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SA85Q2 - 2e session de questions/réponses
Saanen, Suisse
24 juillet 1985



1:30 Nous reprenons nos questions ? Oublions-les pour l'instant, nous y reviendrons.
2:00 Que nous arrive-t-il, à nous tous qui vivons dans ce monde vraiment terrible ? Si vous voyagez, vous verrez que c'est dangereux – les explosions dans les aéroports, les terroristes et tout le reste. Quand vous regardez tout cela, comment affrontez-vous le monde ? Nous sommes peut-être âgés, mais la génération à venir, les petits-enfants, les enfants, que va-t-il leur arriver ? Est-ce que cela vous préoccupe, l'avenir de la prochaine génération qui fait partie de vous ? Comment les éduquons-nous, quel est le but de l'éducation ? Nous sommes supposés être tous éduqués, nous avons été à l'école, au collège, à l'université avec un peu de chance, ou nous nous sommes éduqués nous-mêmes à observer tous les événements du monde et à apprendre à leur sujet. Mais cette façon d'apprendre est très limitée, très petite, étroite.
4:12 Et si l'on a des enfants et des petits-enfants, ou des arrière-petits-enfants, en prenons-nous soin ? Quelle est notre attitude ? Est-ce que l'on s'en soucie vraiment ? Je crois qu'il y a environ 500.000 enfants qui s'enfuient de chez eux en Amérique, ils finissent à New-York, ils se prostituent et tout cela – vous comprenez ce que tout cela signifie ? Dans un pays comme celui-ci, qui fait partie du reste du monde, il n'y a pas de pauvreté, pas de bidonvilles, il n'y a littéralement personne qui meure de faim. Il y a des bidonvilles en Amérique, en Angleterre, peut-être aussi à Paris, les clochards, et tous ces gens en Inde et en Asie, c'est réellement épouvantable, c'est dégradant. Nous nous observons, nous-mêmes et ceux de la prochaine génération, – que va-t-il leur arriver ? La même histoire va-t-elle se répéter ? La même insensibilité ? L'irresponsabilité d'apprendre, à l'armée, à tuer des milliers de gens et se faire tuer ? Quelle est notre responsabilité ? Préférons-nous ne pas y penser du tout ? Nous occuper de notre propre plaisir, de nos propres problèmes, nous centrer sur nos activités égoïstes ?
6:47 C'est vraiment une question très sérieuse, terrifiante, déchirante. Soit on tombe dans l'amertume, la colère, soit on baisse les bras. Quand on voit tout cela, quelle est notre responsabilité ? L'infinie souffrance de tout cela, vous comprenez ? Que faisons-nous ? Avons-nous des écoles convenables ? Quelle est la place du savoir dans tout ceci, le savoir théorique, physique – la physique théorique, etc. – quel lien avons-nous avec tout cela ? Les tortures – chaque pays s'est livré à la torture sur d'autres êtres humains. Ma mère pourrait être torturée, vous comprenez ? Mon fils, moi-même – pas moi personnellement – pourrait être torturé pour un peu d'information, pour cause de nationalisme, de communisme... ou pour raisons de démocratie. Que se passe-t-il en Irlande du Nord, à Beyrouth, etc., en Afghanistan. Est-ce que nous pleurons ? Ou, incapables d'agir, nous devenons cyniques, amers, nous nous en lavons les mains ?
9:45 Pourtan, tout ceci doit être pris en compte, pas seulement notre propre progrès, notre propre bonheur, nos activités égocentriques.
10:10 Revenons-nous aux questions ? Ce sera peut-être plus plaisant, moins perturbant, moins exigeant pour l'énergie et les capacités du cerveau. Le cerveau a des capacités extraordinaires. Si l'on voit tout le progrès du monde de la technologie, la somme d'énergie dépensée, dans le monde de la médecine – que ce soit un bien ou un mal n'est pas notre sujet – dans le domaine technologique, les ordinateurs, la chirurgie, la chirurgie oculaire, le progrès est énorme, les avancées incalculables. Et ce n'est pas fini. Dans d'autres domaines, le cerveau est très limité, et cette limitation sert le monde technologique. Nous sommes grossièrement exploités. Il y a toute une tribu africaine que l'on a fait délibérément mourir de faim, tout un peuple déplacé de chez lui vers un autre pays, très loin de son pays natal. Les communistes l'ont fait et le font encore avec leurs camps de concentration. Il n'y a pas que les camps de concentration des tyrannies, il y a aussi les camps de concentration des gourous, non ? Vous ne m'en voulez pas de le dire ? Et les camps de concentration de tous les moines de la terre. C'est vraiment un énorme problème.
13:05 Première question : 'Quand on comprend quelque chose, doit-on agir selon cette compréhension, ou la compréhension agit-elle d'elle-même ?'
13:21 'Quand on comprend quelque chose, doit-on agir selon cette compréhension, ou la compréhension agit-elle d'elle-même ?' Bien ? La question est-elle claire ?
13:42 Qu'entendons-nous par... – je n'ai pas vu toutes ces questions, j'aime y venir spontanément, naturellement – qu'entendons-nous par compréhension ? Nous employons ce mot si facilement. Nous devons donc examiner, explorer la signification de ce mot. Nous discutons, nous explorons ensemble, l'orateur ne répond pas à la question, c'est nous qui, ensemble, examinons la question. Nous menons l'enquête ensemble, en commençant par creuser le sens des mots, selon le dictionnaire, l'usage courant de la langue. Qu'entendons-nous par compréhension, comprendre quelque chose ? Se comprendre soi-même, comprendre l'ordinateur, qui est si merveilleux, comment l'utiliser, comprendre une opération chirurgicale – vous comprenez ? Qu'entendons-nous par ce mot ? Est-ce purement intellectuel ? ‘Je comprends !’ C'est-à-dire une communication rapide entre deux personnes, ou une demi-douzaine, ou une centaine, peu importe, une compréhension rapide du sens d'un mot, promptement transférée au cerveau, instantanément communiquée au cerveau, et l'intellect dit : ‘oui, je comprends’. Bien ? C'est-à-dire, j'ai un problème, j'y ai réfléchi, je suis arrivé à une conclusion – j'ai compris ! Ou je comprends comment démonter une voiture, etc.. Alors, la compréhension n'est-elle qu'une affaire intellectuelle, une théorie dont je peux parler sans fin, et j'y ajoute des idées, pensant lui donner de l'ampleur, de la puissance, approfondir la compréhension. Cette compréhension a-t-elle un caractère émotionnel ? Vous comprenez ma question ? Y a-t-il quelque chose qui dit, ‘Ce n'est pas tout à fait ça, il y manque quelque chose.' Dans ce cas il y a l'intellect, il y a l'émotion, et il y a l'action – n'est-ce pas ? Les émotions existent – naturellement, on l'espère – mais ces émotions ont pris une tournure romantique, sentimentale et très, très superficielle. Or les sentiments doivent être identifiés par le cerveau, donc ils font partie du cerveau, n'est-ce pas, partie du ressenti : la sensation née de l'imagination, ou de contempler une montagne, la beauté, le silence, la dignité et la majesté de cette chose, et la peindre sur une toile, ou en faire un poème – cela fait toujours partie de l'activité du cerveau. Tout cela.
18:07 Donc l'intellect qui dit ‘je comprends’ est-il distinct du reste ? L'intellect est la capacité de discerner, de distinguer, de décider et d'agir. N'est-ce pas ? En conséquence l'intellect domine tout le reste. Je suis très malin – j'espère que non – mettons que je sois très malin, intellectuellement rapide : cela domine toute ma vie, jusqu'à ce que je vieillisse, alors je me mets à croire, je me fais catholique, protestant, bouddhiste, peu importe. C'est une comédie que je me joue à moi-même. Donc, nous demandons : la compréhension est-elle un mouvement global, et pas seulement un acte cérébral, un acte de l'intellect ? Il nous faut donc examiner ce qu'est l'action. Bien ? Ce qu'il faut faire – l'action. Qu'est-ce qui décide de l'action ? Vous comprenez ma question ? Qu'est-ce qui fait naître l'action ? Qu'entendons-nous par action ? Agir. Vous comprenez ma question ? J'arrête de demander si vous comprenez. Je ne le demande plus. Qu'entendons-nous par ‘agir’ ? Faire. Cette action est-elle fondée sur un idéal, ou une théorie, ou une conclusion, une conclusion, historique, romantique, dialectique, ou imaginaire – en un mot, idéologique. Donc j'agis sur la base d'une idée, d'accord ? Alors, qu'est-ce qu'une idée ? Pourquoi avons-nous autant d'idées ? Le mot 'idée' n'est en soi ni bon, ni mauvais, mais nous étudions ce qu'est l'idée. L'homme de science, le physicien, ou les philosophes des sciences théoriques veulent des idées, sinon ils se sentent perdus. Il leur faut sans cesse des idées nouvelles. Nous devons donc examiner ce que nous entendons par une idée. L'orateur pense que cela vient du grec ancien et signifie observer, voir. Il y a un fait : la montre, ici, indique onze heures moins dix, c'est un fait. Et il y a des non-faits, n'est-ce pas ? Les non-faits sont bien loin du fait, à distance. Donc il y a le fait et l'idée sur le fait. Et nous, nous poursuivons l'idée, sans examiner le fait. Et l'idée devient bien plus importante que le fait. Les socialistes, les communistes, la gauche, la droite, le centre ont des idées, des théories, des conclusions, historiques, dialectiques, Lénine, Staline, ou un philosophe comme Adam Smith, et les politiciens américans, tous veulent faire entrer l'homme dans ces idées – n'est-ce pas ? Ils les y logent par la torture, les interdits de ci ou ça. Pour eux, les idées comptent infiniment plus que l'humain, c'est un fait.
24:22 Est-ce cela que nous faisons ? Chacun de nous, se dérobe devant le fait, toujours, pour suivre une idée et agir ensuite selon cette idée qui n'a probablement rien à voir avec le fait ! Alors, qu'entendons-nous par agir ? L'on agit en fonction de ses expériences, de ses souvenirs passés, ou de conclusions mentales concernant le futur. Le futur et le passé. Votre action est-elle fondée sur le passé ou sur le futur ? Alors ce n'est pas une action ! Est-ce clair ? Si nous agissons selon des souvenirs, des conclusions, des expériences, du savoir, nous agissons à partir du passé. Le mot 'agir' signifie 'faire' ! Faire, non pas selon le passé ou selon le futur. Donc la question est – réfléchissez, c'est sérieux – y a-t-il une action qui ne s'appuie pas sur le temps ? Ne soyez pas perplexes. Il faut saisir la signification, le contenu, le sens profond du passé, comment le passé, après remaniement, se projette dans le futur. Si j'agis depuis le passé, ce n'est pas agir, c'est la mémoire qui agit à partir de ses conclusions. Ou alors on agit selon une conception du futur, donc l'action est toujours prise dans la sphère du temps, dans le cycle du temps.
27:13 A présent nous demandons : y a-t-il une action non fondée sur le temps ? Réfléchissez-y, Messieurs, réfléchissez, n'attendez pas que l'orateur explique, réfléchissez-y. C'est une question très simple, mais qui recèle une signification considérable. Disons que j'ai toujours agi selon ma tradition, qu'elle remonte à un jour ou à 5000 ans. J'ai toujours agi selon cette tradition. Vous savez ce que tradition signifie – tradare, transmettre. Donc mes parents, grand-parents, mes milliers de parents, ont passé les fruits de leurs pensées, de leurs sentiments, petit à petit, à travers le filtre de plusieurs générations, et je suis cela, je fais partie de cela. C'est mon substrat – un brahmane, et tout cela. Et j'agis en conséquence. Ou bien je rejette tout cela, je dis que c'est stupide et je me tourne vers l'avenir : 'je dois faire ceci', 'je ne dois pas' selon Lénine, Staline, ou d'autres que je vais suivre. Ces deux options je les nomme : action. Et ma question est celle-ci : y a-t-il une action qui ne se fonde pas sur ces deux options ? Bien ? Une action qui n'est pas le processus du temps. Il faut vous servir de vos cerveaux – pardon.
29:45 Que faire, face à cette question : y a-t-il une action non enchaînée à la roue du temps ? Comment le cerveau réagit-il à cette question ? Parce que le cerveau a été conditionné à cela, il a été mis dans le moule du passé et du futur. Il est captif de l'enclos du temps, pris dans le filet du temps. Donc le cerveau... Il décroche pour l'instant, il est incapable de répondre, il dit : ‘C'est trop dur, pour l'amour du ciel, laissez-moi tranquille, j'ai l'habitude de ce mode-là, il a ses misères et ses souffrances, mais d'un autre côté il a aussi ses compensations. Vous, continuez. Arrêtez avec ces questions. Ne posez pas ces questions si difficiles’. Elles ne sont pas difficiles, c'est le mot ‘difficile’ qui les rend difficiles. Donc je ne vais pas employer ce mot. Mais il faut que je trouve une action. D'accord ? Puis-je entrer dans le sujet ? Vous le voulez ?
31:44 L'action est relié à l'amour, pas à la mémoire. La mémoire, se souvenir, les images – ce n'est pas l'amour. La sensation à partir de laquelle j'agis, la sensation n'est pas l'amour. En conséquence... qu'est-ce qui relie l'amour à l'action ? Vous suivez ? L'amour est-il la mémoire ? On s'est rencontré, on a dormi ensemble, on a fait un tas de choses ensemble, on a gravi la montagne, descendu la vallée, contourné les collines, pris le télésiège ensemble, la camaraderie, les disputes, toute l'histoire. On appelle cela le compagnonnage, l'affection, l'amour, se tenir la main, tout cela. Presque tout cela repose sur la sensation, l'image et l'attachement. Sans attachement je suis perdu, je me sens terriblement seul. Me sentant isolé, je suis désespéré, je m'aigris, et tout ce qui s'ensuit. Tout cela est-il de l'amour ? Nous l'avons dit, évidemment pas. Alors quelle est le lien entre l'amour et l'action ? Allez-y, Monsieur. Si l'amour est dans l'aire du temps, ce n'est pas l'amour. Donc, l'amour est action – je me demande si vous captez cela. Ce n'est pas l'amour d'abord et ensuite l'action – ou la mémoire et tout cela. Ainsi, pour l'orateur – ne l'acceptez pas – il n'y a pas de division entre la perception et la qualité de cet amour. Quand il y a cette qualité, c'est l'action. Pas une démarche intellectuelle de décision ou de choix. Je n'entre pas dans ce qui est plus complexe. C'est l'action de perception-action immédiate. Il faut avancer. Hier, nous n'avons répondu qu'à trois questions et il y en a beaucoup.
35:16 Deuxième question : 'Vous avez dit bien des choses sur la violence. Permettriez-vous qu'on attaque un de vos amis devant vous ?'
35:31 'Vous avez dit bien des choses sur la violence. Permettriez-vous qu'on attaque un de vos amis devant vous ?' C'est la bonne vieille question. Que feriez-vous si on attaquait votre soeur devant vous ? La même question. Que feriez-vous, vous ? Lui taper dessus ? Lui tirer dessus ? Du karaté ? Savez-vous ce que le mot 'karaté' veut dire ? On me l'a expliqué : pas d'ego, pas de moi. Pas un art martial d'autodéfense. Alors que feriez-vous ? Trouvez, Monsieur. Vous voilà, avec votre mari, votre petite amie, quelqu'un vient et se montre violent envers votre femme ou votre mari. Que faites-vous, d'instinct ? Vous attaquez, n'est-ce pas – naturellement, vous le frappez. Si vous pratiquez le karaté ou certains trucs de yoga, vous le flanquez par terre. Mais c'est à moi, l'orateur, qu'on pose cette question. Nous connaissons la réaction normale des gens : la violence. Vous êtes violent, je serai violent ; vous êtes fâché contre moi, je vais l'être deux fois plus ; vous me traitez d'idiot, je vous traite de double idiot, etc., etc. Cette question m'est posée, à moi, à l'orateur. C'est une bien vieille question. Non pas que l'orateur s'y soit habitué, pour lui la question est nouvelle. Je traite toute question comme étant nouvelle. Que devrais-je faire ? Est-ce que vous m'attendez ?
38:50 Suis-je violent ? Si j'ai vécu violemment toute ma vie ma réponse sera naturellement violente. Mais si j'ai vécu sans violence, comme je l'ai fait, non seulement physiquement, mais aussi psychologiquement – car l'agression, la compétition, la comparaison, l'imitation, la conformité, tout cela c'est de la violence – comme K a vécu de cette façon, quand mon amie ou ma soeur ou ma femme est attaquée – elles sont toutes mortes, je parle de mes soeurs – je vais agir comme j'ai vécu. Vous comprenez ? Tout dépend de la manière dont j'ai vécu. C'est l'art de vivre, le plus grand des arts. Non toutes les peintures, les poèmes – cela en fait partie mais le plus grand des arts est l'art de vivre. Pas selon quelqu'un, en découvrant soi-même l'art suprême. Et si, en toute ma vie, j'ai perdu mon sang-froid une fois ou deux, ce n'est pas grave, on peut être irrité par le bruit ou autre chose. Mais le vrai sentiment de violence – si l'on a vécu dans la violence, on agira violemment. Quelqu'un qui a vécu une vie sans violence, affrontera les circonstances comme elles viennent : son action dépendra de la manière dont il a vécu. La réponse est simple. N'est-ce pas ? Vous n'êtes pas déroutés, non ? Non.
41:27 Troisième question : 'Qu'est-ce que l'intelligence ?'
41:36 Qu'est-ce que l'intelligence ? Qu'en pensez-vous ? Le sens de ce mot, si vous regardiez dans un bon dictionnaire étymologique, il est indiqué : ‘interlegere’, lire entre les lignes. Il y a un espace entre deux lignes. Lire entre les lignes. C'est l'un des sens. L'autre est de réunir toutes sortes d'informations et de discerner parmi celles-ci celle qui est correcte. Cela dépend du choix, de son éducation, de son mode de vie, etc. Et il y a l'intelligence du corps, n'est-ce pas ?
42:58 Est-ce que je parle tout seul ? Nous sommes ensemble ? Il y a l'intelligence du corps, si vous le laissez faire, sans prendre trop de vin, d'alcool, de drogues, sans vivre en fonction du goût et de la sensation, qui font perdre au corps sa propre intelligence. Le corps est un instrument extraordinaire, n'est-ce pas ? La manière dont tous les nerfs sont connectés au cerveau, dont le foie fonctionne – vous suivez ? Le coeur – de l'instant de sa naissance jusqu'à la mort le coeur ne cesse de battre. C'est une machine fabuleuse, n'est-ce pas ? C'est le produit d'un million d'années. C'est formidable – si vous vous y intéressez si vous avez vu des images, des photos, à la la télévision à propos du corps – c'est stupéfiant ce que la nature a fait en un ou deux millions d'années. Et nous détruisons l'intelligence innée du corps en faisant toutes sortes d'extravagances. La boisson, le sexe – il a sa place, mais vous connaissez le bilan – l'ambition, l'avidité, la rivalité, la pugnacité, la terrible tension exercée sur le corps, l'insuffisance cardiaque, le pontage, qui nécessite une grave opération, tout cela affecte le cerveau, les nerfs, l'organisme, et l'instrument physique, biologique se détruit progressivement, dépérit peu à peu et perd sa vitalité, son énergie, n'est-ce pas ? Si on laisse faire le corps, sans dépendre du sens du goût, il prend soin de lui-même, vous n'avez rien à faire – sauf pour une personne comme K. qui a 90 ans, il doit faire un peu attention.
45:47 Alors, qu'est-ce que l'intelligence ? Il y a l'intelligence du corps, d'accord ? Imaginez comment le coeur, le foie, les nerfs, la tension, la structure, le cerveau lui-même, peuvent se défendre. En cas de danger, certaines glandes réagissent, je ne sais pas tout là-dessus, mais vous pouvez voir avec quelle rapidité le corps se défend. Il y a donc l'intelligence du corps. Laissons cela à présent.
46:25 Ensuite, qu'est-ce que l'intelligence d'un physicien brillant, d'un technocrate – d'un ingénieur qui monte une machine très très complexe, des milliers de gens qui coopèrent pour envoyer une fusée sur la lune : cela requiert de l'intelligence, de la coopération pour veiller à ce que tout soit parfait, n'est-ce pas ? Cela requiert une grande intelligence une grande intelligence d'un certain type. Et cette intelligence, qui est très habile, qui calcule, a orchestré l'ordonnance de tous les rituels du monde dans les temples, les mosquées, les églises. C'est aussi très adroit, très intelligent de contrôler les gens par la succession apostolique – pardon, si vous êtes catholique, oubliez ceci ! En Inde il y a aussi un mot sanscrit pour cela, pour cette transmission de la chose originelle. Transmettre sa bénédiction ou sa succession apostolique, c'est quand même un geste d'une grande habileté, non ? Il est aussi très intelligent de contrôler les gens, de leur faire croire à une chose qui pourrait exister ou pas, d'avoir la foi, de se faire baptiser – tout cela est très habile si vous l'observez, très intelligent. Comme les communistes, non ? Ils ont leur dieu, Lénine, et son successeur, Staline, ainsi de suite jusqu'au personnage d'aujourd'hui. C'est donc le même mouvement. Tout cela démontre aussi une grande intelligence – partielle. Et les savants, les spécialistes en physique théorique, ils sont tous très intelligents – partiellement, n'est-ce pas ?
49:32 Alors, qu'est-ce qu'une intelligence holistique, globale, qui n'est pas fragmentée ? Je suis très intelligent dans ce domaine, les autres, je m'en moque, je suis ignare. Je suis très bon en physique... vous savez, tout cela. Il y a donc une intelligence partielle dans diverses phases de la vie. Et nous demandons :
50:15 y a-t-il une intelligence qui soit complète, qui ne soit pas partielle, qui ne soit pas fragmentée ? Nous allons le découvrir. Allez-vous le découvrir ou dois-je le faire et vous le raconter ? S'il vous plaît, est-ce à moi de répondre à la question ou allez-vous y répondre ? Y a-t-il une intelligence incorruptible, indépendante des circonstances, qui n'a pas de but personnel, qui n'est pas morcelée, fragmentée – qui est globale ? Y a-t-il une intelligence impeccable, qui n'ait pas de lacunes, qui couvre toute la sphère de l'humain ? Examinez cela. Pour l'examiner, le cerveau doit être complètement libre de toute conclusion, de tout attachement, quel qu'il soit, de tout mouvement égocentrique, de tout intérêt personnel – un cerveau totalement libéré de la peur et de la souffrance. Et dans la fin de la souffrance, on découvre la passion. L'étymologie du mot souffrance révèle un sens plus profond que les larmes, la douleur, le deuil et l'anxiété. La passion n'est pas passion 'pour' quelque chose. c'est la passion 'per se', pour elle-même. Je peux me passionner pour une croyance – non, une croyance peut provoquer en moi une passion : pour un symbole, pour une communauté, de la dévotion, de l'imagination. Tout cela reste encore très limité. Il faut donc d'abord découvrir, trouver cette passion – qui n'est pas la passion sensuelle – qui est sans raison. Une telle passion existe-t-elle ? Ou seulement, une sensation, qui suit une sensation, etc. ? Une telle passion existe, quand la souffrance prend fin . Quand la souffrance prend fin, il y a amour et compassion. Et quand il y a compassion, pas pour ceci ou cela, mais compassion, alors cette compassion a sa quintessence suprême, l'intelligence. Elle n'est pas du temps, ne relève d'aucune théorie, d'aucune technique, elle n'appartient à personne, cette intelligence n'est ni personnelle ni universelle – tous ces mots que l'on met autour. Seigneur !
55:05 Quatrième question : 'Y a-t-il un bénéfice pour l'être humain dans la maladie physique ?'
55:15 Y a-t-il un bénéfice – un bienfait, un profit – pour l'être humain dans la maladie physique ? Vous comprenez ? L'ai-je clairement énoncé ? Dois-je traduire en français ? Je devrais alors aussi le faire en italien. Écoutez bien. (Traduction de la question en français et en italien) L'être humain tire-t-il un quelconque avantage de la maladie physique, du fait d'être malade ? A présent je vous la pose à vous, cette question.
56:30 Nous avons sûrement tous été malades, un jour ou l'autre, soit mentalement – le cerveau souffre de névrose, de psychopathie, etc. – soit une maladie physique, un organe qui ne fonctionne pas correctement et par conséquent une maladie grave, comme souffrir d'un cancer terminal, ou subir une opération – la maladie. Maintenant écoutez. Quelle est la différence entre la maladie et la santé ? Qu'est-ce que la santé ? Et qu'est-ce qu'être extraordinairement bien ? La maladie et la bonne santé. Bien ? La question est : y a-t-il un profit, un bienfait à tirer de la maladie pour l'humain ? Qu'en pensez-vous ? A cette question, l'orateur répondrait que oui – désolé ! Quant à vous, quand vous êtes malade, comment opère votre cerveau ? Quelles sont vos réactions, vos réponses ? Quand on est malade, on veut éviter la douleur, on prend vite une pilule, ou on va tout de suite chez le docteur, si vous avez de l'argent, vous payez et il vous dit quoi faire, puis vous vous remettez au lit et cela passe. N'est-ce pas ? Alors y a-t-il un bénéfice à être malade ? L'orateur dit que oui. Cela peut être une purification du corps, la fièvre, cela brûle certaines choses, mais vous prenez une pilule pour arrêter cette fièvre. Vous constatez la fièvre, vous voulez guérir vite, car vous risquez de perdre votre travail, etc. Votre intention est donc de vous rétablir le plus vite possible. N'est-ce pas ? Cela semble bien naturel. Ha capito ? Vous avez compris ? Je m'adresse à cet enfant.
1:00:16 Mais, si vous n'avez pas peur de la maladie, la maladie prend une toute autre signification. L'orateur – si je puis être un petit peu personnel – fut paralysé pendant un mois au Cachemire, en Inde du Nord. Pour diverses raisons, ils avaient bourré le pauvre homme d'antibiotiques en énorme quantité. Quelques jours plus tard il resta paralysé pendant un mois. Je pensais que c'était irréversible. N'est-ce pas ? Je me disais : ça y est. J'étais – l'orateur n'avait pas peur, il s'est dit : ‘oui, eh bien, paralysé à vie’. C'est ainsi que cela s'est passé, je n'exagère pas. On m'a porté, lavé et tout le reste, pendant tout un mois. Vous savez ce que cela veut dire ? Non. Heureusement pas. Si j'avais lutté, si j'avais dit : 'Grands Dieux, quels médecins stupides ! Moi qui suis anti antibiotiques !’ Lutter contre cette maladie n'aurait fait que l'empirer et je n'en aurais rien appris – n'est-ce pas ? Elle n'aurait pas nettoyé mon corps, elle ne lui aurait pas fait du bien. Mais si je joue avec la maladie – ce qu'a fait l'orateur... Il a été plusieurs fois très, très malade. Je ne vais pas plus loin. Mais si on n'a pas peur de demeurer avec la maladie, sans se précipiter chez un médecin, ou sur une pilule, – vous aurez peut-être à la prendre plus tard, mais en prenant votre temps, patiemment, en observant vos réactions. Et pourquoi cette exigence absolue d'être en bonne santé, de ne pas avoir mal ? Tout cela vous met en résistance, n'est-ce pas ? S'inquiéter pour soi-même pourrait être un des facteurs de maladie, Ce pourrait être la vraie raison de la maladie. Vous comprenez ?
1:03:33 Donc la maladie physique a bien une certaine utilité naturelle, un bienfait. Est-ce clair ? Bon.
1:04:09 Cinquième question : 'Pourquoi faites-vous une différence entre le cerveau et l'esprit ?'
1:04:20 'Pourquoi faites-vous une différence entre le cerveau et l'esprit ?' C'est la dernière, je le crains. Il en reste plusieurs, mais celle-ci sera la dernière.
1:04:41 D'abord, qu'est-ce que le cerveau ? Attention, nous ne sommes pas des professionnels, nous sommes des gens ordinaires, pas des spécialistes du cerveau, y compris l'orateur, bien qu'il ait discuté avec des spécialistes du cerveau, mais ils ont leurs limites – laissons cela. L'orateur n'est pas, il insiste, un spécialiste du cerveau. Nous nous demandons mutuellement : qu'est-ce que le cerveau ? Pas la structure physique la structure biologique du cerveau, le côté gauche, le côté droit, on s'est beaucoup plus servi du gauche que du droit, le côté droit est le nouveau cerveau, – vous suivez ? – il peut recevoir de nouvelles informations, etc. Je ne sais rien de tout cela. C'est peut-être vrai, ou non. Mais qu'est-ce que cette chose avec laquelle nous vivons, qui est en opération dans notre vie quotidienne ? Quelle est la fonction du cerveau dans notre vie quotidienne ? Pas la conscience supérieure et la conscience inférieure, et ramener la conscience supérieure à la conscience inférieure – vous connaissez ce petit jeu ? Ce sont les gourous qui jouent à ce jeu. Ils vous aident à descendre la conscience supérieure au niveau de la conscience inférieure. Ou, à partir de la conscience inférieure, par la méditation, par certaines pratiques, parvenir à la conscience supérieure. Nous ne faisons pas du tout ce genre de chose. Nous verrons plus tard ce qu'est la conscience. Cela ne vous ennuie pas d'aborder tout ceci ?
1:06:54 Quelle est la fonction quotidienne de notre cerveau ? Votre cerveau – pas le mien – le cerveau humain, que vous viviez en Suisse, en Amérique, en Russie, ou en Inde ou en Extrême-Orient, ce qui se passe dans votre vie quotidienne, qui est l'exercice du cerveau, exercer sa pensée, exercer ses choix, exercer ses décisions et ses actions – ce n'est pas l'action dont je viens de parler. Rayez cela. Donc, où que nous vivions, l'activité du cerveau joue un grand rôle dans notre vie, n'est-ce pas ? Alors, qu'est ce cerveau ? Nous sommes des profanes, des amateurs. Regardons notre propre cerveau : action et réaction, sensation, conditionnée par le passé – je suis hindou et vous chrétien, je suis bouddhiste, vous, musulman – j'appartiens à ce pays-ci et vous à celui-là, je suis catholique, vous êtes protestant ou musulman, ou bouddhiste ou ceci-cela. Je crois de toutes mes forces. Je suis arrivé à certaines conclusions, et je m'y tiens. J'ai de forts préjugés, j'ai de fortes opinions, je suis attaché, je veux me réaliser, je veux devenir quelque chose – vous suivez ? C'est notre routine quotidienne et bien plus. Le supplice de l'anxiété, l'amertume de l'anxiété, l'esprit pratique de l'anxiété, la solitude, terriblement déprimante, l'évasion de cette solitude par la télévision, les livres, les rituels, le temple, l'église, la mosquée – n'est-ce pas ? Dieu. Et le conflit, le conflit, encore le conflit. Voilà dans quoi le cerveau est enfermé, tout le temps. Ce n'est pas exagéré. Nous sommes face aux faits. N'est-ce pas ? C'est ainsi. Donc le cerveau est le centre de tout ceci. Les nerfs, les souvenirs, les réactions nerveuses, aimer, ne pas aimer, je hais, je suis blessé – vous suivez ? C'est le centre même de toute notre existence, émotionellement, dans l'imaginaire, l'art, la science, le savoir. Ce cerveau est donc très, très limité et pourtant formidablement capable. Il a réalisé, sur le plan technique, des choses incroyables, inimaginables il y a cinquante ans. Tout cela est donc l'activité du cerveau. Conditionné, vivant dans ce conditionnement : religieux, politique, les affaires, la chirurgie, etc. Tout cela est très limité. Le souci de soi. L'égocentrisme, se servir en premier, au nom de Dieu, au nom de... tout le reste. N'est-ce pas ? Est-ce assez clair ? C'est évident. Il dit : ‘Je suis matérialiste’ et il dit aussi ‘non, non, je suis mieux que cela. Il y a une âme’. – en sanscrit, un 'atman’ et ainsi de suite. Donc la conscience est tout cela, n'est-ce pas ? Les gens ont écrit livre sur livre sur la conscience, les professionnels et les autres. Nous ne sommes pas professionnels, nous nous occupons de ce qui est.
1:12:17 La conscience est son contenu, ce qu'il contient fait la conscience. Elle contient l'anxiété, la croyance, la foi, l'amertume, la solitude, la jalousie, la haine, la violence, vous savez, les caractéristiques et les expériences des humains. Voilà ce qu'est la conscience. Cette conscience n'est pas la vôtre, tout le monde la partage. Voilà la difficulté, c'est cela que trouvez difficile. Tous les êtres humains sur cette terre, du plus pauvre, du plus ignorant, du plus déprécié au plus hautement sophistiqué, au plus éduqué, ont ces problèmes. Ils peuvent porter des toges, des couronnes et tout le cirque, enlevez-leur tout cela, ils sont comme vous et moi. En conflit et en fâcheries, n'est-ce pas ? Donc, nous partageons la conscience de chaque être humain dans le monde. Je sais que vous ne l'admettrez pas, mais qu'importe, c'est un fait, parce que vous souffrez, et ce villageois en Inde qui vit d'un repas par jour, qui n'a que deux vêtements, souffre aussi. Pas de la façon dont vous souffrez, il souffre à sa façon mais c'est toujours souffrir. C'est toujours souffrir. Vos souvenirs peuvent différer, mais c'est toujours le souvenir. Votre expérience peut être différente, mais c'est toujours de l'expérience. Donc votre conscience n'est pas à vous, c'est la conscience de toute l'humanité, psychologiquement. Vous êtes grand, vous êtes blond et moi noir, ou violet, néanmoins cette conscience nous est commune à tous – psychologiquement.
1:15:04 Donc vous êtes l'humanité toute entière. Pas Suisse et toutes ces bêtises. Vous êtes toute l'humanité. Vous savez ce que cela signifie ? Si vous l'acceptez comme une idée, alors vous avez décroché du fait, de la vérité de la chose, de sa réalité, de sa substance. Quand cette réalité est là, cette vérité que vous êtes le reste du genre humain – vous êtes le reste du genre humain, vous comprenez ? – alors tout le mouvement de la vie change. Vous ne tuerez pas, ce serait vous tuer vous-même. Il y avait un Américain, un général pendant la guerre. Il va à la guerre rencontrer l'ennemi. Et, dans son rapport à son chef, il dit : ‘Nous avons rencontré l'ennemi. Nous sommes l'ennemi.' Vous comprenez ? ‘Nous avons rencontré l'ennemi sur le champ de bataille mais nous sommes l'ennemi, l'ennemi, c'est nous.'
1:16:53 Donc, cette vérité que vous êtes l'humanité entière, dormez avec elle, creusez-la, entrez-y à tâtons, ne la refusez pas, ne l'acceptez pas non plus, mais cette rivière coule, immergez-vous dedans. Vous verrez quelle profonde transformation a lieu, qui n'est ni intellectuelle, ni imaginaire, ni sentimentale ni romantique. Il y a en elle un formidable sentiment de compassion, d'amour. Et quand cela est, vous agissez selon cette suprême intelligence.
1:18:32 Pouvons-nous nous lever ?