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SA85Q1 - 1re session de questions/réponses
Saanen, Suisse
23 juillet 1985



1:00 Nous sommes un peu en avance. On me dit que beaucoup sont tristes de quitter, d'arrêter Saanen. Si l'on est triste, il est grand temps de partir ! Et, comme annoncé, nous partons. C'est la dernière session à Saanen.
1:56 Il y a beaucoup de questions, il est impossible de répondre à toutes, il y en a trop. Cela prendrait plusieurs jours et je ne crois pas que nous supporterions cette rallonge. L'orateur n'a pas vu ces questions, mais elles ont été choisies avec grand soin.
2:38 Avant d'aborder vos questions, puis-je vous en poser quelques-unes à mon tour ? Vous êtes tout à fait sûrs ?
2:56 Pourquoi venez-vous ici ?
3:03 C'est une bonne question. Quelle est la raison d'être, le motif de votre venue ? C'est notre question. Est-ce par curiosité ? Est-ce dû à la réputation que l'orateur s'est faite depuis 80 ans ? Est-ce la beauté de cette vallée ? Les magnifiques montagnes, le torrent qui coule et les grandes ombres et les douces collines ? Ou le télésiège ? Qu'est-ce qui nous a amenés ici ? Si c'est sérieux, si nous sommes préoccupés par notre vie quotidienne, par notre mode de vie, par les problèmes que nous avons – de toutes sortes, probablement, la vieillesse, la mort, la sexualité – vous savez, ce déferlement de problèmes auquel notre cerveau est tellement habitué. Si vous le permettez, la question est sérieuse : attend-on de quelqu'un qu'il nous dise comment vivre, comment examiner, et quoi faire, est-ce la raison de votre présence ici ? Ou est-ce que l'on veut vraiment voir ce que l'on est, assis ici, en ce moment même, et l'étudier de très près, et voir si l'on peut aller au delà – est-ce cela, la raison ?
5:44 Comme vous ne pouvez pas répondre à toutes ces questions, l'orateur vous demande : de quoi s'agit-il en fait ? Vous comprenez ? Cela fait 28 ans que l'orateur vient dans cette vallée et 25 ans que ces activités ont lieu ici à Saanen. Une bonne portion de notre vie. Et, si l'on peut vous poser la question, qu'en reste-t-il au bout du compte, quel est le contenu de notre vie ? A-t-on cassé le moule ? Ou c'est le schéma, le vieux modèle qui se répète à l'infini ? Comprenez-vous ma question ? Les habitudes installées et opiniâtres que nous avons semblent si difficile à briser. L'habitude de penser, l'habitude du quotidien. En y regardant bien, après 25 ou 28 ans, y a-t-il eu rupture de ce système dans lequel on vit ? Ou on le suit obstinément, jour après jour, rajoutant un peu ici, retirant un peu là, pour, au terme de son existence, avoir le regret, le remords de n'avoir pas vécu autrement ? Est-ce cela, notre démarche ? Je pose la question. Voici toutes les questions que vous avez posées à l'orateur. De quoi s'agit-il ? De notre vie. De tout ce qui se passe autour de nous, les choses consternantes qui ont lieu en Afghanistan, etc., tout cela se passe-il seulement là-bas, loin de ce joli pays ? Où nous situons-nous, en tant qu'individus, dans tout ce canevas de l'existence ? Je vous pose la question. Quel est le résidu qui subsiste dans la passoire – vous savez ce qu'est une passoire, pour laver des légumes, du riz ou autre chose ? Alors, qu'est-ce qui subsiste en nous ?
9:53 J'arrête de poser des questions. Sommes-nous conscients de ce qui se passe en nous, dans nos pensées ordinaires, est-on conscient de chaque émotion, réaction, réponse, habitude ? Ou cela coule-t-il simplement comme une rivière ?
10:41 À laquelle de ces questions voudriez-vous d'abord répondre ? Première question : 'Qu'entendez-vous par création ?' Deuxième question : 'Des enseignants, des gourous, disent qu'ils dispensent essentiellement le même enseignement que vous. Qu'en dites-vous ?'
11:07 Vous comprenez ces questions ? Troisième question : 'Qu'est-ce que la culpabilité ? On est au désespoir, car les actes qui vous donnent du remords ne peuvent plus être éradiqués.'
11:26 Bien ? Je peux continuer à lire ces questions. Par laquelle aimeriez-vous d'abord commencer ? Les gourous ? Qu'est-ce que la création ? Oh ! J'ai oublié. La culpabilité ? Pouvons-nous commencer par les divers instructeurs ?
11:59 'Des instructeurs et des gourous disent qu'ils donnent essentiellement le même enseignement que vous. Qu'en dites-vous ?'
12:13 Des instructeurs, des gourous, disent dispenser essentiellement le même enseignement que vous. Comment répondez-vous à cette affirmation ?
12:36 Je me demande pourquoi ils se comparent à l'orateur. On s'interroge s'ils devraient même envisager de dire : 'Ce que dit l'orateur, nous le disons nous-mêmes.' Pourquoi disent-ils ces choses-là ? Je sais, c'est un fait qu'en Inde, comme en Europe et en Amérique, on voit divers... gourous d'opérette, divers groupes qui disent : 'Oui, nous aussi allons vers la même chose, nous suivons la même rivière que vous.' Cela a été dit directement à l'orateur, et nous en avons discuté avec ces gourous, ces – comment dites-vous ? – leaders locaux ou étrangers. Nous avons approfondi cette question.
14:07 Tout d'abord, pourquoi comparent-ils ce qu'ils disent à ce que dit K ? Pourquoi insistent-ils là-dessus ? Vous comprenez ? Quelle intention cela cache-t-il ? Est-ce pour prendre le train en marche ? Est-ce parce qu'ils pensent 'ne pas y être tout à fait' et qu'en se comparant à K ils pourraient arriver à 'y être tout à fait '?
14:54 Donc en débattant avec eux – certains d'entre eux – nous avons approfondi la chose. D'abord, je mets en doute ce qu'ils disent tout comme je mets en doute les propres expériences de l'orateur. On est dans le doute, dans l'incrédulité, on ne dit pas : 'Vous avez raison, nous sommes dans le même bateau',
15:32 on approche cette question avec doute, avec un certain scepticisme – de part et d'autre. Ceux qui disent ramer sur le même bateau, sur la même rivière, sont peut-être loin devant et l'orateur loin derrière, mais c'est toujours la même rivière. Alors, dans cet échange, ils doutent, ils contestent ils demandent, et, si vous poussez plus loin et plus profond, ils se trouvent à bout d'arguments. Et, finalement, l'orateur en a entendu plusieurs dire : 'Ce que vous dites est la Vérité, vous incarnez la Vérité' et toutes ces histoires – c'est eux qui le disent. Puis ils saluent et s'en vont en disant : 'Nous, nous avons affaire à des gens ordinaires, et ceci ne s'adresse qu'à l'élite.' J'ai dit : 'double baliverne'. Vous comprenez ?
17:10 Enfin, pourquoi comparer du tout ? Du genre : 'mon gourou est meilleur que le vôtre' ? Pourquoi ne pas voir les choses telles qu'elles sont ? Contester, douter, demander, exiger, explorer – n'est-ce pas ? Ne jamais dire : 'notre camp est meilleur que le vôtre', ou 'ce côté-ci est meilleur que ce côté-là', ou 'nous faisons tous la même chose'. L'autre jour, j'ai entendu : 'Ce que vous dites, c'est ce que je dis, où est la différence ?' J'ai dit : 'Aucune. Nous parlons la même langue – l'anglais ou le français, un peu d'italien – nous parlons la même langue mais le contenu, la profondeur derrière le mot peuvent être tout à fait différents.' Nous nous satisfaisons si facilement d'explications, de descriptions, sensibles à – vous savez – tout l''éclat, la brillance, toutes les fanfreluches, tout cela nous impressionne. Nos cerveaux ne fonctionnent pas très simplement. Voilà une des questions que je voudrais vous poser.
18:57 Avez-vous observé comment fonctionne votre cerveau ? Observé, comme un témoin extérieur observant votre cerveau en action. Vous comprenez ? Avez-vous jamais fait cela ? Ou bien le cerveau tourne dans ses vieilles habitudes, ses croyances, ses dogmes, ses rituels ou ses affaires, il poursuit sa route, mécaniquement. Si je puis me permettre, votre cerveau est-il comme cela ? Silence. Avez-vous jamais observé une pensée chassant l'autre, des associations en série, un chapelet de souvenirs accrochés à votre expérience ? L'autre jour, en Amérique, quelqu'un que nous connaissons depuis un certain temps, disait vivre selon son expérience, que son expérience lui disait quoi faire, que son expérience était réelle, véritable, très profonde, et que cette expérience est tout pour lui. On ne peut pas lutter contre cela. Et nous avons dit : 'Et si vous doutiez de votre expérience ? Elle pourrait... Elle est peut-être réelle, elle est peut-être imaginaire, peut-être romantique, avec toute la sentimentalité et le reste. Pourquoi ne pas douter même ce que vous venez de dire 'mon expérience me dit' – intérieurement ? Et l'on n'a plus revu cette personne – vous comprenez ?
22:42 Donc n'est-il pas nécessaire d'être conscient de toutes ces choses : pourquoi comparent-ils, pourquoi disent-ils que nous sommes tous dans le même bateau. Nous y sommes peut-être, nous y sommes tous, probablement, Mais pourquoi cette affirmation : nous sommes avec vous dans le même bateau ? Vous comprenez ? Est-ce le désir de... Oh, je ne sais pas. Vous le savez bien, n'est-ce pas ? Alors, pouvons-nous n'accepter aucun gourou, aucun leader, y compris et surtout l'orateur ? Ne jamais admettre quoi que ce soit psychologiquement, sauf ce que l'on a observé soi-même dans ses relations – on observe ce que l'on dit, la voix, le ton de la voix, les mots que l'on emploie, tout cela. Peut-on, toute la journée ou une partie de la journée, être conscient de tout cela ? Dès lors, peut-être n'aurez-vous besoin d'aucun gourou, d'aucun leader, d'aucun livre – y compris ceux de l'orateur. Il y a quelque chose de tout à fait différent qui se passe quand on est réellement attentif, n'est-ce pas ?
24:37 Pouvons-nous passer à la question suivante ? Seigneur.
24:58 La culpabilité.
25:01 Pas besoin de lire la question, tout est plutôt mélangé là-dedans.
25:18 Pouquoi nous sentons-nous coupables ? Vous savez ce que ce mot signifie. Culpabilité. Coupable. Pouquoi nous sentons-nous coupables ? Cela arrive à beaucoup de gens, c'est le tourment de leur vie. Cela peut devenir un énorme problème, et il y a un fond de culpabilité chez énormément de gens. Coupable de ne pas croire, coupable de ne pas être comme le reste du groupe. La culpabilité – vous savez, le sentiment de culpabilité, pas le mot, mais, derrière le mot, le sentiment que nous avons fait quelque chose de mal et nous nous sentons coupables, pleins de remords, anxieux et donc effrayés, incertains. Cette culpabilité est un grand facteur déformant dans notre vie. C'est évident. Alors pourquoi avons-nous ce sentiment ? À Brockwood il n'y a pas de trains ! Pas d'avions. On peut y converser tranquillement. Mais ces montagnes vous manqueront. Sans doute est-ce pour cela que vous êtes tristes.
27:35 Nous demandons : pourquoi éprouve-t-on ce remords ? Peut-être n'a-t-on pas fait la chose correcte, la chose à faire, face à un évènement provoqué par l'extérieur qu'il est de notre devoir de combattre ? La culpabilité qu'un homme – ou une femme – ressent s'il a refusé de s'engager dans une guerre pour son pays. Vous connaissez les diverses formes de culpabilité et ses causes. Nous demandons : pourquoi ce sentiment existe-t-il ? Est-ce parce que nous ne sommes pas responsables ? Vous comprenez ? Parce que l'on n'est pas responsable ? Parce que l'on n'exige pas le meilleur de soi-même ? Vous suivez ?
29:07 Attendez, voilà ce que l'orateur demande : est-ce que nous sommes paresseux, indolents, inattentifs – et par conséquent un peu irresponsables – et, mis devant cette irresponsabilité, nous nous sentons coupables ? Supposons que j'aie suivi quelqu'un, mon gourou, qui s'est permis toutes sortes de choses, le sexe, etc., et moi, j'ai fait comme lui. Mais il change d'avis – il a vieilli – et il dit : 'plus de ça !' alors ses disciples disent : 'plus de ça'. Vous comprenez ? On a fait tout cela pour suivre ce gourou et le gourou vieillissant dit : 'plus de ça', et je pense : 'Sapristi, je n'aurais pas dû le faire, j'ai mal fait.' Vous suivez ? C'est tout le problème de la culpabilité. Pourquoi ? Et que faire ? – ceci est plus important.
30:46 Comment connaissons-nous, ressentons-nous, le remords d'être... ce que nous ne sommes pas ? Et donc de faire des choses qui nous font du tort et par conséquent... Les montagnes font écho, elles amplifient le bruit. Alors trouvons un moyen de traiter ce problème, découvrons ce que l'on peut faire, d'accord ? Pas en étudiant les causes – nous les connaissons. J'ai fait une chose qui n'est pas convenable, qui n'est pas correcte, qui n'est pas vraie et je réalise plus tard que cela a produit un résultat déplorable, fâcheux, qui rend les autres malheureux – et je me sens coupable. Ou la même chose sous des formes différentes et pour des raisons différentes. Alors que faire quand nous nous sentons coupables ? Et comment s'y prendre ? Comment vous y prendriez-vous ? Quelle est votre façon de l'approcher ? Vous comprenez ma question ? Comment venir au plus près du problème ? Vous voulez qu'il soit résolu? Vous voulez l'éliminer pour qu'il cesse d'emprisonner votre cerveau ? Donc, comment allez-vous l'aborder ? En cherchant une solution ? Vous comprenez ? En cherchant à vous libérer de la culpabilité ? Comment y venez-vous ? C'est très important, n'est-ce pas, comment aborder un problème. Si vous avez un a priori sur ce problème – qu'il faut le résoudre de telle ou telle façon – tant qu'il y a un a priori ou un motif, ce motif ou cet a priori oriente le résultat. Vous comprenez ? Abordons-nous un problème, comme cette culpabilité, sans aucune intention ? Vous comprenez ma question ? Ou bien nous abordons chaque problème avec une intention, toujours ? Je me demande si nous nous retrouvons sur ce sujet. Est-il possible d'aborder un problème sans l'ombre d'un savoir préalable – le motif – et le regarder comme pour la première fois ? Pouvons-nous faire cela ? Vous comprenez ?
35:16 Cela implique deux choses : quelle est votre approche, et qu'est-ce qu'un problème ? Bien ? Vous avez des problèmes, n'est-ce pas ? Beaucoup, beaucoup – pourquoi ? Pas seulement des problèmes d'argent, de sexe... C'est une belle matinée, un grand ciel bleu, sans nuage, ils prennent du bon temps ! Qu'est-ce qu'un problème ? On ne condamne pas le problème, on ne dit pas qu'il faut le résoudre de telle ou telle façon; nous mettons en question le problème lui-même, le mot et le contenu de ce mot, une chose à résoudre, une chose à laquelle il faut répondre, qu'il s'agisse d'un problème d'affaires, d'un problème familial, sexuel, spirituel – pardon, 'spirituel' entre guillemets – le problème de choisir un leader politique, etc., c'est un problème. Pourquoi avons-nous des problèmes ? Pourrions-nous leur demander d'aller voir ailleurs ? Bon.
37:26 Examinons d'abord le mot 'problème'. Selon le dictionnaire problème veut dire : une chose qui vous est jetée, n'est-ce pas ? Une chose propulsée contre vous, un défi, une chose à laquelle vous devez répondre. Le sens de ce mot est : une chose vous est jetée. Et nous appellons cela un problème. Pourquoi notre cerveau a-t-il des problèmes ? Vous comprenez ma question ? Pouvons-nous l'approfondir un peu ? Oui ? S'il vous plait, n'admettez rien de ce que dit l'orateur, rien. Examinons cela ensemble. Explorons cette question, ce problème.
38:54 Dès l'enfance, alors que vous êtes... Pouvons-nous tous ensemble lui crier de déguerpir ? Dès l'enfance, quand vous envoyez une fille ou un garçon à l'école, il ou elle doit apprendre à lire et à écrire, lire, écrire, et l'enfant n'a encore jamais lu ou écrit, donc écrire et lire devient pour lui un problème, n'est-ce pas ? À mesure qu'il grandit, son cerveau se forme aux problèmes, n'est-ce pas ? Évidemment. A l'école, je dois apprendre les mathématiques, la chimie, la biologie, la science, la physique, puis au lycée, au collège, à l'université, tout ce processus d'apprentissage est un problème, donc le cerveau est conditionné aux problèmes, n'est-ce pas ? C'est un fait. Ma femme devient un problème, je deviens un problème pour elle, les affaires, Dieu, tout est un problème. Comment vivre, quoi faire, et ainsi de suite. Donc notre cerveau, votre cerveau, est conditionné, éduqué à vivre avec des problèmes. C'est un fait, pas une invention de l'orateur, c'est ainsi. Donc, toute notre vie, vivre devient un problème. Non ? Alors, pouvons-nous regarder ceci comme un fait pas comme une idée ou une théorie, mais comme un fait, et voir ce que nous pouvons faire. Le cerveau peut-il être libre afin de résoudre des problèmes sans les aborder avec un esprit déjà surpeuplé de problèmes ? Vous comprenez ma question ? Non ? J'ai été à l'école, dans une école où rien de ce que dit l'instituteur ne m'intéresse. Je regarde par la fenêtre, je me distrais. Il me tape sur la tête et je me reprends. Et il dit : 'Écris'. Il tient ma main, la guide, et je me dis : 'Mon Dieu, il faut que j'apprenne' et cela devient un problème pour moi, non ? Non seulement je dois apprendre à lire et écrire, mais aussi les maths, la géographie, l'histoire, la politique, donc toute mon éducation – je ne suis pas contre l'éducation j'exprime une remarque – toute mon éducation devient un énorme problème. Et si je peux obtenir un doctorat, devenir quelqu'un, c'est encore un problème. Donc le cerveau est conditionné depuis l'enfance à vivre avec des problèmes, n'est-ce pas ?
43:23 A présent, notre question est : est-il possible d'être libre de problèmes pour ensuite s'attaquer aux problèmes – vous comprenez ? Les problèmes existent. Mais je ne peux les résoudre que si le cerveau est libre. S'il n'est pas libre, la solution d'un problème engendre d'autres problèmes, comme en politique. Je ne sais pas si vous vous en rendez compte. Les pauvres diables résolvent un problème mais ce problème en cache une dizaine d'autres. Comme ils ne peuvent attaquer dix problèmes à la fois, ils regardent ailleurs et passent à autre chose, et cela continue comme ça. Donc l'orateur demande : pouvons-nous être sans problèmes, pour commencer ? En déconditionnant le cerveau qui a été dressé à vivre avec des problèmes. Est-ce clair ? Enfin !
44:36 A présent, avançons. Est-ce possible ? À vous de répondre. Est-il possible d'être libre, pour ensuite attaquer les problèmes ? Seigneur, quel lieu bruyant ! Comment répondez-vous à cette question ? Dites-vous que c'est possible ? Ou dites-vous que c'est impossible ? Quand vous dites que c'est possible ou impossible, vous vous êtes bloqué d'entrée. N'est-ce pas ? Vous avez d'avance fermé les portes, vous vous êtes vous-même empêché d'explorer, d'entrer dans la question. N'est-ce pas ?
45:48 Nous disons donc qu'il faut libérer le cerveau du monde de problèmes qu'on lui a enseigné – c'est son conditionnement, et ce cerveau peut-il être déconditionné ? Je dois d'abord comprendre la question, ce qu'implique la question. Explorer cela. Ensuite en venir à ceci : peut-il être libre de son conditionnement ? Ce que vous faites, ou ne faites pas – ne vous endormez pas – ce que vous faites ou ce que vous ne faites pas. Par exemple, comment écoutez-vous le bruit de ce train, ce bruit de ferraille, comment l'écoutez-vous ? Il est là. Comment l'écoutez-vous ? Vous lui résistez ? Ou bien – je n'en dis pas plus. Vous lui résistez ? Ou vous dites : 'Cela fait partie de la vie, laissons passer.' Vous comprenez ? Le bruit est partout : le tapage, la vulgarité, la musique, la soi-disant musique, tout cela se déverse à flots, n'est-ce pas ? Y résistez-vous ? Ou le laissez-vous filer, s'écouler – vous comprenez ?
47:54 Donc, voici la question : est-il possible de libérer le cerveau du conditionnement de cette éducation qui a engendré un état dans lequel le cerveau est conditionné, et d'être délivré de ce conditionnement ? Puis-je aller plus loin ? L'orateur va étudier le sujet non pas pour vous convaincre de quoi que ce soit, juste pour vous montrer. Vous passez devant une vitrine et vous regardez la vitrine, le magasin, vous regardez les robes, et tout ce qui s'y trouve, puis vous allez regarder un autre magasin. Vous faites du lèche-vitrines. Vous n'avez rien à faire, rien d'autre que de découvrir ce qu'il dit, écouter ce qu'il dit. Ni accepter, ni refuser, juste regarder, écouter. Le cerveau est conditionné à toute cette culture de problèmes, il y est conditionné. Voilà une bonne expression, la culture de problèmes. Le cerveau conditionné est-il distinct de l'observateur ? Vous comprenez ma question ? Le cerveau, mon cerveau est-il distinct de moi qui analyse, qui regarde, qui mets en pièces, qui examine, qui accepte, n'accepte pas ? Cet observateur – la personne qui dit : 'je regarde cela' – est-elle distincte du cerveau ? Vous comprenez ma question ? C'est une question très simple, ne la compliquez pas. La colère, l'avidité, l'envie sont-elles distinctes de moi ? Ou bien suis-je la colère. La colère est moi. L'avidité est moi. Ce trait de caractère est moi, non ? Il n'y a pas de différence. Mais la culture, l'éducation nous ont fait séparer les deux. Il y a l'envie, l'envie n'est pas moi donc je dois la maîtriser ou m'y abandonner et par conséquent il y a conflit. Je ne sais pas si vous suivez. Ou bien la violence est-elle moi ? La violence n'est pas une chose distincte de moi, Je suis – 'moi' est violent. Vous le voyez ? Le voyons-nous ? Une fois que l'on réalise ce fait qu'il n'y a pas de différence entre ce trait de caractère et moi, alors, un tout autre mouvement a lieu, Il n'y a pas de conflit. Vous comprenez ? Il n'y a pas de conflit. Tant qu'il y a séparation, il y a conflit intérieur, n'est-ce pas ?
51:58 A présent, j'ai réalisé : je suis ce trait de caractère je suis la violence. Je – 'moi', est avide, envieux, jaloux et tout ce qui s'ensuit. J'ai donc complètement aboli cette division en moi. Je suis cela. Non pas 'je suis le Suprême' – en sanskrit, je n'y entre pas. Je suis ce trait de caractère. Alors mon cerveau peut-il rester avec ce fait, demeurer avec ce fait ? Vous comprenez ma question ? Puis-je demeurer – mon cerveau qui est si actif, si vivant, pensant, regardant, écoutant, essayant, s'efforçant, ce cerveau peut-il demeurer avec le fait que je suis cela ? Rester avec, sans bouger, sans vouloir contrôler car dès l'instant où il y a contrôle, il y a l'entité qui contrôle et la chose contrôlée donc cela devient un effort, non ? Comprenez bien, c'est très simple. Si vous saisissez réellement cette vérité, ce fait, vous éliminez complètement l'effort. Effort veut dire contradiction, effort veut dire que je suis différent de la chose – vous savez, toute cette affaire. Donc, une fois que vous voyez le fait réel, pas l'idée, mais le fait que vous êtes votre caractère, votre colère, votre envie, votre jalousie, votre haine, votre incertitude, votre confusion, vous êtes cela. Il ne s'agit pas d'admettre ou d'être verbalement d'accord, sinon nous n'allons pas nous rejoindre. Mais si vous voyez effectivement ce fait et n'en bougez plus – pouvez-vous ? Quand vous restez avec lui, qu'est-ce que cela implique ? L'attention, n'est-ce pas ? Plus un mouvement pour s'éloigner du fait, rester simplement avec le fait. Si vous avez une vive douleur, vous ne pouvez pas, mais, psychologiquement, vous restez avec le fait, vous dites intérieurement : 'oui, c'est comme cela'. Donc, aucun mouvement, n'est-ce pas ? Je me demande si vous suivez. Aucun mouvement pour bouger du fait. Et, quand il n'y a pas le mouvement de s'éloigner du fait la chose qui prime, c'est : pas de conflit. Alors, vous avez brisé le schéma du cerveau qui dit : 'fais quelque chose', 'qu'est-ce qui est juste ?', 'qui va m'indiquer la chose juste à faire ?' 'je dois aller chez le psychiatre' – vous savez bien tout ce qui passe par la tête. Mais une fois que vous tenez le joyau... c'est comme tenir un joyau merveilleusement ouvragé, ciselé et vous le tenez, vous le contemplez, vous en voyez tout l'intérieur, l'extérieur, tout le travail, le platine, l'or, les diamants, tout cela, vous l'observez. Parce que vous êtes le joyau, vous êtes le centre de tout ceci, le joyau très complexe, subtil que vous êtes. Dès l'instant où vous voyez ce fait, tout est différent, n'est-ce pas ?
57:10 Donc, la culpabilité – navré de nous en être écartés, il le fallait. La culpabilité. Elle n'est pas un problème – vous comprenez à présent ? Elle est un fait. Ce n'est pas une chose à résoudre, une chose à surmonter. Vous avez fait quelque chose, c'est un fait, et vous vous sentez coupable, c'est un fait. Et vous restez avec. Comme vous le faites avec un joyau, un joyau plutôt désagréable, mais néanmoins un joyau. Donc vous restez avec. Quand vous restez avec – écoutez, s'il vous plaît – il se met à s'épanouir puis il s'étiole. Vous avez compris, Monsieur ? Si vous tirez sans cesse sur une fleur pour vérifier le bon état de ses racines, la fleur ne fleurira jamais. Mais si une fois vous voyez le fait, c'est-à-dire la graine, et que vous demeurez avec, alors elle se dévoile pleinement, toutes les implications de la culpabilité, toutes les implications de sa subtilité, là où elle se cache, c'est comme une fleur qui s'épanouit. Si vous la laissez s'épanouir, sans dire 'je dois faire, ne pas faire', elle commence à se flétrir et elle meurt. Vous avez compris? Je vous en prie, comprenez-le. On peut le faire avec chaque problème. A propos de Dieu, de n'importe quoi. Alors vous avez un 'insight' en tout cela. C'est cela, l'insight. Ce n'est pas un simple ajout à la mémoire. Est-ce clair ? Si vous le découvrez, s'il en est ainsi, c'est quelque chose d'énorme, psychologiquement, un facteur qui vous libère de toutes les luttes passées, des luttes présentes et des efforts.
1:00:06 Troisième question : 'Qu'entendez-vous par création ?'
1:00:10 Allons-nous aborder cela ? C'est un problème plutôt complexe. Je vais relire la question. 'Qu'entendez-vous par création ?' – on demande l'avis de l'orateur, je préférerais vous la poser à vous, cette question.
1:00:34 Beaucoup de gens parlent de création, n'est-ce pas ? Ils en parlent tous. Les astrophysiciens et les philosophes, les philosophes théoriciens, ' Dieu créé' et ainsi de suite. C'est une question très sérieuse. Les hindous, les Hébreux des temps anciens posaient déjà cette question, pas seulement les savants d'aujourd'hui – cela a été un immense problème, un grand sujet d'étude. Pouvons-nous y aller ? Êtes-vous intéressé ?
1:01:25 Qu'est-ce que la création ? Quand vous posez cette question, vous devez aussi poser celle-ci : qu'est-ce que l'invention ? L'invention est-elle la création ? Comprenez-vous ? Dans un laboratoire, un savant fait des expériences. Et il découvre quelque chose de nouveau. Il dépose un brevet. Cela lui rapporte de l'argent, etc. L'invention, inventer quelque chose de nouveau, est-ce la création ? Attention, gardez-vous d'accepter ou de refuser, regardez seulement. L'invention repose sur le savoir. Vous suivez ? Sur les expériences préalables de quelqu'un d'autre, toutes ces expériences font partie du savoir actuel, auquel vous ajoutez – c'est ainsi. Celui qui inventa le réacteur – plus d'hélices – savait déjà tout sur l'hélice, le moteur à combustion interne et l'hélice. Mais ce savoir ne satisfaisait pas. Il mit ce savoir en attente. Alors, à partir de ce savoir, il eut une idée. Mais il lui fallait d'abord connaître l'hélice, le moteur à combustion interne, pour qu'une nouvelle idée survienne – c'est-à-dire le réacteur. Je l'expose peut-être de façon incorrecte ou exagérée mais c'est ainsi. C'est-à-dire, le spécialiste en physique théorique ou le savant, quel qu'il soit, a d'abord des connaissances – fussent-elles minimes – ou un très vaste savoir à partir duquel surgit une nouvelle inspiration. Et cette inspiration est l'invention. Donc nous procédons toujours par accumulation. Est-ce cela la création ? Ce qui repose sur le savoir, et les conséquences du savoir ? Vous comprenez ? Est-ce la création ? Ou bien, la création n'a-t-elle rien à faire avec le savoir ? Vous comprenez ma question ? Ou bien la création est une série d'inventions – dans l'univers, le trou noir, ou une nouvelle découverte – et on ajoute et on ajoute à ce savoir antérieur. Et évidemment, quand ils observent Mars, Mercure, Vénus, Saturne et au delà, ils savent de quoi Vénus est faite, les divers gaz, etc., mais ce qu'ils décrivent comme des gaz, ce n'est pas Vénus. Vous avez compris ? Allons, Messieurs ! Le mot 'Vénus' n'est pas Vénus. Les gaz qui constituent Vénus ne sont pas la beauté de ce que vous voyez tôt le matin ou tard le soir. N'est-ce pas ?
1:06:06 Alors nous demandons : l'invention est-elle totalement différente de la création ? – la création n'ayant strictement rien à voir avec le savoir. Vous allez trouver cela plutôt difficile. Si vous voulez bien, si vous n'êtes pas trop fatigués, si vous avez encore l'énergie de chercher, nous allons entrer dans le vif du sujet. Nous savons ce qu'est l'invention. N'admettez pas ce que dit l'orateur, ce serait terrible, cela vous détruirait. Se contenter de dire oui, oui. détruirait votre cerveau, comme il a été détruit par d'autres. L'orateur n'a pas l'intention de détruire votre cerveau, ni d'aggraver les dégâts qu'il a déja subis. Donc il dit, soyez sceptique, mettez en question, n'admettez ni ne réfutez – découvrez, simplement. Nous savons ce qu'est l'invention, en tous cas pour l'orateur c'est très clair. Cela ne signifie pas que c'est clair pour vous. Nous demandons : qu'est-ce que la création ? Nous avons dix minutes pour répondre à cette question !
1:07:48 Qu'est-ce que la création ? Est-elle en lien avec l'effort de l'homme ? A-t-elle un rapport avec toutes ses expériences ? Avec les millions d'années que compte le temps ? S'il vous plaît, examinez tout cela. C'est-à-dire, a-t-elle un lien avec la guerre, les tueries, les affaires, avec tous les souvenirs que l'homme a accumulés, acquis, amassés, engrangés ? Si c'est le cas, cela fait encore partie du savoir, non ? Par conséquent, cela ne peut être la création. N'est-ce pas ? Qu'est-ce donc que la création ? A-t-elle un lien – écoutez, je vous prie, ne faites rien d'autre, vous ne pouvez pas – a-t-elle un lien avec l'amour ? C'est-à-dire : l'amour n'est pas la haine, la jalousie, l'anxiété, l'incertitude, l'amour de votre femme – qui est l'amour de l'image que vous vous êtes faite d'elle – ou de votre mari, de votre petite amie ou l'image que vous vous êtes faite de votre gourou auquel vous rendez un culte, ou l'image des temples, des mosquées, des églises. Nous demandons donc ceci : l'amour est-il nécessaire à la création ? Ou l'amour, qui est aussi compassion, cet amour, cette compassion sont-ils la création ? Et l'amour a-t-il un rapport avec la mort ? Comprenez-vous toutes ces questions ? Vous comprenez ? Désolé de dire 'comprenez-vous ?', je le retire. Écoutez simplement.
1:10:39 Donc l'amour est-il affranchi de tous les êtres humains qui ont donné un sens spécifique à ce mot, affranchi de tout cela ? L'amour est-il relié à la mort ? Et l'amour, la compassion et la mort, tout cela est-il la création ? Peut-il y avoir création sans la mort, c'est-à-dire, finir ? La fin de tout savoir – Vedanta. Vous avez entendu ce mot, j'en suis sûr. Le mot 'Vedanta' signifie la fin du savoir, pas toutes les théories, les commentaires et tout cela – ce n'est pas cela. Mais la fin du savoir, c'est-à-dire la mort, veut dire : pas de temps, l'intemporel, qui est l'amour. Vous comprenez ? Pardon, je ne vais pas le redire, c'est stupide de ma part !
1:12:22 Donc l'amour, la mort. Amour veut dire compassion. Amour, compassion, signifie intelligence suprême, – pas l'intelligence des livres et des érudits, l'expérience, qui est nécessaire à un certain niveau – mais cette intelligence-là est la quintessence de toute intelligence quand il y a amour, compassion. Il n'y a pas compassion et amour sans la mort qui est la fin de toute chose ! A ce moment-là, il y a création. En d'autres mots, l'univers, pas selon les astrophysiciens et les savants, mais l'univers est l'ordre suprême. Bien sûr. Le lever et le coucher du soleil. L'ordre suprême. Et cet ordre ne peut exister qu'en présence de l'intelligence suprême. Et cette intelligence ne peut exister sans la compassion, l'amour et la mort. Ce n'est pas un processus de méditation, mais une intense et profonde recherche. Une recherche dans un profond silence – pas 'je recherche' – un grand silence, un grand espace, essentiellement l'amour, la compassion et la mort – c'est là qu'est cette intelligence qui est création. La création est là quand les deux autres sont là, la mort et l'amour. Tout le reste n'est qu'invention.