne tuerez jamais un animal pour vous nourrir. Mais je vous en prie, continuez à manger de la viande si vous le voulez, je ne vous en empêche pas.
1:07:23 So it is an immense thing to come upon it. Nobody can give it to another. Nothing can give it to you. But if you, in your being you put aside all that which is not, all that which thought has put together, the rituals, all the things that go on, the special dresses. When you with all your problems are totally empty, then the other thing is, which is the most positive thing, most practical thing. The most impractical thing in life is to build armaments, to kill people. Isn't it? that is what you are spending your tax money on. I am not a politician so don't listen to all this. But see what we are all doing. And what we are doing is the society which we have created. That society is not different from us. We may reform the society, lots of us are doing it, the socialists, the capitalists, especially the Communists tried to organise outside. Venir à la rencontre de cela est donc incommensurable. Personne ne peut le donner à un autre. Rien ne peut vous le procurer. Mais si vous écartez de votre être tout 'ce qui n'est pas', tout ce que la pensée a élaboré, les rituels, tout ce qui a lieu, les vêtements spéciaux, quand vous êtes complètement vidé de tous vos problèmes, alors il y a l'autre, qui est la chose la plus positive, la plus pratique qui soit. La chose la moins pratique dans la vie est de produire des armes pour tuer des gens. N'est-ce pas ? C'est à cela que servent vos impôts. Je ne suis pas politicien, donc n'écoutez pas tout ceci. Mais voyez ce que nous faisons tous. Et ce que nous faisons est la société que nous avons créée. Cette société n'est pas différente de nous. Nous pouvons réformer la société, beaucoup d'entre nous le font; les socialistes, les capitalistes, et surtout les communistes essaient d'organiser l'extérieur.
1:09:22 So love has nothing to do with any organisation or with any person. Like the cool breeze from the ocean, this breeze, you can shut it out or live with it. When you live with it, it is a totally different dimension. There is no path to it, there is no path to truth, either yours or mine. No path whatsoever – Christian, Hindu, sectarian, gosh. So one has to live it. You can only come to it when you have understood the whole psychological nature and structure of yourself. L'amour n'a donc rien à voir avec quelque organisation que ce soit ou avec qui que ce soit. Comme la brise fraîche de l'Océan, cette brise, vous pouvez soit la neutraliser, soit vivre avec. Quand vous vivez avec, il y a une toute autre dimension. Aucun chemin n'y mène, aucun chemin ne mène à la vérité, ni la vôtre, ni la mienne, aucun chemin quel qu'il soit – chrétien, hindou, sectaire, sapristi ! Il faut donc le vivre. Vous ne pouvez y venir que quand vous avez compris toute votre nature psychologique et la structure de votre être.
1:10:35 We ought to talk over sometime, tomorrow perhaps – it is now twenty to one. Yes, it is twenty to one – do you want to talk over together death or wait till tomorrow? This is not an invitation for you to come tomorrow. Whether you come or don't come is totally indifferent to the speaker. That is a very, very complex problem, death. Death is not a sensation. Do you want the speaker, together, to go into all this now? Nous devrions parler, peut-être demain – il est une heure moins vingt. Oui, une heure moins vingt – voulez-vous que nous parlions de la mort ou attendrons-nous demain ? Ceci n'est pas une invitation à venir demain. Que vous veniez ou pas est totalement indifférent à l'orateur. C'est là un problème très, très complexe. La mort n'est pas une sensation. Voulez-vous que nous abordions ensemble tout ceci maintenant ?
1:11:27 Audience: Yes. Auditoire: oui.
1:11:30 K: Are you quite sure?

A: Yes.
K: En êtes-vous sûrs ?

R: Oui.
1:11:33 K: No, please, you are asking this, because this is a very, very serious matter. All that we have talked about is very, very serious. We have time to go into it. You understand? We went through all this in detail, we can go into these things during six talks, etc., any number of talks, any number of conversations. But to talk about death, it is not a morbid subject, It is not something to be avoided, something at the end of one's life. I think we had better wait till tomorrow – just a minute, sir, just listen to what the speaker has to say. K: Non, je vous en prie, vous le demandez parce que c'est un sujet très, très sérieux. Tout ce dont nous avons parlé est très sérieux. Nous en avons le temps. Vous comprenez ? Nous avons vu tout cela en détails, nous pouvons aborder ces sujets pendant les six causeries, etc., quel que soit le nombre des conversations. Mais parler de la mort n'est pas un sujet morbide. Ce n'est pas une chose à éviter, une chose située à la fin de sa vie. Je pense que nous ferions mieux d'attendre demain – un instant M., écoutez ce que dit l'orateur.
1:12:42 If you have lived the thing that we have been talking about, you must come to all this delicately, gently, quietly, not out of curiosity. Come to it hesitantly, delicately, in a sense with great dignity, with inward respect. And like birth, it is a tremendous thing. And to talk about death also implies creation, not invention. Scientists are inventing, because invention is born from knowledge. Creation is continuous. It has no beginning and no end, it is not born out of knowledge. And death may be the meaning of creation. Not having next life a better opportunity, better house, better refrigerator. It may be a sense of tremendous creation, endlessly, without beginning and end. And to talk about it after an hour and twenty minutes, an hour and ten minutes or five minutes, doesn't matter, it requires your attention, care, a sense of delicate approach to it. Si vous avez vécu ce dont nous avons parlé, vous devez aborder tout ceci délicatement, doucement, et non par curiosité. Venez-y avec hésitation, délicatement, avec grande dignité, avec un intime respect. Et comme la naissance, c'est une chose prodigieuse. Et parler de la mort implique aussi la création, pas l'invention. Les scientifiques inventent, car l'invention est née du savoir. La création est continue. Elle n'a ni commencement, ni fin, elle n'est pas née du savoir. Et la mort pourrait signifier la création. Pas avoir lors de la prochaine vie de meilleurs occasion, maison, réfrigérateur. Ce pourrait être un sentiment de prodigieuse création, éternellement, sans commencement ni fin. Et en parler après une heure vingt ou une heure dix ou cinq, peu importe, requiert votre attention, vos soins, un sentiment d'approche délicate.
1:14:49 So may we – most humbly I am asking you, respectfully – can we talk about it tomorrow morning, when we will probably have more energy? Donc pouvons-nous – je vous le demande avec humilité et respect – pouvons-nous en parler demain matin, quand nous aurons probablement plus d'énergie ?
1:15:23 May we get up? Pouvons-nous nous lever ?