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SA80T4 - Briser le moule du conditionnement
4e causerie
Saanen, Suisse
13 juillet 1980



0:38 Pouvons-nous poursuivre ce dont nous parlions lors des 3 dernières causeries? Certains d'entre vous sont peut- être ici pour la première fois ou n'ont pas assisté aux autres causeries aussi devrions-nous, si cela ne vous fait rien revenir un peu sur ce qui a été dit précédemment.
1:16 Apparemment, l'homme existe depuis cinq ou six millions d'années et tout au long de cette période d'évolution l'homme n'a pas pu résoudre, tant extérieurement qu'intérieurement l'immense problème du conflit non seulement son propre conflit intérieur mais les conflits extérieurs, les guerres, les massacres. Et tel est le schéma qui a prévalu pendant tous ces millénaires c'est ce fil, ce moule, ce schéma que le cerveau a suivi. Et nous continuons sans relâche à suivre ce même torrent de misère de confusion et de grande souffrance, tant intérieurement qu'extérieurement. Et si l'on est tant soit peu sérieux et préoccupé par ce qui se passe dans le monde et aussi en soi-même il faut se demander, ou discuter, ou découvrir pourquoi le cerveau, l'esprit... - nous nous servons du mot 'esprit' pour couvrir les sensations toutes les émotions, les réactions et les réponses de la pensée tout cela est le cerveau, l'esprit et le cœur la totalité de la structure psychologique des êtres humains tant biologiquement que psychologiquement - pourquoi nous autres êtres humains, prétendument éduqués évolués, sophistiqués, cultivés pourquoi nous vivons dans ce monde, nous entretuant étant divisés par les religions les nationalités par toutes les divisions destructrices que la pensée a créées entre les êtres humains. Et est-il possible d'amener un changement dans la structure même du cerveau? Voilà de quoi nous avons parlé au cours des trois dernières causeries.
4:58 Et nous avons aussi dit qu'il ne s'agit pas d'une causerie donnée par la personne assise sur cette estrade, dispensant des idées. D'innombrables idées ont existé dans le monde d'innombrables idéologies tant totalitaires que marxistes, léninistes, maoïstes, ainsi que toutes les idéologies de gauche, du centre et de droite et leurs extrêmes. Et toutes ces idéologies ont été très, très destructrices qu'elles aient été religieuses, politiques ou économiques. Et le cerveau, l'esprit toute la structure psychologique de l'homme a suivi ce schéma a vécu dans ce moule. Et, comme nous l'avons dit, ceci n'est pas une causerie donnée par l'orateur. Nous sommes en train de penser ensemble à ce problème - ensemble. Vous ne vous contentez pas d'écouter et d'être d'accord ou en désaccord et rentrer chez vous, ayant peut-être été un peu intéressé intellectuellement diverti. Mais je crains que tel ne soit pas le but de ces réunions. Nous effectuons le voyage ensemble réfléchissons ensemble. (...) Ayez l'obligeance de prêter un peu d'attention à tout ceci car nous sommes tous des êtres humains que nous vivions en Russie, à l'Est, à l'Ouest, au Sud ou au Nord. Nous passons tous par beaucoup de tourments de misère, d'angoisse, par le fardeau des peurs, et de la souffrance. C'est là le lot commun de l'homme, de l'humanité. Et c'est le lot commun de cet être humain, assis ici, sous la tente qu'il soit d'Est d'Ouest, du Nord ou du Sud - nous sommes l'humanité. Nos cerveaux et nos esprits ne sont pas des cerveaux et des esprits individuels c'est l'esprit de l'humanité. Je sais que beaucoup d'entre vous ne seront pas d'accord mais si vous examinez la chose impartialement, objectivement scientifiquement, vous verrez que ce cerveau ne vous appartient pas ni à moi, c'est le cerveau des êtres humains qui a évolué pour en arriver à l'état dans lequel nous nous trouvons.
8:54 Et nous avons demandé, examiné, observé - sans analyser pourquoi l'esprit humain a vécu dans ce désespoir, cette dépression pourquoi les êtres humains n'ont pas au cours de tous ces millénaires, changé radicalement. C'est là le problème. C'est de cela que nous avons parlé ensemble. Parlé ensemble, non pas écouté l'orateur en se disant 'bien, c'est de la théorie, ou de l'ineptie orientale' et toute cette absurdité. La pensée n'est ni orientale ni occidentale. Je pense que c'est là le fait fondamental. En Occident, vous pouvez penser selon certains critères scientifiques, industriels, etc et en Orient, cela peut différer mais c'est essentiellement la pensée, l'acte de penser qui nous est commun à tous. Le lot de l'homme est de penser. Et l'acte de penser n'est pas plus propre à vous qu'à moi, il est commun. Et cette pensée née du savoir, de l'expérience, de la mémoire cette pensée a créé le monde industriel a construit des ponts extraordinaires, magnifiques a fait de grandes inventions scientifiques chirurgicales, médicales; et la pensée a aussi créé les guerres. La pensée a créé toute l'architecture belle et laide toutes les grandes peintures, les statues, et la musique. La pensée a aussi créé tout ce qui se trouve dans les cathédrales dans les temples, dans les mosquées. Et la pensée a divisé le monde religieux en christianisme, hindouisme, bouddhisme, etc. Ce sont tous des faits. Ce n'est pas une invention de l'orateur. Ce sont là des faits évidents, observables.
12:16 Et nous avons vécu ainsi tribalement, ce qui est devenu de la nationalité glorifiée. Et ce cerveau a été façonné selon un certain schéma et a conn un certain mode d'existence: souffrant, exigeant, obéissant, désobéissant, se conformant et se révoltant contre le conformisme - c'est le schéma qui a été le sien. Et toute personne sérieuse doit nécessairement se demander s'il est possible de briser ce schéma et de vivre tout autrement sans guerre, sans animosité, sans anxiété, peur, souffrance. Et si vous êtes désireux et naturellement capable de penser ensemble, nous pouvons découvrir par nous-mêmes si c'est possible ou non. Voilà plus ou moins de quoi nous avons parlé au cours de ces trois dernières causeries. N'est-ce pas?
14:13 Alors on observe son propre esprit... - pas l'esprit de l'orateur pas les mots qu'il prononce qui sont des mots ordinaires, des termes non techniques il n'emploie pas de termes techniques, de jargon, etc mais un anglais courant, de tous les jours. En outre, qu'il soit permis de le souligner nous ne nous livrons pas à une quelconque propagande ne vous demandons pas d'adhérer à une quelconque communauté, ni de suivre un quelconque gourou. Tout cela est stupide les adultes ne font pas ces choses là. Les gens immatures le font.
15:20 Notre question est donc la suivante: pourquoi le cerveau, qui a tant de capacité pourquoi n'a-t-il pas résolu ses propres problèmes pourquoi vit-il de cette manière? Et, comme nous l'avons dit l'autre jour et nous le répéterons encore, s'il est permis: la pensée est le noyau - est au centre de toute cette peine. La pensée est née du savoir, de l'expérience qui devient de la mémoire conservée dans les cellules cerébrales. La pensée est donc un processus matériel. Nous en avons discuté avec divers scientifiques des spécialistes du cerveau certains d'entre eux sont d'accord, d'autres pas, naturellement! C'est leur jeu. certains sont d'accord, d'autres pas, à tous propos. Mais la pensée a été au centre de toute cette lutte humaine de cet ardent désir qu'a l'homme de se surpasser cet ardent désir de trouver Dieu, s'il existe de découvrir ce qu'est l'illumination s'il existe quelque chose au-delà du temps au-delà de la pensée humaine, qui soit éternel, et ainsi de suite. Et l'exercice de la pensée remonte donc aux origines. Et la pensée a fabriqué l'image selon laquelle l'homme doit croître évoluer, devenir quelque chose. J'espère que vous suivez tout ceci. Je vous en prie, ce n'est pas l'orateur que vous suivez mais vous-même. Il n'y a ni maître, ni disciple. C'est la vérité. Il n'y a ni disciple, ni leader dans le monde de l'esprit il y a seulement l'acte d'apprendre non pas apprendre ce que quelqu'un souhaite vous transmettre mais apprendre dans l'action. Nous allons aborder cela dans un moment.
19:21 Donc, ensemble, nous examinons faisons un voyage dans la très, très grande complexité de la vie humaine une immense compexité. Et pour pouvoir pénétrer cette complexité l'esprit doit être libre de tout attachement de tout lien à quoi que ce soit, à votre gourou, à vos conclusions à vos concepts, vos idées, etc car quand vous êtes attaché à quelque chose quand vous êtes engagé dans une certaine religion un certain système de pensée une certaine méthode de méditation une certaine méthode, ou croyance, etc., etc cet engagement même amène la corruption. Par conséquent, un esprit engagé qui prend parti, qui croit ne peut nullement pénétrer, découvrir si cet exprit peut se transformer lui-même. N'est-ce pas? Je sais qu'il est très difficile d'admettre ceci car chaque être humain veut être engagé dans quelque chose il se sent en sécurité dans cet engagement. On se sent en sécurité si l'on a un leader si l'on a un gourou, un certain système et si l'on est attaché à une personne quelconque. Si l'on est attaché à qui que ce soit on peut voir naître la corruption car cet attachement comporte la peur, la haine, l'anxiété. De même, si l'on est attaché à une idée ou à une croyance à un concept, à une certaine image ou au symbole d'une religion la corruption est alors inévitable. Et l'un des facteurs de cette corruption est l'autorité.
22:57 Sommes-nous ensemble? Ou êtes-vous assis séparément, là-bas, et l'orateur ici? Nous le sommes physiquement mais y a-t-il entre nous une quelconque communication? Y a-t-il entre nous une quelconque observation commune de ce facteur? Voyons-nous tous deux la chose, pas seulement intellectuellement verbalement, mais comme un fait - le fait. Ce micro est un fait. Pouvons-nous voir en nous-mêmes, le fait que tant qu'on est engagé, attaché, lié à quelque chose à une personne, une croyance, un concept, il y a inévitablement corruption? Que l'on soit marxiste léniniste, maoïste, ou attaché au dernier gourou venu ou attaché à un certain système, il y a inévitablement corruption. Voyons-nous cela comme un fait? Si je suis lié à l'idée que je suis un hindou voyez ce qui se passe. Ou si vous êtes engagé en tant que catholique, protestant, bouddhiste ou appartenez à quelque secte, concept théologique ou démocratique vous êtes lié et, par conséquent, vous n'êtes pas libre d'examiner. Et la liberté est nécessaire. Et l'autorité particulièrement dans le monde de l'esprit, du cœur, du cerveau c'est suivre quelqu'un admettre certains concepts théologiques ou théoriques dispensés par Marx, etc., ou par quelqu'esprit asiatique ou indien. Si vous admettez cela, et vous y conformez mentalement dans vos actes, etc c'est là la base même de l'autorité et de la corruption. Le voyons-nous ensemble? Il ne s'agit pas seulement de le voir intellectuellement parce que cela a été expliqué avec beaucoup de soin que c'est verbalement très clair mais de le faire de voir les conséquences de cet attachement comment il a divisé le monde en un tel chaos. Et est-il possible d'être sa propre lumière et non la lumière d'un autre? Car notre esprit a été formé, a évolué et a accepté l'autorité. Non seulement l'autorité extérieure de la loi qui est nécessaire mais l'autorité psychologique la soi-disante autorité spirituelle. Nous sommes devenus les esclaves de cette autorité. Nous sommes donc contrôlés, modelés par, et de connivence avec ceux qui disent 'nous savons, nous sommes arrivés nous allons vous dire quoi faire, suivez-nous'. 'Nous allons vous mener au paradis, vous sauver de vos pêchés' et toute cette affaire qui a lieu dans le monde.
28:48 Un tel esprit engagé ne peut jamais être libre. Et sans liberté, on ne peut jamais découvrir ce qu'est la vérité. Alors, pourrions-nous prêter attention au fait évident suivant: nous sentant incapables d'être autonomes nous cherchons toujours un appui auprès de quelqu'un qu'il s'agisse du mari ou l'épouse de la petite amie ou de l'ami ou de deux amis entre eux. Pensant apprendre, cherchant un appui ou un réconfort auprès d'un autre nos cerveaux se sont mis sous la dépendance de l'autorité de l'esprit. Si vous êtes sérieux, prêtez un peu d'attention à ceci, je vous prie. Nos esprits ont donc été conditionnés à accepter l'autorité spirituelle le prêtre, le gourou, celui qui dit... 'je suis illuminé et je vous mènerai donc à cela'. Celui qui est illuminé quand il prétend l'être, il ne l'est pas car l'illumination n'est pas une chose qui peut s'expérimenter c'est un état d'esprit au-delà de toute pensée. Nous aborderons cela plus tard, quand nous parlerons de la méditation, etc.
31:21 Alors, votre esprit, votre cerveau qui a été formé à accepter l'autorité et qui a donc sa propre discipline ce cerveau peut-il se libérer immédiatement de cette autorité... - pas de l'autorité de la loi, pas de celle de l'agent de police. Vous pourriez être en désaccord avec l'agent de police mais il est censé veiller au respect de l'ordre public de la loi prescrivant qu'il faut tenir sa droite dans ce pays-ci et de tenir sa gauche en Angleterre, etc. Alors, en écoutant ceci, pouvez-vous voir les conséquences découlant de l'acceptation de l'autorité extérieure: l'autorité de Dieu - vous comprenez? le Dieu qu'a inventé la pensée et l'autorité de la prêtrise du monde entier qui dit... 'je vais vous aider à atteindre, à parvenir'. Vous suivez tout ceci? Car lorsque vous acceptez une telle autorité vous engendrez invariablement le désordre non seulement en vous-même, mais encore le désordre qui amène la création de diverses autorités: les autorité islamiques les autorités bouddhistes (rires), etc. Elles se disputent toutes. Et comme me le disait un gourou très connu: 'j'ai commencé par deux disciples, et j'en ai maintenant dix mille'. Vous comprenez tout ceci, Messieurs?
34:17 Ainsi, quand il y a acceptation de l'autorité psychologique, soi-disant spirituelle l'autorité de l'esprit, l'intériorité il y a forcément désordre, car elle amène en soi le conflit. Peut-être direz-vous 'j'accepte cette autorité parce qu'elle me plaît elle m'apporte de l'aide, me procure le sentiment d'être protégé' Alors, vous dépendez de quelqu'un d'autre et quand vous dépendez d'un autre, il en résulte la peur la division, et tous les conflits qui ont lieu entre ce que vous êtes et ce que vous devriez être. N'est-ce pas? Donc, l'esprit, - y compris le cerveau l'esprit a donc vécu selon ce schéma qui est le schéma du désordre. Regardez vos propres esprits, inutile de... Regardez votre propre esprit, comme il est en désordre. Désordre signifie conflit: conflit entre ce qui a lieu les réactions, les réponses, les réflexes et l'autorité, les sanctions la soi-disante dictature illuminée et le fait de ce que vous êtes - le conflit c'est-à-dire toujours le désir de devenir quelque chose. N'est-ce pas?
36:57 Le cerveau a donc vécu dans ce désordre allant d'un gourou à un autre si vous ne trouvez pas l'illumination ici vous partez pour le Japon, ou pour l'Inde... - c'est là le dernier racket. Monsieur, la vérité est là où vous vous trouvez pas en Inde, ni dans aucun autre pays, ou chez quiconque. Elle est là où vous êtes là où vous êtes, avec votre cortège d'ennuis, de soucis de dépressions et de malheurs. Vous devez y mettre fin et aller au-delà. Absolument personne ne peut vous procurer cette liberté à l'égard de la souffrance, de l'angoisse. Vous seul le pouvez. Il est donc vain et inutile de se rendre dans divers pays pour y chercher diverses autorités spirituelles et vivre dans leurs camps de concentration appelés ashrams c'est le jeu auquel nous nous sommes tous livrés depuis des millénaires. Il n'y a rien de nouveau là-dedans. Les prêtres du monde occidental s'y livrent depuis 2000 ans. Et en Inde, ils s'y adonnent depuis bien plus longtemps encore. C'est donc là qu'est la cause de notre conflit parce que nous nous tournons vers un autre. Et, tout en écoutant, tout en réfléchissant ensemble en entreprenant le voyage, parcourant le même sentier... - pas mon sentier ni le vôtre, mais le sentier de l'observation - vous est-il possible de voir ce qu'est devenu votre esprit, votre cerveau et de mettre fin à ce sentiment d'autorité spirituelle, immédiatement afin que vous, qui êtes l'humanité... - vous êtes l'humanité, vous n'êtes pas un individu parce que vous passez par le même goulot d'angoisse, de malheur d'incertitude, de peur, de plaisir, de souffrance comme tout un chacun en ce monde vous êtes donc l'humanité, vous êtes le monde et votre cerveau est le monde. Et voyez instantanément la vérité de ce fait qu'en essence le conflit survient quand vous acceptez l'autorité l'autorité spirituelle d'un autre. Et ce conflit vient non seulement de là mais encore de notre incapacité d'observer effectivement ce qui se passe en soi sans aucune déformation, aucun jugement - observez le simplement. Car il nous faut vivre dans l'ordre. L'ordre est absolument essentiel. Il n'y a pas d'ordre relatif. Il n'y a qu'ordre ou désordre. Vous comprenez ce que nous avons dit? Soit il y a ordre complet, total soit il n'y a que désordre. Cela ne se trouve pas entre les deux. Ce qu'il y a entre les deux est le désordre.
42:13 Il faut donc découvrir ce qu'est l'ordre. Découvrir tout d'abord ce qu'est l'ordre absolu. L'ordre absolu existe car le cosmos... - cosmos signifie ordre. L'univers est en ordre. Mais nous autres, êtres humains, vivons dans le désordre. La nature est en ordre, mais quand l'homme intervient dans la nature il y amène le désordre, car il est lui-même dans le désordre. N'est-ce pas, Messieurs?
43:38 Qu'est-ce alors que l'ordre? Est-ce la fin du conflit? Allons doucement. Nous allons aborder cela très attentivement, pas à pas. Attention, vous n'êtes pas en train de suivre l'orateur. Vous êtes en train d'observer votre propre structure. Là, le mot 'structure' signifie mouvement. Votre propre mouvement parce que vous êtes une entité vivante. On peut voir une chose morte mais comme vous êtes une chose vivante, c'est un mouvement. Et ce mouvement de vie est désordre. Il peut nous arriver de connaître une certaine paix, une tranquillité mais la tranquillité, la paix et le silence cultivés par la pensée au moyen d'une prétendue méditation ou de toutes sortes de stratagèmes, ce n'est pas le silence, la paix.
45:21 Nous pensons donc maintenant ensemble - j'entends bien 'penser ensemble'. Je ne vous dis pas ce qu'est l'ordre c'est-à-dire qu'il vous faut vivre de telle ou telle façon. Nous pensons ensemble afin de découvrir par nous-mêmes s'il existe un ordre absolu. Ou bien l'homme doit-il vivre éternellement dans le désordre? Le désordre et l'ordre ne peuvent donc cohabiter. Un esprit désordonné ne peut trouver l'ordre. C'est simple. Il nous faut donc découvrir ce qui amène en nous le désordre. N'est-ce pas? Et non essayer de découvrir ce qu'est l'ordre. Ce serait comme un aveugle, un ignorant cherchant le paradis. Par aveugle, j'entends quelqu'un d'ignorant. Il lui faut d'abord s'affranchir de l'ignorance. Un esprit désordonné ne peut donc jamais découvrir ce qu'est l'ordre absolu. Alors, qu'est-ce qui cause le désordre? Comme nous l'avons dit l'autre jour quand il y a une cause, il y a forcément une fin à cette cause. C'est une loi. N'est-ce pas? Je ne sais si vous le voyez. Là où il y a un commencement, il y a nécessairement une fin. S'il y a une cause à une douleur physique - n'est-ce pas? - celle-ci peut prendre fin, soit par la mort, soit par un moyen curatif. Si vous avez très mal aux dents la cause en est une infection et cette infection qui provoque la douleur peut être terminée. N'est-ce pas? Il y a donc nécessairement une cause au désordre. Vous suivez tout ceci? D'accord? Sommes-nous ensemble, même un peu, pendant un petit moment? D'accord? On y va? Bien.
48:41 Nous disons qu'il y a nécessairement une cause à ce désordre. Quelle est la cause? Y a-t-il plusieurs causes au désordre de notre vie ou n'y a-t-il qu'un seul facteur générateur de désordre? Vous comprenez ma question? - pas ma question, votre question. Tout d'abord, sommes-nous conscients de vivre dans le désordre? Je pense que c'est assez clair. C'est le cas. Peut-être avons-nous quelques rayons de soleil mais la plus grande partie de la journée, nous vivons comme maintenant sous la pluie et les nuages. Nous ne parlons donc pas de fragments d'ordre ce qui n'est en réalité que l'oubli du désordre. Alors, quelle en est la cause? Ou y a-t-il plusieurs causes? Il y a assurément désordre quand il y a contradiction non seulement dans vos actes c'est-à-dire non seulement dans votre pensée, dans votre comportement la contradiction consistant à dire une chose et en faire une autre. Evidemment. Et il y a nécessairement désordre tant que nous nous conformons... - n'est-ce pas? - nous conformant à une idée, à un idéal à une image créée par un autre... - n'est-ce pas? - c'est-à-dire tant qu'existe en nous une contradiction entre l'action et le fait entre ce que nous pensons et ce que nous faisons. N'est-ce pas? A savoir: tant que l'homme, l'esprit cherche à changer 'ce qui est' en 'ce qui devrait être' il y a forcément désordre. Le monde totalitaire communiste a ses théoriciens selon Marx et Engels, Lénine et Staline qui ont créé un concept un monde idéologique et ces gens, forts de leur autorité de leur pouvoir, modèlent l'homme pour qu'il s'y conforme. Vous suivez? C'est ce qu'ont fait toutes les religions. Il n'y a pas grande différence... - peut-être y en a-t-il une, dans une certaine mesure - entre le monde totalitaire, le monde religieux et les fascistes. Ils suivent tous la même voie que ce soit avec modération, douceur, ou avec contrainte agressivité, terreur, mais il s'agit de la même orientation.
53:14 Est-ce donc là la racine de cette cause du désordre? Doucement, je vous prie. Ne dites pas aussitôt 'c'est cela'. Réfléchissez-y. Ou il y a sûrement désordre tant que la pensée domine nos actes. Car, comme nous l'avons dit, la pensée est la réponse de la mémoire. Cette mémoire résulte de l'expérience, du savoir emmagasinés dans le cerveau, dans les cellules. Donc la pensée est toujours limitée parce que le savoir est toujours limité. Il ne peut y avoir de savoir complet. N'est-ce pas? Suivez-vous tout ceci? Voyez ce que l'homme a fait. Il sait probablement, profondément, inconsciemment qu'il ne peut y avoir de savoir complet sur quoi que ce soit alors il dit: 'Dieu'... - quoi qu'il soit - 'est omnipotent, omniscient', etc., etc., etc. Alors, regardez ce qu'il a fait: connaissant ses limites - son savoir est forcément toujours limité - il crée une chose, c'est-à-dire le savoir total, omniscient et se débat pour atteindre cela. Vous voyez le jeu? Vous voyez ce que l'homme fait sans cesse. Nous demandons donc ceci: la pensée est-elle responsable du désordre? Je vous en prie, ceci demande beaucoup de réflexion ne vous contentez pas de dire oui ou non.
55:47 La pensée a créé l'opposé pas le fait, mais l'opposé. Ainsi, je suis malheureux mais j'ai connu le bonheur à une certaine époque et le souvenir de cet état est en contradiction avec 'ce qui est' - vous suivez? Oui? Je me le demande. La pensée a donc créé l'opposé, c'est-à-dire un non-fait. Le fait est ce qui se passe, ce qui a lieu. Le fait est que les êtres humains sont violents. C'est là un fait. Mais la pensée a dit 'je dois parvenir à la non-violence' c'est-à-dire l'opposé de 'ce qui est' - n'est-ce-pas? Il y a donc conflit. Mais s'il n'y a pas d'opposé il ne reste que ceci, et l'on peut alors s'occuper de ceci. Vous suivez? Vous pouvez toujours agir sur des faits mais pas sur des non-faits. Je me demande si vous le voyez. Est-ce que je complique trop la chose? Est-ce trop abstrait? Non, je crains que ce soit trop pratique! (Rires)
57:43 Est-ce donc là la cause fondamentale de notre désordre? Vous suivez? La cause est de vouloir devenir quelque chose de toujours s'efforcer de devenir. Je suis ignorant, je dois en savoir plus. Je ne connais pas l'illumination, je dois parvenir à l'illumination. Mon esprit est en conflit, il bavarde je dois l'apaiser. Cela part du même principe que l'employé qui devient cadre le curé de paroisse qui devient évêque et l'évêque qui devient cardinal et le cardinal qui devient pape. Vous comprenez? C'est le même principe. Est-ce là la cause de notre désordre? On voit que l'on vit dans le désordre et la pensée dit alors 'je dois vivre dans l'ordre'. Elle crée donc un modèle d'ordre un système de valeurs c'est-à-dire l'ordre un schéma de comportement - vous comprenez? Etant dans le désordre, la pensée crée alors ce qu'elle croit être l'ordre et le conflit commence. Alors, est-ce là la cause du désordre de notre existence quotidienne? Si c'est la cause, il peut y être mis fin. Un instant ici. Suivez attentivement, je vous prie: il peut y être mis fin. Votre prochaine question est celle-ci: comment? Vous voilà revenu au vieux principe suivant: 'dites-moi quoi faire'. Vous suivez tout ceci? Oh, pour l'amour du ciel, allons Monsieur! Bien? On voit ce fait que la pensée crée l'opposé et l'opposé prend alors de l'importance en vue de soulager, de dépasser le fait. C'est-à-dire, supposons que l'on soit violent. [La pensée] crée alors l'opposé pensant qu'en créant l'opposé elle pourra, par le conflit, être délivrée de la violence. Mais le conflit lui-même est violence. Je me demande si vous comprenez tout ceci! Bien? Pouvons-nous poursuivre?
1:01:13 Alors: l'esprit qui a vécu dans le schéma des opposés c'est-à-dire le schéma des non-faits... - par exemple, lorsqu'il y a violence, c'est là un fait la non violence est un non-fait l'idéal est un non-fait... - alors, l'esprit peut-il vivre, regarder, observer seulement le fait sans s'écarter du fait? Je me demande si vous avez compris ceci. S'écarter signifie réprimer essayer de dépasser, d'éviter le fait, de l'analyser ce qui équivaut à s'écarter du fait de la violence. N'est-ce pas? Le faites-vous pendant que nous en parlons? Ou vous laissez-vous seulement bercer par les mots? Le cerveau a donc vécu dans ce schéma de fait et de non-fait... - n'est-ce pas? - créant ainsi le conflit. Quand on en voit la futilité, l'absurdité il ne reste alors plus que le fait. N'est-ce pas? Alors, comment observez-vous le fait? Etes-vous fatigué? Pouvons-nous poursuivre? Comment observez-vous le fait? Le fait étant la violence. Nous avons dit que la violence est un état de contradiction un état consistant à suivre quelqu'un spirituellement, philosophiquement, idéalement, psychologiquement suivre quelqu'un, d'où une division entre vous et cela le gourou et vous, et ce malin gourou dit 'nous ne faisons tous qu'un'. Vous suivez? Voilà le jeu auquel ils se livrent! Nous disons donc ceci: pouvez-vous observer le fait sans le moindre mouvement tendant à vous en écarter? N'est-ce pas? Pouvons-nous poursuivre? Nous disons donc ceci: comment observez-vous le fait? Lui donnez-vous une orientation? Vous comprenez ce que je veux dire? Regardez-vous le fait avec un motif ce qui revient à l'orienter, n'est-ce pas? Je vous en prie, ceci demande une formidable attention.
1:04:53 Nous disons ceci: comment observez-vous le fait? Il n'y a que le fait. N'est-ce pas? Pas son opposé. Le fait est donc capital - pas 'comment traduire le fait'. N'est-ce pas? Car autrement, le traducteur du fait traduit à partir d'un savoir pré-existant - n'est-ce pas? et par conséquent, quand il traduit le fait il s'en écarte. N'est-ce pas? Dormez-vous tous? Alors, existe-t-il une observation sans le traducteur sans l'interprète, sans l'observateur? S'il y a division entre le traducteur et le fait cela crée évidemment le conflit. Vous suivez ceci? Donc, mettre fin au conflit nécessite l'absence de traducteur. Il n'y a alors plus qu'observation pure. Et quand il y a observation pure, le fait n'existe pas. Je me demande si vous le voyez. Vous avez compris? Vous comprenez? Tant que le traducteur fait quelque chose, il crée le fait. Mais si le traducteur, l'interprète, le penseur, l'observateur n'est pas, le fait est inexistant. Je vais vous montrer pourquoi. Tout ceci vous intéresse-t-il? Non, non, - faites-le! Autrement, cela n'a aucune valeur cela devient alors un jeu intellectuel.
1:07:35 Qu'est-ce que le fait? Le fait est la violence. Je prends cet exemple là. Le fait est la violence. Qu'est-ce que la violence? L'imitation, n'est-ce pas? Le conformisme, la comparaison, la colère, la haine - n'est-ce pas? la jalousie, la peur, la souffrance. Toutes ces choses sont des faits. La dépression, l'exaltation la souffrance, tout cela est un fait. Quand vous dites que c'est un fait, qu'est-ce que cela signifie? Est-ce un fait, parce que vous vous êtes souvenu de cette chose qui a lieu en ce moment par rapport au passé, vous suivez? Vous suivez ceci? Non. Je suis avide maintenant. Le mot 'avide' n'est pas le fait, n'est-ce pas? Bien? Mais en me servant du mot 'avide', je l'ai identifié parce que je m'en suis servi précédemment. N'est-ce pas? C'est la reconnaissance préalable du fait de ce qui est en train d'avoir lieu que nous appelons un fait. Travaillez-vous aussi avec moi? Ainsi, en le nommant, vous l'avez reconnu. N'est-ce pas? Et vous l'avez ainsi situé dans le passé. Voyez ce que nous avons fait.
1:09:59 Prenez un exemple très simple: on est en colère. Au moment où se produit la colère, il n'y a aucune reconnaissance de colère. Il n'y a qu'un réflexe à une offense, ou à ce que vous voudrez. Une réaction. Au moment de la réaction, on ne se dit pas 'bon sang, je suis en colère'. Ceci n'a lieu que quelques secondes plus tard. Pourquoi? Parce que l'esprit, la pensée a reconnu le fait d'après un souvenir du passé. N'est-ce pas? Il agit donc sur 'ce qui est' en termes du passé - n'est-ce pas? ce qui crée alors le conflit. Suivez-vous ceci? Alors, existe-t-il une observation sans le mot sans le souvenir: 'ceci est la violence'? Vous comprenez? Dès l'instant où commence le processus de reconnaissance... - la pensée - cela devient un non-fait. N'est-ce pas? Est-ce trop difficile? C'est assez simple, n'est-ce pas? Je suis en colère... - je ne l'ai jamais été, mais admettons-le - et au moment où la colère a lieu il n'y a que cette production d'adrénaline. Puis, quelques secondes plus tard, la pensée dit 'j'ai été en colère' ce qui est une reconnaissance de ce qu'a eu lieu en termes du passé. N'est-ce pas? Par conséquent, le passé et le présent sont en conflit. Alors, pouvez-vous observer sans le mot pouvez-vous observer sans le traducteur le penseur qui dit 'je m'en souviens, et cela c'est reproduit'? Ce qui a lieu ne s'est jamais reproduit. Je me demande si vous le voyez. Ce n'en est que le souvenir à partir duquel vous dites: 'cela s'est reproduit'. C'est trop pour vous! (Rires)
1:13:26 Tel est le schéma que l'esprit le cerveau et donc la pensée a établi le conflit dans lequel il vit depuis des temps immémoriaux. Et nous disons que la cause est là. Et là où il y a une cause, il peut y être mis fin. La cause est la division existant entre ce qui est en train d'avoir lieu et ce qui ne devrait pas avoir lieu, l'idéal. L'idéal est donc un non-fait, toujours. Il n'y a que ce qui a effectivement lieu. Ce qui a effectivement lieu, c'est mon anxiété ma peur, ma solitude désespérante. Et quand il y a observation de cette solitude le mot dit 'je sais ce que signifie être dans la solitude parce que j'ai connu cela dans le passé'. Le passé est donc en conflit avec le présent. Comprenez-vous cela? Y a-t-il donc une observation sans le passé? Bien sûr que oui. A ce moment là, il n'y a pas de fait. C'est le traducteur, le penseur l'interprète, l'observateur, qui crée le fait. Je me demande si vous le voyez? Vous comprenez? Le fait est que je suis en colère. Dès l'instant où je le noie dans beaucoup de mots et d'idées je lui donne de l'importance et je le renforce. Dès l'instant où je cesse de lui attribuer une histoire liée au passé il s'évanouit, - vous comprenez? Faites-en l'essai. Faites-le Monsieur!
1:16:00 Nous disons donc ceci: la cause du désordre est ce conflit entre ce qui est en train d'avoir lieu et ce qui devrait être. S'il n'y a pas d'opposés, la non-violence - vous comprenez? - je dois alors agir avec la chose telle qu'elle est. Je me demande si vous êtes actif. Vous comprenez ceci? Nous disons donc que l'homme a vécu dans le désordre et a été en quête de quelqu'un d'autre d'un agent extérieur qui puisse faire disparaître ce désordre à la fois politiquement, économiquement et religieusement - soi-disant spirituellement. Dès l'instant où il a fait cela, il a créé la division. N'est-ce pas? Là où il y a division, il y a forcément conflit: le juif et l'Arabe, le musulman et l'hindou le chrétien et le non-chrétien. Donc, seul le fait existe, et pas le non-fait. Quelle heure est-il?
1:17:50 Il nous reste trois causeries mardi, jeudi, et dimanche prochains. Et nous avons encore beaucoup de sujets à traiter. Nous devons procéder ensemble, réfléchir ensemble afin de découvrir si l'homme pourra jamais se libérer de la peur d'en être totalement affranchi tant de la peur du monde que de la peur de ce qui arrive, la peur intérieure. Et il faut aussi aborder la question du problème très complexe du plaisir. Et le problème encore plus complexe de la mort et de la fin de la souffrance. Et nous devons également approfondir, parler ensemble du sens de la méditation. Nous aurons donc encore trois causeries et nous pénétrerons tout ceci aussi en détail que possible.
1:19:21 Terminé, Messieurs.