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SA80Q2 - 2e session de questions/réponses
Saanen, Suisse
24 juillet 1980



0:46 Puis-je vous rappeler, s'il m'est permis: que ces questions se posent en réalité à soi-même non à l'orateur, bien qu'il va essayer d'y répondre mais elles s'adressent en fait à soi-même et, comme nous l'avons dit que les réponses se trouvent dans les questions elles-mêmes et non au dehors, au-delà de la question et que tous deux, vous et l'orateur explorons la question et, ce faisant, découvrons ensemble la réponse. Il ne s'agit pas que l'orateur vous donne les réponses mais qu'ensemble nous les approfondissions. Et j'espère que c'est clair dès le commencement car si nous attendons quelque chose d'autrui nous sommes perdus. Et je l'entends bien ansi. Car c'est de nos problèmes qu'il s'agit de notre vie quotidienne, fatigante, ennuyeuse, tortueuse que nous subissons chaque jour avec tous ses malheurs et incertitudes. Et si nous essayons de trouver une réponse quelque part au dehors en Inde ou ici, ou chez le gourou actuel, ou l'orateur lui-même nous créerons alors une autorité nous détruisant par la même occasion.
3:11 Je travaille en tant qu'enseignant et suis constamment en conflit avec le système de l'école, et le modèle de société. Dois-je renoncer à tout travail? Quelle est la façon juste de gagner sa vie? Existe-t-il une façon de vivre qui ne perpétue pas le conflit?
3:41 Je travaille en tant qu'enseignant et suis constamment en conflit avec le système de l'école, et le modèle de société. Dois-je renoncer à tout travail? Quelle est la façon juste de gagner sa vie? Existe-t-il une façon de vivre qui ne perpétue pas le conflit?
4:16 Une question assez complexe et nous allons l'aborder pas à pas, si possible.
4:27 Qu'est-ce qu'un enseignant? Pas seulement à l'école, au collège, à l'université... - le maître, l'élève le professeur, etc. - qu'est-ce qu'un enseignant? Soit l'enseignant dispense de l'information sur l'histoire la physique, la biologie etc soit il apprend non seulement avec l'élève avec l'étudiant, mais il apprend aussi sur lui-même. C'est tout un processus d'apprentissage, d'enseignement et de compréhension de tout le mouvement de la vie. Nous demandons donc: qu'est-ce qu'un enseignant? Hormis les sujets techniques, tels que la physique la chimie, l'architecture et ainsi de suite cela mis à part, qu'est-ce qu'un enseignant? Vous comprenez ma question? L'enseignant psychologique, cela existe-t-il? Supposons que je sois un professeur non pas de biologie ou de physique mais que je vous informe psychologiquement. Dès lors, comprendrez-vous le professeur ou ma démontration vous aidera-t-elle à vous comprendre vous-même? Suivez-vous ma question?
6:49 Il nous faut donc être très prudents et clairs sur ce que nous entendons par professeur. Un professeur psychologique, cela existe-t-il le moins du monde? Ou n'y a-t-il que des professeurs en matières factuelles telles que chimie, sciences, neurologie, etc. Et existe-t-il un professeur qui vous aidera à vous comprendre? Vous comprenez ma question? Ainsi, quand l'auteur de la question dit: je suis un enseignant non seulement me faut-il lutter avec le système établi des écoles et de l'éducation mais encore, ma propre vie est une lutte continuelle avec moi-même. Et dois-je renoncer à tout cela? Et que ferais-je si je renonce à tout cela? Ainsi, non seulement demande-t-il ce qu'est un bon enseignant mais il veut aussi découvrir une façon juste de vivre.
8:21 Qu'est-ce pour vous qu'une façon juste de vivre? La société actuelle n'offre pas de façon juste de vivre. N'est-ce pas? Vous devez gagner votre vie gagner de l'argent, fonder une famille avoir des enfants, dont vous devenez responsable et ainsi, si vous êtes passé par l'université, etc vous devenez ingénieur, professeur en électromagnétisme etc., etc., etc. La société actuelle nous permet-elle de mener un mode de vie juste? Vous comprenez ma question? Ou la recherche d'un mode de vie juste devient-elle une simple utopie le souhait d'avoir quelque chose de plus? Je me demande donc, et vous vous demandez je l'espère: qu'est-ce qu'une vie juste? Que doit-on faire dans une société corrompue comportant tellement de contradictions tant d'injustice tout cela est la société dans laquelle nous vivons. Et, non content d'être un professeur dans une école, dans un collège, ou dans une université, je me pose la question suivante: que vais-je faire? Vous comprenez? Vous posez-vous cette question ou attendez-vous seulement que l'orateur vous le dise? Que doit-on faire dans une société qui se détériore tellement qui dégénère, en proie au conflit, aux guerres à la violence, la terreur - que doit-on faire? Quel est le mode de vie juste?
10:55 Ou poseriez-vous la question suivante: Est-il possible de vivre dans cette société non seulement en menant un mode de vie juste mais encore en vivant sans conflit? C'est ce que demande l'auteur de la question. Est-ce possible? Vivre une vie juste et aussi mettre fin au conflit en soi? N'est-ce pas? Ainsi, nous avons ces deux choses distinctes: Gagner justement sa vie et ne pas être en conflit avec soi-même, ou avec la société. Vous comprenez? Ces deux choses sont-elles séparées en compartiments étanches? Avançons-nous ensemble? Ou vont-elles de pair? Si je sais comment vivre, consciemment ou si je mène une vie sans aucun conflit cela demande énormément de compréhension de soi et par conséquent beaucoup d'intelligence... - pas l'intelligence habile de l'intellect mais l'aptitude d'observer de voir objectivement ce qui se passe tant extérieurement qu'intérieurement sachant qu'il n'y a aucune différence entre l'extérieur et l'intérieur. Suivez-vous tout ceci? C'est comme une marée en flux et en reflux. La société que nous avons créée puis-je y vivre sans le moindre conflit en moi-même tout en ayant une vie juste? Vous comprenez?
13:30 Alors, sur quoi vais-je mettre l'accent? Un gagne pain juste, une vie juste ou la découverte d'un moyen de vivre sans le moindre conflit? Que ferez-vous si cette question vous est posée? Et il faut y répondre. Suivez-vous ceci? Que ferez-vous? Qu'est-ce qui vient en premier? Le pain ou le reste? Comprenez-vous ce que je dis? Je vous en prie, n'ayez pas l'air tellement... Joignez-vous à moi! Nous explorons ensemble ce problème, ne me laissez pas seul. Vous l'explorez aussi. Il faut donc que nous nous rejoignions que je ne parle pas seul et que vous écoutiez en étant d'accord, ou en désaccord, disant... 'ce n'est pas pratique, ce n'est pas ceci ou cela' parce que c'est votre problème. Nous nous demandons donc l'un l'autre: Existe-t-il un mode de vie qui engendrera naturellement une façon juste de gagner sa vie tout en vivant constamment sans l'ombre d'un conflit? Est-ce possible? Est-il possible d'avoir une vie sans le moindre mouvement de lutte? Comprenez-vous ma question?
16:06 Certains ont dit que l'on ne peut vivre de la sorte que dans un monastère ou en devenant un moine religieux car alors, la société vous prend en charge. N'est-ce pas? Suivez-vous tout ceci? La société s'occupe de vous car vous avez renoncé au monde et à toute la misère du monde et vous vous êtes engagé au service de 'Dieu', entre guillemets. N'est-ce pas? Etant donné que vous avez remis votre vie à quelque chose ou à une idée, une personne, une image, ou un symbole étant si profondément engagé à cela vous pouvez demander à la société de prendre soin de vous c'est bien ce qui a lieu dans un monastère - n'est-ce pas? Suivez-vous tout ceci? Pouvons-nous poursuivre?
17:34 Plus personne ne croit aux monastères - Dieu merci. Plus personne ne dit 'je vais m'abandonner à quelque chose'. N'est-ce pas? Si toutefois vous vous abandonnez cela reviendra à vous abandonner à l'image que vous vous êtes faite d'un autre ou à l'image que vous avez projetée. Vous comprenez tout ceci? Allons.
18:16 Alors, qu'allons-nous faire? Pouvez-vous vivre sans l'ombre d'un conflit? Je dis que ce n'est possible que quand vous avez compris ce que vivre signifie. Vivre est action, vivre est relation. N'est-ce pas? Relation et action. La vie est cela. Par conséquent, il faut demander: qu'est-ce que l'action juste en toutes circonstances? Suivez-vous tout ceci? Rejoignez-moi, s'il vous plaît. Qu'est-ce que l'action juste? Une telle action existe-t-elle? Existe-t-il une action qui soit absolue, non relative? Il faut donc aborder la question de ce qu'est l'action? Cela vous intéresse-t-il? Qu'est-ce que l'action, qu'entendez-vous par action, c'est-à-dire par vivre? N'est-ce pas? Parler, acquérir du savoir une relation, si intime soit-elle avec un autre, etc., etc. La vie est action, mouvement. Et la vie est aussi relation avec autrui si profonde ou peu profonde, si superficielle soit-elle. Il nous faut donc tous deux découvrir s'il existe une action juste, et une relation juste... - n'est-ce pas - si vous désirez répondre en profondeur à cette question.
20:51 Quelle est actuellement la nature de notre relation avec autrui? Non pas romantique, imaginative, fleurie et toute cette superficialité qui disparaît en quelques minutes mais en fait, quelle est la nature de notre relation avec autrui? Quelle est la nature de votre relation avec une certaine personne peut-être intime? Elle implique sexualité, dépendance réciproque réconfort mutuel de s'encourager l'un l'autre de se posséder l'un l'autre d'où jalousie, antagonisme, et tout le reste. Et l'homme (ou la femme) se rend au bureau ou à quelqu'autre lieu de travail physique et là, il est ambitieux, avide en concurrence agressive pour réussir, et de retour à la maison il devient doux, amical peut-être affectueux comme mari, épouse, et ainsi de suite. N'est-ce pas? C'est la réalité de la relation quotidienne. Personne ne peut réfuter cela. Et nous posons la question suivante: est-ce là une relation juste? Nous disons que non, certainement pas il serait absurde d'affirmer que c'est là une relation juste. Ceci dit, nous poursuivons notre vieux schéma. Nous affirmons qu'il est faux, absurde de vivre ainsi mais ne paraissons pas capables de comprendre ce qu'est la relation, et acceptons le modèle établi par la société, par nous-mêmes - n'est-ce pas? Nous allons donc découvrir de nous-mêmes ce qu'est la relation juste, pour autant qu'elle existe. Peut-être la voulons-nous, la souhaitons-nous, y aspirons-nous mais l'aspiration, les souhaits ne la feront pas apparaître. Ce qu'il faut donc faire, c'est aborder cela sérieusement pour le découvrir.
24:03 En général, la relation est sensorielle, sensuelle. Commençons par là. Puis la sensualité mène à une vie commune un sentiment de dépendance mutuelle conduisant à créer une famille réciproquement dépendante. Et quand l'incertitute s'insinue dans cette dépendance la marmite déborde. Nous disons donc que pour découvrir ce qu'est une relation juste il faut se pencher sur ce qu'est la grande dépendance réciproque. Pourquoi dépendons-nous les uns des autres? Nous dépendons du postier, des chemins de fer, etc ce n'est pas de cela que nous parlons. Psychologiquement, pourquoi sommes-nous si dépendants dans nos rapports mutuels? Serions-nous en proie à une solitude désespérante? Vous suivez tout ceci? Et n'aurions-nous confiance en personne pas même en notre propre mari ou épouse - vous suivez? Nous espérons donc pouvoir placer notre confiance en quelqu'un peut-être en mon épouse, mon mari mais même cela est plutôt douteux. Et la dépendance donne aussi un sentiment de sécurité de protection contre ce vaste monde terrorisant. Et aussi, nous disons 'je t'aime'. Cet amour comporte toujours la sensation d'être possédé et de posséder. Vous suivez tout ceci? Et de cette situation surgit tout le conflit. Voilà donc l'état actuel de notre relation mutuelle intime ou autre. Nous nous fabriquons une image l'un de l'autre et nous y cramponnons. Bien? Sommes-nous sur la bonne piste?
27:43 Ainsi, on se rend compte que dès l'instant où l'on est lié à quelqu'un d'autre lié à une idée, à un concept, la corruption est née. C'est de cela qu'il faut se rendre compte et l'on ne veut pas s'en rendre compte. Vous comprenez? Si je suis attaché à vous l'auditoire, aux amis, etc je dépends donc de vous, pour avoir un encouragement pour m'accomplir en vous parlant encourageant par là ma vanité tout cela en découle, et c'est la corruption. Alors, pouvous-nous vivre ensemble sans être liés sans dépendre les uns des autres, psychologiquement? Donc, à moins de découvrir ceci vous vivrez sans cesse en conflit car la vie est relation. N'est-ce pas? Alors, peut-on objectivement, sans aucun motif observer les conséquences de l'attachement et abandonner aussitôt celui-ci? L'attachement n'est pas l'opposé du détachement. Vous comprenez? Je vous en prie, consacrez-y votre esprit, que votre cerveau travaille! Je suis attaché et je lutte pour me détacher et je crée donc l'opposé. Mais il n'y a pas d'opposé. Il n'y a que ce que j'ai, c'est-à-dire l'attachement. Je ne sais si vous suivez tout ceci. Dès l'instant où j'ai créé l'opposé le conflit apparaît. Mais il n'y a que le fait de l'attachement pas la poursuite du détachement seul le fait que je suis attaché et je vois l'ensemble des conséquences de cet attachement dans lequel il n'y a pas d'amour. Et cet attachement peut-il prendre fin? Il n'y a pas à poursuivre le détachement. L'avez-vous compris? Alors, continuons dans ce sens. L'esprit a été formé, éduqué à créer l'opposé. Le cerveau a été conditionné, éduqué, entraîné à observer 'ce qui est' et à créer son opposé: 'Je suis violent, mais je dois être non-violent' et il y a donc conflit. N'est-ce pas? Le voyez-vous? Mais quand je n'observe que la violence sa nature, comment elle surgit, etc., etc l'observant sans analyser il n'y a alors que cela, et pas l'autre [facteur]. N'est-ce pas? Vous éliminez donc totalement le conflit de l'opposé.
33:01 Nous parlons de vivre une vie sans conflit. Nous montrons comment cela peut se faire et devrait être fait, et doit être fait si l'on veut vivre ainsi: agir seulement avec 'ce qui est', tout le reste n'existant pas. Vous comprenez ceci? Je suis en colère. Ne dites pas: 'je ne devrais pas l'être'. Restez avec, et comprenez la nature de la colère ou la nature de l'avidité, etc., etc. Vous éliminez ainsi totalement la bataille la lutte entre les opposés.
34:03 Et quand on vit ainsi... - et il est possible de vivre ainsi - en étant aussi complètement avec 'ce qui est' sans essayer de le réprimer, de le dépasser, de le fuir alors, 'ce qui est' s'évanouit. Faites-en l'expérience. Vous comprenez ce que je dis? Oh, non.
34:37 Regardez, Monsieur: mon fils est mort. Mon fils est mort. Je suis attaché à ce fils. J'ai mis en lui toutes mes espérances. Je cherche un accomplissement à travers mon fils. Et malheureusement, un accident a lieu, il n'est plus. Et je verse des larmes: la solitude, le désespoir, le choc qui en résulte. Puis je fuis la chose. N'est-ce pas? Je vais à l'église, je lis - que des échappatoires au lieu de rester complètement avec le fait qu'il est parti et que je suis dans la solitude parce que je dépendais de lui. Je n'ai jamais compris ce sentiment d'isolement. Je l'ai fui toute ma vie. Ainsi, quand je reste avec 'ce qui 'est' je puis alors l'approfondir complètement, et le dépasser. Vous comprenez ce que je dis? Faites-le Monsieur, je vous prie!
36:47 Comme nous l'avons dit l'autre jour ceci est une causerie, une réunion sérieuse qui n'est pas pour des visiteurs insouciants manifestant une curiosité superficielle, une critique superficielle. Bien qu'il faille critiquer, qu'il faille douter pas de ce que dit l'orateur mais il faut commencer par douter de tout ce à quoi l'on s'accroche et ensuite, mettre en doute ce que dit l'orateur. Ne commencez pas en doutant de ce que dit l'orateur. Ses paroles désignent ce qui se rapporte à vous-même.
37:39 Ainsi, quand il y a liberté dans la relation... - ce qui ne veut pas dire faire tout ce que l'on veut ce qui est évidemment ce que tout le monde fait: si je n'aime pas ma femme, j'en change et m'en vais avec une autre d'où l'épreuve du divorce, et toute cette affaire - tandis que si je comprenais vraiment la nature de la relation qui ne peut exister qu'en l'absence de tout attachement qu'en l'absence de toute image de l'autre il y a alors une vraie communion réciproque.
38:31 En outre, qu'est-ce que l'action juste? Vous suivez? C'est bien ce qu'il dit. La vie est relation et action. Impossible d'échapper à ces deux facteurs. Qu'est-ce que l'action juste? Elle doit être juste en toutes circonstances ceci étant valable tant pour la culture occidentale que la culture orientale. Dans le monde communiste c'est plus difficile, car on n'ose pas parler on n'ose pas agir: on agit suivant les édits du dictateur et de son groupe. Il n'y a donc là aucun sentiment de liberté. Nous demandons donc ceci: qu'est-ce que l'action juste? Pour le découvrir, il faut s'enquérir de la nature actuelle de notre action. N'est-ce pas? Sur quoi se base notre action? Soit sur un idéal, - n'est-ce pas - soit sur un principe, soit sur certaines valeurs. Ou bien, 'je fais ce que je veux'. Penchez-vous sur tout ceci, je vous prie. Soit elle consiste en projections d'idéaux de concepts, d'expériences ou de valeurs soit vous faites ce qu'il vous plaît dès l'instant où vous voulez faire quelque chose, faites-le c'est la dernière passade des psychologues: 'ne soyez pas inhibé, faites ce que vous voulez'. C'est effectivement ce qui a lieu dans le monde. Et est-ce là l'action juste? L'action, qu'est-ce que cela signifie? Le 'faire', n'est-ce pas? Le 'faire' maintenant. Voilà ce qu'est l'action. Cette action repose-t-elle sur votre expérience passée? Si c'est le cas, vous agissez selon le souvenir passé d'une expérience donc le passé dicte votre action présente. N'est-ce pas? Je me demande si vous suivez tout ceci! Cela vous intéresse-t-il? Dites-le moi. Tout ceci vous intéresse-t-il? Voulez-vous vraiment découvrir ce qu'est l'action juste? Peut-être temporairement mais cela demande une recherche considérable il ne s'agit pas d'admettre quelques affirmations autoritaires.
42:31 Nous disons donc ceci: nos actes reposent sur des souvenirs sur l'expérience passée ou sur un concept projeté soit selon Marx, ou selon l'église soit selon une quelconque histoire romantique importée de l'Inde. Ce qui signifie que vous agissez toujours selon le passé ou le séduisant futur. N'est-ce pas? C'est là un fait. Est-ce là l'action? Nous l'avons admise comme tel. C'est notre norme, c'est notre schéma. Notre cerveau est conditionné... - notre esprit, notre coeur - selon ce schéma. Nous mettons cela en question. Nous le mettons en doute. Nous disons que l'action n'est pas cela L'action ne peut exister que s'il y a liberté totale à l'égard du passé et du futur. Et pour nous le mot 'juste' signifie précis, exact l'action qui ne repose pas sur un motif l'action non déterminée, non engagée. La compréhension de tout ceci - qu'est-ce que l'action juste l'action juste, la relation juste - de cette compréhension découle l'intelligence. Vous comprenez? Pas l'intelligence de l'intellect mais cette profonde intelligence qui n'appartient ni à vous, ni a moi et cette intelligence dictera ce que vous ferez pour gagner votre vie. Vous avez compris? Sans cette intelligence votre gagne-pain sera dicté par les circonstances. En présence de cette intelligence, peu importe que vous soyez jardinier, cuisinier, ou autre chose. Vous voyez maintenant que nos esprits sont formés en vue d'accepter un statut, une situation. Et quand on a compris tout cela cette compréhension même est l'intelligence qui indiquera ce qu'est un gagne-pain juste. N'est-ce pas?
46:21 Voilà 45 minutes que nous sommes sur cette seule question. Ferez-vous quelque chose à ce sujet?
46:34 Non. Ou poursuivrez-vous votre manière d'agir habituelle? Voilà pourquoi il faut faire énormément de recherche en refusant toute forme d'expérience. Il y a donc un mode d'existence qui ne comporte aucun conflit et l'absence de conflit ouvre la porte à cette intelligence qui indiquera la voie d'un mode de vie juste. (bruit d'avions) J'espère qu'ils s'amusent bien! (Rires)
47:56 Est-il possible d'être si complètement éveillé au moment de la perception que l'esprit n'enregistre pas l'événement?
48:09 Est-il possible d'être si complètement éveillé au moment de la perception que l'esprit n'enregistre pas l'événement?
48:26 Vous avez compris la question? Bien? Non? Dois-je la relire? Est-il possible d'être si complètement éveillé au moment de la perception que l'esprit n'enregistre pas l'événement?
48:56 Nous examinons à présent la question: la réponse se trouve dans la question. Nous allons le démontrer. Nous allons approfondir la question. Il dit ceci: est-il possible de ne pas enregistrer du tout ses blessures, ses échecs désespoirs, anxiétés, expériences - vous suivez? - toutes ces choses qui ont lieu intérieurement et extérieurement de ne pas enregistrer cela afin que l'esprit soit toujours libre. Telle est la question.
49:46 Alors, commençons à l'examiner. Ainsi, le cerveau évoluant dans le temps, son fonctionnement est d'enregistrer. Quelqu'un me dit: 'vous êtes un idiot'. Cela m'a souvent été dit poliment ou non. Et le cerveau l'enregistre instantanément. Vous m'avez accusé d'être un idiot. Cela ne me plaît pas, car j'ai une image de moi d'après laquelle je ne suis pas un idiot et quand vous me traitez d'idiot je suis blessé. C'est l'enregistrement. La blessure existe tant que j'ai une image de moi. Et tout le monde piétinera cette image. N'est-ce pas? Et il y a blessure, j'ai enregistré cela. L'esprit, le cerveau l'a enregistré. Et l'enregistrement consiste à construire un mur autour de moi afin de ne plus être blessé. J'ai peur, donc je me rétracte en moi-même construisant un mur de résistance, et je me sens en sécurité. L'auteur de la question demande alors ceci: est-il possible de ne pas enregistrer cette blessure au moment où je suis traité d'idiot? Vous comprenez? Ne pas enregistrer cet incident la mention verbale, l'insulte les implications et l'image que j'ai de moi. Est-il possible de ne pas du tout enregistrer non seulement la blessure, mais encore la flatterie et j'en ai également eu beaucoup. Vous comprenez? On a les deux. Alors, est-il possible de n'enregistrer ni l'une, ni l'autre? N'est-ce pas? Et le cerveau a été entraîné à enregistrer car cet enregistrement comporte sécurité assurance, force, vitalité et par conséquent, quand il enregistre l'esprit crée l'image de soi. N'est-ce pas? Et cette image sera constamment blessée. Alors, est-il possible de vivre sans la moindre image... - approfondissez cela, Monsieur ne vous endormez pas, je vous prie - l'image de vous-même, de votre mari, femme enfants, amis, etc., des politiciens des prêtres, des idéaux... - pas l'ombre d'une image? Nous disons que c'est possible il le faut bien, sinon vous serez toujours blessé vivant toujours dans un schéma. Il n'y a là aucune liberté. Et quand vous me traitez d'idiot il s'agit d'être complètement attentif à cet instant même. N'est-ce pas? Quand vous prêtez une telle attention, il n'y a pas d'enregistrement. Ce n'est qu'en l'absence d'attention, dans l'inattention, que vous enregistrez. Je me demande si vous captez ceci. Cela devient-il trop difficile? Trop abstrait?
55:32 Ainsi, vous me flattez. J'aime cela. Le fait d'aimer cela à ce instant là est de l'inattention. A cet instant, il n'y a pas d'attention. Par conséquent, l'enregistrement a lieu. Mais quand vous me flattez au lieu de me traiter d'idiot... - vous êtes allé à l'autre extrême, me flattant - il s'agit d'écouter cela si complètement, sans la moindre réaction qu'il n'y a alors pas de centre qui enregistre. Il nous faut dès lors aborder la question de ce qu'est l'attention. Oh seigneur!
56:46 La plupart d'entre nous sait ce qu'est la concentration d'un point à un autre... - n'est-ce pas? - d'un désir, d'un espoir à un autre. Je me concentre sur mon travail me concentrant afin de maîtriser mon esprit me concentrant afin de parvenir à un certain résultat. Cette concentration doit forcément comporter le conflit car vous vous concentrez, et les pensées vous envahissent alors vous essayez de les repousser. Vous connaissez tout cela, n'est-ce pas? Il y a donc cette lutte perpétuelle consistant à se concentrer, et la pensée qui s'échappe. Tandis que dans l'attention il n'y a pas de point à partir duquel vous faites attention. Je me demande si vous le voyez. Suivez-vous tout ceci? J'ignore... Pardon!
58:26 On se demande si vous avez jamais prêté attention à quoi que ce soit. Prêtez-vous attention à ce qui est dit en ce moment? C'est-à-dire l'attention - prêter attention signifie qu'il n'y a pas d'autre pensée, pas d'autre mouvement pas d'interprétation, pas de motif, seulement une écoute totale. Il y a donc une différence entre la concentration qui va de point en point, d'où résistance et l'attention qui n'a pas de centre d'où s'exerce cette attention et par conséquent cette attention inclut le tout elle n'a pas de frontière. Vous avez compris? Pas ce que dit l'orateur, il suffit d'en voir la vérité. Cette concentration amène inévitablement de la résistance: vous vous enfermez, évitez le bruit, les interruptions etc., etc., tout votre cerveau se concentre sur un point... - le point pouvant être excellent, etc. Que se passe-t-il alors? Il y a cette division - le contrôleur et le contrôlé. N'est-ce pas? Le contrôleur est la pensée qui dit: 'j'ai compris, je dois contrôler cela'. Je me demande si vous le voyez. Le contrôleur est ce qu'il contrôle. Mettons cela autrement. Le penseur est la pensée. Il n'y a aucune séparation entre le penseur et la pensée. Le voyez-vous? N'est-ce pas? Vous éliminez donc entièrement la division en prenant conscience que le penseur est la pensée. Dans la concentration, le contrôleur est ce qu'il contrôle. Quand on voit effectivement la vérité de cette chose l'attention arrive alors laquelle pourrait bien inclure la concentration... - je pourrais avoir à me concentrer sur un acte quelconque - mais cela émane de l'attention. Avez-vous compris? (en italien) C'est de l'italien - pardon, il vaut mieux que je le traduise. Pas besoin de lire de l'italien, Je vais le traduire.
1:02:47 Dans vos causeries, vous parlez de la mort comme d'un anéantissement total de toute notre existence, mais vous insistez aussi... (en italien)
1:03:29 Je vais poser la question - d'accord Monsieur? Permettez? Elle été rédigée par notre ami italien et c'est la question qu'il pose.
1:03:40 Dans vos causeries, vous avez dit qu'il y a anéantissement total... - c'est-à-dire après la mort - Et vous avez aussi dit qu'il y a l'immortalité, l'éternité. Et quel est cet état d'éternité, d'existence intemporelle? Peut-on exister en cela?
1:04:13 Avez-vous compris la question? Est-elle claire? Je vais la répéter. L'auteur de la question demande ceci: vous avez dit lors de vos causeries que la mort est l'anéantissement total. Et vous avez aussi dit qu'il y a l'immortalité un état d'existence intemporelle. Peut-on vivre dans cet état.
1:04:49 Telle est la question. Avant tout - écoutez s'il vous plaît je n'ai pas employé le mot 'anéantissement'. J'ai dit que la mort est une fin - n'est-ce-pas? Comme la fin de l'attachement. Quand vous mettez fin à une chose telle que l'attachement quelque chose de totalement nouveau commence. N'est-ce pas? C'est évident. Ayant toute ma vie été habitué à la colère ou à l'avidité, à l'agressivité, quand j'y mets fin quelque chose de tout à fait nouveau a lieu n'est-ce pas? - dans la mesure où cela a été fait. J'ai suivi mon gourou avec tous les gadgets qu'il m'a donnés et réalisant l'absurdité de la chose, j'y mets fin. Voyez ce qui se passe: il y a un sentiment de liberté [à l'égard] du fardeau que j'ai porté inutilement. J'ai dit que la mort s'apparente à la fin de l'attachement.
1:06:48 Et nous avons aussi dit ceci: qu'est-ce qui a continué tout au long de la vie? Vous comprenez ma question? Nous avons opposé la mort à la vie. N'est-ce pas? En est-il ainsi? Nous l'avons fait. Nous disons que la mort se situe à la fin. Cette fin peut avoir lieu dans 10 ou 50 ans, ou après demain. J'espère que pour vous ce sera dans 10 ans, mais c'est là notre illusion c'est notre désir, et c'est notre élan. C'est comme si l'on demandait comment faire face à la mort. Vous suivez ce que je dis? Je dis qu'on ne peut comprendre comment affronter la mort sans avoir compris comment affronter la vie. La mort n'est pas l'opposé de la vie. Je me demande si vous le comprenez. Allons-nous aborder cela? Voulez-vous que j'aborde tout ceci? N'êtes-vous pas fatigué? Cela me surprend! (Rires)
1:08:37 Je pense que ce qui importe le plus n'est pas de savoir comment affronter la mort, ce qu'est l'immortalité si cette immortalité est un état dans lequel on peut vivre. Ce qui est bien plus important, c'est comment faire face à la vie comment comprendre cette chose terrible qu'on appelle vivre. Il ne s'agit pas de comprendre cela verbalement intellectuellement, mais de le vivre, en découvrant ce que vivre signifie parce que vivre comme nous le faisons n'a pas de sens. Que vous soyez un disciple, avec tous les joyaux et tout le reste, n'a aucun sens! Se rendre au bureau jour après jour pendant les 50 prochaines années travailler comme un nègre, aller à l'église toutes ces choses là, qu'est-ce que tout cela veut dire? Vous aurez beau donner un sens à la vie comme cela se fait, disant que c'est la vie, qu'il doit en être ainsi mais nonobstant tout ce romantisme illusoire, cet idéalisme absurde la vie est ceci: nos peines quotidiennes, la compétition, le désespoir la dépression, l'angoisse avec d'occasionnels éclairs de beauté, d'amour. Telle est notre vie. Sommes-nous capables d'affronter cela de le comprendre si totalement que notre vie soit dénuée de tout conflit? Ce qui signifie mourir à tout ce que la pensée a construit. Je me demande si vous le comprenez. La pensée a construit ma vanité. La pensée a dit: 'il faut être comme ceci'. La pensée a dit: 'tu es bien plus malin que cet autre'. La pensée a dit: 'accomplis, deviens quelqu'un lutte, entre en concurrence', comme aux jeux olympiques. Voilà ce que la pensée a bâti c'est mon existence, votre existence. Nos dieux, nos églises, nos gourous, nos rituels nos changements de noms en noms indiens tout cela relève de l'activité de la pensée. Et, comme nous l'avons dit, la pensée est un mouvement de mémoire, d'expérience, de savoir. C'est-à-dire, l'expérience apporte un certain savoir emmagasiné dans le cerveau en tant que mémoire, et la réponse de cette mémoire est le mouvement de la pensée. C'est ainsi, si vous l'observez. La pensée est donc un processus matériel. N'est-ce pas? La pensée a donc fait ceci, ma vie est ainsi. Je suis distinct de vous, je dois accomplir - vous suivez?
1:13:17 Et quand la pensée prédomine dans notre vie comme elle le fait, la pensée dénie alors l'amour. N'est-ce pas? L'amour n'est pas un souvenir. L'amour n'est pas une expérience. L'amour n'est ni désir, ni plaisir. Non, vous serez d'accord là-dessus, mais... Telle est donc notre vie. Et, en menant ainsi notre vie nous l'avons séparée de la chose que l'on nomme la mort, qui est une fin et nous en avons peur. Si et quand nous nions tout ce que la pensée a créé en nous, nous y mettons fin. Comprenez-vous ce que je dis? Ceci demande énormément de cran et non tout ce romantisme absurde. Vos attachements, vos espoirs, vos vanités votre sentiment d'importance, tout cela revient à devenir. Quand ce devenir prend complètement fin, que vous reste-t-il? Vous êtes avec la mort, n'est-ce pas? Donc vivre, c'est mourir, d'où le renouveau. Oh, vous ne comprenez pas tout ceci. Faites-le, et vous le découvrirez. Mais nous sommes entraînés à être des individus moi et vous, mon ego et le vôtre. Est-ce là un fait? Ou sommes-nous l'humanité entière car nous passons par ce qu'éprouve chaque être humain: appétits sexuels, complaisance, souffrance, grand espoir, peur anxiété, et l'immense sentiment de solitude c'est notre lot commun, telle est notre vie. Nous sommes donc l'humanité entière, nous ne sommes pas des individus. Il nous plaît de penser que nous le sommes, mais nous ne le sommes pas. Vous auriez beau être habile à l'écriture d'un livre cela ne ferait pas de vous un individu. Vous avez un don mais ce don qui vous permet d'écrire ou de danser ou de faire quoi que ce soit est traduit en 'mon don'. Et quand vous l'admettez comme étant 'votre don', la vanité vous savez, toute cette comédie entre en jeu.
1:17:34 Il y donc bien une vie dans laquelle il n'y a pas de centre en tant que 'moi' et la vie va alors de pair avec la mort et par conséquent cette sensation de fin totale équivaut à la cessation du temps. Naturellement, car le temps est un mouvement mouvement signifie pensée, pensée égale temps. Et si vous dites 'est-ce que je vis dans cette éternité?' c'est que vous n'avez pas compris. Vous voyez ce qu'on a fait? 'Je veux vivre dans l'éternité' 'Je veux comprendre l'immortalité' ce qui signifie 'je dois faire partie de cela'. Mais qu'êtes-vous? Un nom, une forme, et tout ce que la pensée a rassemblé. Voilà ce que nous sommes, en fait. Et nous nous y cramponnons. Et arrive la mort par maladie, accident, veillesse - comme nous avons peur! Et il y a toujours le prêtre du coin qui vous dit: 'vous irez au ciel'. Ou si vous ne faites pas ce qu'il dit, 'vous irez en enfer'. Pas seulement le prêtre du coin mais le gourou du coin. Ils sont pareils.
1:19:55 Alors, pouvons-nous vivre une vie qui soit si complètement dépourvue de centre qu'elle ne comporte aucun conflit et seulement alors peut émerger cet état d'esprit intemporel.
1:20:31 Puis-je me lever?