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RV84DS3 - Quelle est la cause de la corruption?
3e discussion avec des élèves
Rishi Valley, Inde
20 décembre 1984



0:38 K : De quoi aimeriez-vous parler?
0:43 S : De la fierté.
0:47 K : La fierté. Etes-vous fier? S : Parfois.
0:53 K : Parfois. Pourquoi? De quoi êtes-vous fier?
1:00 S : De ce que nous avons accompli.
1:03 K : Accompli. Qu'avez-vous accompli? Ou admirez-vous ceux qui ont accompli, ou encore, voulez-vous accomplir? Est-ce de cela que vous voulez parler? De fierté, d’accomplissement, de réussite, d’argent, de situation, de pouvoir. Est-ce cela que vous voulez tous? C'est probablement tout cela. Ne vous leurrez pas, ne vous illusionnez pas, vous voulez toutes ces choses-là !
1:54 S : Monsieur, nous voulons tous cela, car, dans le monde actuel, on ne peut vivre sans toutes ces choses.
2:04 K : De nos jours, dit ce garçon, on ne peut vivre sans toutes ces choses. Comment le savez-vous?
2:10 S : Où que vous alliez, vous voyez un pauvre...
2:14 K : Vous, venez ici!
2:21 S : Où que vous alliez, vous voyez un pauvre, etc., Monsieur, ils protesteront si vous ne leur donnez rien, ou si vous essayez de les rendre respectables, ils ne vous en sauront pas gré.
2:32 K : Alors, que voulez-vous être?
2:35 S : Tout ce qui nous permettra d'être suffisamment respectables, de vivre heureux, mais sans trop de respectabilité. (Rires)
2:45 K : Tout juste : pas trop de respectabilité, mais une vie plutôt confortable, et heureuse. Est-ce cela? S : Oui.
2:56 K : Est-ce cela que vous voulez? S : Oui.
2:58 K : Alors allez-y!
3:00 S : Mais ce n'est pas si facile, Monsieur, à moins d'essayer d'y arriver.
3:09 K : D'autre questions?
3:12 S : Quelle différence y a-t-il entre la méditation et la concentration? S : Quelle différence y a-t-il entre la méditation et la concentration?
3:32 K : J'ai compris. Vous voulez vraiment parler de cela, ou est-ce un jeu, un simple plaisir de parler d'une chose qui m'intéresse, est-ce cela? Voulez-vous réellement savoir ce que sont la méditation et la concentration? Très bien, Monsieur ! Si vous voulez vraiment parler de cela, prêterez-vous attention à ce que je vais dire?
4:14 S : Oui, Monsieur.
4:15 K : Ne dites pas 'oui, Monsieur', et gigoter. Vous voulez vraiment en parler? Si c'est le cas, c'est un sujet très, très sérieux. Qu'est-ce pour vous que la concentration?
4:35 S : C'est vouloir vraiment penser à quelque chose, Monsieur. L'approfondir vraiment, s'y plonger, y réfléchir profondément.
4:46 K : Y réfléchir profondément. S : Y réfléchir profondément.
4:49 K : Y réfléchir profondément. Qu'entendez-vous par cela?
4:54 S : Une chose sur laquelle on fixe son esprit.
5:01 K : Venez ici. Une chose sur laquelle vous voulez fixer votre esprit. N'est-ce pas? Avez-vous essayé? Vous voulez examiner ces fleurs, ou votre livre, ou ce que dit votre éducateur. Avez-vous jamais examiné cela très attentivement, ces fleurs, ce que vous dit votre professeur, l'écoutant, vous concentrant sur un livre, L'avez-vous fait?
5:50 S : Quelquefois.

K : Quelquefois. Quand cela se produit-il? Quand la chose vous plaît. S : Oui.
5:59 K : Alors, quand vous aimez quelque chose, vous appliquez votre attention, votre pensée, votre énergie à son observation. Et cela s'appelle en général la concentration. Ainsi, vous vous concentrez sur le livre que vous lisez, ou sur ce que vous regardez très attentivement, ces fleurs, ou sur ce que vous dit votre ami ou le professeur. N'est-ce pas?
6:40 S : Oui.
6:45 K : Avez-vous jamais observé très attentivement, vous êtes-vous concentré sur quelque chose pendant longtemps? Pas pendant une ou deux secondes, mais longtemps. L'avez-vous fait?
7:04 S : Je ne sais pas, Monsieur.

K : Essayez maintenant.

K : Essayez en ce moment d'écouter très attentivement ce que quelqu'un vous dit, ou regardez longuement ces fleurs, sans laisser aucune autre pensée s'interposer. Voilà ce qu’est la concentration : focaliser, prêter toute son attention à ce qu'on écoute, ou au livre qu'on lit, ou à ce qu'on observe, comme un lézard qui grimpe sur le mur. Le ferez-vous? Etes-vous en train de le faire? S : Oui, Monsieur.

K : Vous le faites? Bien!
8:00 Alors, que se passe-t-il pendant que cela a lieu?
8:06 S : On comprend la chose.
8:09 K : Non seulement on la comprend, mais encore, que se passe-t-il? Je vais vous l'expliquer dans un instant, mais pensez-y par vous-même. D'où venez-vous? S : De Bangalore
8:30 K : De Bangalore, bien. J'ai ici deux garçons, - alors, deux filles? Il veut donc savoir la différence qu'il y a entre la concentration et la méditation. Bien? Vous ne connaissez pas le mot méditation, n'est-ce pas, sa signification? Non. Pas plus que la signification du mot concentration?
9:05 S : Maintenant, je crois que oui.

K : Vous la connaissez maintenant, car je vous l'ai indiquée. Donc concentration signifie focaliser sa pensée, son énergie sur quelque chose. S : Oui Monsieur...

K : Venez ici! Poussez-vous un peu pour lui faire de la place. Quelle grande fille, n'est-ce pas? C'est une grande fille.
9:45 S : Mais n'est-il pas difficile de se concentrer sur quelque chose, sans qu'aucune pensée ne pénètre l'esprit?
9:50 K : C'est ça. N'est-il pas difficile - écoutez attentivement - n'est-il pas difficile de se concentrer sur quelque chose sans que ne s'interposent des pensées?
10:04 S : Il me semble que ce l'est.
10:06 K : C'est difficile, n'est-ce pas? Alors que faites-vous?
10:13 S : On essaye d'éloigner toutes les autres pensées.
10:16 K : D'éloigner. Alors qui... je ne vais pas vous compliquer les choses. Vous vous concentrez donc sur un livre et d'autres pensées s'insinuent. N'est-ce pas? S : Oui.
10:33 K : Que faites-vous alors?
10:36 S : Vous essayez de les éloigner.
10:41 K : Oui, vous essayez de repousser les autres pensées.
10:45 Alors que se passe-t-il au cours de ce processus? Je me concentre sur ceci, des pensées surviennent, j'essaye alors de les repousser, et d'autres pensées arrivent. Et je continue ainsi, n'est-ce pas? D'accord? S : Oui.
11:06 K : Ecoutez-vous ce que je dis? Si cela ne vous intéresse pas, ne vous en faites pas. S : Je réfléchis à une réponse satisfaisante.
11:19 K : Je ne peux pas comprendre.
11:21 S : Je réfléchis à une réponse satisfaisante.
11:25 K : Voyons, je vous disais que quand vous vous concentrez sur quelque chose,
11:32 d'autres pensées surviennent. N'est-ce pas?

K : Vous essayez alors de repousser ces pensées, et tâchez ensuite de vous concentrer. Ceci se poursuit donc sans cesse, d'accord?
11:45 S : Pourquoi ces pensées surviennent-elles?
11:47 K : Attendez, attendez, j'y arrive. Voyez d'abord ce qui se passe. Vous voulez vous concentrer sur quelque chose, puis des pensées surviennent, et vous les repoussez, et des pensées surviennent à nouveau et vous les repoussez encore. De sorte qu'en réalité vous ne vous concentrez pas, n'est-ce pas? Car des pensées surviennent et vous dérangent. A présent, il demande : pourquoi les pensées surviennent-elles? N'est-ce pas? S : Oui.
12:19 K : Alors dites-moi pourquoi les pensées surviennent. Je vais vous le dire.
12:24 S : Je crois que c'est parce que nous pensons à ces choses. Parce que quand vous faites quelque chose, autre chose a lieu,
12:33 et vous y pensez.

K : Oui, c'est-à-dire que vous pensez à ceci, et pensez également à autre chose. Est-ce cela? S : Oui.
12:41 K : Pourquoi cela a-t-il lieu?
12:45 S : Monsieur, si vous pensez, vous concentrez...
12:53 K : Venez vous asseoir ici. Désolé, trois garçons et une fille.
13:02 S : Monsieur, tout en faisant cet effort de concentration, je pense continuellement à empêcher les pensées de survenir, et donc elles viennent.

K : Oui, pourquoi viennent-elles?
13:12 S : Parce que vous y pensez continuellement.
13:14 K : Mais vous pensez aussi à ceci.
13:19 S : Parce qu'on les réprime.
13:23 K : C'est cela. Vous l'avez saisi. Avez-vous compris ce que vous avez dit? Pas tout à fait. Vous essayez de vous concentrer sur ceci, d'autres pensées surviennent, puis vous essayez de réprimer les pensées autres que celle-ci. N'est-ce pas? Alors que se passe-t-il quand vous réprimez? Je réprime... Je suis indisposé, je me suis mal alimenté, je me sens... et j'essaye de supprimer cette douleur. Alors pourquoi faites-vous cela, pourquoi réprimer?
14:11 S : Parce qu'on pense que ce sera mieux, que, si l'on réprime la chose, elle ne reviendra pas. donc on la réprime.

K : C'est exact. Il dit que quand vous réprimez les choses, elles reviennent. Il est donc futile de réprimer. D'accord? D'accord? Il serait donc néfaste, futile de réprimer. Que ferez-vous alors? S : Si vous pensez réellement, très sérieusement à quelque chose, Monsieur,
14:46 il n'y a pas d'autres pensées.
14:48 K : Mais d'autres pensées surviennent, mon garçon.
14:51 S : Oui, mais quand vous pensez vraiment, sans autre chose,
14:54 pourquoi surviendraient-elles?

K : N'aimeriez-vous pas essayer de comprendre pourquoi les pensées sont toujours en flux et reflux? N'est-ce pas? Poseriez-vous cette question?
15:07 S : Monsieur... Du fait que nous les réprimons, les pensées surviennent et nous ne pouvons les maîtriser et nous perdons notre concentration. Alors que faut-il faire, Monsieur, se pourrait-il que si nous restions sans rien faire les pensées partent d'elles-mêmes?
15:33 K : Je n'ai pas tout à fait saisi, et vous?
15:38 S : Si l'on ne fait rien à propos des autres pensées, partiront-elles? Est-ce cela que vous voulez dire?
15:54 K : Voulez-vous venir ici? Asseyez-vous ici, ne vous crispez pas. C'est un sujet très complexe, n'est-ce pas? La plupart des gens, adultes, jeunes, sont priés, depuis l'enfance... - écoutez-vous? Ecoutez attentivement - depuis l'enfance, on vous dit de vous concentrer. N'est-ce pas? Vous voulez regarder par la fenêtre, et le professeur vous dit : 'Concentrez-vous sur votre livre.' Mais ce qui vous intéresse en réalité, c'est d'observer ce lézard sur le mur. N'est-ce pas? Et le professeur dit : 'Ne regardez pas, prêtez votre attention au livre'. Ainsi, dès l'enfance, vous vous intéressez au lézard, mais le professeur vous dit : 'Faites ceci'.
17:18 S : Oui.
17:21 K : Alors, si j'étais votre professeur, je dirais : 'Regardons tous deux ce lézard' - vous comprenez? sans essayer de vous forcer à regarder le livre. Vous avez compris ce que je dis?
17:43 S : Oui, Monsieur.
17:44 K : C'est-à-dire que vous observez ce lézard - il n'y a pas de lézard ici! - et votre intérêt se porte sur ce lézard, pas sur le livre. Donc, en tant que professeur, je vous dirais : 'Observons tous deux ce lézard, très, très attentivement, voyons comment il adhère au mur, combien il a de griffes, voyons sa tête, ses yeux'.
18:23 N'est-ce pas? Je vous aiderais à observer cela bien plus que le livre.
18:31 S : Mais j'ai une question, Monsieur.

K : Laquelle?
18:33 S : Si, dans une classe, les enfants se laissent souvent distraire, comme moi, je pourrais me laisser distraire à un moment donné, et quelqu'un d'autre pourrait être distrait à un autre moment, et si la maîtresse s'occupe de toutes nos distractions, comment s'y prendra-t-elle?

K : Je vais vous le montrer. Vous êtes tous si futés ici, n'est-ce pas?
19:04 K : D'où venez-vous? S : De Madras.
19:08 Mes parents vivent en Zambie.
19:14 K : Tout d'abord, je n'ai pas de distractions. N'appelez pas cela des distractions. Ce qui importe, c'est que vous observiez, prêtiez attention, écoutiez, c'est cela qui est important. Mais il n'y a pas de distractions. N'utilisez pas le mot 'distraction'. D'accord? Alors, un instant : je vous aide à observer ce lézard, ou je vous aide à observer ce garçon assis là bas, qui s'agite, qui joue avec ses doigts. D'accord? Ce que je vous aide à faire - non, ce que je vous montre c'est que quand vous prêtez attention à quelque chose, qu'elle soit juste ou pas, vous pouvez alors prêter attention au livre. Vous avez saisi? S : Oui, Monsieur.
20:16 K : En êtes-vous sûr? S : Oui, Monsieur.
20:19 Ainsi, quand vous faites attention à ce lézard, vous avez appris l'art de l'attention. Et je vais aider tous ces garçons, ces quinze ou vingt garçons qui sont avec moi, à faire attention. Et quand il y a attention il n'y a pas de distraction.
20:48 S : Alors, pourquoi les professeurs ne font-ils pas cela, Monsieur? Supposons que nous devenions distraits dans la classe.
20:54 K : Il n'y a pas de distraction, n'appelez pas cela de la distraction.
20:58 S : Mais supposons que nous voulions observer quelque chose, alors pourquoi les professeurs ne nous aident-ils pas à observer cette chose?
21:05 K : Demandez-le leur ! Je suis en train de vous le dire - venez ici - Deux filles. Bien. Montez ici ! C'est mieux ! Tout va bien? S : Oui Monsieur.
21:24 Vous n'êtes pas intimidée? S : Non Monsieur.
21:26 K : Cela vaut mieux. Vous demandez pourquoi vos professeurs ne vous disent pas tout cela. N'est-ce pas? S : Oui, Monsieur.
21:35 K : Pourquoi ne vous le disent-ils pas?
21:38 S : Je pense, Monsieur, qu'ils veulent finir ce qu'ils ont à nous apprendre.
21:42 K : C'est exact. Ils veulent s'en débarrasser. Ils s'ennuient, vous vous ennuyez. N'est-ce pas? Et ils veulent vite en finir avec ce qu'ils ont à dire, et passer au sujet suivant, ou au prochain cours. Donc enseigner les ennuie. N'est-ce pas? Alors, apprenez d'eux pourquoi ils s'ennuient, pourquoi ils sont pressés d'en finir, pourquoi ils ne vous aident pas à prêter attention? Vous comprenez? Si vous prêtez attention à ce lézard, vous avez alors appris l'art de l'attention. N'est-ce pas? Avez-vous saisi? Et vous pouvez alors consacrer votre attention au livre. Il n'y a alors pas de distraction.
22:39 S : Mais...

K : Attendez, mon garçon. Je n'ai pas fini. Si j'étais votre professeur, je vous montrerais, avec grand soin, ce qu'est l'attention. N'est-ce pas? L'attention, consiste à prêter une énergie, une attention totales à ce que vous observez. N'est-ce pas? Et si vous apprenez cela, vous pouvez alors apprendre à prêter attention à votre livre.
23:27 S : Oui, Monsieur.
23:28 S : Mais vous pourriez ne vous intéresser qu'au lézard et ne pas aimer étudier, vos études ne vous intéresseraient pas.
23:34 K : Un tel pourrait ne pas aimer étudier. Alors, qu'il n'étudie pas ! S : Mais Monsieur, ne pourriez-vous alors...
23:41 K : Découvrez, trouvez! Apprenez. Découvrez pourquoi vous ne voulez pas lire de livres. Ecoutez-moi maintenant. Nous avons parlé de la concentration, c'est-à-dire, vous pensez, prêtez attention à quelque chose, puis d'autres pensées surgissent, et vous repoussez ces pensées. D'où ce conflit incessant : on veut prêter attention à cela, des pensées surviennent, d'où un bavardage continu du cerveau qui bavarde, bavarde encore et toujours. N'est-ce pas? Saisi? Maintenant, la méditation, le mot 'méditation', vous savez ce qu'est ce mot, vous en avez déjà entendu parler?
24:46 S : Oui, Monsieur.
24:47 K : En anglais, méditation signifie aussi mesurer. N'est-ce pas? Mesurer. De même qu'en sanskrit, si vous interrogez...
25:07 S : Radhikaji.

K : Merci de votre aide. Si vous interrogez Radhikaji, elle vous dira qu'en sanskrit 'ma' veut aussi dire mesurer. Donc méditation signifie aussi mesurer. Ainsi, sans mesure il n'y a point de progrès technologique. D'accord? Vous le voyez? Voyez-vous tout ceci, ce que je dis? S : Je n'ai pas compris le mot que vous avez prononcé.
25:53 K : Vous ne comprenez pas le mot dont je me sers? S : Non.
25:57 K : J'ai dit: mesurer.
25:59 Vous avez pris des mesures, n'est-ce pas? S : Oui.
26:03 Méditation veut aussi dire mesure.
26:10 S : Je pense qu'il ne comprend pas le mot 'technologie' - technologique.
26:19 K : Ah, vous ne comprenez pas le mot 'technologie'?
26:23 Technique - faire quelque chose, mettons par exemple que vous voulez construire une automobile, et vous devez en connaître toutes les pièces, les assembler, pour qu'elles fonctionnent toutes ensemble. Il m'est arrivé de démonter une voiture, la réduisant à ses composants, pour ensuite la remonter en espérant qu'elle fonctionnerait. Et elle a fonctionné. N'est-ce pas? Apprendre toute la mécanique, son fonctionnement, ses composants, ses cotes, sa résistance mécanique, etc., tout cela, apprendre tout cela s'appelle la technologie, pour une part. Maintenant, la méditation et la concentration, pour moi, sont deux choses totalement distinctes.
27:24 S : Monsieur, il arrive souvent que l'on se concentre sans même le vouloir. Comme faire quelque chose qui ne nécessite pas qu'on se concentre, et on se concentre pourtant.
27:37 K : Pour faire une chose que vous aimez, il n'est pas besoin de se concentrer. Avez-vous compris cela? S : Oui.
27:45 K : Si vous aimez quelque chose, il n'y a pas de concentration. Aimez-vous quelque chose? S : Un bon nombre de choses.
28:03 K : Vous aimez un bon nombre de choses. Quoi donc?
28:08 S : J'aime lire des livres.
28:12 K : Faire voler des cerfs-volants? S : Oui, Monsieur.
28:17 K : Gravir des montagnes? Grimper sur des arbres? Poursuivre des singes? Qu'aimez vous réellement?
28:31 S : Collectionner des timbres.

K : Non, un instant. Ceci est un sujet trop complexe pour de petits garçons. La méditation signifie être délivré de la mesure. C'est trop difficile pour vous tous.
28:54 S : Monsieur, la concentration consiste à se forcer à faire quelque chose, et la méditation pourrait être là où vous ne forcez rien.
29:03 K : C'est exact. La méditation ne peut avoir lieu que quand il n'y a aucun effort, aucune contradiction. Vous connaissez la contradiction, dire une chose et en faire une autre. D'accord?
29:19 S : Supposons que vous aimiez lire, là vous vous concentrez vraiment, la méditation, n'est-ce pas quand vous ignorez que vous vous concentrez?
29:26 K : Non, non. Vous essayez alors de comprendre ce que dit le livre.
29:30 S : Vous ne savez donc pas que vous vous concentrez. Comme il l'a dit, vous ne savez pas que vous vous concentrez, mais vous le faites.
29:36 K : C'est-à-dire, quand vous aimez une chose, comme lire de bons romans policiers, vous y prenez du plaisir, n'est-ce pas? Ceci est trop difficile pour vous. Ne vous préoccupez pas de la méditation et de la concentration. C'est bien trop difficile.
29:57 N'est-ce pas? S : Oui.

K : Un peu. J'aimerais maintenant parler d'autre chose. Me le permettez-vous? S : Oui, Monsieur.
30:05 K : Je vous ai demandé de quoi vous aimeriez que nous parlions, et, après vous avoir posé toutes ces questions, j'aimerais vous parler d'autre chose.
30:15 Le puis-je? S : Oui, Monsieur.
30:17 K : Vous tous? S : Oui, Monsieur.

K : Oui, Monsieur!

K : Les êtres humains ont, comme vous, des aptitudes, un talent caché. Le talent, vous comprenez, comme peindre, jouer du violon, jouer de la flûte, ou être un très bon être humain. Vous autres, êtres humains avez des talents cachés. N'est-ce pas? Et votre société, vos parents, tout le monde dit : 'Devenez un homme d'affaires, ou soyez médecin, ou ingénieur, ou fonctionnaire de l'administration indienne'. Ainsi votre cerveau, vous comprenez, ce qui se trouve dans le crâne, est conditionné par vos parents, ou par la société dans laquelle vous vivez. Vous comprenez? S : Oui, Monsieur.
31:41 K : Ainsi, votre propre talent est détruit par cette pression. Vous pourriez être un grand peintre. N'est-ce pas? Ou un grand chanteur, un merveilleux botaniste, un horticulteur. N'est-ce pas? Mais vos parents, votre société disent : 'Non, cela ne suffit pas, il faut devenir un excellent homme d'affaires, ou un bon médecin, ou un fonctionnaire indien'. Et vous détruisez ainsi votre propre talent. Et ce qui importe, c'est d'avoir votre propre talent; il vous rend alors heureux. Comprenez-vous ce que je dis?
32:44 S : Mais Monsieur...

K : Ecoutez ce que je vous dis. C'est moi qui parle à présent, et vous m'écoutez. Voilà : essentiellement, les êtres humains ont en eux un certain talent caché. N'est-ce pas? Il ne s'agit pas toujours de devenir homme d'affaires, ou commandant dans l'armée, ou pilote d'avion. Il vous faut donc découvrir votre propre talent et y rester fidèle, que vous soyez pauvre, riche, que vous réussissiez.
33:33 S : Mais, Monsieur, vous pourriez être à la fois un homme d'affaires et aussi chanter, peindre ou faire ce que vous voulez.
33:44 K : Que ces garçons sont futés, comme vous les avez magnifiquement formés ! Ils disent qu'on peut devenir homme d'affaires, ou général, ou capitaine dans l'armée, et aussi peindre. Vous suivez comment fonctionne ce cerveau? Vous avez tout à fait raison. Vous ne ferez alors ni une chose, ni l'autre, convenablement, complètement, avec joie.
34:15 S : Pourquoi, Monsieur?
34:16 K : Parce que vous êtes déchiré entre les deux choses.
34:18 S : Non.

K : Je sais, je sais bien. Vous comprenez? S : Oui, Monsieur.
34:27 K : Attendez un peu, c'est moi qui parle pour l'instant. Il est donc aussi très difficile de découvrir son propre talent. Et cela pourrait ne pas vous mener au succès. Mais, peu importe. Vous comprenez? Alors, peu vous importe le fait de ne pas avoir beaucoup d'argent, car vous avez quelque chose en vous. N'est-ce pas? S : Oui, Monsieur.
35:05 K : Alors, vous tous, découvrez votre propre talent; quelque chose qui vous soit propre, non imposé par l'éducation, par vos parents, par la société, mais découvrez quelque chose que vous avez pour vous-mêmes.
35:26 S : Mais nos parents nous forcent.
35:29 K : Je sais, vos parents vous forcent à devenir ingénieur, vous forcent à devenir une chose ou une autre. Mais pendant que vous êtes jeune, jouez le jeu, dites oui, j'accepte cela, et découvrez par vous-même.
35:43 S : Mais supposez qu'il vous arrive quelque chose.
35:47 K : Je sais. Ecoutez seulement ce que je dis. Car j'ai autre chose à vous dire. D'accord? S : Oui.
35:56 K : Cela ne vous ennuie pas? S : Non, Monsieur.
36:00 K : Et vous allez aussi entrer dans un monde, quand vous quitterez cette vallée merveilleuse, avec ses rochers, ses ombres, ses arbres, ses fleurs et ce campus si paisible, vous allez devoir confronter un monde terrible. N'est-ce pas? Où règnent la violence, le kidnapping, les armes à feu, la corruption. Le monde devient de plus en plus dangereux. N'est-ce pas? Et le monde entier se corrompt, pas seulement en Inde, où c'est tout à fait flagrant. Vous savez ce que ce mot 'flagrant' signifie? Tout à fait évident. Ils disent : 'Donnez-moi quelque chose avant que je fasse quoi que ce soit'. La corruption est là. N'est-ce pas? Partout dans le monde, pas seulement dans ce pays-ci, mais en Amérique, en France, en Angleterre, la corruption politique, sociale, le marché noir, etc. Il y a dans le monde entier une corruption terrible. Nous disons que la corruption, c'est les pots de vin, les dessous de table, payer en espèces, sans donner de reçu. Tout cela s'appelle la corruption N'est-ce pas? Mais ce n'est là qu'un symptôme. Vous savez ce que symptôme veut dire? S : Oui, Monsieur, des signes.
38:07 K : Savez-vous ce qu'est un symptôme? Un symptôme, c'est par exemple quand, ayant mangé lourdement, j'ai mal au ventre. Le mal de ventre est le symptôme. Mais la cause en est que je m'alimente mal. Avez-vous saisi? S : Oui, Monsieur.
38:30 K : Alors, je veux aborder la cause de la corruption. Nous disons que la corruption - j'espère que vous écoutez tous car vous allez tous affronter le monde quand vous quitterez Rishi Valley.
38:45 S : Monsieur, supposons que vous ne preniez pas l'argent qu'il vous offre, il fera peut-être pire que cela. Si vous prenez l'argent...
38:58 K : Si je vous donne un dessous de table vous devenez corrompu.
39:02 K : Et vous aussi devenez corrompu parce que vous acceptez l'argent.
39:07 N'est-ce pas? S : Oui, Monsieur. Mais si je ne le prends pas, il pourrait faire quelque chose.
39:11 K : Je sais, je sais. Si vous ne le prenez pas, il vous nuira. Ecoutez seulement, comprenez quelle est la cause de la corruption. Vous comprenez? La corruption ne consiste pas simplement à passer de l'argent sous la table, en pots de vin, en marché noir, mais la cause est toute autre. N'est-ce pas? Je vais approfondir cela, si cela vous intéresse. La corruption commence avec l'intérêt pour soi. Comprenez-vous cela? S : Oui, Monsieur.
40:01 K : Si je m'intéresse à moi, à ce que je veux, à ce que je dois être, si je suis avide, envieux, dur, brutal, cruel, il y a corruption. Vous comprenez? La corruption commence dans votre coeur, dans votre esprit, et non simplement en donnant de l'argent cela aussi est la corruption, mais la vraie cause de la corruption est en vous. Si vous ne découvrez ni ne changez cela, vous serez un être humain corrompu. Vous comprenez ce que je dis? La corruption existe quand vous êtes en colère, quand vous êtes jaloux, quand vous haïssez autrui, quand vous êtes paresseux, quand vous dites : 'Ceci est juste et je le ressens ainsi et je n'en démords pas.' Vous comprenez ce que je dis?
41:18 S : Monsieur, on dirait que tout découle de l'égoïsme.
41:21 K : Tout découle de l'égoïsme. Vous avez tout à fait raison. C'est là que commence la corruption. Vous comprenez, mon garçon?
41:33 S : Oui.
41:36 K : Alors, ne soyez pas corrompu. Tant pis si vous en mourez.
41:42 S : Monsieur...

K : Attendez, écoutez-moi. Vous comprenez? Nous avons tous si peur. Vous direz : comment vais-je vivre? Que vais-je faire si je ne suis pas aussi corrompu que mon entourage? Vous comprenez ce que j'entends par corruption? Il ne s'agit pas que de son aspect extérieur, mais du sens profond, intérieur, de la corruption dans laquelle vivent les êtres humains, égoïstes, pensant à eux-mêmes, désirant leur propre réussite, envieux, vous comprenez? Ainsi la corruption se trouve au-dedans, dans votre coeur, dans votre cerveau. Donc, si vous comprenez cela très à fond, et que vous êtes vraiment sérieux, pas cyniques - la plupart de ces grands garçons qui vont partir sont devenus cyniques, ils voient comment est le monde et disent : 'Eh bien, il faut que j'accepte cela.' C'est là une forme de cynisme. Mais si vous comprenez très à fond, dès maintenant, que la corruption, ce n'est pas que passer de l'argent sous la table, donner des pots de vin, qu'il s'agisse de deux roupies ou de dix millions de dollars, c'est toujours un pot de vin. Et être violent fait partie de la corruption, le terrorisme, tout cela. C'est ce qui a lieu dans le monde. Vous, qui êtes un être humain qui grandit, ne soyez pas comme cela. Ne vous mettez pas en colère, ne soyez pas envieux, toujours en quête de réussite.
44:08 S : Monsieur, comment pouvons-nous arrêter tout cela? Comment pouvons-nous cesser d'être envieux?
44:13 K : Si vous voulez être envieux, soyez-le et voyez ce qui se passe. Vous comprenez? Mais si vous ne voulez pas être envieux, ne le soyez pas ! Ne dites pas : 'Comment puis-je cesser de l'être?' Si vous voyez quelque chose de dangereux, un cobra, vous courez, personne n'a besoin de vous le dire. N'est-ce pas? Ainsi, la corruption au-dedans est ce qu'il y a de plus dangereux. N'est-ce pas? Alors, ne soyez pas corrompu. Commencez par là et non par l'extérieur. Comprenez-vous?
45:01 Le ferez-vous? Ne promettez pas ! Ne promettez rien de ce que vous n'êtes pas certain d'accomplir. N'est-ce pas? Mais il s'agit de voir combien c'est important dans la vie, car vous grandissez tous, entrant dans ce monde terrible, ce monde insensé. Vous comprenez? Il n'y a rien de sain dans le monde politique, dans le monde religieux. N'est-ce pas? Dans le monde économique, rien n'est sain. Alors, je vous en prie, je ne fais que pointer du doigt, que vous soyez adulte, ou sur le point de quitter cette vallée merveilleuse, ou que vous restiez ici encore deux, trois ou quatre ans, ne soyez pas corrompus intérieurement; ne recherchez pas la vanité, la fierté, ne dites pas : 'Je suis supérieur à un autre'. Vous savez, on apprend beaucoup dans l'humilité. Vous connaissez ce mot 'humilité'? Vous apprenez énormément si vous êtes vraiment humble. Mais si vous êtes seulement en quête de réussite, de toujours plus d'argent, de pouvoir, de situation, de statut, vous comprenez, vous amorcez alors la corruption. Vous serez peut-être pauvre : soyez pauvre, qu'importe? C'est pourquoi il importe que vous, vous tous, découvriez votre propre talent, et que vous vous y teniez, même s'il ne vous apporte pas le succès, la renommée et tout cela, ce qui de toutes façons n'a aucun sens, car nous mourrons tous. Vous comprenez, mon garçon? Tant que vous vivez, eh bien, vivez sans toutes ces bêtises.
48:13 S : Monsieur, pourquoi les gens ne se rendent-ils par compte de cela?
48:20 K : Parce qu'ils ne réfléchissent pas, ils ne sentent pas, ils pensent sans cesse à eux-mêmes, à leur emploi, leur administration, leur travail. Vous comprenez? Ceci ne les intéresse guère. La plupart en tous cas.
48:42 S : Alors, comment cesser d'être égoïste?
48:47 K. Comment cesser d'être égoïste? En n'étant pas égoïste. Ecoutez seulement. Ne demandez jamais à personne 'comment'. Vous comprenez? Car alors, ils vous diront comment, et vous serez perdu. C'est là la plus grande des corruptions.
49:14 S : Vous voulez dire que nous devons découvrir par nous-mêmes.
49:17 K : Découvrez, cherchez, utilisez votre cerveau, doutez, mettez en question. Ne vous contentez pas d'admettre. Je suis votre professeur, supposons-le, je vais veiller à ce que vous ayez un très bon cerveau. N'est-ce pas? Avoir un bon cerveau signifie ne pas avoir de conflit en soi-même ou avec autrui. Je pense que tout ceci est trop pour vous.
50:03 S : Monsieur, je voudrais vous poser une question: supposons que vous ne soyez pas égoïste, et que quelqu'un vous fasse du mal.

K : Si quelqu'un vous fait du mal, que ferez-vous?
50:18 Lui rendrez-vous la pareille?
50:21 S : Cela dépend à quel niveau vous êtes touché.
50:24 K : Oui, vous l'avez dit. Ciel, vous êtes bien... Si quelqu'un vous atteint profondément, que ferez-vous? Vous êtes-vous demandé ce qu'être blessé signifie? Allons, réfléchissez avec moi.
50:43 S : Est-ce qu'être blessé c'est aussi de la corruption?
50:45 K : Ecoutez seulement. Supposons que je vous blesse très profondément. Supposons-le, je ne vous veux aucun mal. Supposons que je vous blesse très profondément. Alors vous dites : je suis blessé. Que voulez-vous dire par là? Utilisez votre cerveau, ne répétez pas.
51:05 S : Physiquement?

K : Oui, non seulement physiquement, mais intérieurement, il vous blesse. Il vous traite d'idiot. S : Monsieur, je pense...
51:15 K : Contentez-vous d'écouter attentivement. Ecoutez tous attentivement. Il vous traite d'idiot, et cela vous vexe. N'est-ce pas? Avez-vous découvert ce qui est vexé? Attention, attention!
51:35 S : Si vous pensez ne pas être un idiot et quelqu'un survient...
51:42 K : Voyons, quelqu'un vous traite d'idiot et un autre vous qualifie de grand homme. C'est la même chose, n'est-ce pas? Comprenez-vous ce que je suis en train de dire? Quelqu'un me traite d'imbécile, d'idiot, et je me vexe, supposons-le. Qu'est-ce qui se vexe? Attention, ne répondez pas trop vite, réfléchissez-y.
52:19 Réfléchissez-y. Non, je ne veux pas écouter. J'ai dit : réfléchissez-y, réfléchissez-y bien. Je vous demande ceci : je vous traite d'idiot - ce n'est pas ce que je pense - et vous vous vexez. Qu'entendez-vous par 'vous vous vexez'? Qu'est-ce que ce 'vous'?
52:46 S : Votre ego.

K : Réfléchissez-y, ma fille, réfléchissez-y. S : C'est moi, mon ego.
52:56 K : Qu'est-ce que ce 'vous'?
52:58 S : Je suis...
53:01 K : Venez ici, mon garçon. Asseyez-vous ici. Allons, ne perdons pas de temps. Je vous connais, alors allons-y.
53:16 S : Monsieur, ce qui est vexé, c'est moi, ce que j'ai construit de moi.
53:19 K : Ce que vous avez construit de vous, ce qui veut dire quoi?
53:26 S : Ce que j'ai réalisé, ce que j'ai fait.
53:31 K : Ce que vous avez fait, ce que vous avez réalisé. Pourquoi êtes vous tous tellement familiers avec la réalisation. Vous parlez tous de réalisation. Comme votre père, votre mère, vos grand-mères, ils ont réalisé. N'est-ce pas? Vous voulez dire qu'ils ont connu la réussite.
53:53 S : Non Monsieur, ils se sont faits eux-mêmes.
53:55 K : Oui. Mettons, par exemple ceci : j'ai parcouru une partie du monde. D'accord? J'ai parlé à des milliers de gens, je me suis rendu aux Nations Unies, j'ai fait toutes sortes de choses. D’accord? Ce qui veut dire quoi? Que j'ai construit une image de moi. N'est-ce pas? Une image de moi. Vous survenez et dites: vous êtes un idiot, et je me vexe, supposons-le. Qu'est-ce qui se vexe?
54:31 S : Vos sentiments.

K : Mes sentiments, mon image.
54:36 S : L'image que vous avez de vous.

K : Oui, c'est exact. L'image que j'ai de moi. Parce que j'ai voyagé, je suis un grand homme, j’ai écrit des livres, j'ai vu Madame Gandhi. Vous suivez? J'ai construit une image de moi ; c'est cette image qui se vexe. Alors, passons à la suite, écoutez bien. Puis-je vivre sans image?
55:05 S : Le pouvez-vous, Monsieur?

K : Si je le peux? Oui. Autrement, je n'en parlerais pas. Il est malhonnête de parler d'une chose que l'on ne vit pas soi-même. S : Mais Monsieur...
55:22 K : Attendez, attendez, écoutez ce que je dis, mon garçon.
55:29 Avez-vous une image à votre âge? Bien entendu, vous avez tous des images. Et ces images se vexent. Et toute votre vie, vous vous vexerez, tant que vous aurez ces images.
55:45 S : Faut-il les oublier, Monsieur?
55:48 K : Abandonnez-les, n'en ayez pas. Bien des gens m'ont flatté. Et bien d'autres m'ont insulté. Je n'ai pas d'image, je ne puis me vexer, cela n'a pas d'importance. Vous comprenez?
56:06 S : Oui, Monsieur.

K : Soyez comme cela. C'est là que commence la corruption.
56:14 S : Mais comment se débarrasse-t-on de ses images?
56:19 K : Comment se débarrasse-t-on des images? Si vous voyez qu'elles sont dangereuses, vous vous en débarrasserez aussitôt.
56:29 S : Monsieur, si vous vous débarrassez des images, que reste-t-il de vous?
56:32 K : Rien ! S : Qu'êtes-vous alors?
56:36 K : Attendez. Ecoutez ce que j'ai dit.
56:40 Ne soyez rien, et alors vous vivrez. Vous comprendrez plus tard.
56:51 S : Monsieur, d'autres pourraient avoir des images de vous, mais nous ne devrions pas avoir d'images.
56:55 K : Oui. Laissez les autres avoir des images; vous, n'en ayez pas.
57:01 S : Monsieur, parfois nous n'avons pas d'images...
57:09 K : Pas 'parfois'. Parlez-vous sérieusement, ou théoriquement?
57:18 S : Non, supposons qu'une personne puisse...
57:21 K : Pourquoi supposez-vous?
57:25 S : Monsieur, si une personne n'a pas d'image, n'est-elle pas susceptible de se sentir en insécurité?
57:30 K : Soyez en insécurité. Sachez que vous l'êtes. Puis découvrez ce qu'est la sécurité. Mais si vous êtes toujours en quête de sécurité, vous ne pouvez savoir si vous êtes en insécurité. Trouvez d'abord par vous-même si vous êtes en insécurité, ce que cela signifie, physiquement, intérieurement, etc.
58:06 S : Que vous ayez ou non une image, vous êtes en insécurité.
58:14 K : Que vous ayez ou non une image, vous êtes en insécurité. Je vous demande, avez-vous découvert si vous êtes en insécurité, ou n'est-ce qu'un sujet de conversation?
58:25 S : Monsieur, certaines choses font que je me sens en insécurité.

K : Attendez.
58:28 Découvrez ce qu'être en insécurité signifie. Ou vous manquez physiquement de sécurité - n'est-ce pas - ou économiquement, ou au regard de l'opinion publique - n'est-ce pas - ou par rapport à l'argent, ou vous manquez de sécurité dans vos relations. Découvrez-le.
59:03 S : Et alors, Monsieur?
59:06 K : Quand vous apprenez où se situe l'insécurité, vous êtes alors en sécurité. Saisissez cela, mon garçon.
59:15 S : Avez-vous une image, Monsieur?

K : Ecoutez ce que j'ai dit. Vous saisissez? Il faut découvrir par vous-même, où se situe chez vous l'insécurité, est-ce avec votre famille, avec votre père, votre mère, avec votre femme ou votre mari, avec Dieu? Vous comprenez? Découvrez, apprenez ce qu'il en est. Dès l'instant où vous avez beaucoup appris sur l'insécurité, vous en êtes sorti, vous êtes alors en sécurité.
59:58 S : Monsieur, vous aurez beau apprendre beaucoup de choses sur l'insécurité, vous ne connaîtrez pas l'ensemble de l'insécurité.
1:00:04 K : Oh que si. Monsieur, si vous commencez avec justesse - vous comprenez? - ce qui est juste se trouve au commencement. Ceci est trop difficile.
1:00:21 S : Monsieur, voulez-vous dire qu'il faut vivre avec l'insécurité pour en découvrir la nature?
1:00:25 K : Mais vous êtes dans l'insécurité, il ne s'agit pas de vivre dans l'insécurité. Vous venez de dire: je suis dans l'insécurité. Vivez avec, et découvrez. Servez-vous de votre cerveau pour découvrir. Ne devenez pas machinal.
1:00:43 S : Monsieur, pour se débarrasser de l'insécurité, il faut d'abord se débarrasser de la peur, non?
1:00:47 K : La peur. N'est-ce pas? Je vais vous le montrer, vous devez apprendre, pas de moi, apprendre. Qu'est-ce que la peur?
1:01:04 S : La peur est la chose à laquelle nous pensons.
1:01:10 S : Quelque chose que nous ignorons.
1:01:13 K : Attendez, Monsieur. Vous n'écoutez pas l'autre personne pour commencer, Vous êtes toujours prêts à avancer vos propres questions. Il a dit... Savez-vous ce qu'il a dit? Non, parce que vous n'écoutiez pas, parce que votre propre question vous importait plus : c'est cela, l'égoïsme. N'est-ce pas? Il a dit : la peur, comment peut-on s'en délivrer? C'est ce que vous avez voulu dire, n'est-ce pas? D'accord? Alors, commencez par écouter cette question. Il a dit : qu'est-ce que la peur, comment s'en débarrasser? Alors, savez-vous si vous avez peur?
1:02:11 S : Oui, Monsieur.

K : Oui, Monsieur! Pourquoi?
1:02:19 S : C'est peut-être parce que je pense à quelque chose qui me fait peur.
1:02:23 K : Un instant. Vous venez de dire quelque chose de considérable. Vous en rendez-vous compte? Vous avez dit quelque chose de très vrai.
1:02:35 S : Monsieur, si l'on ne pense pas à une chose particulière...
1:02:38 K : C'est cela. Vous avez appris cette chose primordiale, que penser entraîne la peur. N'est-ce pas? D'accord? S : Oui, Monsieur.
1:02:53 Vous devez donc découvrir ce qu'est l'acte de penser. Pas comment stopper la peur. Vous comprenez? Vous venez de dire très clairement que penser amène la peur, ce qui est vrai. Demain, je pourrais mourir, et j'ai peur. Je pourrais perdre mon emploi, et j'ai peur. N'est-ce pas? Donc penser amène la peur. Qu'est-ce alors que penser? Avancez pas à pas vers la découverte. Qu'est-ce que penser?
1:03:37 S : Monsieur, faut-il se débarrasser de la pensée pour se débarrasser de la peur?
1:03:41 K : Non. J'ai dit : ne vous débarrassez jamais de quoi que ce soit, car cela reviendrait.
1:03:45 S : Donc vous voyez que la peur est dangereuse...
1:03:49 K : Oui. Non, commencez par bien écouter. Il vous a dit : la peur existe, survient, quand vous pensez à quelque chose, n'est-ce pas? Peur de mourir, peur de perdre mon emploi, peur de mon père, peur de mes maîtres. Donc aussi longtemps que vous pensez au futur, il y a peur. N'est-ce pas? Aussi, devez-vous découvrir qu'est-ce que penser.
1:04:30 S : Ce pourrait-être l'égoïsme.

K : Oui, attendez, attendez. Je vous pose une question, écoutez d'abord, mon garçon. Je n'essaye pas de vous stopper. Qu'est-ce que penser? Attention. Servez-vous de votre cerveau.
1:04:48 S : Que fait le cerveau?
1:04:51 K : Non, servez-vous de votre cerveau pour découvrir qu'est-ce que penser.
1:04:56 S : L'imagination, Monsieur.

K : L'imagination, poursuivez.
1:05:04 S : Monsieur, ce que vous avez vu, vous l'enregistrez et vous y pensez.
1:05:09 K : Bonne réponse, vous y venez. Vous enregistrez, n'est-ce pas? C'est à dire... 0h Seigneur! Je vais vous montrer. Notre cerveau, cette chose située dans le crâne, enregistre. Vous enregistrez les mathématiques. Vous enregistrez la géographie, l'histoire. Vous enregistrez. Une bande magnétique enregistre. Elle enregistre, là-bas. Vous comprenez? Je parle, et c'est branché électriquement à cette machine qui enregistre sur la bande magnétique. Notre cerveau agit exactement comme cela. Il enregistre. N'est-ce pas? Les mathématiques, l'histoire, la géographie, votre père, il a enregistré votre père. N'est-ce pas?

K : Un instant, maintenant. Qu'entendez-vous par enregistrer? Réfléchissez-y, servez-vous de votre cerveau.
1:06:22 S : Se rappeler quelque chose.
1:06:24 K : Que voulez-vous dire? S : Il absorbe.
1:06:28 K : N'est-il pas nécessaire d'enregistrer? S : Oui.
1:06:32 K : Pourquoi?
1:06:35 S : Pour relier le passé au futur.
1:06:39 K : Non. N'est-il pas nécessaire d'enregistrer? J'espère que les aînés prêtent attention à tout ceci, car il s'agit de leur vie. Donc il est nécessaire d'enregistrer pour écrire une lettre, conduire une voiture. pour passer un examen, malheureusement, et d'enregistrer que l'on a un père quelque part, et une mère. Tout cela est de l'enregistrement, c'est nécessaire. Mais il y a aussi une autre sorte d'enregistrement. Je me vexe. Vous saisissez? S : Oui, Monsieur.
1:07:37 K : Il y a deux modes d'enregistrement : l'un quand je conduis une voiture, j'écris une lettre, passe un diplôme, deviens ingénieur. Ecoutez attentivement mon garçon, vous suivez? Et il y a aussi une autre sorte d'enregistrement : moi d'abord, je suis égoïste, je veux ceci ou cela, je veux la réussite. N'est-ce pas? Donc ces deux modes d'enregistrement ont lieu continuellement. Ainsi, l'enregistrement est le souvenir, n'est-ce pas? Le souvenir de votre père, des mathématiques. N'est-ce pas? Donc l'enregistrement signifie la mémoire, qui répète. Le voyez-vous? Quand vous apprenez les mathématiques, vous enregistrez, répétez, mémorisez, comme ce magnétophone. Ainsi vous devenez mécanique. Comme l'est ce magnétophone, qui répète encore et toujours, je suis un brahmane, je suis un brahmane, je suis un hindou, je suis un hindou, je suis contre le communiste, communiste, communiste. Et ainsi de suite. Nos cerveaux deviennent alors conditionnés, limités, diminués. N'est-ce pas? Donc penser fait partie de la mémoire. Sans les avoir rencontrés, vous ne pourriez avoir de souvenir de votre père, de votre mère. Ayant vu père et mère, cela s'est emmagasiné dans le cerveau en tant que mémoire, qui est aussi savoir, savoir qui se base sur l'expérience - bien sûr.
1:09:59 S : Je mémorise.

K : Vous êtes mémoire. Vous comprenez? Vous êtes mémoire, tout votre être est souvenir. Souvenir que vous êtes atman, que vous avez une âme, que la lumière est en vous, que Dieu existe. Tout cela est encore de la mémoire. Ecoutez attentivement, découvrez si ce que dit l'orateur est vrai, ou si c'est mensonger. Vous comprenez? Découvrez. Vous êtes mémoire. Sans mémoire, vous n'êtes rien. Mémoire de votre nom, de votre famille, souvenirs mathématiques, souvenir d'avoir gravi cette colline, souvenirs de votre ami. N'est-ce pas? Donc vous êtes mémoire, souvenir. Le souvenir est mort, disparu.
1:11:11 S : Alors comment se fait-il que nous vivions?
1:11:14 K : A cause de l'organisme, vous avez nourriture, air, eau.
1:11:19 S : Alors comment pouvons-nous...
1:11:22 K : Découvrez, c'est la grande question. Vous comprenez? Découvrez la vérité. La mémoire n'est pas la vérité.
1:11:38 S : Qu'entendez-vous par vérité, Monsieur?
1:11:41 K : Elle ne peut se décrire. Qu'est-ce que la fleur? Quelle est cette fleur? Regardez-la. Quand vous regardez cette fleur, vous ne vous interrogez jamais sur sa nature, sur son origine, sa beauté. Apprenez quelque chose, je vous prie. La beauté est vérité. Vous comprenez? La beauté est vérité. La beauté d'une belle vie - pas une vie de réussite - Il est onze heures moins dix, voulez-vous bien rester un moment assis en silence? Restez assis tranquillement. Bien, Messieurs, merci.