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SA80T5 - Le rapport entre désir, volonté et amour
5e causerie
Saanen, Suisse
15 juillet 1980



0:38 Je regrette qu'il fasse si mauvais. La cause en est, dit-on l'irruption du volcan St.Hélène, dans le nord de la Californie mais j'en doute! (Rires)
1:11 Dans le monde occidental, dans la communauté religieuse de l'Occident on a découragé, voire interdit le doute. Si vous mettiez en doute toute la structure des institutions religieuses vous êtiez alors traité d'hérétique torturé, excommunié, brûlé, etc. Dans le monde oriental, le doute a été encouragé: mettez en doute vos expériences vos illusions doutez de la structure même de votre pensée de vos croyances, afin que l'esprit se libère de toutes les illusions qu'il s'impose, ou qui lui sont imposées. Et ici, en Occident il existe apparemment des illusions de toutes sortes spécialement dans le domaine religieux pas dans les domaines de la technologie, des affaires ou de l'ingénierie: là, vous mettez en question vous avez acquis des connaissances en questionnant et en mettant en doute, vous vous êtes peu à peu constitué une énorme somme de connaissances concernant l'ingénierie, la biologie, la physique, etc. Mais dans le domaine religieux, le doute est chose très dangereuse. En doutant de toute la structure chrétienne vous mettriez à bas la nature même de l'église. Et je pense, s'il m'est permis de le souligner que le doute est essentiel. Mettez en doute ce que dit l'orateur mettez en question ce qu'il dit cherchez, sans jamais accepter ni ses paroles, ni ses pensées ni ses sentiments, ni votre propre interprétation de ce qu'il dit de sorte que votre esprit - votre cerveau soit actif, qu'il ne se contente pas d'accepter. Si vous mettez en question vos gourous... - pour autant que vous en ayez, et j'espère que non - si vous mettez en question vos gourous leur prétendue illumination l'idée qu'ils ont d'être de grands Bouddhas, et tout cela et il existe en Orient des gens comme celà qui s'attribuent toutes sortes de situations, de croyances et si vous les mettez en question... - et ils n'aiment pas être mis en question ils disent 'vous ne savez rien, nous, nous savons, ne doutez pas' - mais si vous les mettez en doute avancez, pénétrez au tréfond de leur cœur, de leur esprit vous examinez alors vos propres esprits. Vous mettez alors en doute vos propres concepts, vos propres valeurs, vos propres idéaux.
5:43 Ainsi, l'esprit est toujours en train d'observer activement, d'étudier et par conséquent de creuser très, très profondément. Et si cela ne vous dérange pas si je puis me permettre, doutez, je vous prie ayez un esprit qui questionne n'acceptant jamais ni votre propre expérience ni l'expérience d'un autre. car nous allons examiner, observer la nature de l'homme dans sa totalité. Les psychologues et les psychothérapeutes et tous les philosophes, les théologiens des religions et les théoriciens communistes... - si l'on en accepte un, quelqu'il soit on en deviendra esclave se refusant par là toute liberté de recherche. J'espère que c'est clair. En conséquence, si je puis me permettre vous ne vous contentez pas d'écouter ce qui est dit l'acceptant ou le refusant, tout en maintenant votre façon de penser en adhérant à votre propre point de vue ou acceptant vos propres prétendues expériences spirituelles. L'expérience est quelque chose qui arrive un événement qui a lieu que cet événement soit affectif, romanesque, illusoire ou réel. Réel, dans le sens où vous pourriez avoir une certaine réaction émotive et si vous ne mettez pas en doute cette réaction émotive vous devenez alors l'esclave des concepts de quelqu'un d'autre. J'espère que c'est clair.
8:27 Alors, si vous voulez bien, nous allons, en pensant ensemble nous pencher sur la question de la structure de notre être sur ce que nous sommes, sur la nature de notre conscience. Nous entendons par ce mot 'conscience' vos attitudes, opinions, jugements, préjugés idéaux, peurs, plaisirs tout le contenu de votre existence, vos suppositions illusions, idées - tout cela est votre conscience. N'est-ce pas? Vous aurez beau inventer une supra-conscience celle-ci fait toujours partie de la pensée qui a inventé le 'supra'. N'est-ce pas? Des volumes ont été écrits mais il s'agit toujours du mouvement de la pensée et des choses que la pensée a construites. Nous allons donc, si vous le voulez bien, examiner tout cela.
10:12 Tout d'abord, pourquoi l'homme a-t-il donné tant d'importance au plaisir? Je vous en prie, nous pensons ensemble il ne s'agit pas ici de mettre en doute, nous pensons. Vous pouvez mettre en question votre pensée même mais si vous faites cela il vous faut alors examiner la nature de la pensée... - ce que nous avons fait - la nature de la mémoire, du savoir, de l'expérience. Pourquoi, partout dans le monde, l'homme a-t-il donné au plaisir une telle importance - pourquoi? Je vous en prie, nous pensons ensemble. Pourquoi, vous, ou quelqu'un d'autre, avez-vous conçu ce sens permanent de recherche continuelle du plaisir? - non seulement le plaisir sexuel, avec toutes ses images ses incidents passés, conservés en tant que mémoire la fabrication de l'image et la poursuite de cette image mais encore le plaisir de la possession soit de choses matérielles, soit de certaines valeurs d'expériences, de savoir. Il y a en cela un grand plaisir. Et il y a le plaisir d'aider autrui. Je ne sais si vous avez étudié cela: vouloir aider les gens - suivez-vous tout ceci? Et le plaisir du pouvoir tant physique que psychologique. Le pouvoir de prétendues perceptions extra-sensorielles le pouvoir et le plaisir de dominer les gens en guidant leur vies. Vous connaissez tout cela. Et nous demandons ceci: pourquoi les êtres humains, depuis la nuit des temps ont-ils recherché cet aspect particulier de la vie bien plus encore que les autres? Plaisir de la recherche et de la découverte plaisir de la quête de 'Dieu' quelque soit le sens de ce mot - entre guillemets plaisir découlant d'une formidable maîtrise de son corps ou de son esprit - cette constante retenue qui procure aussi un grand plaisir. Il y a beaucoup, beaucoup de formes de plaisir. Pourquoi l'homme, pourquoi vous et les autres, recherchez-vous cela? Je vous en prie, nous cherchons, pensons ensemble y a-t-il une fin au plaisir? Ou quand le plaisir est refusé, il devient violent agressif, revêtant d'autres formes du fait même du refus de ce qu'on désire. N'est-ce pas? Pouvons-nous poursuivre là-dessus? Le pouvons-nous? Vous savez, je puis continuer j'y 'ai passé des années une soixantaine ou plus. Peut-être l'entendez-vous pour la première fois mais vous examinez aussi tout cela avec l'orateur sans vous contenter de l'admettre en vous laissant aller paresseusement sur votre siège. Votre esprit, votre cœur, votre cerveau cherche activement.
15:59 Quel rapport y a-t-il entre le plaisir et le désir? Quel rapport y a-t-il entre le désir, le plaisir, le vouloir et l'amour? Vous suivez tout ceci? L'amour est-il plaisir? L'amour est-il désir? Ou l'amour est-il tout autre chose? Pour nous l'amour est devenu le plaisir sexuellement, et de bien, bien d'autres façons. Et nous demandons ceci: quel est le rapport du plaisir au désir? Il semble qu'ils aillent de pair. On désire une maison, la possession d'une maison d'une femme, d'un homme, d'un titre, de savoir d'un statut social, du pouvoir - le désir. Vous suivez ceci? Apparemment, il y a un lien entre les deux: c'est-à-dire, le désir en tant que volonté et l'action de la volonté dans la recherche du plaisir. Cela va? Voyez-vous, quelles que soient nos expériences personnellement, j'ai tout mis en doute: possessions, argent - je n'en ai heureusement pas - statut social - je n'en ai pas non plus car personnellement j'abhorre toutes ces choses - mais il faut se livrer à une étude très, très approfondie si l'on veut découvrir s'il y a une vérité ultime s'il y a une source ultime de tout ceci un socle ultime d'où toute vie est issue, et en deça. Si l'on veut examiner cela très en profondeur et voir si une telle chose existe il faut alors être libre de toute forme d'illusion. L'illusion existe tant qu'il y a le désir, le plaisir, la peur, la souffrance. N'est-ce pas?
19:45 Nous allons donc examiner la nature du désir qui domine nos vies: désir de pouvoir, désir de comprendre cette brûlure intérieure que l'on appelle désir cette flamme de mécontentement. Tant que ce mécontentement n'a pas été compris n'a pas été démélé, démonté afin de découvrir de ce qu'il y a derrière le mécontentement et le désir nous créons inévitablement des illusions: illusions dans nos rapports mutuels illusions à l'égard de ce qu'est la vérité... - s'il existe quelque chose au-delà de tout temps. Alors, j'espère que nous cheminons ensemble ici. Bien, Messieurs?
21:32 Qu'est-ce que le désir? Pourquoi les êtres humains n'ont-ils pas été capables de résoudre ce problème de la continuité du désir cette pression continue du désir d'accomplir du désir de s'identifier qui, lorsqu'il n'est pas satisfait engendre le sentiment d'antagonisme, d'amertume, de colère et toutes les autres réactions qui en découlent. N'est-ce pas? Ce, sans réprimer sans s'identifier à quelque chose de plus grand vous comprenez? - ce que font les moines du monde entier. N'est-ce pas? Ainsi, tous les moines, partout dans le monde éprouvent le désir, comme tout autre être humain mais les moines s'identifient soit à Jésus soit à Krishna, soit au Bouddha, ou à qui vous voudrez mais c'est toujours le désir. Et il y a eu des moines, des prêtres, partout dans le monde qui ont essayé, par divers moyens, de réprimer le désir d'être libérés du désir: en se torturant physiquement en jeûnant, en s'isolant ne regardant jamais une femme ou un homme, ne regardant jamais la nature la beauté des montagnes, des torrents et des eaux parce que tout cela provoque le désir.
24:43 N'avez-vous donc jamais remarqué les moines, en Occident qui marchent en lisant leur bréviaire? Ils ne regardent jamais personne. Il en est de même ailleurs. Une fois, au Cachemire, en Inde, je marchais derrière un groupe de moines. C'était un pays superbe de ravissantes collines, des oiseaux, des fleurs, des eaux ruisselantes et, dans le lointain, le chant d'une flûte. Et ces moines étaient uniquement plongés dans la répétition d'un mantra parce que dès l'instant où ils se détacheraient de ce point particulier, le désir pourrait surgir. Vous suivez? Alors, sans réprimer, sans s'évader sans direction aucune sans motif - qui est une direction - procédons ensemble afin de découvrir ce qu'est le désir et ce qui le relie au plaisir et à l'action née de la volonté. D'accord? Est-ce trop demander? Car tout ceci concerne notre vie: ceci n'a rien d'idéologique, d'extérieur à la vie c'est de la vie elle-même, de notre vie que nous parlons de notre vie quotidienne tortueuse, ennuyeuse, solitaire, désespérée. Vous pouvez bien vous évader dans le travail social ou vous rendre dans un pays quelconque pour aider les autres mais il faut d'abord se comprendre avant de pouvoir aider autrui. C'est pourquoi je ne veux pas vous aider d'aucune manière, parce que vous devez trouver par vous-même.
27:49 Donc: désir, volonté, plaisir et action. La plupart de nos actes, si l'on en est conscient, sont guidés par la volonté. 'Je vais faire ceci, je vais devenir cela je ne vais pas faire ceci, je devrais faire cela'. Vous comprenez? C'est l'action de la volonté. 'Je vais méditer'. 'Je vais suivre telle personne et non telle autre.' Cette volonté fait partie de notre violence. Et pour le comprendre, il nous faut examiner de très près le désir car la volonté est l'essence du désir. N'est-ce pas?
29:18 Qu'est-ce que le désir? Comment naît-il? Et pourquoi joue-t-il un rôle si important dans notre vie quotidienne? Qu'il s'agisse d'avoir une plus belle maison une vie meilleure extérieurement de devenir autre chose intérieurement, [il y a] cette lutte constante. Abordons donc cela attentivement. Certains d'entre vous ont peut-être déjà entendu l'orateur expliquer le désir, mais oubliez cela. Oubliez ce que vous avez lu ce que l'orateur a expliqué hier, ou il y a deux ans, ou l'an dernier et commencez comme si vous ne saviez rien. N'est-ce pas? Alors, c'est amusant du moins, ça l'est pour moi. Si je ne faisais que répéter ce que j'ai dit il y a dix ans ce serait terriblement ennuyeux.
30:38 Qu'est-ce donc que le désir? Y a-t-il en cela une beauté? Y a-t-il quelque chose de précieux auquel l'esprit s'accroche pour s'enrichir pour donner un sens à la vie pour aider l'esprit et le cœur à s'épanouir? Non pas à devenir, mais à s'épanouir - vous comprenez? Je me demande si vous comprenez cela? Il y a une différence entre la beauté de l'épanouissement et la lutte pour devenir quelque chose - vous comprenez? Y a-t-il de la beauté dans le désir? Ou le désir est-il toujours lié à la lutte au mécontentement, à l'amertume, à l'anxiété? Attendez-vous que je vous le dise? Ou bien travaillons- nous ensemble? Vous comprenez? Vous saisissez la différence? Ou vous attendez que l'orateur l'explique et êtes donc celui qui reçoit ce qui fait de moi votre gourou, quelqu'un qui va vous aider ce qui n'est pas du tout l'intention de l'orateur. Mais si nous pensons, travaillons ensemble cheminons ensemble, marchons ensemble il n'y a alors ni enseignant, ni enseigné. Vous comprenez? Il n'y a qu'un mouvement que l'on appelle apprendre.
33:18 Apprendre, tel qu'on l'entend maintenant consiste à accumuler du savoir à l'infini et à agir à partir de ce savoir. C'est ce qui s'appelle apprendre: lire des livres, aller à l'école, au collège, à l'université... - si vous avez de la chance - ou se lancer, agir et apprendre par l'action. Vous comprenez la différence? Les deux sont pareils. Vous suivez? Aller à l'école, au collège, à l'université, étudier, étudier, étudier accumuler de l'information, du savoir et muni de ce savoir, entrer dans la vie comme avocat, homme d'affaires, cuisinier, menuisier... Ou bien se lancer sans bagage, agir, et apprendre dans l'action ce qui revient au même. N'est-ce pas? Les deux cas résultent de l'accumulation de savoir et c'est celà ce que nous appelons apprendre. C'est clair? Bien? Tel est notre conditionnement. Nos cerveaux sont conditionnés à cette accumulation de savoir et à l'action.
35:08 Nous proposons ici tout autre chose. Il y a une toute autre façon d'apprendre.
35:34 Voyez-vous vos esprits ne sont jamais tranquilles, n'est-ce pas? Est-il permis de le demander? Occasionnellement. Ils ne sont jamais tranquilles tranquilles dans le sens d'observer si complètement non seulement le firmament, les cieux et la beauté de la terre mais aussi d'observer silencieusement sans le moindre mouvement de pensée toute la structure de votre propre esprit, de votre être. Quand vous observez ainsi, sans aucun motif sans aucune direction, sans aucun désir alors cette observation même est un 'insight' [une vision fulgurante] ce qui, au lieu d'accumuler du savoir consiste à apprendre à agir instantanément, immédiatement à partir de ce que vous avez observé. Suis-je assez clair sur ce point? Non. Voyez-vous, Monsieur - ou Mesdames notre cerveau est accoutumé, formé, conditionné à ce savoir. Le savoir revêt une importance primordiale dans l'agir. C'est tout ce que nous savons. N'est-ce pas? Ainsi, nos actes sont toujours incomplets parce que notre savoir est toujours incomplet, évidemment. Donc, toute action née de ce savoir est forcément partielle... - n'est-ce pas? - et comporte regret, souffrance, blessure soumission, conformité, imitation, comparaison. N'est-ce pas? Suivez-vous tout ceci? Existe-t-il alors une action qui ne soit pas tout cela? Une action qui ne soit pas née du souvenir? Puis-je continuer, Monsieur? Nous posons la question. L'orateur dit qu'il y en a une. Cette action est l'instant, la perception immédiate et l'acte. Mais faites très attention ici, car la plupart d'entre nous pense... Je dois aborder cela avec circonspection.
39:10 D'abord, voyons-nous tous que l'action découlant du savoir est toujours limitée... - n'est-ce-pas? - parce que le savoir est lui-même limité et qu'en conséquence, la pensée est limitée. N'est-ce pas? Toute action qui en découle ne peut qu'être invariablement partielle. C'est évident. Par conséquent, on demande - c'est vous qui demandez pas moi, je ne demande pas, c'est vous qui demandez s'il existe une action qui soit totalement complète sans le moindre regret, sans regard en arrière, sans regard en avant sans aucune tension - vous comprenez? qui soit totalement, complètement harmonieuse. Il y en a une, et c'est l'art de l'observation l'art de voir et cela n'est possible que lorsqu'il n'y a pas de préjugé pas de direction, pas de motif, mais seulement perception. Laissons passer le train, puis nous poursuivrons. (Bruit de train)
40:54 Peut-on être libre de tout motif, pour observer? Libre de toute velléité de diriger l'observation mais seulement observer. Observer combien il est futile d'accepter une autorité spirituelle - je prends cet exemple là. L'observer: observer ce que cela a fait à l'esprit humain ce que cela a créé dans le monde... - la division, l'approche hiérarchique de la vie vous en connaissez toute la structure - le voir complètement. Il n'est pas nécessaire de lire des livres d'étudier le bouddhisme, l'hindouisme, etc., etc., le christianisme pour en conclure qu'ils sont tous plus au moins semblables. Ce n'est pas ce que je préconise. Je ne préconise pas davantage d'analyser mais d'observer le fait que l'acceptation d'une autorité spirituelle détruit la liberté. Et, sans liberté, il n'y a pas d'observation. Quand vous observez de la sorte dans ce moment d'observation toute la nature de l'autorité s'explique se révèle, car cela signifie que votre esprit est extraordinairement libre et qu'il a l'énorme énergie et capacité d'observer. Et dans cette observation il y a liberté à l'égard de l'autorité; c'est un 'insight'. Et cet 'insight' est l'intelligence c'est-à-dire l'essence même de l'art d'apprendre. Saisi.
43:17 Avez-vous compris, Monsieur? Je pense que oui. Du moins quelques uns d'entre vous. Nous allons maintenant faire exactement la même chose à propos du désir. Nous n'analysons pas le désir. Nous observons complètement sans aucune direction, ni motif visant à se débarrasser du désir sans se demander 'pourquoi ne devrais-je pas avoir de désir en quoi le désir est-il mauvais', etc., etc., etc. Simplement d'observer le mouvement du désir. N'est-ce pas? Travaillons-nous ensemble? Comment naît le désir? Les objets du désir peuvent varier vous pouvez vouloir une plus belle maison un autre voudra une meilleure épouse un meilleur mari, une meilleure situation un nouveau jouet, un nouveau gourou, un nouveau... Les objets du désir varient sans cesse. Nous ne parlons pas des objets du désir, mais du désir lui-même. Nous observons et, par conséquent nous ne disons pas ce qu'est le désir mais cette observation du désir nous révèle son mouvement. Vous avez saisi? Vous comprenez, Monsieur? Bien? Sommes-nous ensemble ici? Très bien, peu importe, je poursuis.
45:28 Nous demandons ceci: quelle est la source, la nature du désir? C'est évidemment très simple. Voir, toucher, sensation - n'est-ce pas? N'est-ce pas? Voir cette femme, cette maison ou cette voiture, ceci ou cela voir - perception visuelle, contact, toucher, sensation - n'est-ce pas? Puis la pensée crée l'image de vous vivant dans cette maison qui êtes avec cette femme, ou cet homme conduisant une voiture, installé dans la voiture, et alors naît le désir. N'est-ce pas? Essayez vous-même, n'acceptez pas ce que dit l'orateur. Voyant ce pantalon de velours côtelé... (rires) vous le palpez en éprouvez la sensation puis la pensée dit: 'comme c'est beau, quelle belle couleur, j'aimerais bien en avoir un'. Alors commence le désir. Autrement dit, quand il y a sensation, fonctionnement des sens la pensée crée alors l'image et à cet instant le désir est né. Est-ce clair? Ce n'est pas mon explication: voyez-le vous-même. C'est tellement évident.
47:45 Alors pourquoi - avançons, s'il vous plaît pourquoi la pensée crée-t-elle toujours des images? Vous comprenez? C'est un point très intéressant, si l'on s'y penche. Pourquoi la pensée crée-t-elle l'image ou l'imagination, l'image de symboles d'idées - vous savez - tout le mouvement des images. L'image que la pensée crée entre deux personnes si proches soient-elles, entre un homme et une femme. L'image qui se fabrique et s'alimente continuellement. Alors se pose la question suivante: pourquoi la pensée a-t-elle toujours recours au processus de construction d'images? On voit une chemise bleue ou un vêtement ou un objet quelconque dans la vitrine. La couleur en est jolie, c'est bien coupé, de bonne fablication. Jusque là, tout va bien. N'est-ce pas? Puis la pensée dit: 'si je pouvais avoir cette chemise elle m'irait bien' et cela continue avec l'acquisition de la chemise, et le plaisir de la posséder. Vous suivez tout ceci? C'est très simple, si vous le décomposez.
49:48 Alors se pose la question suivante: C'est ici qu'intervient l'acte d'apprendre pas d'accumuler, mais d'apprendre à savoir: vision, contact, sensation la pensée n'intervenant pas dans ce processus. Vous suivez ce que je dis? Non, non. Je vais m'expliquer. Il est naturel, sensé, sensible d'avoir des réactions vivantes à la vue d'une belle chose de la toucher - la sensation. C'est naturel. N'est-ce pas? Si cela ne vous arrive pas, c'est qu'il y a un problème avec votre système nerveux, que tout votre corps n'est pas sensible, vif. Jusque là, c'est excellent. Puis la pensée entre en jeu, crée une image puis vient le mouvement du désir, sa poursuite le plaisir qu'on en éprouve, et son assouvissement. N'est-ce pas? La question est alors la suivante: pourquoi la pensée crée-t-elle l'image et la pensée, qui est aussi sensation, peut-elle se rendre compte que lorsque se produit ce mouvement, qui est le désir le conflit commence? Je me demande si vous comprenez? N'est-ce pas? Monsieur, ne me regardez pas. Ce n'en vaut pas la peine, mais découvrez-le par vous-même. Car, voyez-vous, cela signifie ne jamais permettre à la pensée... - non, disons plutôt que la pensée, quand elle réalise la nature de l'image et pourquoi elle crée l'image, quand elle s'en rend compte le désir devient alors toute autre chose. Vous comprenez ce que je dis? Il n'y a alors pas de conflit dans le désir. Le voyez-vous? Là où il y a désir, avec les images créées par la pensée il y a inévitablement recherche du plaisir. N'est-ce pas? Le voyez-vous? Et lorsque le plaisir est contrarié il y a soit de la peur, soit de l'antagonisme, soit de la violence. C'est là qu'est la racine de la violence.
53:34 Donc, pour comprendre cela, il faut pénétrer au tréfond de la question de la fin de la violence et comprendre le processus du plaisir et du désir. Si ce processus est compris non pas intellectuellement, mais réellement en tant que mouvement de notre vie on découvre alors, si l'on va au fond de la chose que l'enchantement est toute autre chose que le plaisir. Vous comprenez? Quand vous regardez les montagnes, les pentes, la neige pas ces jours-ci, malheureusement mais quand vous observez par une journée claire un merveilleux ciel bleu les crêtes enneigées, les vallées et les torrents la clarté et de la luminosité d'un jour, c'est l'enchantement. N'est-ce pas? Quoi de mal à cela? C'est parfait, c'est une sensation exquise. Mais la pensée dit: 'J'espère qu'il en sera de même quand je reviendrai demain' - Vous suivez? La perception de cet enchantement devient un souvenir ce souvenir devient alors un plaisir car [la pensée] a créé une image de cette matinée parfaite et la poursuit sous la forme d'un souvenir de cette matinée parfaite. N'est-ce pas? Je me demande si vous voyez bien tout ceci.
55:55 Alors, pour prolonger le sujet, on pose la question suivante: cette beauté d'un matin, pourquoi devrait-elle être enregistrée? Vous comprenez ma question? Il y a l'enchantement de cette matinée, la tranquillité, le calme chaque feuille est vivante et les arbres se balancent vous connaissez cette extraordinaire sensation de beauté d'un matin. Cela a eu lieu - terminé. Mais le cerveau l'a enregistré en tant que mémoire et la pensée intervient alors et dit: 'il faut que je revienne, j'espère retrouver la même sensation la même émotion et la même beauté le lendemain matin'. Vous avez compris jusqu'ici? Bien? Nous demandons ceci: pourquoi le cerveau devrait-il enregistrer cet événement? C'est fini. Vous avez compris? Dès l'instant où il a l'enregistré, il dit: 'je veux retrouver cela demain matin' quand apparaît la beauté du lendemain matin elle n'est pas vue pour la première fois. Vous avez compris? J'explique bien la chose?
57:33 Nous allons donc aborder quelque chose de beaucoup plus difficile, à savoir: l'enchantement, quand il est enregistré cet enregistrement est alors la recherche du plaisir... - n'est-ce pas? - et non la beauté de cet instant. C'est un souvenir, une beauté remémorée, qui n'est pas la beauté. Vous comprenez ce que je dis? Le plaisir va donc forcémement de pair avec la peur. N'est-ce pas? Non? C'est tellement évident, Monsieur. Allons-nous poursuivre?
58:32 La peur est très, très profondément ancrée dans les êtres humains. Et là où il y a peur, il y a obscurité. N'est-ce pas? Vous le comprenez? Et l'esprit humain, cerveau compris, a vécu avec la peur: peur de la solitude peur de ne pas réussir, peur de perdre peur de ne pas avoir de sécurité peur de l'amour peur de la dépendance peur de l'attachement. Nous connaissons tous cela. Cette peur est profondément ancrée dans chaque être humain. L'esprit a vécu avec elle. Nous l'acceptons comme nous acceptons le terrorisme à l'époque actuelle comme nous acceptons le totalitarisme, les guerres comme nous acceptons la division les divisions tribales que l'on appelle nationalités les divisions religieuses - nous les acceptons car nous n'osons pas mettre quoi que ce soit en question. Et si nous mettons [quelque chose] en question, cela fait peur. N'est-ce pas? Ainsi, nous naissons et mourons avec la peur. Et c'est une tragédie. Nous ne nous sommes jamais demandés si la peur peut complètement prendre fin comme la douleur, comme une maladie. On sait quoi faire d'une maladie, à moins qu'elle soit incurable. Mais jamais ne nous sommes-nous demandés, ou n'avons-nous examiné si la peur pouvait prendre fin, complètement, totalement. C'est ce que nous demandons à présent. Posez cette question, posez la vous. Voilà comment nous pensons ensemble. Je ne vous demande pas de poser la question vous vous la posez vous-même. La peur. Est-ce la peur de quelque chose, ou la peur découlant de quelque chose? Ou est-elle complètement distincte de l'objet de la peur? Cela devient-il trop difficile? Vous comprenez, Monsieur? On a peur de l'obscurité, peur de perdre son emploi peur que sa femme vous quitte ou que son mari courre après une autre femme ou peur d'être seul, livré à soi-même, de la solitude. Il existe donc toujours une peur de quelque chose ou découlant de quelque chose. N'est-ce pas? Nous posons la question suivante: existe-t-il une peur en soi, 'per se'? Ou existe-t-elle toujours au sujet de, ou découlant de quelque chose - vous comprenez? Posez-vous ces questions, je vous prie.
1:03:50 La peur est-elle innée, comme le sang comme les cellules, comme l'odorat l'ouïe, la vue? Ou bien la nature de la peur est de vouloir la sécurité vouloir fuir la solitude, vouloir être quelque chose. Vous comprenez? Je me demande si vous rejoignez mon point de vue? Cheminons-nous ensemble? Ou la peur se démarque-t-elle du vouloir, du tâtonnement, de la fuite devant quelque chose soit du passé, du présent ou de l'avenir mais elle existe en soi aussi longtemps qu'il y a le mouvement du temps et de la pensée? Je me demande si vous saisissez? Mettons par exemple qu'on ait peur de la solitude... - c'est probablement le cas pour la plupart d'entre nous - ou de perdre un emploi ou autre chose. La solitude. Si vous êtes marié, si vous avez des enfants tant que vous êtes tous ensemble, vous ne pensez jamais à la solitude. Elle n'est jamais présente. Mais quand vous vieillissez, vos enfants sont partis et tout le reste, vous vous retrouvez soudain vieux seul, malheureux - n'est-ce pas? Et cela engendre la peur. N'est-ce pas? De même qu'on a peur de la mort une chose qui arrivera dans le futur pas immédiatement, puisque nous sommes tous réunis ici sauf si la tente s'effondre. On évite donc la mort qui viendra peut-être au bout de quelques années - donc dans le temps. N'est-ce pas? N'est-ce pas? Et il y a la pensée que je pourrais mourir. La peur est-elle donc le produit du temps? vous comprenez? - ou de la pensée? Ou le temps et la pensée sont-ils une seule et même chose? Vous comprenez? On a fait quelque chose dans le passé et on en a peur parce que ce n'est pas agréable, pas joli, pas plaisant. On a donc peur de voir cette chose ressurgir et d'être attaqué. Ainsi, le souvenir de cet incident du passé, qui n'était pas agréable est la remémoration d'une chose passée. N'est-ce pas? C'est-à-dire le mouvement de la pensée. Et le mouvement de la pensée est le mouvement du temps. N'est-ce pas Monsieur? Alors, la peur est-elle le mouvement de la pensée et du temps? Je me demande si vous le comprenez.
1:08:41 Si je dois mourir maintenant, immédiatement, il n'y a pas de peur. N'est-ce pas? C'est terminé. Mais je veux vivre encore dix ans, ou encore cinq ans et j'espère que rien n'arrivera entre temps. N'est-ce pas? Donc la peur est le temps... - vous en rendez-vous compte, Messieurs? - et la pensée. N'est-ce pas? Non, je vous en prie - voyez-le. C'est très, très important. Une fois que ceci compris il vous faut comprendre le temps et la pensée, si complètement que la peur cesse alors totalement. Voilà pourquoi il est très important de comprendre la nature du temps. (Un train siffle)
1:10:04 Ce train qui siffle nous dit d'arrêter! (Rires) Il est très important de comprendre - il nous reste dix minutes - le temps et la pensée. Qu'est-ce que le temps? En dehors d'hier, d'aujourd'hui, de demain le temps est nécessaire pour apprendre une langue un sujet, et ainsi de suite pour couvrir la distance d'ici à Lausanne là, le temps est nécessaire pour effectuer ce trajet. Le temps, c'est le lever, le coucher du soleil la venue de l'obscurité, le soir. C'est là un fait. En dehors de cela, le temps existe-t-il? Oui, apparemment. 'Je serai'. 'Je vais réussir' 'A présent je ne suis rien, mais je serai'. 'Je suis en colère, donnez-moi du temps et je surmonterai cela'. Il y a donc le temps physique et le temps psychologique. N'est-ce pas? Et je mets en question, je mets en doute la moindre existence d'un temps psychologique. Vous comprenez? Nous avons admis le temps psychologique. 'Je vais devenir' devenir ministre, gouverneur, homme politique... - vous savez, devenir ceci ou cela, c'est l'espoir. N'est-ce pas? Nous mettons donc en doute l'existence d'un quelconque temps psychologique. Nous avons admis le temps psychologique qui pourrait être une illusion bien que tous les saints, tous les gens religieux tous les philosophes disent qu'il vous faut du temps le temps étant le savoir le temps étant un moyen d'accomplir quelque chose, psychologiquement. N'est-ce pas? Nous mettons cela en doute. Nous doutons qu'il en soit ainsi. Il semble en être ainsi. Mais l'est-ce en réalité? Vous voyez? N'est-ce pas?
1:13:55 C'est-à-dire: 'Je ne suis pas, mais je serai' - n'est-ce pas? Ce mouvement de 'ce qui est' à 'ce qui devrait être' est le temps psychologique. Et cela, nous l'avons avalé, nous l'avons vécu, accepté cela fait partie de notre nature, de notre esprit, cœur, cerveau. Je mets cela en doute et ne l'accepte pas. Ainsi: y a-t-il un réel devenir psychologique? Vous comprenez? Réellement. C'est-à-dire 'ce qui est' et 'ce qui devrait être'. N'est-ce pas? Pour faire très vite. Pouvons-nous procéder? 'Ce qui est' - la colère, la jalousie, ou quoi que ce soit, l'avidité et s'écarter de 'ce qui est' en direction de 'ce qui pourrait être' de 'ce qui devrait être', 'ce que l'on espère': c'est le temps. N'est-ce pas? Mais 'ce qui devrait être' a-t-il une réalité, ou seul 'ce qui est' en a une? Suivez-vous? Le 'ce qui pourrait être' pourrait ne pas être! (Rires) Mais 'ce qui est', l'est bien. Vous comprenez ce que je dis? Allons, Messieurs! N'est-ce pas? Il en est ainsi. S'il en est ainsi, pourquoi l'esprit s'écarte-t-il de 'ce qui est' pour aller vers 'ce qui pourrait être'? Pourquoi est-il incapable de vivre, de comprendre, d'observer 'ce qui est'? Pourquoi donc ce mouvement à l'écart de 'ce qui est'? Je me demande si vous le saisissez? Vous comprenez ma question? Travaillons-nous ensemble? Suivez-vous ceci? Pourquoi y a-t-il toujours en nous, psychologiquement ce refus de vivre avec 'ce qui est' d'être avec 'ce qui est'? Mais s'écarter de 'ce qui est', est le temps. N'est-ce pas? Alors, s'il n'y a pas de mouvement à l'écart de 'ce qui est' il n'y a pas le moindre temps psychologique. Vous saisissez?
1:17:19 Alors, l'esprit peut-il s'en tenir seulement à 'ce qui est' et ne pas s'écarter dans quelque direction que ce soit mais observer purement et simplement 'ce qui est'? Il n'y a pas de temps du tout dans cette observation. N'est-ce pas? Faites-le Messieurs, et vous verrez. Ainsi, le temps psychologique que nous avons admis, si nous l'examinons très attentivement sans aucune réaction, sans aucun motif vous verrez que ce qui, de loin, importe le plus n'est pas 'ce qui devrait être', mais 'ce qui est'. Dès lors, dans l'observation de 'ce qui est'... Dès lors, dans l'observation de 'ce qui est' il y a dissipation de 'ce qui est' cette dissipation a lieu parce que quand vous vous en écartez, le 'ce qui est' demeure. S'en écarter est un gaspillage d'énergie. Tandis que l'observation est attention totale à 'ce qui est' qui est l'observation du summum d'énergie. Quand il y a summum d'énergie, il y a summum d'attention mais quand il y a inattention il y a mouvement à l'écart de 'ce qui est'. L'avez-vous saisi? Je ne sais pas ce que je viens de dire. Vous comprenez, Monsieur?
1:19:43 C'est très amusant: on est jaloux, c'est 'ce qui est'. Puis l'on dit, 'pourquoi devrais-je ne pas être jaloux?' on justifie, on raisonne, on analyse la jalousie tout cela étant le mouvement à l'écart du fait réel, central, d'être jaloux. Ce mouvement d'analyse, d'éloignement de justification de la chose est un gaspillage d'énergie qui ne résout pas la jalousie. N'est-ce pas? Mais quand il y a une observation totale, pure ce qui signifie aucune motivation de dissoudre 'ce qui est' quand il y a perception complète, c'est-à-dire une attention totale cette attention contient toute votre énergie. Alors, quand il y a complète attention, il n'y a pas de jalousie. Ce n'est que quand il y a inattention que la jalousie commence. Je me demande si vous captez ceci. L'avez-vous saisi? Pouvons-nous nous arrêter maintenant?
1:21:41 Pouvons-nous tous partir ensemble?