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OJBR80CB12 - L'intelligence de l'amour
12e entretien avec David Bohm
Brockwood Park, Angleterre
16 septembre 1980



0:29 K: This is a dialogue which we have had in Ojai, California. We had there eight dialogues, Dr Bohm and myself, and two here, and one day before yesterday. So may we continue with that dialogue. Should anybody join this or not at all? We’re asking if anybody feels like joining this, unless it is very, very serious, would they join, or if they don’t want to, it’s all right. So it’s a conversation between Dr Bohm and myself. Let’s get on with it. K: Nous avons commencé ce dialogue à Ojai, en Californie, le Docteur Bohm et moi-même – huit dialogues là-bas – et maintenant trois ici, dont le dernier avant-hier. Nous poursuivons donc ce dialogue. Quelqu'un va-t-il se joindre à nous, ou pas? Si quelqu'un a envie de se joindre à nous, il faut qu'il soit très, très sérieux s'il veut participer. Personne ne veut, très bien. C'est une conversation entre le Dr Bohm et moi. Commençons.
1:49 We were saying the other day, a human being, who has worked his way through all the problems of life, both physical and psychological, and has really grasped the full significance of freedom from psychological memories and conflicts and travails, he comes to a point where the mind finds itself free but hasn’t gathered that supreme energy to go beyond itself. That’s what we were discussing the other day. Can we go on from there? Right, sir?

B: Yes.
L'autre jour, nous disions que l'être humain qui s'est frayé un chemin dans tous les problèmes de la vie physiques et psychologiques, et qui a saisi pleinement tout le sens d'être libre des souvenirs, des conflits et des épreuves du mental, arrive à un état où l'esprit se retrouve libre mais n'a pas rassemblé l'énergie suprême de sortir de lui-même. Voilà ce dont nous discutions l'autre jour. Pouvons-nous partir de là? D'accord?

B: Oui.
3:05 K: Can the mind really – mind, brain, the whole psychological structure – be ever free from all conflict, from all shadow of any disturbance? K: L'esprit – l'esprit, le cerveau, toute la structure psychologique – peut-il vraiment être libre de tout conflit, de toute trace de dérèglement?
3:27 B: Self-disturbance. B: De ses propres dérèglements.
3:30 K: Self-disturbance. Can it ever be free? Or the idea of complete freedom is an illusion. K : De ses propres dérèglements. Peut-il jamais en être libre? Ou l'idée de liberté complète est une illusion.
3:41 B: Yes, that’s one possibility. B: Oui, c'est une possibilité.
3:44 K: One possibility. K: C'est une possibilité.
3:48 B: Some people may say we could have partial freedom. B: Certains disent qu'on peut avoir une liberté partielle.
3:51 K: Yes, partial freedom. Or human condition is so determined by the past, by its own conditioning, it can never free itself from it – some of those intellectual philosophers have stated this. K: Oui, une liberté partielle. Ou bien que la condition humaine est si déterminée par le passé, par son propre conditionnement, qu'il ne pourra jamais s'en libérer – c'est ce que disent certains philosophes.
4:12 B: Some people feel that’s the case. B: Certains pensent que c'est le cas.
4:16 K: And really the deep non-sectarian religious people – there must be some who are totally free from all organised religions and beliefs, rituals, dogmas – they have said it can be done. Very few have said this. K: Il est vrai que des gens profondément religieux, non sectaires – ça doit bien exister, des gens totalement affranchis de toute religion organisée, des croyances, rituels et dogmes – ces gens ont dit que c'est possible. Ils sont très peu à l'avoir dit.
4:39 B: Those who have said it is done through reincarnation. And in addition, that group says it will take a very long time. B: Ceux qui disent que c'est possible par la réincarnation. et, en plus, ce groupe ajoute que cela va prendre très longtemps !
4:47 K: Yes, they say it will take a very long time. You must go through various lives and suffer and go through all kinds of miseries, and ultimately, you come to that. But we are not thinking in terms of time. We’re asking, a human being, granting, knowing or aware that he is conditioned, deeply, profoundly, so that his whole being is that, can it ever free itself? And if it does, what is beyond? That’s what we were coming to. K: Oui, ils disent que cela va prendre très longtemps. Vous devez vivre de nombreuses vies, et souffrir, traverser toutes sortes d'épreuves pour en arriver finalement là. Mais nous ne raisonnons pas en termes de temps. Nous demandons si un être humain qui reconnaît, qui sait, ou qui réalise, qu'il est conditionné en profondeur, foncièrement, qu'il est cela dans tout son être, peut se libérer tout seul? Et, s'il le fait, qu'y a-t-il au delà? Nous en étions là.
5:40 Would that question be reasonable or valid, unless the mind has really finished with it, finished all the travail of life? As we said the other day, our minds are man-made. And is there a mind which is not man-made? Right, sir? That’s what we came to. How shall we find this out? We all know the man-made mind, with its consciousness, with all its content and so on. Need we go through that? No. Est-ce que cette question est valide, raisonnable, tant que l'esprit n'en a pas vraiment fini avec tout ça, fini avec toute cette... corvée de l'existence? Nous l'avons dit, nos esprits sont de confection humaine. Existe-t-il un esprit qui ne soit pas de confection? D'accord, Monsieur? C'est là que nous en étions. Comment allons-nous le découvrir? Nous connaissons tous cet esprit artificiel avec sa conscience, tous ses contenus, etc. Faut-il y revenir? Non.
6:33 B: We’ve done that already. B: Nous l'avons vu.
6:35 K: It’s a man-made mind. It is possible that it can free itself from its own man-made mechanical mind. K: C'est un esprit artificiel. Et il lui est possible de se libérer lui-même de son propre esprit mécanique et fabriqué.
6:51 B: There is a difficult thing to express there, which is, if this mind is totally man-made, totally conditioned, then in what sense can it get out of it? This is the kind of thing to say, if you said that it had at least a possibility of something beyond... B: On a ici un difficile problème d'expression : si cet esprit est totalement artificiel, totalement conditionné, dans quel sens peut-il s'en sortir? C'est une chose à éclaircir si on laisse entrevoir la possibilité d'une chose au-delà...
7:14 K: Then it becomes a reward, a temptation, a thing to be... K: Alors ça devient une récompense, une tentation, une chose à...
7:21 B: I think the question is to be able to put this consistently, logically: there seems to be an inconsistency in saying the mind is totally conditioned and yet it’s going to get out. I’m not saying it is inconsistent but it may appear to be inconsistent. B: je pense qu'il faut pouvoir l'exprimer de façon cohérente, avec logique : il semble qu'il y ait une incohérence à dire qu'un esprit tout à fait conditionné va pouvoir se sortir de là. Je ne dis pas que c'est incohérent, mais ça peut paraître incohérent.
7:44 K: I understand that question, but if one admits that there is a part which is not conditioned, then we enter into quite another... K: Je comprends la question, mais si l'on admet l'existence d'une partie non conditionnée on entre dans...
7:56 B: Yes, that’s another inconsistency. B: Oui, dans une autre incohérence.
8:01 K: Yes, into another inconsistency. In our discussions, we’ve said, the mind, being deeply conditioned, it can free itself through insight – that is the real clue to this. Would you agree to that?

B: Yes.
K: Oui, dans une autre incohérence. Nous avons dit, lors de nos discussions, que l'esprit profondément conditionné peut s'en libérer par l'insight – c'est la bonne piste, vous êtes d'accord?

B: Oui.
8:22 K: That insight – we went into what it is, the nature of it – can that insight uncondition the mind completely, wipe away all the illusions, all the desires and so on, can that insight completely wipe it out? Or is it partial? K: Cet insight – on a vu ce qu'il est, sa nature – cet insight peut-il déconditionner l'esprit complètement, balayer toutes les illusions, tous les désirs, etc., cet insight peut-il tout effacer? Ou est-ce partiel?
8:58 B: The first point is, if we say mind is not static – if one says it’s totally conditioned it suggests something static, which would never change. Now, if we say the mind is always in movement, then it seems in some way it becomes impossible to say what it is at this moment, and to say it has been totally conditioned. B: Si l'on disait d'abord que l'esprit n'est pas statique – dire qu'il est totalement conditionné suggère un objet statique, qui ne peut jamais changer. Maintenant, si nous disons que l'esprit est toujours en mouvement cela peut d'une certaine façon rendre impossible de savoir ce qu'il est en ce moment et de dire qu'il a été totalement conditionné.
9:24 K: No, suppose I’m totally conditioned, it’s in movement, but the movement is within a border. K: Non. Supposons que je sois totalement conditionné. Il y a un mouvement, mais un mouvement dans une limite.
9:33 B: It’s within a border, yes. B: Dans une limite, oui.
9:35 K: Within a certain field.

B: Yes.
K: Dans un certain champ.

B: Oui.
9:37 K: And the field is very definitely marked out, it can expand it and contract, but the boundary is very, very limited, definite. K: Le champ est parfaitement délimité, il peut s'étendre ou se contracter mais sa frontière est d'une grande précision.
9:51 B: Yes. And also this whole structure can die away. If we move within that structure, then we stay in some boundary. B: Oui. Et aussi toute cette structure peut s'évanouir. Tant qu'on bouge dans cette structure on reste dans l'enclos.
10:03 K: Now, it is always moving within that limitation. Can it die away to that? K: Pour l'instant, il bouge à l'intérieur de cette limite. Est-ce qu'il peut mourir à cela?
10:12 B: That’s another kind of movement, in another dimension, I think you’ve said.

K: Yes. And we say it is possible through insight, which is also a movement, a totally different kind of movement.
B: C'est un autre type de mouvement dans une autre dimension, vous l'avez dit.

K: Oui. Et nous disons que c'est possible par l'insight – qui est aussi un mouvement, un mouvement d'un genre tout à fait différent.
10:38 B: Yes, but now we say that movement does not originate in the individual – did we say that?

K: Yes.
B: Oui, mais nous disons que ce mouvement ne naît pas dans l'individu, nous l'avons bien dit?

K: Oui.
10:46 B: Nor in the general mind. B: Pas non plus dans l'esprit général.
10:48 K: It is not – quite right, yes, that’s what we discussed the other day. It is not an insight of the particular, or the general. We are then stating something quite outrageous! K: Tout à fait, oui, c'est ce que nous disions l'autre jour. Ce n'est ni l'insight du particulier ou du général. Nous déclarons là une chose tout à fait scandaleuse !
11:06 B: Yes, looking at that, it rather violates most of the sort of logic that people have been using, that either the particular and the general should cover everything, in terms of ordinary logic. Now if you’re saying there’s something beyond both, this is already a question which has not been stated, at least, and I think it has a great importance. B: Si l'on regarde bien, cela viole assez le genre de logique dont on s'est servi, qui est que le particulier et le général recouvrent absolument tout – dans la logique ordinaire. À présent, si vous dites qu'il y a quelque chose au-delà des deux voilà une question qui n'a pas encore été énoncée, pour le moins. Et je crois qu'elle est très importante.
11:33 K: How do we then state it, or how do we then come to it? K : Comment l'énoncer, ou plutôt comment l'approcher?
11:41 B: I’ve been noticing that I think people divide themselves roughly into two groups one group feels the most important thing, the ground, is the particular, concrete particular daily activity. The other group feels that the general, the universal is the ground.

K: Quite.
B: J'ai remarqué que les gens se divisent globalement en deux groupes : pour l'un la chose la plus importante, la plus fondamentale, c'est le particulier, l'activité concrète et quotidienne du particulier. L'autre groupe ressent que c'est le général, l'universel, qui est fondamental.

K: Tout à fait.
12:00 B: One is the more practical type, and the other the more philosophical type. And in general this division has been visible throughout history, also in everyday life, wherever you look. B: L'un est de type pratique, l'autre de type plus philosophique. Cette division générale est visible dans l'Histoire – aussi dans la vie quotidienne, où que vous regardiez.
12:15 K: But, is the general – we can discuss a little bit – separate from the particular? K: Discutons-en un peu. Le général est-il séparé du particulier?
12:22 B: It’s not, most people agree with that but the question is what is it that’s going to be given primary value? People tend to give emphasis to one or the other. Some people give the main emphasis to the particular. They say the general is there but if you take care of the particular the general will be all right.

K: Yes.
B: Non, d'accord, mais la question est : à quoi faut-il accorder plus de valeur? Les gens tendent à mettre l'accent sur l'un ou sur l'autre. Certains donnent toute la place au particulier, ils reconnaissent l'aspect général mais disent qu'en prenant soin du particulier l'aspect général ira très bien.

K: Oui
12:41 B: The others say the general is the main thing, the universal, and in getting that right you’ll get the particular right.

K: Quite,quite.
B: D'autres disent que tout ce qui compte, c'est le général, l'universel, et que si cela va bien le particulier va aller bien.

K: Oui, tout à fait.
12:50 B: So there’s been a kind of unbalance to one side or the other, a bias in the mind of man. Now what’s being raised here is the notion: neither the general nor the particular. B: Donc il y a toujours eu une sorte de déséquilibre entre les deux côtés, un parti pris de l'esprit humain. À présent, ce dont nous parlons ici n'est ni le général ni le particulier.
13:10 K: That’s right. That’s just it! Can we discuss it, have a conversation about it, logically? Using your expertise, your scientific brain and there is this man who is not all that, so can’t we have a conversation to find out if the general and particular are one, not divided at all. K: C'est juste. C'est tout à fait ça ! Peut-on en discuter, converser là-dessus – en toute logique? Usant de votre expertise, de votre cerveau scientifique, face à un homme qui n'est rien de tout cela, pouvons-nous, en en parlant découvrir si le général et le particulier ne sont qu'un, pas divisés du tout.
13:54 B: Also that it has to be no bias to one or the other. B: Et sans aucun parti pris pour l'un ou pour l'autre.
13:57 K: One or the other, quite. Not laying emphasis on one or the other. Then, if we don’t do that, then what is there? I don’t know if I’m... K: L'un ou l'autre, tout à fait, aucune insistance sur l'un ou sur l'autre. Et, si on ne le fait pas, qu'y a-t-il? Je ne sais si...
14:16 B: Then we have no easy way to talk about it. B: On n'a plus aucun moyen facile d'en discuter.
14:20 K: Yes. Yes. K: Oui, oui.
14:24 B: But we did discuss, I think in California, the ground. The question was we could say the particular mind dies to the general universal mind or to the emptiness, then saying that ultimately even the emptiness and the universal die into the ground. B: En Californie, nous avons discuté du fondement. La question était : l'esprit particulier meurt dans l'esprit général, dans l'universel, ou dans le vide, et que à la fin, même le vide et l'universel meurent dans le fondement.
14:40 K: That’s right, we discussed that. K: C'est vrai, nous avons discuté de cela.
14:42 B: I think that this kind of lead into... B: Je crois que cela nous mène à...
14:45 K: Would an ordinary person, fairly intelligent, agree to all this? See all this?

B: I’m not sure.
K: Un être ordinaire, assez intelligent, serait d'accord, verrait tout ça?

B: Je n'en suis pas certain.
14:53 K: Or would he say, ‘What nonsense all this is.’ K: Il dirait plutôt, 'Quelles âneries !'.
14:55 B: If it were just thrown at him, he would reject it as nonsense. It would require very careful presentation and some people might see it. But if you just say it to anybody... B: Dit de cette façon, il va dire que c'est absurde. En le présentant mieux certains pourraient le voir. Bien sûr, si vous le dites devant n'importe qui...
15:05 K: Of course. K:Bien sûr.
15:07 B: ...they'd say, whoever heard of that. B: ... il dira, 'On n'a jamais entendu ça !'
15:10 K: So where are we now? Wait. We are neither particular nor the general. That’s a statement which hardly reasonably can be accepted. K: Alors, où en sommes-nous maintenant? Un instant. Nous ne sommes ni le particulier ni le général. Voilà une déclaration qu'on peut difficilement trouver raisonnable.
15:28 B: Well, it’s reasonable in the sense that if you take thought to be a movement, rather than a content... B: Ma foi, c'est raisonnable... si l'on voit la pensée comme un mouvement plutôt qu'un contenu...
15:41 K: Thought to be a movement – quite, we agree to that. K: La pensée est un mouvement – oui, on était d'accord là-dessus.
15:44 B: ...then thought is the movement between the particular and the general. B: ... alors la pensée est le mouvement qui va du particulier au général.
15:48 K: But thought is the general, thought is the particular. K: Mais la pensée est le général, la pensée est le particulier.
15:51 B: But thought is also the movement.

K: Yes.
B: La pensée est aussi le mouvement.

K: Oui.
15:54 B: So in the movement it goes beyond being one or the other, that is, in movement. B: Dans le mouvement, elle cesse d'être une chose ou une autre – je dis bien, dans le mouvement.
16:01 K: Does it? K: Vraiment?
16:03 B: Well, it can, I said that ordinarily it does not, because ordinarily thought is caught on one side or the other. B: Ma foi, elle peut, mais d'ordinaire non, elle reste prise dans une option ou dans l'autre.
16:08 K: That’s the whole point, isn’t it? Ordinarily the general and the particular are in the same area. K: C'est tout le problème, n'est-ce pas? Le général et le particulier, normalement, se trouvent dans le même périmètre.
16:15 B: Yes, and either you fix on one or the other. B: Oui, on prend l'un ou l'autre.
16:18 K: Yes, but in the same area, in the same field. And thought is the movement between the two. Or thought has created both. K: Mais toujours dans le même champ, dans le même périmètre. Et la pensée est le mouvement entre les deux – ou la pensée a créé les deux.
16:32 B: Yes, it has created both and moves between. B: Oui, elle a créé les deux et se déplace entre eux.
16:34 K: Between and around it. K: Entre et tout autour.

B: Autour, dans ce périmètre.
16:36 B: Around and in that area. K: Oui, dans ce périmètre.
16:38 K: Yes, in that area. And it has been doing this for millennia. Elle fait ça depuis des millénaires.
16:48 B: And most people would feel that’s all it could do. B: On pense généralement que c'est tout ce qu'elle peut faire.
16:52 K: Now, we are saying, when thought ends, that movement which thought has created also comes to an end, therefore time comes to an end. K: À présent, nous disons que, quand la pensée prend fin, le mouvement que la pensée a créé arrive aussi à sa fin, et donc le temps arrive à sa fin.
17:09 B: We should go more slowly here...

K: Sorry.
B: Si nous allions plus lentement...

K: Pardon.
17:11 B: ...it’s a jump from thought to time, we’ve gone into it before but it’s still a jump. B: ... vous sautez de la pensée au temps, on l'a déjà examiné, mais ça reste un grand pas.
17:18 K: Right. Because first, let’s see. Thought has created the general and the particular, and thought is a movement that connects the two, thought moves round it, so it is still in the same area. K: D'accord. Voyons cela. La pensée a créé le général et le particulier et la pensée est un mouvement qui connecte les deux ou qui tourne autour, toujours dans le même périmètre.
17:38 B: Yes, and doing that it has created time, which is part of the general and the particular, time is a particular time and also a general time. All time, for ever. That sees this particular time in the whole of time. B: Oui, et ce faisant il a créé le temps, qui fait partie du général et du particulier, le temps est un temps particulier mais aussi un temps général – de tous temps et à jamais. On voit ce temps particulier dans le temps tout entier.
17:54 K: But, you see, thought is time! K: Oui, mais, voyez-vous, la pensée est le temps !
17:57 B: That’s another question, we were discussing that thought has a content which is 'about' time, and besides that, we say that thought is a movement which 'is' time, it could be said to be moving from the past into the future. Right? B: C'est une autre question que nous avons discutée : la pensée a un contenu 'à propos' du temps, et en outre, nous disons que la pensée est un mouvement qui 'est' le temps – qu'on pourrait décrire comme se déplaçant du passé vers le futur, n'est-ce pas?
18:15 K: But, sir, thought is based on time, thought is the outcome of time. K: Mais, Monsieur, la pensée est fondée sur le temps, la pensée est le produit du temps.
18:22 B: Yes, but then does that mean that time exists beyond thought? If you say thought is based on time, then time is more fundamental than thought is that what you want to say?

K: Yes, yes.
B: Bien, alors ça veut dire que le temps existe en dehors de la pensée? Si la pensée est fondée sur le temps, le temps est plus fondamental que la pensée, c'est ça?

K: Oui, oui.

B: On devrait regarder ça.
18:33 B: So we should go into that. You could say that time is something which was there before thought, or at least it’s at the origin of thought? Peut-on dire que le temps était là avant la pensée ou au moins qu'il est à l'origine de la pensée?
18:45 K: Time was there when there is the accumulation of knowledge. K: Le temps a été là dès l'accumulation du savoir.
18:53 B: That has come out of thought to some extent. B: C'est venu de la pensée, dans une certaine mesure.
18:58 K: No, I act and learn.

B: Yes.
K: Non. J'agis et j'apprends.

B: Oui.
19:01 K: That action is based, not on previous knowledge, but I do something, and in the doing I learn. K: Cette action n'est pas fondée sur un savoir préalable, je fais quelque chose et en le faisant j'apprends.
19:16 B: That learning is registered in the memory. B: Ce que j'ai appris est enregistré dans la mémoire.
19:19 K: In the memory, and so on. So is not thought essentially the movement of time? K: Dans la mémoire, etc. Alors, la pensée n'est-elle pas, en essence, le mouvement du temps?
19:30 B: In what sense is this learning the movement of time? You can say, when we learn it is registered. Right? And then that same learning operates in the next experience, what you have learned. B: Comment apprendre peut-il être le mouvement du temps? Disons que, quand on apprend c'est enregistré, d'accord? Et ce que l'on a appris opère dans l'expérience suivante, ce que vous avez appris.
19:50 K: Yes. The past is always moving to the present, all the time. K: Oui. Le passé s'introduit dans le présent, tout le temps.
19:55 B: Yes, and mixing, fusing with the present.

K: Yes.
B: Oui, il se mélange, il fusionne avec le présent.
19:57 B: And the two together are again registered as the next experience. Et ce mélange est enregistré à son tour comme une autre expérience.
20:02 K: So are we saying, time is different from thought, or time is thought. K: Disons-nous que le temps est distinct de la pensée – ou le temps est la pensée?
20:12 B: This movement of learning and the response of memory into experience and then re-registering, we say that is time, and that is also thought. Isn't? B: Le mouvement d'apprendre, la mémoire qui en fait une expérience et le réenregistrement qui suit, nous disons que c'est le temps. C'est aussi la pensée, n'est-ce pas?
20:25 K: Yes, that is thought. K: Oui, c'est la pensée.
20:30 Is there a time apart from thought? Y a-t-il un temps à part de la pensée?
20:34 B: Would we say that, physically or in the cosmos, time has a significance apart from thought? B: Dirions-nous que, en physique, ou dans le cosmos, le temps a une signification indépendamment de la pensée?
20:42 K: Physically, yes, I understand that. K: Dans le domaine physique, oui, je le comprends.
20:45 B: Right. So then we’re saying, in the mind, or psychologically. B: D'accord. Nous parlons donc de l'esprit, de la psyché.
20:49 K: Psychologically, as long as there is psychological accumulation – as knowledge, as the ‘me’, there is time. It is based on time! K: Psychologiquement, tant qu'il y a accumulation psychologique – le savoir, le 'moi' – il y a le temps, c'est fondé sur le temps !
21:03 B: Wherever there is accumulation there is time. B: Dès qu'il y a accumulation, il y a le temps.
21:06 K: Yes, that’s the point. Wherever there is accumulation there is time. K: Voilà, Le fait c'est ça. Où il y a accumulation il y a le temps.
21:10 B: Usually you say time is first and in time you accumulate. B: D'ordinaire le temps existe d'abord et on accumule au fil du temps.
21:15 K: No, I would put it round the other way, personally. K: Non, personnellement je l'inverserais.
21:18 B: It’s important to see that it’s put the other way. Suppose there is no accumulation, then what? B: C'est très intéressant de l'inverser : supposons qu'il n'y ait pas d'accumulation, alors?
21:25 K: Then – that’s the whole point – there is no time! And as long as I am accumulating, gathering, becoming, there is the process of time. But if there is no gathering, no becoming, no accumulation, where does psychological time exist? K: C'est toute la question : il n'y a pas de temps ! Et tant que j'accumule, que je gagne, que je deviens, le temps est en marche. Si on ne gagne rien, ne devient rien, n'accumule rien, où est le temps psychologique?
21:53 B: Probably you could say even physical time must depend on some kind of physical accumulation. That we are not denying. We’re denying the significance of psychological accumulation. B: Il est probable que le temps physique doit dépendre d'une certaine sorte d'accumulation physique. Ce n'est pas cela que nous remettons en question, nous nions toute validité à l'accumulation psychologique.
22:06 K: That’s right. So thought is the outcome of psychological accumulation, and that accumulation, that gathering, gives it a sense of continuity – which is time. K: C'est cela. Donc la pensée est le résultat de l'accumulation psychologique, et cette accumulation, ce capital lui donne un sentiment de continuité – qui est le temps.
22:25 B: Well, it seems it’s in movement, that whatever has been accumulated is responding to the present, with the projection of the future. And then that is again registered. Now, the accumulation of all that’s registered is in the order of time: one time, the next time... B: Il semble que tout ça soit en mouvement : tout ce qui a été accumulé réagit au présent et se projette dans le futur, et tout cela est ensuite réenregistré. Et l'accumulation de tout l'enregistré est de l'ordre du temps : une fois, la prochaine fois...
22:43 K: So we’re saying, thought is time! K: Donc, nous disons : la pensée est le temps !
22:47 B: Or time is thought.

K: Oh, yes, one way or the other.
B: Ou le temps est la pensée.

K: Oui, dans les deux sens.
22:51 B: But the movement of time is thought. B: Mais le mouvement du temps est la pensée.
22:54 K: Movement of time...

B: Psychological time.
K: Le mouvement du temps...

B: ... du temps psychologique.
22:59 K: Movement... what are you saying, sir? K: Mouvement... Que voulez-vous dire?
23:02 B: The movement of psychological time, which is that accumulation. B: Le mouvement du temps psychologique, cette accumulation.
23:06 K: Is time.

B: That’s time but that’s also thought. the two mean the same thing.
K: C'est le temps.

B: Mais c'est aussi la pensée, les deux veulent dire la même chose.
23:14 K: So, psychological accumulation is thought and time. K: Donc, l'accumulation psychologique c'est la pensée et le temps.
23:20 B: Yes, we have two words when really we only need one. Because we have two words we look for two things. B: Oui, nous avons deux mots là où en fait il suffit d'un. Et, comme nous avons deux mots, nous cherchons deux choses.
23:29 K: Yes. There is only one movement, which is time and thought, time plus thought, time/thought. Now can the mind, which has moved for millennia in that area all the time, free itself from that? K: Oui. Il n'y a qu'un seul mouvement, le temps et la pensée, temps plus pensée, le temps-pensée. À présent, l'esprit qui a arpenté ce terrain pendant des millénaires, sans jamais cesser, peut-il s'en libérer tout seul?
23:50 B: Why is it bound up? Let’s see exactly what’s holding the mind. B: Pourquoi est-il bloqué? Voyons de près ce qui le retient.
23:54 K: Accumulation. K: L'accumulation.
23:56 B: Yes, but why does the mind continue to accumulate? B: Mais pourquoi l'esprit continue-t-il à accumuler?
24:02 K: I think that is fairly clear, because in accumulation there is safety, there is security – apparent security. K: Je pense que la raison est assez claire, l'accumulation est une sauvegarde, une sécurité – une apparence de sécurité.
24:11 B: That needs a little discussion. In a certain area that is even true, the accumulation of physical food may provide a certain kind of security. B: Cela demande à être un peu discuté. C'est vrai dans certains domaines, accumuler de la nourriture peut assurer une certaine sécurité.
24:21 K: Of course. K: Bien sûr.
24:22 B: And then since no distinction was made between the outer and the inner, there was the feeling that one could accumulate inwardly either experiences or some knowledge of what to do... B: Et, ne faisant pas la distinction entre l'extérieur et l'intérieur, le besoin est né d'accumuler en soi des expériences où du savoir-faire...
24:35 K: Are we saying the outward necessity of physical accumulation for security is necessary? And that same movement, same idea, same urge moves into the field of psychological thought. There you accumulate hoping to be secure. K: Disons qu'il est nécessaire, à l'extérieur, d'accumuler physiquement pour être en sécurité, et que ce même mouvement, cette même idée, ce même besoin déborde sur le terrain de la pensée psychologique – accumuler là aussi pour être en sécurité.
24:54 B: Yes, inwardly hoping you can accumulate present memories, or relationships, things you could count on, principles you could count on. B: Oui, l'espoir d'accumuler en soi les souvenirs, ou les relations, des choses sur lesquelles compter, des principes sur lesquels compter.
25:07 K: So accumulation, psychological accumulation is safety, protection, security. K: Donc, l'accumulation, dans le domaine psychologique c'est une sauvegarde, une protection, la sécurité.
25:17 B: The illusion, anyway. B: L'illusion, en tout cas.
25:19 K: The illusion of security and in this illusion it has lived. K: Très bien, l'illusion de sécurité. Et il a vécu dans cette illusion.
25:28 B: So it does seem that the first mistake was that man never understood the distinction between what he has to do outside and what he has to do inside, right? B: Visiblement, la première erreur de l'homme a été de ne jamais comprendre la distinction entre ce qu'il faut faire dehors et ce qu'il faut faire dedans, non?
25:37 K: Yes, we said that. It is the same movement, outer and inner. K: Oui, on l'a dit. C'est le même mouvement, dehors et dedans.
25:42 B: But man carried the movement, that procedure which was right outwardly he carried inwardly, without knowing, perhaps entirely not-knowing that that would make trouble. B: Oui, mais l'homme transpose le mouvement. Cette démarche bonne pour l'extérieur il l'a introduite à l'interne sans savoir, sans réaliser totalement que cela allait créer un problème.
25:53 K: So where are we now? A human being realises all this. He has come to the point when he says, ‘Can I really be free from this accumulated security and thought and time?' Psychological time, right? Is that possible? K: Bien. Où en sommes-nous? Un être humain réalise tout ceci, au point qu'il en vient à dire : puis-je réellement me libérer de ce capital de sécurité, et de la pensée et du temps? Le temps psychologique, d'accord? Est-ce possible?
26:21 B: If we say that it had this origin, then it should be possible to dismantle it, if it were built into us, nothing could be done. B: Si l'on dit que l'origine c'est cela, il devrait être possible de tout démanteler. Si c'était dans notre nature on ne pourrait rien faire.
26:29 K: It is not certainly built into us! K: Ce n'est sûrement pas dans notre nature !
26:32 B: Most people act as though they believe it were.

K: That’s absurd!
B: Les gens se comportent comme s'ils le croyaient.

K: C'est absurde !
26:35 B: If it’s not built into us, then the possibility exists for us to change. Because in some way we said it was built up in the first place through time. B: Si ce n'est pas notre état naturel, alors nous avons la possiblité de changer. Mais nous avons dit que cela avait été construit par le temps depuis le début.
26:50 K: If we say it is built in, then we are in a hopeless state. K: Si nous disons que c'est notre état naturel notre situation est désespérée.
26:58 B: That’s one of the difficulties of people who use evolution, by bringing in evolution they hope to get out of this static boundary. They don’t realise that evolution is the same thing, it’s even worse,it’s the very means by which the trap was made. B: C'est le problème des gens qui croient en l'évolution. Au moyen de l'évolution ils espèrent se sortir de ce cadre rigide, mais ils ne réalisent pas que l'évolution c'est pareil, ou même pire, elle est l'instrument qui a fabriqué le piège.
27:21 K: So I come to that point, as a human being, I realise all this, I’m fully aware of the nature of this. And my next question is: can this mind move on from this field altogether, and enter, perhaps, into a totally different dimension? And we said... It can only happen when there is insight – that we’ve been through. K: Donc, j'en suis arrivé, en tant qu'être humain, à réaliser tout ceci, je suis pleinement conscient de la nature de tout ceci. Je me demande alors : cet esprit peut-il sortir de ce champ, complètement, pour entrer, peut-être, dans une dimension toute différente? Et nous disions... cela ne peut se produire que par l'insight – on a bien examiné tout cela.
28:08 B: Yes, and it seems that insight arises when one questions this whole thing very deeply. One sees it doesn’t make sense. B: Oui, il semble que cet insight jaillit quand on remet profondément en cause toute cette affaire. Quand on voit que cela n'a pas de sens.
28:20 K: Now having had insight into it and seen its limitation and therefore go beyond it – what is there beyond? This we talked about a little bit, not only at Ojai, also here. K: À présent, on a eu un insight de tout ceci, on en voit la limite et on passe au-delà – au-delà, qu'y a-t-il? Nous en avons parlé déjà, un petit peu, à Ojai, et également ici.
28:59 B: We felt that it’s very difficult to even bring this into words, but I think we said something has to be done on this line, right? B: Nous avions trouvé très difficile de mettre tout ceci en mots, tout en trouvant qu'il fallait quand même le faire, n'est-ce pas?
29:09 K: I think it has to be put into words. K: Je pense qu'il faut le mettre en mots.
29:12 B: Could you say why because many people might feel we should leave this entirely non-verbal. B: Pouvez-vous dire pourquoi? Beaucoup ont le sentiment qu'on devrait le garder entièrement non-verbal.
29:26 K: Can we say, the word is not the thing, whatever description is not the real, is not the truth, however much you embellish or diminish it, just the word is not that. Recognising that, then what is there beyond all this? Can my mind be so... desireless so it won’t create an illusion, something beyond? K: Disons que le mot n'est pas la chose, toute description n'est pas le réel, n'est pas le vrai, qu'on embellisse ou qu'on diminue – simplement, le mot, ce n'est pas ça. Ceci posé, qu'y a-t-il au-delà de tout ça? Mon esprit peut-il être si dénué de désir qu'il ne crée pas l'illusion qu'il y a quelque chose au-delà?
30:03 B: Then, in that question of desire, desire must be in this time process. B: Si l'on parle du désir, le désir fait forcément partie du processus du temps.
30:08 K: Of course, desire is time. K: Bien sûr, le désir c'est le temps.
30:11 B: Since there are very subtle forms of desire, as well as the obvious forms... B: Le désir prend des formes très subtiles tout comme des formes évidentes...
30:19 K: After all, being, becoming is based on desire. K: Après tout, être et devenir sont à base de désir.
30:26 B: They are one and the same, really. B: C'est une seule et même chose, en fait.
30:28 K: Yes, they’re one and the same. Now, when one has an insight – I hate to use that word over and over again – into that whole movement of desire, and its capacity to create illusion, it’s finished! K: Oui, c'est une seule et même chose. Donc, quand on a un insight – je déteste employer ce mot sans arrêt – de tout ce mouvement du désir et de sa capacité de créer l'illusion, c'est terminé !
30:51 B: Yes, I think perhaps we should, since this is a very crucial point, we should try to say a little more about desire, how it’s intrinsic in this accumulating process, how it comes out in many ways. For one thing you could say that, as you accumulate, there comes a sense of something missing. You feel you should have more, something to finish, to complete. Whatever you accumulated is not complete. B: Oui. Peut-être pourrions-nous, comme c'est un point crucial, essayer d'en dire un peu plus sur le désir, qu'il est intrinsèque à ce processus d'accumulation, et qu'il se manifeste de bien des façons. On peut déjà dire que, dès que l'on accumule, naît un sentiment de manque. On ressent qu'on devrait avoir plus, il faut le finir il faut le complèter. Rien de ce qu'on accumule n'est complet.
31:28 K: Sir, could we go into the question of becoming first, then desire comes into it. K: Pourrions-nous commencer par la question du devenir, le désir y est inclus.
31:34 Why is it that all human beings, right through the world, have this urge to become? Outwardly I understand that, simple enough. Pourquoi les hommes, dans le monde entier, ont-ils cette soif de devenir? Au plan extérieur, je comprends, c'est tout simple.
31:46 B: We have to become stronger and stronger. B: Nous devons devenir de plus en plus forts.
31:48 K: Physically develop your muscle... K: Développer vos muscles...
31:51 B: Your language, your logic... B: Votre langage, votre logique.
31:53 K: And also a better job, more comfort and so on. But why is there this seed in the human mind of trying to become... enlightened – let’s use that word for the moment – trying to become more good... or better. K: Aussi un meilleur job, plus de confort et tout ça. Mais qu'est-ce qui a semé dans l'esprit de l'homme ce besoin de devenir... illuminé – employons-le provisoirement – de devenir meilleur?
32:22 B: There must be a sense of dissatisfaction with what’s in there already, that’s one thing. B: Un sentiment d'insatisfaction, peut-être, de ce que l'on est – c'est une chose.
32:27 K: Is it dissatisfaction? K: Est-ce de l'insatisfaction?
32:29 B: A person feels he would like it to be complete. Suppose he has accumulated memories of pleasure, but these memories are no longer adequate, he feels something more is needed. B: L'être semble rechercher la complétude. Mettons qu'il ait accumulé des souvenirs de plaisir mais ces souvenirs désormais ne satisfont plus et il ressent le besoin de quelque chose de plus.
32:44 K: Is that it? K: Est-ce ainsi?
32:46 B: To get more, that’s one of the questions, and eventually he feels that he must have the whole, the ultimate. B: Oui, en avoir plus, voilà la question, et finalement il a le sentiment qu'il lui faut le tout, le suprême.
32:59 K: I’m not at all sure whether the word ‘more’ is not the real thorn. K: Je me demande si le mot 'plus' n'est pas le véritable aiguillon.
33:06 B: The word ‘more’?

K: Yes, more. More, I will be more, I will have more, I will become – this whole movement of moving forward, gaining, comparing, advancing, achieving – psychologically.
B: Le mot 'plus'?

K: Oui, plus. Plus, je vais être plus, je vais avoir plus, je vais devenir – tout ce mouvement qui pousse à aller de l'avant, à gagner, à comparer, à avancer, à réussir – psychologiquement.
33:27 B: The word ‘more’ is just implicit in the whole meaning of the word ‘accumulate’. If you’re accumulating you have to be accumulating more, there’s no other way to do it. B: Le mot 'plus' est déjà implicite dans le sens général du mot 'accumuler'. Si vous accumulez, vous devez accumulez plus, il n'y a pas d'autre moyen.
33:38 K: So why is there this seed in the human mind? K: Alors, pourquoi ce germe dans l'esprit humain?
33:42 B: He doesn’t see that this 'more' is wrong, inwardly. If he started outwardly to use the term ‘more' but then he carried it inward, he didn’t see how destructive it was. B: L'humain ne voit aucun mal à ce 'plus' intérieur. Il a commencé à l'utiliser au-dehors il le transpose dans son monde intérieur sans voir à quel point c'est destructeur.
33:58 K: Why? Why? Why ? Why fairly intelligent philosophers and religious people who have spent a great part of their great life in achieving, why haven’t they seen this very simple thing! The great intellectuals and the so-called... evolutionary concept, why haven’t they seen this simple fact that where there is accumulation there must be more. K: Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi les philosophes, plutôt intelligents, les gens religieux qui ont passé une grande part de leur glorieuse existence à arriver, pourquoi n'ont-ils pas vu une chose aussi simple? Les grands intellectuels, ceux qui s'intéressent au concept d'évolution, etc., pourquoi n'ont-ils pas vu ce simple fait que, quand on accumule, il faut toujours plus !
34:33 B: They’ve seen that but they don’t see any harm in it. B: Ils l'ont vu, mais ils n'y voient aucun mal.
34:35 K: No, I’m not sure they see it. K: Non, je ne suis pas certain qu'ils l'aient vu.
34:37 B: They’ve seen they are trying to get more, they are trying to get a better life. The nineteenth century was the century of progress, improving all the time. B: Ils l'ont vu et ils en veulent encore plus, ils veulent une meilleure vie. Le dix-neuvième siècle fut le siècle du progrès, du progrès continuel.
34:48 K: All right, but progress outwardly. K: Très bien, mais de progrès matériel.
34:50 B: But they felt that man would be improving himself inwardly. B: Ils croyaient que l'homme aussi allait s'améliorer.
34:56 K: But why haven’t they ever questioned this? K: Et pourquoi n'ont-ils jamais remis ça en question?
34:59 B: What would make them question it? B: Et qu'est-ce qui les aurait fait remettre en question?
35:05 K: Obviously, this constant struggle. For the more. K: Cette lutte perpétuelle, bien sûr. Pour le 'plus'.
35:11 B: But they thought that was necessary for progress. B: lls le jugeaient nécessaire au progrès.
35:15 K: But is that progress? K: S'agit-il bien d'un progrès?
35:17 B: Can we make it clear, suppose you had to answer one of the nineteenth century optimists that man is progressing all the time, to be better inwardly as well as outwardly. B: Précisons un peu. Supposons que vous ayez à répondre à l'un de ces optimistes du dix-neuvième siècle, qui dit que l'homme est en progrès constant, qu'il s'améliore intérieurement comme à l'extérieur.
35:28 K: Let us admit outwardly.

B: He could do that.
K: Admettons l'extérieur.

B: Admettons.
35:34 K: Outwardly. That same outward urge to be 'better' has it moved into the psychological realm? K: Ce même besoin d'être meilleur à l'extérieur, il l'applique au domaine psychologique?
35:44 B: Can we make it clear why it does harm in the psychological realm? B: Pouvons-nous préciser en quoi c'est néfaste sur le plan psychologique?
35:50 K: The harm is – wait a minute, let’s think it out. What's the harm in accumulating, psychologically? Oh yes! It divides. K: Néfaste. Un instant, réfléchissons un peu. En quoi est-ce néfaste d'accumuler, psychologiquement? Oh, oui. Cela divise.
36:09 B: What does it divide? B: Et qu'est-ce que cela divise?
36:11 K: The very nature of accumulation brings about a division between you and me and they. K: Il est dans la nature même de l'accumulation de créer une division entre vous, moi, et eux.
36:21 B: Could we make that clear, it is a crucial point. I can see one thing: suppose you are accumulating in your way and I accumulate in my way... B: Pouvons-nous expliciter cela, c'est un point crucial. Je peux déjà voir une chose : si vous accumulez à votre façon et que j'accumule à ma façon...
36:29 K: And he, she, accumulates in another way. K: ... et qu'il ou elle accumule d'une autre façon...
36:33 B: And then we try to impose a common way of accumulating and that’s more conflict. B: Alors on tente d'imposer une façon commune d'accumuler et là c'est le conflit.
36:37 K: Which is impossible! That never takes place. K: Et c'est impossible ! Ça n'arrive jamais.
36:40 B: They say everybody should be more...

K: Yes, yes, yes. I have accumulated, psychologically, as a Hindu. And another has accumulated as a Muslim.
B: On dit que chacun devrait se montrer plus...

K: Oui, oui, oui. Mettons que j'aie un capital psychologique, en tant qu'hindou, et un autre a accumulé son capital de musulman.
36:57 B: There are thousands of divisions. B: Des divisions par milliers.

K: Des divisions par milliers.
36:59 K: Thousands of divisions. B: Ou entre une profession et une autre...
37:00 B: You could say in one profession or in another. K: Des divisions par milliers.
37:02 K: Thousands of divisions! Therefore accumulation, in its very nature, divides people. And therefore conflict. Donc l'accumulation, de par nature, divise les gens. Et provoque le conflit.
37:15 B: Each person accumulates in his particular way which is different from somebody else. You cannot make a common way of accumulating. B: Chacun accumule à sa manière, qui diffère de celle de quelqu'un d'autre. On ne peut pas élaborer une façon commune d'accumuler.
37:23 K: Can’t we? So let’s all accumulate! K : Ah bon? Allez, accumulons tous ensemble !
37:25 B: It doesn’t work, because everybody already has a different... B: Ça ne marchera pas, chacun ayant déjà une...
37:29 K: Of course. K: C'est évident !
37:31 B: ...relationship, no matter what you do. B: ... relation différente à la chose, quoi que vous fassiez.
37:34 K: So, can we say then: in accumulation man has sought psychological security, and that security, with its accumulation, is the factor of human division. Psychologically. K: Pouvons-nous résumer : l'homme a accumulé en cherchant sa sécurité psychologique, et cette sécurité par accumulation est ce qui divise l'humanité, psychologiquement.
37:52 B: Yes, any attempt to accumulate will divide. At present, some sociologists like Carl Marx has said that it was this accumulation of capital by some people which divided them from other people – that started tremendous conflict. B: Oui, dès qu'on tente d'accumuler, on divise. Maintenant, certains sociologues comme Karl Marx ont déclaré que l'accumulation de capital par quelques personnes les séparait du peuple – cela a déclenché un effroyable conflit.
38:13 K: So, we said that's why human beings have accumulated, not realising its consequences. And realising that, is it possible not to accumulate? I mean, that’s tremendous! K: Donc, voilà la raison pour laquelle les humains ont accumulé, sans en réaliser les conséquences. Si on les réalise, peut-on ne pas accumuler? Écoutez, c'est énorme !
38:38 B: Yes, the human mind automatically accumulates. B: Oui, l'esprit humain accumule par automatisme.

K: Je sais.
38:43 K: Why? For the very clear and simple reason, in accumulation, as outwardly, it feels safe, secure. Pourquoi? Pour la bonne et simple raison qu'en accumulant comme au-dehors, il se sent à l'abri, en sécurité.
38:57 B: Perhaps you could say that having gotten into this trap it was very hard for the mind to get out, it was already occupied, the mind is filled with this process of accumulation, it becomes very hard to see anything. B: Il faut dire aussi que l'esprit déjà pris dans ce piège trouve très dur de s'en tirer, il est déjà trop occupé, bien trop saturé déjà par ce processus d'accumulation, il lui devient très difficile de voir quoi que ce soit.
39:11 K: Suppose my mind is filled with this process of occupation which is psychological knowledge, all that, can it end? Of course it can! K: Mettons que mon esprit soit saturé par cette'occupation qu'est le savoir psychologique, etc. – est-ce que ça peut finir? Mais bien sûr qu'il peut !
39:24 B: If the mind will get to the root of it. B: Si l'esprit va jusqu'à la racine.
39:27 K: Of course it can! Which is: that it is an illusion that in accumulation there is security. K: Évidemment qu'il peut ! C'est une illusion de trouver la sécurité dans l'accumulation. C'est une illusion de trouver la sécurité dans l'accumulation.
39:37 B: One can see this at a certain level, one discusses this, not intellectually, I would prefer to say as a map, one has drawn a map of this whole process. Then the question is, when you have a map you must now be able to look at the country. See what’s on the map. B: On peut le voir à un certain niveau, on peut en discuter – pas intellectuellement, je préfère dire comme on lit une carte. On a dressé une carte de tout ce processus. Maintenant le problème est : si vous avez la carte vous devez être capable de reconnaître le pays. De voir ce qui se trouve sur la carte.
39:58 K: Yes. When you are looking at the map you don’t see the country. K: Oui. Quand vous regardez la carte vous ne voyez pas le pays.
40:02 B: No, the map may be useful but it’s not enough. But now we are saying, that desire is what keeps people going on with it. B: Non. La carte peut servir mais elle ne suffit pas. Mais maintenant, nous disons que c'est le désir qui empêche les gens d'aller voir.
40:16 K: Not only desire but this deep-rooted instinct to accumulate. K: Non seulement le désir, mais cet instinct bien ancré d'accumulation.
40:23 B: Like the squirrel.

K: Like the squirrel. For future, for safety. That and desire go together. Right?
B: Comme l'écureuil.

K: L'écureuil, pour demain, par sécurité. Cela et le désir vont ensemble.
40:38 B: It builds up into intense desire. B: Cela grossit jusqu'à devenir un désir intense.
40:42 K: So desire plus accumulation is the factor of division, conflict, etc. K: Donc, désir plus accumulation voilà le facteur de la division, du conflit, etc.
40:53 B: You can say really the word desire means need, a person feels he must accumulate because he needs. B: Disons qu'en fait désir équivaut à besoin, la personne sent qu'elle doit accumuler parce qu'elle en a besoin.
41:01 K: He needs, yes. Now, I’m asking, can that end? If it ends through an action of will, it's still the same thing. K: Un besoin, oui. Je demande : est-ce que ça peut finir? Si c'est en usant de volonté, c'est encore la même chose.
41:14 B: That’s part of desire. B: Cela fait partie du désir.
41:17 K: If it ends because of punishment or reward, it’s still the same. So one’s mind sees this and puts all that aside. Right? But is the mind... free of accumulation? Yes sir, I think it can, he does. That is, have no psychological knowledge at all. Knowledge is accumulation. K: Où à base de récompense ou de punition, même chose. Donc l'esprit voit ça et s'en débarrasse, d'accord? Mais, l'esprit... est-il libre de l'accumulation? Oui, Monsieur, je pense qu'il le peut – il le fait. Autrement dit, strictement aucun savoir psychologique. Le savoir c'est l'accumulation.
42:10 B: We have to consider that knowledge goes very much further than is ordinarily meant. Not just...

K: Book knowledge, experience – of course!
B: Il faut prendre en compte que le savoir va infiniment plus loin que son sens habituel, pas que...

K: Le savoir livresque, l'expérience – évidemment !
42:23 B: But, in accumulating... For example, having knowledge of this microphone, you build up an image of it, and everything goes into that, and one expects it to continue. If you have knowledge of yourself, it builds up a picture of yourself. B: Mais, l'accumulation... Par exemple, le savoir à propos de ce micro devient une image, tout cadre avec cette image et l'on s'attend à ce qu'elle dure. Le savoir sur vous construit une image de vous.
42:46 K: Ah! Can one have knowledge of oneself? K: Ah ! Peut-on détenir un savoir sur soi-même?
42:48 B: No, If you think you have, if one thinks that there is knowledge about what sort of person you are, that builds up into a picture, with the expectations... B: Non. On pense que l'on sait. Si l'on pense savoir le genre de personne que l'on est, cela devient une image, avec toutes les attentes...
42:59 K: But after all, if you have knowledge of yourself, you have built an image already! K: Mais enfin, si vous pensez savoir qui vous êtes vous êtes déjà dans une image !
43:05 B: That’s the same, the tendency is, there’s a transfer of what you do with the outside, as you observe this microphone you build up knowledge, that enters into your picture, your perception of it, then you say I'll do the same with myself. I know the sort of person I should be or I am and it builds up, a lot of accumulation builds up in forms that we don’t ordinarily call knowledge, for example, preferences, likes and dislikes. B: C'est pareil. La tendance est de transposer ce que l'on fait dans le monde extérieur. J'observe ce micro et je forme un savoir qui cadre avec mon image, ma perception du micro, puis je me dis, je vais en faire autant avec moi-même. Je sais le genre de personne que je suis ou que je devrais être et ça prend corps, toute cette accumulation prend des formes que l'on n'appelle pas savoir, habituellement – des préférences, des envies et des répulsions, par exemple.
43:38 K: But once you realise psychological accumulation as knowledge is an illusion, and destructive, and causes infinite pain and misery, when you see, it’s finished! K: Mais dès que vous réalisez que l'accumulation psychologique qu'est le savoir est une illusion, que c'est destructeur, que cela cause infiniment de douleur et de détresse, dès que vous le voyez, c'est terminé !
43:58 B: I'm trying to say, very often the word knowledge does not convey all that has to be included. I could say, OK, I know certain things in knowledge and it’s foolish to build up that knowledge about myself, but then there may be other kinds of knowledge which I don’t recognise as knowledge... B: J'essaie de dire que très souvent, le mot 'savoir' n'évoque pas tout ce qu'il inclut. Je pourrais dire, OK, je connais certaines choses du savoir et c'est absurde d'entasser tout ce savoir sur moi-même. Mais il y a peut-être d'autres formes de savoir que je ne reconnais pas comme savoir...
44:23 K: What other kinds of knowledge that one has? Preferences, like and dislike, prejudice.

B: Habits.
K: Quelles autres formes de savoir? Les préférences, les envies et les répulsions, les préjugés.

B: Les habitudes.
44:33 K: Habit. All that is in the image that one has created. K: Les habitudes. Tout ça est dans l'image que l'on s'est faite.
44:45 B: Yes. Man has developed in such a way that that image seems extraordinarily real. And therefore its qualities don’t seem to be knowledge. B: Oui. L'homme a évolué de telle façon que cette image semble extraordinairement réelle. Et donc ses caractéristiques n'ont pas l'air d'être du savoir.
45:00 K: All right, sir. So we have said, accumulation is time accumulation is security, and where there is psychological accumulation there must be division, thought is the movement between the particular and the general, and thought is also born out of the image of what has been accumulated. All that is one’s inward state. That is deeply embedded in me. K: Très bien , Monsieur. Nous disions donc que l'accumulation est le temps, l'accumulation est la sécurité, et l'accumulation psychologique va créer la division, que la pensée est le mouvement entre le particulier et le général, et que la pensée est aussi née de l'image de tout ce qui a été accumulé. Tout cela, c'est l'état des lieux intérieur. Tout cela est profondément incorporé en moi.
45:43 B: Yes, physically and mentally. B: Oui, physiquement et mentalement.
45:45 K: All round. I recognise physically it is necessary, somewhat. K: Partout. C'est plus ou moins nécessaire, au plan physique.
45:50 B: But it's overdone, physically. B: C'est déjà exagéré, au plan physique.
45:53 K: One can overdo anything. But psychologically to realise that, how do I set about it? How do I, who has accumulated, accumulated for millennia – general and particular, that has been the habit – and how do I, not only recognise the habit, and when I do recognise the habit, how does that movement come to an end? That is the real question.

B: Yes.
K: On peut exagérer n'importe quoi. Mais pour le réaliser psychologiquement... comment vais-je m'y prendre? Comment, moi qui ait accumulé et accumulé durant des millénaires – en général et en particulier, c'est l'habitude de toujours – comment fais-je, d'abord pour reconnaître l'habitude, et, si je reconnais l'habitude, comment tout ce mouvement va-t-il parvenir à sa fin? Voilà la vraie question.

B: Oui.
46:43 K: Where does intelligence play a part in all this? You follow what I'm saying? K: Où l'intelligence intervient-elle en tout ceci? Vous me suivez?
46:51 B: There has to be intelligence to see this. B: Il faut de l'intelligence pour voir tout ceci.
46:55 K: Is it intelligence? Is it so-called ordinary intelligence, or intelligence is something entirely different? K: Est-ce l'intelligence? Ce que l'on appelle couramment l'intelligence, ou l'intelligence est-elle une chose totalement différente?
47:05 B: I don’t know what people ordinarily mean by intelligence, but if they mean just merely the capacity to... B: Je ne sais ce que veut dire l'intelligence pour les gens mais si c'est seulement la capacité de...
47:12 K: To discern, to distinguish, To solve...

B: To use logic.
K: De discerner, de faire la distinction, de résoudre...

B: D'user de logique.
47:18 K: ...technical problems, economic problems – I'd call that partial intelligence, it is not really... K: ... les problèmes techniques, économiques – j'appellerais ça intelligence partielle, elle n'est pas vraiment...
47:26 B: You could call that skill in thought. B: On pourrait l'appeler le savoir-faire de la pensée.
47:27 K: Skill in thought, all right, skill in thought. But intelligence – wait a minute, that’s what I’m trying to find out. I realise this: accumulation, division, security, the general and particular, thought. I can see the reason of all that, the logic of all that. But logic, reason and explanation doesn’t end the thing. Another quality is necessary. Is that quality intelligence? I’m trying to move away from insight for a while. K: Savoir-faire de la pensée, bien. Le savoir-faire de la pensée. Mais l'intelligence – un instant, je suis en train de découvrir. Je réalise tout ceci : l'accumulation, la division, la sécurité, le général et le particulier, la pensée. Je vois bien les raisons de tout ça, la logique de tout ça. Mais la logique et les explications ne vont pas mettre fin à la chose. Il faut une autre qualité. Cette qualité, est-ce l'intelligence? J'aimerais me passer de l'insight, pour un moment.
48:19 B: Not to repeat the word so much.

K: Too much. Is intelligence associated with thought?
B: Ne pas répéter ce mot trop souvent.

K: Trop souvent. L'intelligence est-elle associée à la pensée?
48:39 B: We don’t know what you mean by the word ‘associated’. B: Je ne vois pas ce que vous voulez dire par 'associée'.
48:42 K: Is it related, is it part of thought, is it the outcome of very clear, precise, exact, logical conclusions of thought. K: Est-ce qu'elle a un rapport, fait-elle partie de la pensée, est-elle le résultat de conclusions très claires, précises, exactes et logiques de la pensée?
48:56 B: No, that would still be more and more skill. B: Non, ce serait toujours plus de savoir-faire.
48:59 K: Skill, I agree. Yes. K: De savoir-faire, oui, je suis d'accord.
49:02 B: At least we're suggesting intelligence is a different quality. B: Nous suggérons plutôt que l'intelligence est une autre qualité.
49:11 K: Is that intelligence related to love? K: Cette intelligence est-elle en lien avec l'amour?
49:18 B: I’d say they go together. B: Je dirais qu'ils vont ensemble.
49:21 K: Yes, I’m just moving slowly into that. I’ve come to... I realise all that we've discussed this morning, and I’ve come to a blank wall, a solid wall, I can’t go beyond. And in observing, looking, fishing around, I come upon this word ‘intelligence’. And I see the so-called intelligence of thought, skill and all that, is not intelligence. So I’m asking further, is this intelligence associated, or related, or part of love? One cannot accumulate love. Right? K: Oui, mais j'y viens tout doucement. J'en suis à... Je réalise tout ce qui a été dit ce matin, je me trouve devant un mur, un mur solide, je ne peux pas aller plus loin. Et à force d'observer, de regarder, de fouiller partout, je tombe sur ce mot, l'intelligence. Je vois bien que ce que l'on appelle l'intelligence de la pensée, le savoir-faire et tout ça, ce n'est pas l'intelligence. Donc je pousse l'enquête plus loin : cette intelligence est-elle associée, reliée, ou fait-elle partie de l'amour? On ne peut accumuler l'amour, n'est-ce pas?
50:28 B: People might try. B: On pourrait le tenter.
50:30 K: It sounds silly! K: Ça paraît idiot !
50:32 B: People do try to guarantee love. B: Les gens cherchent vraiment à garantir l'amour.
50:35 K: That is all romantic nonsense, cinema stuff. You cannot accumulate love, you cannot associate it with hate, all that. So it’s something entirely different, that love. And has that love intelligence? Which then operates – you follow? – which then breaks down the wall. I don’t know if...

B: Yes.
K: Tout ça, c'est du bazar romantique, du cinéma. Vous ne pouvez pas accumuler l'amour, vous ne pouvez pas l'associer à la haine et tout ça. C'est quelque chose de tout à fait différent, cet amour. Cet amour a-t-il l'intelligence? Qui opérerait – vous me suivez? – qui démolirait le mur. Je me demande si...

B: Oui.
51:36 K: All right, let’s begin again. I don’t know what that love is. I know all the physical bit, I realise that pleasure, desire, accumulation, remembrance, pictures, are not love. All that, I’ve realised long ago. But I’ve come to the point where this wall is so enormous that I can’t even jump over it. So I’m now fishing around, to see if there is a different movement which is not a man-made movement. And that movement may be love – I am sorry to use that word, we’ll use it for the time being. Because that word has been so spoilt and misused. K: Très bien,alors reprenons. Je ne sais pas ce qu'est cet amour, je n'en connais que le côté physique. Et je réalise que plaisir, désir, accumulation, souvenirs, images, ce n'est pas l'amour. Tout ça, je l'ai réalisé depuis longtemps. Mais je suis au pied du mur, le mur est si énorme que je ne peux même pas sauter par-dessus. Alors, je fouille partout, pour voir s'il existe un mouvement autre, un mouvement qui ne soit pas produit par l'homme. Ce mouvement pourrait être l'amour – je regrette d'employer ce mot, mais gardons-le provisoirement – ce mot a été tellement usé et abusé.
52:39 B: You're saying love is a movement, not just a feeling.

K: Oh, no, no!
B: L'amour est un mouvement, pas juste un sentiment?

K: Oh, non !
52:45 B: Though it may involve feeling, but it’s not feeling. B: Il peut comporter un sentiment, mais ce n'est pas un sentiment.
52:51 K: So that love with its intelligence, is that the factor that will break down or dissolve, or break up this wall? Not, 'I love you' or 'you love me'. Right? it’s not general or particular, it is something beyond. Right? K: Cet amour, avec son intelligence, est-ce là le facteur qui va démolir, ou dissoudre, ou démanteler ce mur? Pas 'je vous aime' ou 'vous m'aimez', n'est-ce pas? Ni général ni particulier, cela dépasse tout ça. D'accord?
53:25 B: Yes, that’s a point... Another part of the background of man is to make love particularised, to particular things or individuals... B: Oui, c'est un point... Cela fait partie aussi du bagage de l'homme de particulariser l'amour pour les choses ou les individus...
53:40 K: I think when one loves with that intelligence it covers the whole, it’s not particular or general – it is that! It is light, it’s not particular light. All right. Then, if that is the factor that will break down the wall which is in front of me, then... I don’t know that love. As a human being, having reached a certain point, I can’t go beyond it to find that love. What shall I do? What is... – not do or not do – but what is the state of my mind when I've realised any movement this side of the wall is still strengthening the wall – right? So I realise that, and, through meditation, etc., there is no movement. But the mind can’t go beyond it. K: Je pense que quand on aime avec cette intelligence cela recouvre tout, ce n'est ni particulier ni général – c'est cela ! C'est la lumière, pas une lumière en particulier Très bien. Alors, si c'est là le facteur qui va démolir le mur qui est en face de moi, alors... Je ne connais pas cet amour. Je suis un être humain, arrivé à un certain point, je ne peux plus avancer pour trouver cet amour. Que dois-je faire? Qu'est-ce que... – pas faire ou ne pas faire – quel est l'état de mon esprit quand je réalise que tout mouvement de ce côté-ci du mur ne fait que renforcer le mur, n'est-ce pas? Je le réalise et, par la méditation, le mouvement s'arrête, mais l'esprit ne peut pas aller plus loin.
55:09 But you come along and say, ‘Look, that wall can be dissolved, broken down, if you have that quality of love with intelligence.’ And I say, ‘Excellent, but I don’t know what it is!’ What shall I do? I can’t do anything, I realise that. Whatever I do is still within this side of the wall, right? Vous venez me dire : 'Regardez, ce mur peut se dissoudre, peut tomber, si vous avez cette qualité d'amour et d'intelligence.' Et je dis : 'Magnifique, mais je ne sais pas ce que c'est.' Que puis-je faire? Je réalise que je ne peux rien faire. Tout ce que je ferai restera de ce côté-ci du mur, n'est-ce pas?
55:45 So, am I in despair? Obviously not, because if I am in despair or depressed, I’m still moving in the same field. So all that has stopped. Realising that I cannot possibly do anything, any movement, what takes place in my mind? You follow, sir, what I’m asking? Is that right? I think that’s fairly logical. I realise I cannot do a thing! So what has happened to the quality of my mind, which has always moved to accumulate, to become... all that has stopped. The moment I realise, I can't... No movement, right? Is that possible? Or am I living in an illusion? Have I really gone through all this to come to that point? Or I suddenly say, I must be quiet – I don’t know if I am conveying it. Alors, suis-je au désespoir? Évidemment pas, car être désespéré ou déprimé c'est encore m'agiter sur le même terrain. Donc, tout cela s'est arrêté. Quand je réalise que je ne peux strictement rien faire, plus un geste, que se passe-t-il dans mon esprit? Vous comprenez, Monsieur, ce que je demande? Est-ce juste? Je crois que c'est assez logique. Je réalise que je ne peux strictement rien faire. Donc, que s'est-il passé dans la nature de mon esprit qui a toujours été poussé à accumuler, à devenir... et tout cela a stoppé. Dès que je réalise, je ne peux plus... Plus un mouvement, d'accord? Est-ce que c'est possible? Ou est-ce que je vis dans l'illusion? Ai-je réellement fait tout ce chemin pour en arriver là? Ou me suis-je dit soudain : 'Je dois me taire'? Je ne suis pas sûr de me faire comprendre.
57:19 B: Yes, that’s part of the same process. B: Oui, ça revient au même processus.
57:21 K: Same process.

B: To project from the past.
K: Au même processus.

B: Une projection du passé.
57:27 K: So has my mind... Is there in my mind a revolution? Revolution in the sense that movement has completely stopped. And if it has, is love something beyond the wall? K: Alors, est-ce que mon esprit... S'est-il produit une révolution dans mon esprit? Révolution dans ce sens que ce mouvement a complètement cessé. Et, s'il a cessé, l'amour est-il une chose derrière le mur?
58:09 B: It wouldn’t mean anything. B: Cela ne voudrait rien dire.
58:11 K: Of course, it couldn’t be. K: Bien sûr, cela ne peut pas être.
58:13 B: The wall itself is the product of the process which is illusion. B: Le mur lui-même est le produit du processus, c'est une illusion.
58:18 K: Exactly. So I’m realising the wall is this movement. So, when this movement ends, that quality of intelligence, love and so on, is there! That’s the whole point. K: Exactement. Donc je réalise que ce mur est ce mouvement. Et quand ce mouvement cesse, cette qualité d'intelligence, d'amour, est là ! Voilà, c'est ça.
58:45 B: Yes, could one say the movement ends, the movement sees that it has no point. B: Oui, on peut dire, le mouvement finit, le mouvement voit qu'il n'a pas de raison d'être.
58:56 K: It is so-called skilled to see a danger. K : Il existe une certaine capacité à repérer un danger.
59:05 B: Well, it could be. B: Oui, probablement.
59:07 K: Yes. Any danger demands certain amount of awareness. But I have never realised, as a human being, the accumulated process is a tremendous danger. K: Oui. Tout danger requiert une certaine dose de vigilance. Mais je n'ai jamais réalisé, moi, l'être humain, que le processus d'accumulation est un danger formidable.
59:23 B: Because that seems to be the essence of security. B: Cela apparaît comme l'essence de la sécurité.
59:28 K: You come along and point it out to me, and I’m listening to you very carefully and I actually perceive the danger of that. And perception is part of love, isn’t it? Ah.. I’m getting at it. K: Vous venez me l'expliquer et je vous écoute avec toute mon attention et j'en perçois effectivement le danger. La perception fait partie de l'amour, n'est-ce pas? Ah, j'y suis !
59:59 B: You’re suggesting that love is a kind of energy which is not specific or general and that it may momentarily envelop certain things. B: Vous suggérez que l'amour est une sorte d'énergie ni spécifique ni générale qui peut momentanément envelopper certaines choses.
1:00:13 K: So perception without any motive, without any direction, etc., perception of the wall which has been brought into being by this movement of accumulation, the very perception of that is intelligence and love. Right? We’d better stop, it’s half past twelve.

B: Right.
K: Donc la perception – sans motif et sans direction – la perception du mur qui a été élevé par ce mouvement d'accumulation, cette perception est en soi l'intelligence et l'amour, d'accord? Nous devrions arrêter, il est midi et demi.

B: Très bien.
1:00:55 K: Should we go on? K: Devrions-nous continuer?
1:00:57 B: How do you feel? Maybe it’s best to stop. B: Comment vous sentez-vous? C'est mieux d'arrêter.
1:00:59 K: Better stop. We've come to a point. When do we meet again?

B: Thursday, in two days.
K: Mieux d'arrêter. Nous sommes arrivés quelque part. Quand nous revoyons–nous?

B: Jeudi, dans deux jours.
1:01:10 K: Right, sir. K: Très bien, Monsieur.