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OJ85T4 - La fin de la continuité
Quatrième causerie publique
Ojai, USA
Le 19 mai 1985



0:24 K: On espère que vous n'êtes pas venus par curiosité. Malgré les articles qui ont paru dans les magazines et les journaux, ce ne sont que des mots. Ne soyez pas alléchés par ces mots – si on peut le suggérer. S'il vous plaît, ne soyez pas impressionnés par la réputation, par l'âge, par tout ce qui a été écrit et dit. Parce que nous parlons ensemble, non que l'orateur soit important. La personnalité n'a aucune valeur en ce monde. Mais ce dont nous allons discuter ensemble a de l'importance. Et comme le monde est dans un tel état, nous devrions être sérieux. On devrait être tout à fait sincère sur ce que l'on pense, pourquoi l'on pense, quels sont nos préjugés, pourquoi nous appartenons à une secte ou groupe particuliers, pourquoi nous avons certaines idéologies, pourquoi nous poursuivons seulement ce qui nous fait plaisir, ce qui nous plaît et nous déplaît, ce qui nous séduit, nous attire.
2:58 Si nous pouvions au moins ce matin, pour environ une heure, écarter tout cela, ce qui est assez ardu, car nous ne fonctionnons qu'en suivant une certaine routine, suivant nos opinions, jugements, évaluations. Que nous ayons raison ou pas, nous ne les mettons jamais en cause. Nous ne mettons jamais en cause nos croyances, idéaux, foi, leur raison d'être. Et l'on pense qu'il est particulièrement important de ne pas être persuadé, impressionné par l'orateur. Ceci n'est pas une assemblée destinée à vous stimuler, à vous exciter intellectuellement, émotionnellement ou idéologiquement. Pour l'orateur, il est très important d'observer toute cette peine et souffrance de l'humanité. Si nous sommes ensemble ici, c'est pour être très honnêtes envers nous-mêmes, sans illusion sur soi, sans parvenir à une quelconque conclusion déterminée, mais en cherchant, en allant de l'avant. Nous pouvons alors discuter ensemble des choses, sans se contenter d'écouter l'orateur, de rassembler quelques idées, ou d'être d'accord ou pas, mais en s'efforçant d'écarter complètement de notre vie tous accords et désaccords, du moins ce matin. Nous pouvons alors converser ensemble comme deux amis cheminant ensemble sur un beau chemin boisé, discutant de leurs problèmes, sans chercher à se convaincre mutuellement, car ce sont des amis qui se connaissent depuis un certain temps. Que ces amis soient occasionnels ou vrais. Si ce sont de vrais amis au sens le plus profond du terme, il n'y a alors entre eux aucune barrière. Ils peuvent parler de leurs problèmes intimes, de leurs crises, non seulement économiques, sociales, et religieuses ou politiques, mais de la crise qui affecte leurs consciences, qui affecte leurs vies. Et pour parler de ces choses, ils doivent être libres. Et la liberté est très importante. Pas la liberté de faire ce que vous aimez, ce que nous faisons tous, car chacun veut s'exprimer, s'accomplir, être quelqu'un – vous savez, tout cet intérêt pour soi, partout dans le monde, soit au nom de Dieu, de l'église, de la politique et ainsi de suite.
7:20 Nous devrlons donc examiner ce matin diverses choses, comme nous l'avons fait au cours des trois dernières causeries et séances de questions/réponses, discutant de divers aspects de notre vie : le conflit, notre conflit mutuel quotidien, et notre conflit interne quotidien, et les choses terribles qui ont lieu dans le monde. Elles sont vraiment terribles, effroyables. Si vous êtes allés dans certains de ces pays, vous êtes directement en contact avec tout cela, pas par les journaux, magazines et discours politiques. Le monde est vraiment dans une grise grave. Nous semblons y être indifférents. Et l'homme a été affreusement cruel envers ses semblables, à savoir la guerre, les camps de concentration, et cela continue, l'holocauste, pas seulement lors de la dernière guerre, mais cette torture des êtres humains, les confinant dans des camps de concentration, les tuant par millions pour des idéologies – pas seulement six millions dans un certain groupe de personnes. La Chine, la Russie en ont tué des millions. Nous sommes indifférents à tout cela.
9:40 Et en tant qu'êtres humains, nous avons évolué de millénaire en millénaire, et sommes toujours tels que nous avons été : légèrement sophistiqués, légèrement bien élevés, un peu mieux nourris, vêtus, tout l'extérieur – les vêtements médiévaux des prêtres. Mais intérieurement nous sommes tels que nous avons été, plutôt brutaux, cruels, égoïstes. Nous parlons de cela ensemble. L'orateur ne dit rien de nouveau. On verra un peu plus tard ce qui est neuf et ce qu'est la création. Mais ce sont là des faits évidents : des millions meurent de faim, la pauvreté augmente sur la terre surpeuplée. Vous devriez aller voir un peu tout cela. Alors vous ne vous préoccuperez pas seulement de vos propres intérêts. Et les êtres humains ont toujours été en quête de liberté. Cela a été une de leurs aspirations raciales, religieuses, économiques et sociales : il leur faut la liberté. Et il a été fait abus de cette liberté dans le monde démocratique. A savoir que nous sommes tous des individus distincts pouvant faire exactement ce que nous voulons. Personne ne doit nous gêner, nous restreindre. C'est ce que nous voulons tous. Et c'est ce qui arrive dans le monde entier, sauf dans le monde totalitaire, où ils sont subjugués par l'élite, où on leur dit quoi faire, quoi penser, quoi peindre, ce qu'il faut comme littérature, comme musique, etc. On se borne à souligner tout cela, sans prendre position. Si l'on comprend tout cela, pas seulement verbalement, mais avec son coeur et au fond de son être, alors on agira. Observer et agir sont une seule et même chose. Ce ne sont pas deux activités distinctes.
13:19 Nous avons donc parlé lors des trois dernières causeries du conflit, des blessures psychologiques et de leurs conséquences, de la culpabilité; il est probable que chaque être humain éprouve ou détient quelque chose qui doit être détenu. Nous avons parlé de la peur. Et hier matin nous avons parlé ensemble de la souffrance et la fin de la souffrance, et de ce qu'est l'amour, la compassion qui n'a absolument rien à voir avec la gentillesse, avec la pitié, avec les prières, la dévotion. Rien de cela n'a à voir avec l'amour et la compassion, qui a sa propre intelligence. Nous en parlions ensemble hier matin.
14:44 Et ce matin nous devrions parler ensemble – veuillez garder constamment à l'esprit, si vous le voulez bien, que nous parlons ensemble. L'orateur ne vous dit pas à quoi penser, mais ce qu'est penser, pas à quoi penser : la pensée juste, fausse, noble, ignoble, la pensée idéologique, dialectique, tout cela est encore penser. Placer cela dans n'importe quel cadre, c'est toujours penser. Que ce soit penser à droite ou à l'extrême gauche, ou l'extrême droite ou l'extrême centre, c'est toujours penser. Penser a procuré énormément de bien à l'homme. Penser a produit la grande technologie. Penser a produit la médecine, la chirurgie. Penser a aussi produit de terribles guerres, de brutales, d'épouvantables cruautés. Nous parlons donc de ce qu'est penser, pas comment penser, ou penser ensemble. Quand nous comprenons la nature de l'acte de penser, pas seulement verbalement ou intellectuellement, mais comprenons la qualité de l'acte de penser, sa source, quand nous le saisissons vraiment, nous pouvons alors aller bien plus loin. Mais se contenter de rester dans le domaine du penser – les avocats habiles, les avocats ombrageux, tous pensent, qu'il s'agisse de l'hermite, qu'il s'agisse du moine, que vous soyez lié à votre femme et reconnu, tout cela est le mouvement de la pensée. Soit nous pensons ensemble et formons donc une clique, ou appartenons ensemble à un état idéologique, pensant ensemble à devenir catholique, protestant, et toutes les subdivisions de la chrétienté. N'avez-vous pas remarqué que dans ce petit village il y a une dizaine d'églises. Oh, j'ignore le nombre, on ne les a pas comptées. Mais c'est toujours penser.
18:31 Et ayant traité cette question de 'qu'est-ce que penser', nous n'y reviendrons pas maintenant. Si cela vous intéresse, vous pouvez lire ou penser à ce sujet, ce n'est pas compliqué. Tout notre 'penser' repose sur la mémoire, repose sur le savoir. Quel que soit ce savoir, si vaste ou cumulatif soit-il, ou le savoir d'un être humain totalement ignorant, ne sachant ni lire, ni écrire, vivant dans un petit hameau, dans un abri précaire, cet être humain pense toujours.
19:31 Penser repose donc sur l'expérience, et l'expérience est toujours limitée, donc le savoir est toujours limité, maintenant, dans le futur ou le passé. Et nos souvenirs sont toujours limités, car ils reposent tous sur le savoir et l'expérience. Donc penser se situe toujours, toujours dans le futur, dans le présent ou dans le passé, c'est limité. Là où il y a limitation il y a forcément conflit. Si l'on pense tout le temps à soi, comme le fait la plupart des gens – à leur apparence, leur démarche, leur comportement, à leur religion, à leur foi, etc., pensant sans fin à eux-mêmes, à leurs idées et ainsi de suite. Penser a donc divisé l'humanité : Américains, Russes, Asiatiques, Indiens, Extrême ou Proche Orient, Juifs, Arabes, etc. Donc là où prévaut la pensée limitée – et la pensée est toujours limitée – il y a forcément conflit, soit conflit physique, soit conflit intellectuel ou conflit idéologique ou conflit entre homme et femme, ce qui continue maintenant.
21:17 Alors à la fin de la journée nous devons nous demander, au vu de tout ceci, qu'est-ce que la liberté ? Peut-il jamais y avoir une liberté totale, une liberté sans faille ? Le mot 'liberté' signifie également non seulement agir librement, penser librement, mais à l'origine, ce mot comporte aussi l'amour. Liberté signifie aussi compassion. Et nous avons fait de cette liberté – qui est la chose la plus extraordinaire, si absolument nécessaire aux êtres humains – une très, très petite affaire. A savoir, chacun veut faire exactement ce qu'il veut, ou avoir ce qu'il pense être son dû. Et ceci limite l'immense liberté qu'implique ce mot. La liberté n'est pas à l'égard de quelque chose, de mon complexe ou de mon préjugé, tout cela est assez puéril. Excusez-moi d'user de ce mot. La liberté implique la fin totale, non seulement de l'attachement – cela encore est un attribut de son ego – mais l'absence du 'moi', l'absence totale d'intérêt pour soi. Parlons-en ensemble.
23:50 Et nous allons parler ensemble ce matin, comme nous l'avons fait la veille, de : pourquoi vivons-nous dans le désordre ? Parce que nous allons parler ensemble de la mort, comme nous l'avons annoncé hier matin. Ce n'est pas un sujet morbide. Ce n'est pas une chose à éviter. Cela ne concerne pas que les gens âgés. Cela s'applique de l'instant de votre naissance à votre mort. C'est le lot individuel de chacun de nous. C'est une certitude. Il pourrait ne pas y avoir d'autre certitude, de finalité. Mais la mort confronte chacun de nous. Nous allons en parler présentement. Mais il s'agit de comprendre l'immense signification de la mort, pas la peur de la chose ou comment la surmonter, comment y faire face agréablement comme l'indiquent des livres à ce sujet. Jolie idée, n'est-ce pas ? Comment être heureux de mourir. Nous allons donc en parler.
25:29 Mais avant de le faire, nous devrions le découvrir par nous-mêmes, car cela pourrait être lié, veuillez écouter calmement. Nous parlons ensemble amicalement, sans vous persuader de quoi que ce soit, sans vous réconforter, sans dire 'oui, il y a quelque chose au delà de la mort'. Ces jeux ont été pratiqués par chaque religion, chaque gourou, chaque escroc. Ne riez pas je vous prie, c'est bien trop sérieux – non qu'il ne faille pas de l'humour, il est bon de rire, mais le rire peut être un moyen d'éviter les faits. Il faut donc en être conscient. Non qu'il ne faille pas d'humour, riez de tout votre saoul à une bonne plaisanterie. L'orateur a une collection de plaisanteries, pas vulgaires, de bonnes plaisanteries. Mais l'orateur ne va pas s'étendre là-dessus.
27:06 Donc nous devons d'abord considérer, comme on l'a fait auparavant, mais approfondir un peu plus pourquoi les êtres humains, quelqu'en soient la race, le culte, le groupe, etc., pourquoi vivent-ils dans le désordre ? Quelle est la raison, la cause, la racine du désordre ? Nous nous posons mutuellement cette question. S'il vous plaît, n'attendez pas que l'orateur réponde à la question, car la responsabilité de la question vous incombe. Et votre responsabilité est de découvrir pourquoi nous acceptons le désordre. Partout dans le monde poltique, réligieux, économique et social, il y a un tel désordre. La guerre est le désordre ultime. Alors quelle est la racine du désordre ? S'est-on jamais posé cette question ? Ou est-ce uniquement parce que vous vivez dans le désordre que vous tentez de trouver l'ordre ? Vous comprenez ma question ? Un cerveau désordonné ne peut trouver l'ordre – n'est-ce pas, cela paraît si normal, si sain – si je sois troublé, incertain, pris dans l'ennui de la vie, et l'ennui d'avoir à faire et refaire des choses, qu'il s'agisse d'un acte sexuel ou idéologique. Nos cerveaux sont devenus si mécaniques parce que les spécialistes nous ont informatisés. Pardon s'il y a des spécialistes ici. Nous avons été informatisés, programmés par les religions à croire ceci et pas cela.
29:56 Donc, nous nous demandons mutuellent si la cause du désordre est en nous, dans notre cerveau, si c'est une des causes. Nous allons examiner cela, sans dire : ceci est la seule cause, ou il y a plusieurs causes. Nous devons découvrir la vraie cause, pas les multiples causes ou les causalités. C'est-à-dire ? Pourquoi nous vivons dans un désordre qu'il nous faut confronter. Si vous ne voulez pas le confronter, tant pis. Mais pour être honnêtes, si vous voulez découvrir la causalité du désordre, il nous faut chercher sans prendre parti, sans accuser quelqu'un du désordre ou la société dans laquelle nous vivons. La société dans laquelle on vit, on l'a faite – grands-pères, arrières grands-pères. Et nous fabriquons la société par notre avidité, notre ambition, notre agression, notre égoïsme et ainsi de suite. Telle est la société que nous avons créée, les différences religieuses, nationales, et ainsi de suite. Car nos cerveaux sont fragmentés, ils ne sont pas intégraux, complètement actifs. Il sont morcelés intérieurement, par le désir, par le plaisir, par l'agression, la violence, etc. Ils ne sont jamais holistiques. Est-ce là une des causes du désordre ? Suivez-vous ceci ? Car nos cerveaux ont été tellement conditionnés, tellement programmés – c'est le mot juste – comme un ordinateur. Et ainsi ils pensent selon un certain schéma, agissent selon leur foi, selon leur expérience. Est-ce là la cause de notre désordre ? Nous examinons, observons, questionnons, sans analyser.
33:09 Pouvons-nous creuser un peu cela ? Nous avons nié l'auto-analyse ou l'analyse par les experts. L'analyse implique qu'on analyse, qu'on dissèque. Et qui est-ce qui analyse ? Vous comprenez ma question ? Je vous demande qui effectue l'analyse ? Pas seulement politique, religieuse etc. mais l'analyse de soi, l'illusion de soi. Disons : je ne dois pas m'illusionner, je dois être honnête. Donc, nous cherchons, disons que ce n'est pas l'analyse, car l'analyseur qui dit 'j'analyserai' est l'analysé. Il n'y a pas de différence – écoutez ceci – il n'y a pas de différence entre l'analysé et l'analyseur. Ils sont identiques. Voyez-en le sens commun, la rationalité. Mais nous avons séparé l'analyseur de l'analysé, ou plutôt de la chose à analyser. Ainsi il y a conflit entre l'analyseur et la chose qui doit être analysée. Mais s'ils ne font qu'un, comme c'est le cas, alors tout le problème change complètement. Il n'y a pas de penseur distinct de la pensée. N'est-ce pas ? La pensée fait le penseur. Mais le penseur se dit : je suis distinct de la pensée, donc je peux la maîtriser. Vous comprenez ? Une fois que vous le comprenez réellement, le conflit prend un tout autre sens.
35:37 Donc nous n'analysons pas. Il n'y a que l'observation, pas l'entité qui observe. N'est-ce pas ? Il n'y a que l'observation des choses telles qu'elles sont. Dès qu'on dit 'je dois observer très attentivement, est-ce que j'observe bien, est-ce juste, est-ce faux, vous analysez, séparant l'observateur de l'observé. Certes, vous n'êtes pas l'arbre. J'espère que non. Mais quand vous observez ces chênes, observez-les sans dire 'j'aime, je n'aime pas, c'est beau, ce n'est pas beau', etc. Donc il n'y a qu'observation. Et cette observation très claire, sans aucun biais, préjugé, etc., est elle-même action. Nous allons voir cela. Donc nous observons. Observons le désordre de notre vie quotidienne, son ennui, la fatigue, son côté mécanique et ainsi de suite.
37:07 Alors le désordre est-il causé par cette division en soi ? Je dois être bon, je suis violent, mais un jour j'en serai délivré. Je suis avide, cruel, mais un jour je serai... ainsi l'entité qui dit 'je suis différent de la qualité', entre alors en conflit avec la qualité. Mais la qualité est vous. Vous le comprenez ? Si vous comprenez vraiment ceci en profondeur, vous éliminez alors complètement le conflit, qui est la causse du désordre. Je me demande si vous le comprenez. Regardez, je ne suis pas différent de ma qualité, de mon avidité. Mais j'ai dit 'tel a été mon conditionnement, l'avidité est une chose extérieure ou intérieure que je dois maîtriser.' Ou je cède à l'avidité. Mais le fait est que l'avidité est moi. Je ne suis pas distinct de l'avidité. Vous l'avez compris ?
38:44 Alors cette division psychologique en chacun de nous pourrait être une des causes essentielles du désordre. Vous le comprenez, M. ? Ah, si vous le pouviez ! Ce n'est pas un exploit intellectuel. Ce n'est pas une chose que l'on peut cultiver. Voyez cela comme un simple fait. A savoir que tant qu'il y a en moi une division psychologique – je suis différent de ma qualité, de ma parole, de mon image, de la violence – cette différence amène le conflit, et le conflit pourrait être la racine du désordre. N'est-ce pas ? Et quand il n'y a pas de séparation en tant qu'acteur et la chose actée, les deux choses n'en formant qu'une, inséparable, si cela est réel, vrai, honnête, effectif, alors le conflit cesse et un tout autre mouvement prend place.
40:28 Donc une des causes du désordre est la séparation entre nationalités, religions – Hindous, Bouddhistes, Chrétiens – vous connaissez toute cette division qui a lieu dans le monde. Quand il y a cessation du désordre, l'ordre est alors naturel, non cultivé, ce n'est pas quelque chose que vous répétez jour après jour. Il vient naturellement, facilement, librement. Et gardons à l'esprit que le conflit est l'essence du désordre, entre l'homme et la femme, entre Dieu et l'homme – si Dieu existe – entre le bien et le mal. Faites attention ici : le bien n'est pas enraciné dans le mal. Il n'a pas de racines dans le mal. Vous le comprenez ? Le bien n'est pas l'opposé du mal. Si le bien a un lien avec le mal, le bien est encore limité par le mal. N'est-ce pas ? Vous le comprenez ? Allons MM., remuez-vous. Exemple de l'opposé : l'opposé de la violence est la non-violence. Si le bien est issu de la compréhension de la non-violence alors ce n'est pas le bien. Le bien n'a pas de lien avec le mal. C'est le fait réel.
42:48 Alors, parlons de la mort. Parce qu'après la mort il faudra encore parler de ce qu'est la religion. Qu'est-ce que l'homme a recherché, depuis la nuit des temps, mis à part le réconfort, face à la douleur physique, l'anxiété psychologique, etc., en disant : il doit y avoir quelque chose au delà de cette hideuse brutalité et vulgarité. Il doit y avoir quelque chose qui n'est pas le produit de la pensée, quelque chose d'immense, d'indicible. Nous allons le découvrir. Nous allons observer et apprendre ensemble à ce sujet. Il y a donc beaucoup à couvrir ce matin et on espère que vous aurez la patience, l'énergie, la vitalité de vous atteler à tout ceci.
44:10 La mort nous est commune à tous. Donc en parlant ensemble de ce sujet, qui a une signification extraordinaire – la mort n'est pas une sensation. Vous comprenez ? Ce n'est pas une chose qu'il faut pleurer, qu'il faut se rappeler, éviter, une chose que vous placez sur la cheminée et adorez. C'est un acte immense. Nous allons donc en parler ensemble. L'homme a toujours eu peur de la mort. C'est un fait. Pourquoi ? Que signifie la mort ? Pas ce qu'il y a au delà de la mort, nous allons voir cela dans un instant. Mourir est une chose extraordinaire. Pas une chose à éviter, on ne peut l'éviter. On peut mourir quand on est très jeune, de maladie, par suite d'un accident, d'une faute des parents, d'un excès de boisson, de tabac, vous savez tout ce qu'implique cette hideuse société. Et il y a la mort due au grand âge, à un accident, une maladie, la sénilité, etc. Nous allons donc étudier cela ensemble. Ensemble, veuillez toujours garder cela à l'esprit. Votre énergie va s'appliquer à la découverte de la signification, la profondeur de cet évènement extraordinaire.
46:41 Cela implique essentiellement deux choses. Une continuité et la fin d'une continuité. Nous avons vécu 40, 50, 90, 120 ans, peu importe la durée, et pendant ce long intervalle entre la naissance et la mort nous avons acquis tant de choses. Non seulement des choses physiques – voitures, maisons, si vous avez de la chance, un champ d'environ un quart d'hectare, et vous avez acquis du savoir, de l'expérience. Vous avez emmagasiné un tas de souvenirs, beaucoup d'expérience. Vous avez acquis, accumulé tant extérieurement que psychologiquement. Vous ne voulez pas être privé de ce que vous avec acquis, de ce dont vous vous souvenez, de ce dont vous avez souffert. Donc nous voulons, et nous avons une longue continuité. Un héritage racial, des expériences collectives limitées. Nous sommes des écureuils collectionneurs. N'est-ce pas ? Et nous sommes extrêmement attachés à ce que nous avons accumulé. Et c'est une continuité. Ce pourrait être une continuité de dix jours ou de cent ans. La continuité de la traditiion, la continuité d'identification à une race, à un groupe, à une famille. Vous comprenez ? Ce désir, cette insistance à continuer, non seulement ma personne, mais l'héritage que j'ai collectionné. Si je meurs, mon fils est là pour continuer. Il hérite de ce que j'ai collectionné physiquement et aussi psychologiquement.
49:42 Il y a donc cette longue durée, siècles après siècles, de collection et de continuité. N'est-ce pas ? La mort arrive, c'est-à-dire, l'organisme dépérit. Nous l'avons utilisé soit sainement, rationnellement, soit de mauvaise façon en usant de drogues, etc. L'organisme prend donc inévitablement fin. La fin est la mort. N'est-ce pas ? Il nous faut donc examiner ce que finir signifie. Vous comprenez ? Continuité et la fin. Nous sommes ensemble ? Nous parlons ensemble ? Ceci est une conversation entre vous et l'orateur. Il y a donc cette continuité à laquelle vous vous accrochez, et il y a la fin de cette continuité. On doit donc comprendre ce que continuer signifie. Et l'on dit : je vais mourir, mais il y a quelque chose après, je vivrai une autre vie. Il y aura une prochaine vie. Tout le monde asiatique, pythagoricien, et certaines personnes occidentales de l'ancien temps affirment que c'est ainsi. Et tous les Orientaux croient plus ou moins en une renaissance, parce qu'ils veulent continuer. Ils ne se sont jamais demandés – certains l'ont fait parmi les anciens – qu'est-ce qui continue ? Y a-t-il la moindre continuité ? Le demandez-vous ? Non, pas vous. Je vous le demande. Pour l'amour du ciel ! Y a-t-il la moinde continuité ? Et s'il n'y en a pas, qu'en est-il ? Pourquoi continuer à collectionner ? Donc je ne collectionnerai pas – ils deviennent alors des ermites, ces moines indiens, vous savez tout cela – je ne collectionnerai pas, je n'ai collectionné qu'une seule idée, celle de mon Dieu, mon sauveur, mes gourous, cet unique objet et donc je m'y accroche.
53:01 On sait donc ce que signifie avoir une continuité. Il faut alors chercher ce que finir signifie. Finir, volontairement, pas d'une maladie due au grand âge et d'une horrible douleur, tout cela. Que veut dire finir quoi que ce soit ? Donc on demande : la continuité relève-t-elle de la création ou de l'invention ? Vous suivez tout ceci ? Le faites-vous ? La continuité peut-elle jamais être créatrice ? Ou bien, là où il y a continuité en tant que savoir, il y a invention. C'est-à-dire, l'invention repose sur le savoir. L'invention scientifique, mécanique, etc., découle d'un savoir précédent. Donc suivre la même ligne, accumulant davantage de savoir, inventant toujours plus, c'est ce qui a lieu techniquement dans le monde.
54:33 Alors la création – la création, pas que le bébé – la création est-elle liée à la fin ? Vous comprenez ? Nous allons le découvrir. Oh, vous autres ! Je parle, vous ne me rejoignez pas. Ne vous fatiguez pas trop, je vous prie. Alors qu'est-ce que finir ? Puis-je mettre fin – écoutez s'il vous plaît – à l'habitude ? Puis-je y mettre fin demain ? Ou aujourd'hui ? Creusez cela. Volontairement, non par désir ou suite à une directive, on vous dit d'y mettre fin moyennant récompense, et toute cette affaire immature, mais découvrez par vous-mêmes ce que signifie mettre fin à quelque chose, facilement, heureusement, sans aucun effort. Ce qui signifie mettre fin, non seulement à certaines habitudes physiques, mais aux habitudes que le cerveau a développées pour vivre en sécurité. Vous comprenez ? Y mettre fin. C'est ce que mourir signifie, n'est-ce pas ? Car nous sommes une vaste accumulation de souvenirs. Nous sommes un paquet de souvenirs. Je me demande si vous le voyez. Pas : je suis spirituel, et Dieu, et tout cela – c'est encore de la mémoire. Les Indiens ont leur propre explication. L'Atman – je ne vais pas aborder tout cela.
57:04 Donc la mort signifie la fin. N'est-ce pas ? Cela pourrait ne pas vous convenir, mais c'est un fait. Vous ne pouvez pas tout emporter avec vous. Vous pourriez tout garder jusqu'au dernier moment – si vous avez un compte en banque, et êtes dans le confort – jusqu'à la dernière minute. Nous connaissions un homme qui avait amassé beaucoup d'argent, était immensément riche et était en train de mourir. Son armoire en était pleine. Littéralement. Il se trouvait que j'étais là. Il dit à son fils d'ouvrir l'armoire pour contempler les diamants, l'or et les billets de banque. Il regardait cela avec bonheur alors qu'il mourait. Je sais ! Il ne réalisa jamais qu'il mourait parce qu'il chérissait énormément l'argent – pas la mort – qui se trouvait dans l'amoire. Alors y a-t-il une fin à ses profonds souvenirs, à son attachement ? Ah, voyons cela.
59:00 Y a-t-il une fin à votre attachement ? Qu'est-ce que l'attachement ? Pourquoi sommes-nous attachés à une chose ou l'autre, à la propriété, l'argent, l'épouse ou le mari, à une conclusion stupide, à un concept idéologique, pourquoi y sommes-nous si attachés ? Cherchez. Parlons-en ensemble. Et les conséquences de l'attachement :
59:55 si je vous suis attaché, si l'orateur est attaché à vous, l'auditoire, pensez à l'état dans lequel doit être son cerveau. Il a peur de ne pas avoir d'auditoire. Il s'énerve, devient presque apoplectique, et il est attaché à exploiter les gens pour sa réputation. Vous comprenez ? Donc les conséquences de l'attachement, si vous observez très attentivement, qu'il s'agisse d'une épouse, d'un mari, d'un garçon, d'une fille ou d'une idée, d'un tableau ou d'un souvenir, d'une expérience, les conséquences sont que cela cultive la peur de perdre. N'est-ce pas ? Et de cette peur nait la jalousie. Comme nous sommes jaloux de ceux qui sont au pouvoir, vous suivez ? Toute la jalousie. De la jalousie découle la haine. Bien sûr, la jalousie est de la haine. Et quand on est attaché, il y a toujours cette suspicion, ce secret. Ne l'avez-vous pas remarqué ? Inutile que je vous le dise. C'est si courant dans le monde. Et si l'on est attaché à une chose ou à une idée, une personne, peut-on y mettre fin maintenant ? C'est cela la mort. Ce qui signifie : pouvez-vous vivre toute la journée avec la mort ? Pensez-y, approfondissez-le. Vous en verrez la grandeur, l'immensité. Il ne s'agit pas de se suicider, nous ne parlons pas de toute cette stupidité, mais de vivre avec cela, de mettre fin à tout sentiment d'attachement, à tout sentiment de peur, ce qui équivaut à avoir un cerveau actif, actif sans direction, sans but, etc. Actif. C'est-à-dire vivre chaque instant avec la mort, sans jamais accumuler, amasser, donner de continuité à quoi que ce soit. Si vous le faites, vous verrez ce que cela signifie. C'est cela la vraie liberté. Et de cette liberté vient l'amour. L'amour n'est pas l'attachement, n'est pas le plaisir, le désir, l'accomplissement.
1:04:03 Et nous devrions parler ensemble de ce qu'est la religion. Allons-nous poursuivre ? Etes-vous fatigués ? Aimeriez-vous reprendre votre souffle ? C'est un sujet très sérieux – la mort et toutes les autre tentatives humaines, expériences humaines, souffrance, douleur, chagrin. Voici encore une question très importante : qu'est-ce que la religion ? Pas le mécréant ou le croyant, mais depuis l'époque des anciens, ceux-ci disaient : cela ne suffit pas, notre mode de vie n'a pas de sens. On peut donner un sens à la vie qui est un processus intellectuel. Mais la vraie profondeur et la signification de la vie, qu'en est-il ? Et donc au cours de leur recherche ils dirent : il doit y avoir quelque chose au delà de tout ceci. Et le mot spécifique 'religion', ils n'en ont pas trouvé le sens, sa signification étymologique. Il nous faut donc découvrir ensemble qu'est-ce que la vraie religion, pas la religion inventée par la pensée, pas la religion organisée, comme la chrétienté, comme l'hindouisme ou le bouddhisme. Cela n'est pas la religion. Ce n'est qu'une autre grosse affaire. N'est-ce pas ? Je ne condamne pas la chose. Nous l'observons. Je l'entends bien ainsi. Il n'y a chez l'orateur aucun sentiment de condamnation, il se contente de mentionner ces faits, que nous évitons. Et maintenant, nous y faisons face. La chrétienté est une des choses les plus vastes, les plus riches au monde. Il y a en Inde du Sud un temple qui collecte un million de dollars tous les 3 jours. N'est-ce pas ? Ces millions de dollars financent des universités, des collèges, la nourriture des pauvres et tout le travail social courant, mais ce n'est pas la religion : se rendre à l'église une fois par semaine – désolé de rire de tout cela – la confession hebdomadaire, accepter l'hostie, revêtir l'habit médiéval et tous les chants, les danses ou tout ce que vous faites dans ces endroits. Pour nous, c'est ce qu'est la religion qui n'a rien à voir avec notre vie quotidienne, infortunée, misérable, heureuse ou malheureuse. C'est une chose traditionnelle dans laquelle nous avons été élevés. On peut la refuser et dire : tout cela est de l'ineptie et devenir cynique à ce sujet.
1:08:43 Mais si l'on est sérieux, et l'on espère que vous l'êtes, ne fût-ce que ce matin, qu'est-ce qu'avoir un cerveau religieux ? Pour l'orateur, le cerveau est différent de l'esprit. Doucement, je vais un peu l'expliquer. L'activité du cerveau n'est pas seulement neurologique, mais aussi psychologique. N'est-ce pas ? C'est le centre de toute sensation, c'est le centre de toute stimulation – sensation, besoins, désirs. C'est le centre de toute pensée. Et il est limité. Il peut inventer Dieu, inventer un immense espace, mais c'est toujours dans le domaine du cerveau. Vous comprenez ? Tandis que l'esprit est en dehors du cerveau. N'admettez pas ceci, svp. Bien que nous en ayons discuté avec des scientifiques, certains d'entre eux l'admettent, d'autres disent, le pauvre, il est étrange. C'est très bien.
1:10:19 Alors, examinez cela soigneusement vous-même. L'orateur n'est pas une autorité, alors n'admettez pas l'autorité à ce sujet, grand Dieu, voyez-le par vous-même. Votre cerveau est conditionné, programmé, éduqué pour être diplômé d'Oxford, de Cambridge, d'Harvard, d'ici, etc., du savoir distillé. Vous acquérez du savoir auprès du professeur, et puis le transmettez. Et toute l'activité se situe dans le crâne, et donc tout ce qu'il peut imaginer se situe toujours dans le cerveau. Par conséquent c'est limité. L'amour n'est pas dans le cerveau. Voyez-le, pour l'amour du ciel. L'amour ne peut se situer dans le cerveau. Vous ne pouvez penser à l'amour – l'amour entre vous et votre femme ou mari, peu importe – Il est là en tant que sensation. Par conséquent, cette sensation n'est pas l'amour. La mort n'est pas une sensation. N'est-ce pas ? Ainsi pour l'orateur, le cerveau est distinct de l'esprit. Nous le verrons si nous avons le temps. Cela ne vous fait rien que je prolonge un peu ?
1:12:18 Auditoire: Non, bien sûr.
1:12:25 K: Nous pouvons donc voir, si vous êtes sains, rationnels, observant tout à fait impersonnellement, sans aucun parti pris, que tout ce que l'homme a construit en tant que religion n'est pas la religion : l'encens, les rituels, la vénération, la prière, toute la hiérarchie, l'immense fortune de ces gens, les merveilleuses peintures, le Vatican, les fantastiques joyaux de certains temples en Inde. Assurément, la vénération, la génuflexion, tout cela n'est pas la religion. Ne vous fâchez pas. Contentez-vous d'écouter, d'observer.
1:13:39 Les fondamentalistes, les évangélistes, pas seulement les fondamentalistes de ce pays, l'Iran et le monde musulman. Et ce fondamentalisme croît lentement, comme une terrible maladie, en Inde aussi. Car cela leur donne un sentiment de pouvoir, de situation, et c'est limité. Alors tout cela, les prêches, les sermons, toute la beauté des merveilleux rituels catholiques – si vous avez vu les cardinaux officiant à Venise ou à Rome, c'est un merveilleux spectacle. C'est comme une revue militaire, mais c'est beau. Mais ce n'est pas la beauté dont nous avons parlé l'autre jour. Tout cela n'est donc pas la religion. N'est-ce pas ? L'intellect est le pouvoir de discerner, le pouvoir de distinguer, de voir ce qui est vrai, ce qui est faux, tel est le pouvoir de l'intellect. Et le monde des intellectuels a nié tout ceci. Non que l'orateur soit un intellectuel – je me borne à le dire. Tout cela n'est pas la religion. Le cerveau qui a été conditionné à tout ceci peut-il s'en libérer ? Pas demain, maintenant. Il n'y a pas de demain. Nous l'avons vu. Le temps – laissons cela de côté, c'est trop long. Le temps est maintenant. Alors si cela finit, si tout cela n'a pas de sens, on peut alors demander : qu'est-ce que la religion ? N'est-ce pas ?
1:16:17 Ensuite vient toute la question : qu'est-ce que la méditation ? Découvrir la méditation, la découvrir, pas l'expérimenter. Vous comprenez ? Voir ce qu'est la vérité. Pas ma vérité ou la vôtre, ou la vérité chrétienne ou hindoue. Si c'est la mienne et la vôtre, alors ce n'est pas la vérité. N'est-ce pas ? C'est la mienne. Je la garde, et vous aussi. Comment cela se peut-il ? L'amour n'est ni à moi, ni à vous. Donc la vérité n'a pas de nationalité, de religion, aucune voie, aucun système n'y mènent. Il faut donc y venir, la découvrir. Pas je découvre, vous découvrez : le voir ensemble. Et il y a toute cette question de la méditation, de la lucidité, de l'attention. N'est-ce pas ?
1:17:54 La méditation est le mot indien que les gourous ont importé dans ce pays. Le sens de ce mot est 'réfléchir à', d'après le dictionnaire. Soupeser, réfléchir à, s'informer de quelque chose, méditer. Je médite à propos du livre que je vais écrire. Ou je médite à propos du tableau que je vais peindre. Mais la méditation est apparemment autre chose. Il y a la méditation des Bouddhistes Zen. Si le mot 'Zen' vous intéresse, il vient du mot sanskrit 'Ch'an'. Et l'un des prêtres bouddhistes alla en Chine au 6ème siècle et y prêcha le bouddhisme. Et comme ils ne pouvaient prononcer Ch'an, cela devint 'Zhia', puis les Japonais le reprirent et cela devint 'Zen'. On m'a dit cela, mais je puis me tromper. Prenez-le comme vous voulez. Il y a donc tout le mouvement, l'appréciation et les livres traitant du Zen. Puis il y a la méditation bouddhiste, qui est très compliquée. Je ne vais pas l'aborder. Et il y a la méditation hindoue. Puis les gens du Tibet ont apporté leur méditation. Et les gourous inventent leur propre méditation. En sanskrit, le mot 'gourou' signifie 'poids' – poids, lourd. Et ce mot a aussi d'autres significations : à savoir, celui qui aide à éradiquer l'ignorance. Vous comprenez ? Pas celui qui impose son ignorance à d'autres. Je suis heureux qu'on puisse rire. Il a plusieurs autres significations, mais cela suffit.
1:21:02 Donc la méditation qui se pratique actuellement dans le monde entier est un acte délibéré, une pratique systématique : s'asseoir jambes croisées, respirer d'une certaine façon, maîtriser sa pensée, taire ses réactions, tenir, maîtriser, réprimer, ou devenir peu à peu conscient de tout son corps – je ne vais pas l'aborder – la lucicité, et rester éveillé, ne pas s'endormir. Il y a plusieurs systèmes et méthodes. Certains sont agréables, d'autres pas. Pour certains, il y a un gourou qui vous maintient éveillé, soit en criant, soit en vous frappant légèrement. Oh oui, c'est bien ce qui a lieu. Ou vous méditez sur une image, ou un symbole, ou la phrase d'un poème. Tout cela implique une direction, une maîtrise, une limite d'énergie, se forçant. Bien ? Pour l'orateur, tout cela n'est pas la méditation. Pour l'orateur – ne l'admettez pas, je vous prie – il y a une toute autre sorte de méditation. Parce que les précédentes sont le produit de connivence, d'intrigue. N'est-ce pas ? Alors, peu à peu, si vous les pratiquez, votre cerveau se ramollit inévitablement. Et vous pouvez recourir aux rayons X ou alpha et tout cela, ce qui démontre qu'on peut excellemment faire des choses extraordinaires, mais c'est encore très limité. Donc l'orateur dit : veuillez ne pas du tout admettre tout ceci. Car il ne vaut rien d'admettre et dire : vous avez raison, ou tort, c'est absurde. Contentez-vous de l'observer. La méditation consciente n'est pas la méditation. La méditation délibérée vaut toute autre forme d'accomplissement, dans les affaires : je débute en étant pauvre pour devenir riche. Quelle différence y a-t-il entre l'homme en quête d'argent, de pouvoir, de situation, et celui qui dit : je vais méditer pour parvenir au nirvana, au paradis ou au silence ? Aucune. Les deux visent à accomplir ce qu'ils veulent. Sauf que l'un appelle cela spirituel et l'autre, les affaires. Et on avale les deux.
1:24:24 Alors y a-t-il une méditation qui ne soit pas délibérée ? Si vous posez cette question en écartant tout, vous le découvrirez. Ce qui signifie – si vous avez envie d'approfondir la chose – un cerveau libre de tout le savoir accumulé. Confrontez-le. Car tout savoir est conditionnant. N'est-ce pas ? Car le savoir est toujours limité – nous l'avons vu l'autre jour – Pourquoi ? Parce qu'il repose sur l'expérience. Et l'expérience est toujours limitée – celle de Dieu, ou toute autre; vous avez inventé Dieu à partir de votre peur, votre anxiété, désir de sécurité, de réconfort, pour pouvoir compter sur l'appui de quelqu'un.
1:25:52 Donc le cerveau, qui a son propre rythme – l'orateur n'est pas un spécialiste du cerveau, mais il a observé, non seulement son propre petit cerveau, mais le cerveau de l'humanité – et ce cerveau bavarde sans cesse, priant, demandant, implorant de l'aide, il est formidablement actif. Et cette activité peut-elle se calmer ? [Peut-on] devenir très tranquille, silencieux, sans aucun mouvement ? Un silence non-induit, non-cultivé. Il y a beaucoup à dire à propos du silence, pas maintenant, car il est presqu'une heure. Le silence entre deux bruits. Le silence entre deux guerres, la paix. Vous comprenez ? Le silence entre deux notes. Entre deux mots. Entre deux pensées. Tout cela n'est pas le silence. Ce n'est pas le cerveau silencieux, tranquille, absolument paisible, vide de tout ce que l'homme a récolté. Et depuis l'origine, l'homme a toujours été en quête de ce qui n'a pas de nom. Il lui a attribué différents noms, divers aspects – ici, dans la chrétienté, c'est une chose, dans l'hindouisme, une autre. Dans l'hindouisme, vous pouvez croire ou non, vous êtes toujours un Hindou. Vous comprenez ? Vous pouvez ne jamais aller au temple, être absolument sceptique, douter, tout en restant Hindou. Ils avaient des cerveaux merveilleusement cultivés. Maintenant tout devient du business.
1:28:41 Il y a donc une méditation qui n'est pas consciente, délibérée. Il y a dans cette méditation une tranquillité absolue. Ce n'est pas la tranquillité de la pensée. Cette tranquillité n'est pas le produit de la pensée. C'est pour cela qu'il importe de bien comprendre la pensée, l'acte de penser, etc. Et quand le cerveau est absolument tranquille, alors ce qui n'a pas de nom est. Cela ne peut être décrit, ne peut être qualifié, ce n'est pas le sauveur, rien, c'est tout autre chose.
1:29:35 Il y a donc ce quelque chose qui est au delà du temps, car tout temps a cessé. C'est la vraie méditation, c'est le véritable esprit religieux. Pouvons-nous nous lever ?