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SA80T2 - Le mouvement de la pensée et le devenir
2e causerie
Saanen, Suisse
8 juillet 1980



0:26 Faut-il que vous soyez courageux pour affronter ce temps.
0:59 Pouvons-nous poursuivre ce dont nous parlions dimanche? Nous disions que les êtres humains ont évolué pendant des millions d'années. L'évolution implique le temps non seulement physique, mais psychologique, le temps intérieur. L'homme s'est développé depuis l'aube de son existence en passant par diverses expériences, calamités, accidents, peurs anxiétés, etc. Notre cerveau a évolué dans ce sens. Et je pense que personne ne peut contester cela. Il s'est donc constitué un schéma un moule d'après lequel il modèle sa vie. Ce schéma, ce moule est un processus de temps que l'on nomme évolution. Et ainsi, le cerveau et l'esprit qui sont une même chose, ne peut jamais être libre. J'espère que vous réfléchissez ensemble ceci n'est pas de la propagande ni une façon de vous persuader de penser dans une direction quelconque. Nous pensons ensemble essayant de découvrir les causes pour lesquelles nous, les humains vivont comme nous le faisons en dépit de nos millions d'années d'expériences de souffrance, de peur, de plaisir, etc. Nous demandions hier, ou avant-hier quelle est la cause de toute cette terreur misère, confusion, incertitude. Et nous disions qu'une des causes pourrait être le fait que dès l'origine, l'homme a été en quête de sécurité non seulement dans son environnement mais également la sécurité intérieure. Ce pourrait être là une des causes de la calamité actuelle.
4:21 Et nous avons aussi dit qu'il se pourrait que tout au long de cette durée d'évolution l'homme ait cultivé l'idée d'individualité - le moi et le vous. Le 'moi' distinct, qui se débat, lutte, se bat contre vous pour survivre. Et cela pourrait être une des causes.. de la misère, la confusion, la terreur actuelles. Et nous avons aussi dit qu'une des causes majeures pourrait être la pensée elle-même. Et nous avons indiqué que là où il y a une cause, il peut aussi y avoir une fin à cette cause. Je pense qu'il nous faut comprendre cela clairement, dès le début. Une cause, un commencement, un motif qui produit son propre effet et cette causalité peut continuer à jamais. Et cette cause peut être terminée. Je pense que c'est évident, pour peu qu'on l'approfondisse de soi-même.
5:59 Comme nous l'avons dit hier si l'on éprouve une douleur physique, celle-ci a une cause. Et cette cause, cette douleur, peut être terminée. De même, psychologiquement il peut y avoir une cause à notre souffrance à nos peurs, nos angoisses, et ainsi de suite. Et cette cause, si cause il y a, peut être terminée. C'est une loi, et l'on n'y peut rien...c'est ainsi.
6:43 Et nous demandions hier, ou avant-hier quelle est la cause fondamentale de toute cette confusion? Y a-t-il une cause unique, ou plusieurs causes? Je ne sais si vous avez abordé la question, et y avez réfléchi ou si vous n'avez fait que l'effleurer sans y prêter attention, afin de découvrir cela par vous-même mais au fur et à mesure que nous avançons peut-être serons-nous à même d'en découvrir la cause unique, ou les causes multiples. S'il y a plusieurs causes à notre malheur est-il possible de les analyser? Je vous en prie, allons très lentement nous réfléchissons ensemble, je ne vous dis pas à quoi il faut penser. Je ne me livre à aucune forme de propagande. L'orateur ne cherche nullement à vous persuader de quoi que ce soit. Car nous devons être libres d'observer et de découvrir et par conséquent il n'y a aucune autorité aucun groupe, secte, ou personne pour vous le dire. Il faut être suffisamment éveillé pour le trouver de soi-même.
8:32 Nous disons donc ceci: y a-t-il à ceci plusieurs causes ou n'y a-t-il qu'une cause suprême qui les inclut toutes? Vous suivez? Nous avons dit qu'une des causes pourrait être ce désir perpétuel de sécurité être sûr, protégé se sentir stable, sans la moindre incertitude. Et nous avons aussi dit qu'une des causes pourrait être que l'homme s'est toujours considéré comme étant un individu distinct de l'humanité toute entière et par conséquent, il a construit un mur de division entre lui-même et le reste, et là pourrait être une des causes. Et l'autre cause pourrait être la pensée elle-même.
10:19 Donc l'homme, et son cerveau, son esprit, ont été façonnés dans le temps par ce qu'on appelle l'évolution pendant des millions et des millions d'années. Et le temps ne lui a pas apporté la liberté. Peut-être est-il libre extérieurement. Il peut aller d'un pays à un autre, d'un métier à un autre d'une affaire à une autre sûrement pas dans les pays totalitaires mais il y a dans la société soi-disant démocratique une certaine liberté, physiquement. Mais, psychologiquement, intérieurement, l'esprit - qui comprend le cerveau a été façonné par le temps et n'est donc jamais, jamais libre. Et ce pourrait être là une des causes de ce que l'homme, s'étant fait prisonnier psychologiquement, est par conséquent privé de toute liberté et ne peut fleurir. N'est-ce pas? J'espère que nous nous rencontrons. Je vous en prie, s'il m'est permis, nous pensons ensemble. Il faut vous servir de votre cerveau, votre esprit, votre cœur pour découvrir cela car autrement, nous allons nous détruire mutuellement. C'est ce qui est en train de se passer dans le monde. Une nation prenant plus d'importance qu'une autre une tribu plus importante qu'une autre se livrant à la course aux armements - et tout le reste, vous savez. 400 milliards de dollars par an pour la guerre. Vous comprenez la folie de tout ceci?
12:58 Donc, le cerveau, l'esprit, qui ne font qu'un, n'a jamais été libre. Et sans liberté, l'homme ne peut fleurir. Il lui est impossible de se transcender. Et là pourrait résider une des causes majeures de notre confusion car nous ne sommes pas libres intérieurement. Le temps nous a formatés à suivre certains modèles. En observant son esprit, son propre cerveau en fonctionnement on peut très facilement découvrir que l'on a reconduit un certain modèle que l'on a parcouru un certain chemin pendant des millions d'années. En Occident, on a subi 2000 ans de lavage de cerveau de la part des prêtres de même en Orient, pendant peut-être trois, quatre, cinq mille ans ou plus. Nos cerveaux sont donc conditionnés. Nos cerveaux sont au moule de certains édits interdictions, ou sanctions provenant d'instructeurs, de philosophes, de prêtres les prêtres intervenant entre vous et cela. Ce sont eux, les sauveurs. C'était peut-être valable à une certaine époque dans l'Egypte ancienne, dans les civilisations anciennes d'Orient mais maintenant, ce genre de choses est devenu plutôt puéril.
15:08 Quelle est donc la cause de tout ceci? Techniquement, intellectuellement, scientifiquement l'homme a considérablement évolué dans toutes ces directions. Il est devenu extraordinairement habile savant, capable, non seulement de s'entretuer mais aussi de se guérir mutuellement... - la médecine, la chirurgie, etc. Et, comme nous l'avons souligné l'autre jour la science essaie de découvrir l'ultime à travers la matière. Si vous avez parlé à des savants, vous verrez qu'il en est ainsi. C'est-à-dire qu'à travers la matière, l'extérieur vous étudiez, étudiez, étudiez accumulant énormément de connaissances sur l'extérieur en espérant par là découvrir l'original, l'origine de tout ceci. C'est ce que font les scientifiques.
16:36 Les religieux disent qu'il y a Dieu. Et que ce dieu a créé ce monde. Ce dieu doit être un dieu plutôt malheureux plutôt confus, plutôt corrompu pour avoir fait ce monde tel qu'il est. Ou encore, vous avez votre propre théorie favorite sur l'origine de tout ceci conçue intellectuellement. Ayant compris les multiples philosophes, théologiens théoriciens en communisme, et théologiens chrétiens etc peut-être avez-vous abouti à certaines conclusions, opinions, jugements. Mais, si vous voulez découvrir l'origine de tout ceci vous devez mettre tout cela de côté, c'est évident. Et cela requiert non seulement une certaine qualité de force, de perception mais une observation très attentive - pas de l'analyse. Encore une fois, l'analyse est du domaine du temps. Non seulement a-t-on analysé, analysé, analysé le monde extérieur à soi, mais encore les philosophes, les psychologues, les psychothérapeutes ont analysé nos esprits et sont parvenus à certaines conclusions certains concepts, etc. Et nous sommes conditionnés par ces gens. Et pour pouvoir découvrir la cause originelle de tout ceci il faut être libre de tout cela sinon il n'y a pas de liberté. La liberté ne consiste pas à se rendre à tel ou tel village ou à être libre de choisir son travail à la liberté d'expression, la liberté de ceci ou de cela mais la véritable liberté réside là où l'esprit et le cerveau où toute la structure psychologique de l'organisme est libre de tout modèle, de tout moule de tout ce que d'autres ont imposé à nos esprits et nos cœurs.
20:05 Alors, si vous êtes sérieux, et j'espère que vous l'êtes et vous devez l'être puisque vous êtes venus ici en dépit de ce temps détestable j'espère que vous êtes assez sérieux pour vous pencher sur tout ceci. Il ne s'agit pas seulement de ce matin ou d'avant-hier mais d'une observation, d'une recherche continue. Je vous en prie, ne dites pas 'je l'ai entendu, j'ai compris' ou bien 'il dit des bêtises' et vous sortez. Il faut beaucoup de patience. L'impatience est le temps. La patience n'est pas le temps. Patience signifie observation proche, attentive, critique, une observation pas à pas. Voilà la véritable patience. Il n'y a pas de temps dans cette observation. Mais si vous êtes impatient d'avancer vous allez à toute allure sans comprendre le commencement.
21:36 Alors, quelle est la cause de ce malheur? Est-ce le besoin de sécurité? Est-ce cette illusion selon laquelle nous sommes séparés que notre cerveau est totalement distinct d'un autre cerveau que nos esprits, nos comportements respectifs diffèrent l'un de l'autre? Ou est-ce la pensée? Il n'y a pas de pensée occidentale ou de pensée orientale. La pensée est la pensée que l'on vive en Asie, en Extrême ou Moyen Orient, ou en Occident c'est toujours la pensée. Peut-être pense-t-on d'une certaine façon ou dans une certaine direction selon un certain schéma, mais c'est toujours la pensée. Que cette pensée soit utilisée en Orient ou en Occident, c'est toujours la pensée conditionnée peut-être par l'environnement en Occident ou en Orient mais c'est toujours la pensée. Alors, est-ce là la cause de tout ceci? Car l'observation montre qu'historiquement l'homme a continué à vivre de cette façon: lutte réciproque, combat, conflit, malheur, anxiété sentiment de peur persistante et recherche du plaisir, souffrance élan d'amour se traduisant en sexualité et de compassion - ce qui n'est qu'une idée et non une chose vivante.
24:35 Nous marchons donc ensemble - je vous en prie nous parcourons ensemble la même route je ne suis pas en train de vous conduire de professer d'assumer une quelconque autorité, même si je me trouve sur une estrade. Et je l'entends bien ainsi. Nous marchons donc ensemble pour la découvrir non par l'analyse. Il faut approfondir cette question de l'analyse. Là où il y a analyse, il y a division. L'analyseur et l'analysé. N'est-ce pas? L'un présume qu'il sait et qu'il est donc à même d'analyser. Observez votre propre esprit, Monsieur ceci se passe constamment quand nous analysons. Le processus de l'analyse fait nécessairement appel au temps. 'Je ne serai peut-être pas capable d'analyser clairement aujourd'hui mais je vais apprendre, acquérir du savoir sur la façon d'analyser' ce qui implique que de jour en jour, de mois en mois, ou de semaine en semaine, l'on apprenne progressivement l'art de l'analyse. L'analyse implique une division entre l'analyseur et l'analysé. N'est-ce pas? Il y a donc une interprétation continuelle entre les deux entités des interactions entre les deux, l'une jugeant l'autre... - vous suivez tout ceci? - l'une imposant sa sentence à l'autre. Tout cela implique non seulement le temps mais encore une division continuelle entre les deux. N'est-ce pas? N'est-ce pas? Avançons-nous ensemble?
27:11 Et cette division a été un de nos conditionnements à savoir que l'analyseur est totalement distinct de l'analysé. Mais en est-il ainsi? L'analyseur n'est-il pas l'analysé? Avançons-nous ensemble? Quand j'analyse mon anxiété en analysant cette chose appelée anxiété comment est-ce que je sais qu'il s'agit de l'anxiété? Vous suivez tout ceci? Parce que je me souviens de ma précédente expérience d'anxiété je m'en suis souvenu, c'est emmagasiné dans mon cerveau et, la prochaine fois que se manifeste cette réaction je la reconnais et je dis: c'est l'anxiété. Il y a donc toujours cette division, continuellement entretenue. Mais, si vous observez bien, le fait est que quand vous êtes en colère, vous n'êtes pas distinct de la colère. Ce n'est qu'après coup que vous dites 'j'ai été en colère'. Je me demande si vous suivez tout ceci! N'est-ce pas? - pouvons-nous poursuivre? Encouragez-moi. (Rires) Ne m'encouragez pas! (Rires)
29:09 Il faut donc prendre conscience que l'analyse entretient continuellement cette division. Le 'je', l'observateur est-il distinct de l'observé. psychologiquement parlant. Non que je ne sois pas distinct de l'arbre: j'en suis distinct mais, psychologiquement, cette division est l'essence du conflit l'essence de la tentative d'être quelque chose que l'on n'est pas d'où le combat. Voilà le schéma dans lequel le cerveau a vécu. N'est-ce pas? Et nous disons que ce processus d'analyse n'engendre pas la moindre liberté. Au contraire, il entretient un conflit permanent. Et un esprit, un cerveau en conflit perpétuel ne peut que s'user il n'est jamais frais il ne fleurit jamais, mais poursuit le même schéma. Sommes-nous ensemble ici? Le voyons-nous? Je crains que non, car il se pourrait que vous soyez des analystes. C'est peut-être votre profession. Et quand on est lié à quelque chose on est déjà sur la voie de la corruption. N'est-ce pas? Vous suivez tout ceci? Je vous en prie, ne soyez pas fâché avec moi, ou contrarié. Je me borne à indiquer des faits. Soit vous pouvez regarder les faits et agir, soit vous dire: 'c'est trop pour moi. En tant qu'analyste, je dépends de ma femme, j'ai mes responsabilités peu importe la voiture - et l'on continue. Mais si l'on est sérieux dans sa recherche sur tout ceci il faut y consacrer tout son esprit.
32:14 L'analyse empêche donc une observation claire. Il est bien plus important d'observer que d'avoir un esprit analytique. Nous avons perdu le pouvoir de l'observation mais avons cultivé l'art de l'analyse. Nous n'observons jamais clairement ce qui se passe dans nos esprits et nos cœurs, sans aucune déformation. Et comme nos esprits et nos cœurs sont si déformés, si corrompus nous pensons que cette corruption, cette déformation peuvent être redressées par l'analyse. Et, par conséquent, cette analyse n'en perçoit jamais clairement l'importance et la signification parce que nous y sommes engagés. De même qu'une personne engagée dans une croyance n'en percevra jamais d'elle-même le ridicule.
33:43 Nous disons donc que l'important est d'observer l'activité de nos propres esprits et nos cœurs. Et cette observation est empêchée s'il existe une quelconque déformation une quelconque orientation, c'est-à-dire un quelconque motif. Ceci demande donc un esprit extraordinairement attentif. N'est-ce pas? Avançons-nous ensemble? C'est peut-être nouveau pour vous ou vous n'en avez pas encore entendu parler ou peut-être avez-vous lu à ce sujet dans quelque livre. Comme ce serait merveilleux si vous n'aviez lu aucun livre. Pour ma part, je n'en ai pas lu. Si vous n'avez lu aucun livre, écouté aucun prédicateur aucun prêtre, aucun philosophe, aucun gourou vous pouvez alors y venir à neuf y venir en sorte que vous puissiez observer votre structure toute entière. Mais malheureusement, nous sommes tous des gens très malins, cultivés ou ayant lu négligemment, en picorant par-ci, par-là, et pensant qu'en additionnant le tout on peut dire: 'j'ai acquis un certain savoir'. - il est vraiment merveilleux de pouvoir le faire car il y a en cela une liberté d'observer et c'est là l'essence de la liberté. Sans cela, il est impossible de pénétrer tout ceci.
36:26 J'espère que vous êtes en train de travailler aussi fort que l'orateur.
36:36 Nous disons donc ceci: si l'on ne trouve pas la cause, on ne peut mettre fin au schéma. N'est-ce pas? Quelle est la cause de toute cette misère humaine? Car vous êtes l'humanité - voyez-le, je vous prie - vous êtes l'humanité votre cerveau s'est développé pendant des millions d'années... - ce n'est pas votre cerveau, c'est le cerveau commun de l'homme par conséquent, vous êtes le monde et le monde est vous. Vous n'êtes pas Suisse, Allemand, et toute cette absurdité. Vous êtes en fait un être humain comme ces êtres humains d'Extrême Orient affamés, malheureux, brutalement massacrés vous êtes ceux qui souffrent, sont anxieux, vous savez-bien vous êtes tout cela, psychologiquement. Ainsi, votre esprit, votre cœur sont l'humanité. Vous n'êtes pas séparés. Si vous pouviez seulement le comprendre!
38:16 Nous disons donc ceci: notre esprit est un esprit commun un cerveau commun qui s'est développé dans le temps et ce cerveau - cet esprit a fonctionné dans une certaine direction tout au long de ces millénaires. Et le même schéma se poursuit se modifiant seulement, s'adaptant, se rétractant se contractant, s'élargissant, mais c'est dans le même sens. Et quand on voit tout ceci comment l'homme se détruit, détruit la terre, l'air et la nature, les animaux, on se sent terriblement responsable. Et quelle en est l'origine? Quelle en est la cause? Bien? Avançons.
39:37 Est-ce la pensée? La pensée est le mouvement issu du savoir. Vous comprenez? Expérience, savoir, mémoire, pensée, c'est un seul et même mouvement. Ce n'est pas d'abord acquérir de l'expérience, puis le savoir ensuite la mémoire, enfin la pensée; c'est un seul mouvement unitaire se poursuivant sans cesse dans la même direction. N'est-ce pas? N'est-ce pas, Messieurs? Est-ce là l'essence, la vraie cause et pas l'individu, pas son désir de sécurité mais le mouvement même de la pensée qui a engendré ce chaos sévissant actuellement dans le monde? Veuillez chercher avec moi, sans approuver, ni désapprouver autrement, nous ne pouvons nous rencontrer. Aucune communication n'est possible si vous approuvez ou désapprouvez. Mais si vous observez, bougez, vivez, c'est alors quelque chose de vital. La pensée a créé des merveilles: les grandes cathédrales, la merveilleuse architecture les chants magnifiques, les poèmes, la musique l'extraordinaire technologie la bombe, l'atome tout cela résulte de la pensée. L'énorme accumulation d'armes pour se détruire mutuellement résulte de la pensée. Et tout le savoir accumulé par les savants résulte de la pensée. Si l'on ne pense pas, on ne peut se rendre chez soi ni parler des langues. La pensée occupe donc une place extraordinairement importante. Mais nous examinons, observons la cause du malheur de l'homme hormis le monde des commodités physiques, les communications le téléphone et les moyens de transport nous ne parlons pas de cela, c'est évident. Mais la pensée est-elle l'essence de notre malheur? Vous comprenez? Si elle l'est, cela peut-il alors cesser? Vous comprenez ma question? Rejoignez-moi, s'il vous plaît, ne vous endormez pas. Prêtez-y seulement votre attention, je vous prie.
44:09 Vous savez, un homme souffrant physiquement fera n'importe quoi dépensera de l'argent, entreprendra un long voyage, n'importe quoi pour guérir. Mais nous ne semblons pas vouloir consacrer la moitié ni même le quart de ce temps pour étudier tout ceci: pourquoi les humains passent par tant de souffrance dans la vie pourquoi la vie est devenue si dangereuse si totalement dénuée de sens, comme nous la vivons. Alors, la pensée est-elle à l'origine de tout ceci? Et la pensée est-elle le centre de toute notre existence? Vous comprenez? Notre amour, nos affections, nos souvenirs la création d'images, tout cela est le mouvement de la pensée. Et nos rapports mutuels relèvent du mouvement de la pensée. Et, comme nous l'avons dit, la pensée est l'enfant du savoir. Si vous n'aviez aucun savoir, vous ne pourriez pas penser du tout. Et le savoir est toujours limité. Il n'y a pas de savoir complet sur quoi que ce soit. Il y a compréhension totale de quelque chose d'au-delà de tout ceci quand le savoir prend fin. Nous allons approfondir ceci, bien plus tard. Nous ne cherchons pas en ce moment à vous vendre quelque chose pour vous faire patienter (rires) et capter quelque chose plus tard! Mais, si l'on ne suit pas ceci pas à pas il devient très difficile d'avancer dans la compréhension. Vous comprenez? Il n'existe pas de savoir complet sur quoi que ce soit: sur l'univers - les astrophysiciens ne peuvent le découvrir - les érudits, les philosophes, les gourous tous se fondent sur le savoir. Et ce savoir est incomplet. Ils pourront bien dire 'je crois en Dieu qui est suprême, omnipotent' et tout le reste 'et lui seul possède le savoir complet, ou la fin du savoir'. Mais nous ne disons pas de telles sornettes. Nous soulignons que le savoir est toujours limité parce qu'il se situe toujours dans l'ombre de l'ignorance. N'est-ce pas? Nous rencontrons-nous? Allons, Messieurs!
48:08 Même les plus grands philosophes, les spécialistes mondiaux les théoriciens, les gens d'église et de religion ne peuvent en aucun cas... - à moins d'être idiots - se prévaloir d'un savoir universel. Ainsi, notre pensée, née du savoir, est-elle limitée. N'est-ce pas? Il n'y a pas de pensée complète. Nos actes sont donc limités. Nos observations sont limitées aussi longtemps qu'elles procèdent de la pensée. N'est-ce pas? Si je vous observe analytiquement, vous examinant analytiquement cette analyse est alors un processus de pensée et mon observation, ma conclusion sont donc toutes nécessairement limitées. N'est-ce pas? Vous suivez ceci? Ce qui signifie avoir un grand sentiment d'humilité pour observer. Vous comprenez, Monsieur? Pas de: 'je sais, je vais observer' mais une humilité, d'où une liberté à l'égard de cette certitude d'observer. Je vais approfondir cela dans un instant.
50:10 Ainsi, si la pensée est à l'origine de tout ce gâchis et il semble que ce soit le cas... - n'admettez pas ce que je vous dis nos malheurs, nos guerres, la division des peuples des religions, professions la division de tout ce devenir relève du mouvement de la pensée. Je ne sais si vous avez observé dans le monde physique, comment l'homme devient employé de bureau, prêtre, ou contremaître ou homme d'affaires et gravit l'échelle. Il est sans cesse en train de devenir quelque chose, physiquement. Le prêtre de paroisse devient évêque l'évêque devient cardinal, archevêque et l'archevêque, le cardinal, devient pape. C'est le même schéma qui se répète physiquement. Nous faisons la même chose psychologiquement, intérieurement devenant sans cesse quelque chose: 'je ne suis pas ceci, mais serai cela'. 'Je ne suis pas bon, mais je m'améliorerai. Vous comprenez? Donc, ce mouvement de devenir - comprenez-le bien, je vous prie ce sentiment de devenir est le mouvement de la pensée dans le temps. N'est-ce pas? Et l'origine de tout ce gâchis pourrait être là. Chacun essaie de devenir quelque chose. Devenir quelque chose physiquement peut se comprendre c'est plutôt compétitif, cruel, destructeur mais on peut voir ce qui se passe et ne pas entrer dans ce jeu. Mais le voir psychologiquement est une toute autre affaire. Entendez bien ceci, observez le, s'il vous plaît, à savoir que psychologiquement vous êtes toujours en train de devenir quelque chose: conflit, conflit, conflit, on lutte, on se bat, on pousse. Et la cause de ce monde destructeur dans lequel nous vivons pourrait être là.
53:43 Alors, ce devenir est le mouvement de la pensée. Vous suivez ceci? Je me compare à vous psychologiquement, disant... 'comme vous êtes intelligent, affectueux, plein d'égards' et ceci, et cela, et je m'efforce de le devenir. La comparaison est le mouvement de la pensée. N'est-ce pas? Bien.
54:36 Voyez, Monsieur, j'ai fait cette déclaration: dès lors, que fait l'esprit quand vous l'entendez? Il n'observe pas immédiatement ce qui se passe en vous mais, ayant entendu une telle affirmation l'esprit en fait une abstraction la transformant en idée, et puis vous contestez cette idée. Tandis que la réalité est différente de l'idée. Le mot 'souffrance' est différent de la souffrance réelle. N'est-ce pas? Maintenant, si vous voulez bien écouter ce qui est dit à savoir que l'esprit, le cœur et le cerveau - qui font un en réalité ont été conditionnés par le temps, par la culture par la religion, à devenir quelque chose et il y a dans ce devenir, compétition lutte, brutalité, violence, et ainsi de suite. Quand vous entendez cela, est-ce pour vous une réalité, ou une idée? Vous suivez? Est-ce une idée ou un fait? Car il est très important de comprendre ceci. Parce que nos esprits agissent toujours en fonction des idées et non des faits. Psychologiquement parlant. Psychologiquement, le cerveau transforme aussitôt un fait en abstraction que l'on appelle l'idéal, etc., etc., etc. Tandis que l'observation montre que le fait importe plus que l'idée. Et l'on peut agir avec le fait on peut en faire quelque chose mais on ne peut rien faire d'une idée sauf créer davantage de discorde, d'opinions divergentes et d'idéologies, et tout le reste s'en suit. Mais observez le fait que le cerveau, l'esprit et le cœur - qui font un... - que cet esprit s'efforce sans cesse de devenir quelque chose. C'est là un fait, pas une idée.
58:04 Maintenant, allons-y lentement. Le fait est-il distinct de vous qui observez le fait? Vous comprenez tout ceci? Le fait est que chacun de nous s'efforce de différentes manières, de devenir quelque chose non seulement dans le monde extérieur, mais surtout psychologiquement. Le psychologique, le fondamental l'intérieur affecte entièrement l'extérieur et non l'inverse, comme tâchent de l'affirmer les communistes. Si vous observez, c'est bien l'inverse. Les communistes avaient de merveilleuses théories, à une certaine époque: pas de gouvernement, pas d'armée l'égalité pour tous - et regardez ce qui s'est passé! Donc les idées sont ce qu'il y a de plus destructeur, pas les faits. Le fait est ce qu'il est, et nous disons ceci: est-ce là la cause du malheur de l'homme? C'est-à-dire, la pensée a construit cette structure psychologique basée sur le désir d'être autre chose que ce qui est. N'est-ce pas? Suivez-vous ceci, Messieurs?
1:00:09 Alors, si la cause est là est-il dès lors possible de vivre en ce monde sans devenir quoi que ce soit, psychologiquement? Ce qui ne signifie pas que vous soyez ce que vous êtes. Comprenez-vous? En effet, qu'êtes-vous? Vous n'êtes rien que du devenir. Je me demande si vous le voyez! Je suis fatigué. Pas fatigué, mais je me donne tellement à tout ceci. (Rires) Comprenez-vous ceci, Messieurs? Alors, si vous dites 'je ne deviens rien', que suis-je? Je pourrais alors devenir un végétal, ne plus rien faire. Mais avez-vous jamais approfondi cette question de ne rien devenir? Ce qui signifie la fin de toute comparaison, imitation, conformisme psychologiquement. Vous suivez? C'est-à-dire, s'il doit y avoir une fin à la cause de toute cette misère humaine et si là se trouve la cause de ce que chaque être humain de par le monde... - qu'il vive dans un petit village ou au 30ème étage d'un immeuble hautement sophistiqué chacun suivant le même schéma depuis des millénaires - si là en est la cause, celle-ci peut être terminée, naturellement. Qu'est-ce alors que l'homme? Vous suivez? N'est-il rien du tout? Suivez attentivement ceci. Le devenir fait-il quelque chose de vous? Vous suivez tout ceci? En devenant quelque chose psychologiquement vous n'êtes rien en fin de compte. Je me demande si vous vous en rendez compte. Mais cela nous fait peur.
1:03:16 Donc, si là réside la cause... - et une cause a toujours une fin - ce devenir est-il le mouvement de la pensée? Je veux me connaître - la connaissance de soi. Voyez comme ceci est fallacieux. Pardon! (Rires) Je veux me connaître et je commence à analyser, à observer, à remettre en question. L'observation même, le questionnement lui-même le mouvement intérieur lui-même sont encore et toujours le mouvement de devenir. Vous avez compris? Je me demande si vous voyez tout cela, car nous en arrivons à des choses tout à fait fondamentales. Ainsi, tout mouvement de l'esprit soit dans le devenir, soit dans le non devenir, est identique. Je me demande si vous le voyez. Oui Messieurs? N'est-ce pas? Devenir est le mouvement de la pensée. Et vous dites: 'je le vois et je dois y mettre un terme et devenir autre chose'. C'est encore le mouvement de la pensée, dans une autre direction. N'est-ce pas? Alors ce mouvement de pensée peut-il cesser? Tout ceci est-il trop abstrait? Non, non, je ne traite pas d'abstractions, personnellement. J'en ai horreur.
1:05:53 Donc, l'esprit, l'esprit humain... - pas mon esprit, ni le vôtre - a suivi cette direction de siècle en siècle encouragé par les prêtres, par les philosophes par les gens érudits, afin d'en savoir toujours plus non seulement sur soi-même, mais sur l'extérieur. Et si quelqu'un survient et dit 'regardez ce que vous faites' alors, l'idée que vous devez vous connaître vous amène à poursuivre cette voie c'est-à-dire à continuer à apprendre sur vous-même afin de devenir quelque chose ou de ne rien devenir du tout. Il s'agit donc d'un même mouvement, quelqu'en soit le sens.
1:07:03 La question est donc celle-ci: ce mouvement peut-il prendre fin? Vous comprenez, Monsieur? Accompagnez-moi. Car si la pensée est cause de tout ce malheur la pensée peut-elle alors ne pas se mouvoir dans quelque direction que ce soit? Je me demande si vous suivez ceci! Il faut donc se pencher sur la question suivante: qu'est-ce que penser? Car la fonction de penser a produit ce bruit (le train)... La fonction de penser a produit les guerres elle a produit la division dans nos relations la division basée sur... - oh, grands dieux - l'image que vous vous êtes faite l'un de l'autre, naturellement. N'est-ce pas? Cette image est le produit du temps. Vous avez peut-être un mari, une petite amie, ou un ami, peu importe le cerveau a aussitôt formé une image. L'image est le facteur de séparation c'est-à-dire la pensée en fonctionnement. Quand vous dites 'je me souviens de vous' c'est le rappel, le souvenir du passé qui a été enregistré dans le cerveau, et je me suis souvenu de vous. L'image est formée, c'est la pensée, un symbole. Un symbole, un mythe n'est pas une réalité. N'est-ce pas? Quand vous faites un signe de croix tous les symboles présents dans l'église ne sont pas la réalité ne sont pas la vérité.
1:10:28 Donc, comme nous l'avons dit, penser est un mouvement dans le temps car le temps est un facteur d'acquisition de savoir résultant de l'expérience, des incidents, accidents de la communication, etc. d'où résulte l'acquisition de savoir. Ce savoir est un mouvement de pensée. N'est-ce pas? Hier, j'ai fait l'expérience d'une rencontre avec vous elle est enregistrée dans le cerveau je m'en souviens et je dis: 'vous êtes cette personne'. C'est donc très simple, si vous voulez bien l'approfondir. La pensée est donc matière. N'est-ce pas? Oh, Seigneur! Car j'ai discuté de cela avec certains savants d'aucuns sont d'accord, d'autres pas mais peu importe, je vous le dis, c'est tout que vous soyez d'accord ou pas, cela ne fait rien. Le savoir, qui est toujours incomplet est emmagasiné dans le cerveau. Le cerveau est de la matière. N'est-ce pas? Les cellules sont de la matière elles contiennent les souvenirs par conséquent, la pensée est matérielle. Alors attendez, regardez: les savants s'efforcent de découvrir ce qui se trouve au-delà de la matière, s'il existe [un au-delà]. Mais ils ne vont jamais en eux-mêmes, voir que la pensée est matière... - vous suivez tout ceci? - et cherchent à travers eux-mêmes s'il existe quelque chose de très au-delà de tout ceci. Il ne s'agit pas de l'imposture d'une existence de Dieu. C'est bien trop immature, trop stupide. Mais on s'efforce actuellement de rechercher au travers de la matière... - je me demande si vous suivez tout ceci! - au moyen de la pensée, qui est matière la source de tout ceci à travers cette matière. N'est-ce pas? Vous avez compris?
1:13:31 Quelle heure est il?
1:13:35 Q: Il est midi moins vingt.
1:13:40 K: Midi? J'ai parlé une heure?
1:13:45 Q: Cela fait une heure et dix minutes.
1:13:48 K: Encore cinq minutes.
1:14:00 Vous comprenez, Monsieur? Voyez ce qui se passe - si vous le voulez bien. Les scientifiques et leurs homologues essaient de découvrir ce qui se trouve au-delà de tout ceci. Si vous en discutez avec des scientifiques, ils seront d'accord... - même si les astrophysiciens scrutent les cieux - c'est toujours de la matière. Et nous, nous disons ceci: les scientifiques opèrent par la pensée mais nous disons que la pensée elle-même est matière et si par cette matière, c'est-à-dire moi je puis chercher en moi-même... - ce qui est bien plus factuel bien plus rigoureux, supérieurement discipliné exigeant une certaine qualité de discipline - il est alors possible d'aller infiniment plus loin. Et je vais vous montrer comment vous y prendre. Non, pas vous montrer, il faut y travailler.
1:15:40 Ainsi, la pensée est matière et la pensée a construit toute la structure psychologique, n'est-ce pas? - mes anxiétés, mes peurs, mon désespoir, mes dépressions, mes humeurs mon amour, tout ce que la pensée a construit mes sentiments, rêves romantiques, rêves éveillés, c'est tout cela. C'est difficile à admettre par ces gens soi-disant religieux, car leur point de départ est l'existence en eux de quelque chose de spirituel: leur âme, leur nature divine, ceci ou cela. Mais tout cela est la pensée la conscience supérieure, la conscience inférieure. (Rires) Selon les hindous, l'atman, le brahman et tout le reste c'est toujours le mouvement de la pensée qui crée quelque chose d'extérieur comme l'ont fait les Chrétiens - le sauveur et tout cela.
1:17:19 Donc, si la pensée est la cause de tout ce malheur quelle est alors la place de la pensée que nous avons décrite? N'aurait-elle alors aucune autre place? Vous comprenez ma question? Nous avons dit que la pensée a sa place sinon, on ne pourrait se parler les uns aux autres sinon, on ne pourrait rentrer chez soi, prendre un bus on ne pourrait faire son travail et tout le reste qui repose sur le savoir, la compétence, etc. Là, elle est nécessaire. La pensée doit fonctionner, plus objectivement de façon plus impersonnelle, plus clairement, plus efficacement. Mais la pensée n'a pas d'autre place que celle là. N'est-ce pas, Monsieur? Car la pensée construit cette structure psychologique du 'moi' qui veut devenir ou ne pas devenir.
1:18:46 Alors, est-il possible de vivre dans un monde sans le moindre mouvement de pensée construisant une structure de devenir? Vous comprenez ma question? Découvrez-le. S'il subsiste la moindre structure psychologique on ne peut aller beaucoup plus loin. Vous comprenez? C'est naturel, logique. Aussi longtemps qu'il existe un centre accumulant et devenant ce centre même est l'essence de la pensée. Et un esprit qui n'est pas affranchi de la structure que la pensée a construite psychologiquement un tel esprit ne peut d'aucune façon aller plus loin. Il peut se jouer des tours, il peut vivre dans l'illusion.
1:20:22 Alors, dans nos prochains entretiens etc nous allons, pas à pas, nous employer à libérer l'esprit de tout conditionnement de tout ce qui s'est conjugué au cours des âges pour le corrompre.
1:20:43 Bien, terminé Messieurs. Pouvons-nous nous lever?