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SA85Q3 - 3e session de questions/réponses
Saanen, Suisse
25 juillet 1985



1:08 Il y a trop de questions pour répondre à toutes. On a choisi quelques questions – l'orateur ne les a pas vues.
1:26 Avant d'aborder ces questions, puis-je faire un commentaire ? Les gens ont beaucoup discuté de ce qu'est l'art. Je crois que le sens premier de ce mot est de mettre toute chose à sa juste place. Pouvons-nous en parler un peu, d'abord ?
2:15 Quel est d'après vous le plus grand art, l'art suprême ? Est-ce l'art d'écouter, l'art de voir, d'observer, de percevoir, etc., et l'art d'apprendre ?
2:49 L'art d'écouter, l'art de voir, l'art d'apprendre. Et qu'entendons-nous par voir, observer, percevoir ? Je vous le demande. S'il vous plaît, c'est ensemble que nous examinons ces questions, il ne faut pas que l'orateur parle tout seul. C'est ensemble que nous discutons de ces questions, de ces sujets auxquels on est confronté, où qu'on aille – Il faut attendre.
4:08 Alors commençons par l'art d'entendre. Nous n'entendons pas seulement avec les oreilles – la vibration des mots qui parvient au cerveau – cela doit être beaucoup plus que cela, l'art d'entendre quelque chose. Voyez un enfant qui écoute une très bonne histoire, il est enfiévré par l'histoire, il s'est complètement identifié au héros ou à l'héroïne, il est passionné, il écoute. Écoutons-nous jamais ? Il n'y a rien à faire, j'en ai peur. Écoutons-nous jamais qui que ce soit ? Écoutez-vous votre femme, votre mari ou votre petite amie, vraiment, écouter ce qu'ils expliquent, ce qu'ils essaient de dire ? Ou bien traduisons-nous ce qui est dit dans notre propre terminologie, le comparant avec ce que nous savons déjà, jugeant, évaluant, d'accord, pas d'accord, tous ces remous en vous quand vous écoutez l'autre ? Est-ce cela écouter ? L'orateur parle en ce moment – hélas. Écoutons-nous ? Donnons-nous vraiment notre attention aux mots, au sens des mots, au contenu des mots, sans traduire, comparer, juger, être d'accord, pas d'accord – en écoutant, simplement ? Est-ce cela que nous faisons en ce moment ? N'est-ce pas cela le plus important, notre manière d'écouter l'autre ? Il arrive que l'autre porte un parfum trop fort qui vous répulse ou au contraire vous attire, et ce goût ou ce dégoût – du parfum ou d'autre chose – peut empêcher d'écouter, d'écouter ce que l'autre personne veut dire.
7:36 Si vous avez examiné de près cette question, vous verrez que c'est extrêmement difficile d'écouter quelqu'un d'autre complètement. Le faisons-nous en ce moment ? Ou nous remuons tout le temps ?
8:02 Donc, il y a un art d'écouter. Et il y a un art... d'apprendre – non, l'art de voir. L'art d'écouter, l'art de voir, de voir les choses telles qu'elles sont. Quand vous regardez un arbre, le traduisez-vous immédiatement en mots en disant : ‘ l'arbre’ ? Ou bien vous le regardez, vous le percevez vous voyez sa forme, la beauté de la lumière sur une feuille, vous voyez la qualité de l'arbre. Il n'est pas fait par l'homme – heureusement – il est là. Alors, se voit-on tel qu'on est, sans condamnation, sans jugement, sans évaluation – voir ce que nous sommes, nos réactions et nos réponses, nos préjugés, nos opinions, voir simplement que nous cédons à nos opinions, sans rien faire à ce sujet, simplement observer. Pouvons-nous le faire ?
9:49 Donc il y a un art de voir les choses telles qu'elles sont, sans nommer, sans se faire prendre dans le réseau des mots, voir l'opération de la pensée qui s'immisce dans la perception. C'est un grand art.
10:15 Et il y a aussi un art d'apprendre. N'est-ce pas ? Et qu'entendons-nous par apprendre ? En général, on entend par là mémoriser, accumuler, emmagasiner et utiliser ce qu'on a engrangé avec plus ou moins de compétence. En général ce que l'on appelle apprendre, c'est mémoriser. A l'école, au collège, à l'université, ou sur un sujet technique, ou pour apprendre une langue, la lire, l'écrire, communiquer, etc. Les ordinateurs modernes peuvent faire tout cela mieux que nous. Ils sont extraordinairement rapides, n'est-ce pas ? Alors, quelle est la différence entre nous et l'ordinateur ? Je vous le demande. C'est cela apprendre : être programmé. Nous aussi avons été programmés de bien des façons, la tradition, la soi-disant culture, le savoir, etc. Nous avons aussi été programmés pour être hindou, bouddhiste, chrétien, tibétain, communiste, etc. Apprendre, n'est-ce que cela ? Seulement mémoriser, répéter, est-ce apprendre ? Nous posons la question, nous ne disons pas non. Il est nécessaire d'apprendre à conduire une voiture. Il est nécessaire d'apprendre une langue, si vous vous intéressez aux langues. Mais nous demandons : apprendre, n'est-ce que cela ? Ou apprendre est-il bien plus que cela ? Sommes-nous ensemble ? Ne faites pas que me regarder, je vous en prie, dites-moi. La personne n'est pas très intéressante. Nous demandons quelque chose : apprendre, est-ce seulement mémoriser ? Si ce n'est que cela, l'ordinateur peut faire mieux que nous. Apprendre, n'est-ce pas bien plus ? Apprendre est constant, on n'accumule pas, on n'engrange pas ce que l'on a vu, observé, entendu, appris, pour le garder en magasin.
14:12 Pour l'orateur, apprendre signifie une observation constante, toujours à l'écoute, en mouvement, sans jamais prendre parti, sans jamais prendre position, sans jamais recourir à la mémoire et laisser agir la mémoire. C'est un grand art.
14:42 Et l'art de la discipline. Ce mot signifie apprendre, la racine de ce mot est ‘disciple’, celui qui apprend de quelqu'un d'autre. Pas nécessairement de l'instructeur, du gourou – ils sont généralement plutôt stupides. Ou se discipliner soi-même en suivant un modèle, comme un soldat, comme un moine, comme une personne qui veut être très austère, qui discipline son corps – vous comprenez ? Tout le processus de contrôle, de direction, d'obéissance, de soumission – et s'y exercer soi-même. C'est ce que l'on entend en général par discipline. Pour moi, pour l'orateur, la discipline est une chose terrible. Car s'il y a une écoute intense, pas seulement par l'oreille, mais aussi une profonde écoute de vous-même, de tout ce qui se passe autour, écouter les oiseaux, la rivière, la forêt, la montagne, vous suivez ? Écouter. Et observer, le plus minuscule insecte sur le sol – si vous avez d'assez bons yeux pour le voir Et apprendre. Tout cela constitue un mode de vie qui est la discipline même : il n'y a pas une personne qui se discipline – vous comprenez ? – c'est un mouvement permanent. Voilà l'art de vivre dans lequel il n'y a pas le moindre conflit. Quand il y a conflit, ce conflit... paralyse le cerveau, détruit le cerveau. Dans ce grand art de vivre, il est libre. En liberté, plus besoin de discipline, c'est un mouvement constant.
18:08 Je reviens aux questions. Il fait bien chaud ici ! Nous avons eu trois semaines merveilleuses, de délicieuses matinées, de magnifiques soirées, les vallées d'un bleu profond et des ombres étirées, le ciel bleu limpide et les neiges. Nous avons eu trois merveilleuses semaines. Cela fait vingt-huit ans que l'orateur vient ici, il n'y a jamais eu tout un été comme celui-ci. Les montagnes, les vallées, les arbres et la rivière nous disent au revoir. Pouvons-nous continuer nos questions ?
19:16 Première question : 'Je vois que la pensée est responsable de ma confusion. Pourtant, l'examiner fait naître encore plus de pensée, et c'est sans fin. Commentez, s'il vous plaît.'
19:43 'Je vois que la pensée est responsable de ma confusion. Pourtant, l'examiner fait naître encore plus de pensée et c'est sans fin. Commentez, s'il vous plaît.'
20:17 Une pensée est associée à d'autres pensées, n'est-ce pas ? Il n'y a pas de pensée isolée. Ce que nous appelons penser est une série de mouvements : je pense à mes chaussures, puis comment les garder propres, je les cire – ce que je fais – je prends soin des choses, etc. Donc la pensée ne peut exister par elle-même – par elle-même sans les associations connectées à cette première pensée. Et la pensée est le mouvement dans lequel nous vivons. Penser est notre vie même – n'est-ce pas ? C'est si évident. Vous et l'orateur ne pourrions être ici si nous n'y avions pas pensé. Nous y avons pensé parce qu'il y a eu association antérieure – la réputation, les livres et tout le bla bla – alors vous venez et l'orateur vient. Il n'y a donc pas de pensée isolée. C'est important de découvrir ceci. Elle est toujours en relation avec quelque chose d'autre. En suivant une pensée, d'autres pensées surgissent. L'orateur cire ses chaussures et regarde par la fenêtre, il voit ces montagnes et son esprit s'en va ! Et il doit revenir au cirage des chaussures. Cela se passe comme cela tout le temps. Je veux me concentrer sur une chose et la pensée s'enfuit dans une autre direction. Je la ramène et essaie de me concentrer. Cela se produit tout le temps, de l'enfance à la mort.
23:24 Et plus je pense à la pensée, plus il y a de pensées. Vous comprenez ? 'je ne devrais pas penser ainsi', 'je dois penser juste', 'y a-t-il une pensée juste', 'est-ce une pensée fausse', 'y a-t-il une pensée utile', 'quel est le but de ma vie' et ainsi de suite. Tout le processus de la pensée démarre. Et il est sans fin. Cela a donné des résultats tout à fait extraordinaires dans l'aire technologique, les choses les plus effroyables, les plus terrifiantes. Cela a fabriqué tous les rituels de chacune des religions, et torturé des êtres humains. Cela a chassé des gens d'une partie du monde à l'autre, etc., etc. La pensée, qu'elle soit d'Orient ou d'Occident, reste la pensée. Il n'y a pas de pensée orientale et de pensée occidentale, deux choses séparées : le fil conducteur, c'est la pensée. N'est-ce pas ? Nous sommes ensemble, j'espère.
25:01 La question est donc celle-ci : y a-t-il une fin à la pensée ? Pas à votre façon de penser ou à ma façon de penser, ou dire que nous pensons tous ensemble, que nous allons tous dans la même direction. La question est : la pensée peut-elle jamais s'arrêter ? Autrement dit, y a-t-il une fin au temps ? Penser est un résultat, celui du savoir, de la mémoire. Pour acquérir du savoir, il faut du temps. Même l'ordinateur moderne, qui est si extraordinaire, il faut lui donner un quart de seconde avant qu'il trotte, qu'il galope pour dire ce qu'il veut dire. Donc la pensée est le temps – n'est-ce pas ? Et donc demander si la pensée peut jamais s'arrêter, c'est demander en même temps s'il y a un arrêt au temps. C'est une question assez intéressante si vous y entrez.
26:36 Le mouvement du temps. Le temps, qu'est-ce que cela signifie pour nous ? Pas seulement psychologiquement, mais extérieurement – le coucher, le lever du soleil, apprendre une langue, etc. Il vous faut du temps pour aller d'ici à là. Même le train le plus rapide a besoin de temps pour aller ici ou là, ou l'avion, etc. Donc – suivez, je vous en prie – tant qu'il y a une distance entre ‘ce qui est’ et ‘ce qui pourrait être’ ‘ce que je suis’ et ‘ce que je serai’ – c'est bien une distance, une distance très courte ou des siècles de distance – cette distance ne peut être couverte que par le temps. Donc le temps implique l'évolution : vous plantez une graine en terre, elle prend toute une saison pour mûrir, croître, ou mille ans pour devenir un arbre pleinement développé. Tout ce qui croît, qui devient, a besoin de temps. Tout. Donc le temps et la pensée ne sont pas deux mouvements distincts, c'est un unique mouvement compact. Et nous demandons si la pensée et le temps ont une fin, un arrêt. Vous comprenez ? – J'ai promis de ne plus le dire, je ne le dirai plus – Comment allez-vous le découvrir ? C'est un des problèmes auquel l'homme est confronté depuis le début de l'humanité. Cette question, il l'a posée : la pensée, le temps peuvent-ils prendre fin ? Il l'a demandé parce que ce mouvement du temps, est un cercle fermé, n'est-ce pas ? Le temps est un esclavage, et l'espoir, 'j'espère', implique le temps. Donc l'homme s'est posé cette question : non pas si l'éternité existe, mais plutôt s'il y a une fin au temps, vous voyez la différence ? Allons-nous pleurer ensemble ?
30:42 C'est une question vraiment très sérieuse. Pauvre mère ! Ce n'est pas une enquête sur l'éternel, nous voulons savoir si le temps a un arrêt – et donc la pensée. À présent, comment allez-vous le découvrir ? Par l'analyse ? Par la soi-disant intuition ? Ce mot intuition peut être très dangereux, il pourrait s'agir de mon désir. Nous disions que le mot intuition pourrait être le mot le plus dangereux, il a été tellement utilisé. Il y a tant de vallées en Suisse, pourquoi spécifiquement celle-ci ?
33:36 Un jour, en Californie, l'orateur a vu dix avions – le soleil venait de se coucher – dix avions arrivant par-dessus les collines, traînant leurs sillages – j'ai oublié le terme exact – illuminés par le couchant. C'était une vision magnifique, le ciel tout entier était illuminé. Sans un bruit, ils arrivaient par-dessus la montagne. Nous disions que 'intuition' est un mot plutôt risqué : il pourrait s'agir de notre désir caché, ce pourrait être notre inconscient, un motif bien enraciné dont nous n'avons pas conscience, ce pourrait être une incitation de notre caractère, de notre tempérament, cela pourrait provenir de notre propre capital de connaissances Nous demandons donc : si vous écartez tout cela, le temps a-t-il une fin ? La question était : comment le découvrir ? Vous, pas l'orateur ni quiconque car ce que d'autres disent n'a pas d'importance. Vous pouvez aimer le son des mots, vous pouvez aimer la personne, ou vous pouvez dire ‘ tous ensemble, nous formons un groupe’, tout cela est plutôt infantile. Mais quand vous vous posez cette question, de quelle manière parvenez-vous à la réponse ?
36:03 Nous devons étudier très en profondeur la nature du temps – nous l'avons fait au cours des dernières causeries. Nous avons examiné aussi, de très près, la nature de la pensée. Alors, tout cela peut-il prendre fin ? Ou est-ce un processus graduel ? Vous comprenez ? Si c'est un processus graduel, ce qui est graduel est le temps. Donc cela ne peut pas être graduel, cela ne peut pas être 'au bout de' et pas non plus dans une seconde ! Vous comprenez ? Ça ne peut pas se faire le prochain week-end, ou demain, ou quelques instants plus tard. Tout cela introduit le temps. Si l'on peut, réellement, le saisir comprendre profondément la nature de la pensée, la nature du temps, de la discipline, de l'art de vivre, etc., et demeurer avec cela paisiblement sans le noyer dans toutes sortes de mouvements rester avec – alors on entr'aperçoit une lueur, il se produit un 'insight' qui n'a rien à voir avec la mémoire, strictement rien. Bien ? Découvrez-le ! Il serait facile à l'orateur de dire que cela existe, ce serait trop puéril. Mais pour que le cerveau comprenne son propre mouvement... Si nous n'en faisons pas l'expérience – au lieu de dire : 'oui , oui, d'accord' – en explorant sérieusement, en enquêtant, en poussant l'expérience jusqu'au bout. Si vous ne le faites pas, vous ne rencontrerez jamais un étrange sentiment d'éternité. Bien. J'espère qu'ils vont déjeuner ! Deuxième question :
41:58 'Pourriez-vous en dire plus sur le temps et la mort.'
42:05 Nous avons beaucoup parlé du temps, de la pensée – alors, quelle est la relation du temps à la mort. Quelle relation a la pensée, l'acte de penser, avec cette chose extraordinaire qu'on appelle la mort. Si l'on a peur de la mort, on ne verra jamais la dignité, la beauté et la profondeur de la mort – si vous avez peur. La peur est déclenchée par la pensée et le temps. Nous avons examiné cela très à fond. La peur n'existe pas en elle-même. La peur existe quand il y a exigence de sécurité, pas seulement la sécurité biologique, physique, mais encore plus psychologique. Il semble que les êtres humains insistent, exigent, revendiquent d'être psychologiquement en sécurité. Un bruit s'arrête, l'autre commence.
43:48 Nous devons donc examiner ce qu'est la sécurité, c'est-à-dire être à l'abri, protégé. En sécurité, on a l'esprit clair. Sécurité veut dire protection, n'est-ce pas ? Je dois protéger ce qui me met en sécurité : la sécurité d'une situation, la sécurité du pouvoir, la sécurité des grandes richesses. La sécurité – le sentiment que l'on est en sûreté. Avoir des millions à la banque vous donne une grande sensation de sécurité. Posséder un bon chalet vous met en sécurité. La sécurité implique aussi d'avoir un compagnon qui sera à vos côtés, n'est-ce pas, qui vous aidera, qui vous réconfortera, qui vous donnera ce que vous voulez, ce qu'elle veut. La sécurité, on la cherche dans la famille, on la cherche dans la communauté, on la cherche dans la nation, dans la tribu, or c'est le tribalisme, le nationalisme qui interdit la sécurité car c'est la guerre, une tribu liquide une autre tribu, un groupe détruit un autre groupe. Donc il devient de plus en plus difficile d'être physiquement en sécurité. Des terroristes pourraient venir sous cette tente nous faire tous sauter. Je leur dirais : 'Attendez un instant, laissez-nous finir, faites-le dehors.'
46:18 Nous n'avons donc pas seulement besoin de sécurité physique, mais aussi de sécurité psychologique. La sécurité psychologique est l'exigence primordiale, pas seulement la sécurité physique, n'est-ce pas ? Nous demandons : la sécurité psychologique, existe-t-elle vraiment ? Posez-vous la question, je vous prie, elle est très sérieuse : y a-t-il intérieurement, subjectivement, dans la chair si l'on peut dire, la plus minime sécurité psychologique ? J'ai confiance en vous en tant qu'auditoire et vous avez confiance en moi en tant qu'orateur. Mais si l'orateur cherchait en vous une sécurité et qu'il se trouve sans personne à qui parler, il se sentirait terriblement en insécurité. Alors, la sécurité psychologique existe-t-elle ? S'il elle n'existe pas, qu'en est-il de la sécurité physique ?
48:02 Le monde change constamment, d'un jour à l'autre, c'est un flux formidable. C'est tellement évident. Et physiquement aussi on a besoin d'un peu de sécurité, pour s'asseoir ici, pour parler ensemble, mais c'est en train de se réduire, progressivement. On ne peut pas le faire en pays communiste. Il faut donc reconnaître le fait que psychologiquement il n'y a pas de sécurité ! D'accord ? Voilà la vérité : il n'y a pas de sécurité psychologique. Je peux toujours croire, avoir la foi, mais vous venez me la déboulonner – vous le pouvez, si je suis prêt à écouter. Donc, plus je me durcis dans ma croyance, plus cette croyance risque de voler en morceaux, n'est-ce pas? Je puis avoir foi aussi en une chose, en un symbole, en une personne, mais un argument, le bon sens, la logique peut tout mettre en pièces. Il n'y a donc aucune sécurité psychologique même si c'est ce que nous avons toujours cherché, si c'est en elle que nous tentons de nous accomplir. Que n'avons-nous pas fait pour notre sécurité psychologique ! Au bout de tout cela, il y a la mort. N'est-ce pas ? Il y a la mort. Et la mort est la chose la plus extraordinaire, elle met fin à une longue continuité. continuité en laquelle nous espérons trouver la sécurité – vous voyez tout l'enchaînement Parce que le cerveau ne peut fonctionner avec excellence que s'il est absolument en sécurité. N'est-ce pas ? En sécurité dans le terrorisme, si l'on est terroriste, en sécurité dans ma croyance, en sécurité dans mon savoir, et ainsi de suite. Tout cela prend fin à la mort, n'est-ce pas ? On peut espérer dans 'une prochaine vie', et tout ça mais c'est effectivement la fin d'une longue continuité. Et je me suis identifié à cette continuité, cette continuité, c'est moi. Et la mort dit : ‘Navrée, mon vieux, c'est la fin.' N'est-ce pas ? L'orateur n'est pas effrayé par la mort, vraiment pas. Cela veut dire que vous vivez en permanence avec la mort, vous mettez fin en permanence. Pas continuer et puis arrêter. Finir chaque jour ce que vous avez collecté, ce que vous avez retenu, ce que vous avez expérimenté.
52:12 Vivre chaque jour avec ce sentiment terminal de finir, non seulement mentalement, mais de réellement finir, psychologiquement. Pour nous, le temps nous donne l'espoir, la pensée, nous apporte le réconfort, la pensée nous assure une continuité, et vous dites : ‘On verra dans une prochaine vie.' Je serai aussi bête qu'aujourd'hui, dans ma prochaine vie, si je n'arrête pas ces sottises maintenant. La stupidité, les illusions, et tout le reste. Si je ne finis pas tout de suite, je serai dans la prochaine vie – s'il y en a une.
53:19 Il y a donc le temps, la pensée qui crée la continuité, et nous nous cramponnons à cette continuité, d'où la peur. Et la peur détruit l'amour – n'est-ce pas ? Amour, compassion et mort. Ce ne sont pas deux mouvements séparés.
53:55 Nous demandons donc : peut-on vivre avec la mort, et la pensée et le temps peuvent-ils s'arrêter ? Ils sont reliés, ne séparez pas le temps, la pensée et la mort, ils ne font qu'un.
54:33 Troisième question : 'N'est-il pas violent et corrompu d'avoir la sécurité physique quand d'autres meurent de faim ?'
54:43 'N'est-il pas violent et corrompu d'avoir la sécurité physique quand d'autres meurent de faim ?' Qui pose cette question ? S'il vous plaît, l'orateur vous demande : qui a posé cette question ? Est-ce celui qui vit physiquement en sécurité et qui mentionne le pauvre, celui qui meurt de faim, ou est-ce l'affamé qui pose cette question ? Vous comprenez ? Vous et moi, au sein du confort, nous pouvons poser la question. Si vous et moi étions réellement très pauvres, la poserions-nous ? Il y a tant de réformateurs sociaux dans le monde, les bienfaiteurs. Je ne vais pas aborder cela maintenant, faute de temps. Mais, si vous regardez attentivement, cherchent-ils leur satisfaction dans le travail social, en faisant quelque chose pour les pauvres ? Cette question revient toujours quand l'orateur est en Inde, 'Que faites-vous pour les pauvres ?' Ils meurent de faim, vous semblez bien nourri, alors que faites-vous ? Vous comprenez ? Je demande donc : qui pose cette question ? Nous ne cherchons pas à éviter, à éluder la question. L'orateur a été élevé dans la pauvreté. Dans sa jeunesse, dans cette pauvreté, posait-il cette question ?
57:31 La pauvreté existe dans le monde, il y a des taudis, des conditions effroyables – en Suisse il semble qu'il n'y ait pas de taudis, Dieu soit loué – il y a les taudis, les ghettos, les très, très pauvres, qui mangent une fois par jour, et tout cela. Que faisons-nous à ce sujet ? C'est vraiment la question, n'est-ce pas ? Vous pouvez être bien nourri, et moi un peu moins, mais la question est : que faisons-nous, nous, les êtres humains, qui voyons tout ceci, quelle est notre responsabilité ? Nous sentons-nous concernés ? S'il vous plaît – nous n'éludons pas la question – est-ce que la pauvreté nous préoccupe? Pauvreté, qu'est-ce que c'est? Où est-elle ? Pauvreté physique ? Ou pauvreté psychologique ? Vous comprenez ? La pauvreté psychologique, être pauvre psychiquement – vous en savez peut-être beaucoup sur la psyché mais vous êtes pauvre quand même. L'analyste, il est pauvre, le pauvre, et il veut améliorer un autre pauvre.
59:11 Alors, qu'est-ce que la pauvreté ? Être pauvre, non sophistiqué, ignorant. Et qu'est-ce que l'ignorance ? Est-ce ne pas pouvoir lire des livres, écrire, un seul repas par jour, un seul vêtement ? Ou bien la pauvreté commence d'abord à l'intérieur – et alors vous pouvez débrouiller tout ce qui est extérieur ! Si je suis riche intérieurement, je peux faire quelque chose. Si en moi-même je suis pauvre, à l'intérieur, la pauvreté extérieure ne veut rien dire. Alors je veux aider.
1:00:14 Il faut comprendre ce qu'est la pauvreté – les pauvres, la sympathie, la générosité, tout ce que cela comporte. Si vous n'avez qu'une chemise, vous la donnez. Un jour que l'orateur marchait sous la pluie, en Inde, un petit garçon vint vers lui et lui dit : ‘Monsieur, donne-moi de l'argent.' L'orateur n'avait pas d'argent. Il dit alors : ‘donne-moi ta chemise’. Je répondis ‘d'accord’. Il tombait des cordes. Je la lui ai donnée. Il dit alors : ‘donne-moi ton gilet de corps’. Je répondis : 'Attends un peu. Viens avec moi à la maison, tu peux avoir tout ce que tu veux, à manger, des vêtements, tout ce que tu veux – dans certaines limites, bien sûr.' Il prit ma main pour m'accompagner, il était très pauvre, et sale. Nous marchâmes ensemble jusqu'à la maison. L'orateur le laissa pour aller à l'étage lui chercher des vêtements. Et le garçon fit le tour de la maison, regardant dans tous les placards, partout. La personne chez qui l'orateur résidait l'attrapa et dit ‘que fais-tu dans cette partie de la maison ?’ 'Oh, dit-il, il m'a dit d'entrer.' ‘Il ne t'a pas dit de monter à l'étage tout inventorier – pourquoi le fais-tu ?’ Et le garçon, un peu effrayé, dit : ‘Mon père est un voleur.' Il faisait le repérage ! Vous connaissez l'expression ?
1:02:16 Nous avons donc affaire à la pauvreté extérieure et à la pauvreté intérieure. Il n'y aurait probablement pas de pauvreté dans le monde si les hommes de science de tous les pays s'unissaient et disaient : allez, on résout ce problème, ils pourraient le faire. Mais leur nationalités les divisent, leurs communautés les divisent, leurs croyances religieuses les divisent, n'est-ce pas ? Et le népotisme : 'Je connais quelqu'un, je peux vous aider.' Donc le monde tout entier s'oppose à ce genre d'action, qui serait mettre de côté toutes nos nationalités, croyances, religions et aider – vraiment travailler tous ensemble pour résoudre ce problème de la pauvreté dans le monde. Mais personne ne va le faire, n'est-ce pas ? Nous avons parlé aux politiciens, aux gens haut placés – ils ne sont pas intéressés. Alors commençons d'abord par nous-mêmes.
1:04:03 Quatrième question : 'Comment notre cerveau limité peut-il saisir l'illimité qui est beauté et vérité ? Quel est le fondement de la compassion et de l'intelligence et peut-il vraiment être et cela peut-il vraiment se manifester en chacun de nous ?'
1:04:39 'Comment notre cerveau limité peut-il saisir l'illimité qui est beauté, amour et vérité ? Quel est le fondement de la compassion et de l'intelligence ? Et cela peut-il vraiment se manifester en chacun de nous ?' Bien ? La question est claire ?
1:05:11 Comment notre cerveau limité peut-il saisir l'illimité? Il ne peut pas. Parce qu'il est limité ! Une fois que l'on a saisi la signification, la profondeur de la nature du cerveau et que l'on reconnaît le fait – le fait, pas l'idée – le fait que nos cerveaux sont limités, par le savoir, par la spécialisation, par certaines disciplines, par l'appartenance à un groupe, par le nationalisme et tout le reste, c'est-à-dire, à la base, l'égocentrisme camouflé, bien caché sous tous les déguisements, les toges, les couronnes et les rituels. Essentiellement, la limitation naît de l'égocentrisme, c'est évident. Quand je ne m'occupe que de mon propre bonheur, de ma propre satisfaction, de ma propre réussite, tout cet égocentrisme limite la qualité du cerveau et l'énergie du cerveau, n'est-ce pas ?
1:06:40 L'orateur n'est pas spécialiste du cerveau, il en a discuté avec divers professionnels, discuté du cerveau, pas de leur cerveau, mais bien du vôtre et du mien. Ce cerveau a évolué au cours des millénaires, il a évolué dans le temps, la mort, et la pensée. Il a évolué. L'évolution signifie, n'est-ce pas, toute une série d'événements temporels. Nous avons été singe, et nous voici maintenant. Cela a pris, plus ou moins, deux millions et demi d'années Organiser tous les rituels religieux a pris du temps. Donc le cerveau a été conditionné, il s'est limité de son propre vouloir, cherchant sa propre sécurité, restant sur son quant-à-soi, répétant : ‘je crois’, ‘je ne crois pas’, 'd'accord’, ‘pas d'accord’, ‘c'est mon opinion’, ‘c'est mon jugement’ – l'égocentrisme. Chez les hauts dignitaires des hiérarchies religieuses, chez les hommes politiques notoires qui parlent de bonté, de paix et tout ce qui s'ensuit – c'est l'intérêt personnel. L'homme qui vise le pouvoir par l'argent – l'intérêt personnel. Et le professeur, avec son immense savoir scolastique, etc., etc. Et – spécialement – les gourous. Voyez-le en face.
1:09:00 Notre cerveau est devenu tout petit. Pas dans sa forme, ni dans sa dimension, mais nous avons amoindri la qualité du cerveau qui a d'immenses capacités. Immenses. Il a perfectionné le monde de la technologie, mais il a, aussi, une immense aptitude à entrer en lui-même très, très profondément. Mais l'égocentrisme limite le cerveau. Découvrir par soi-même où se cache l'égocentrisme. Il est très subtil. Il peut se cacher derrière une illusion, dans la névrose, dans un faux-semblant, dans un nom de famille et tout le reste. Il faut dégager chaque pierre, chaque brin d'herbe, pour le découvrir. Soit vous prenez du temps pour le découvrir – et c'est une astreinte de plus – soit vous voyez la chose, vous la saisissez, vous en avez la perception instantanée. Si cet 'insight' est complet, il embrasse tout le champ. Bien ?
1:10:55 Donc l'auteur de la question demande comment le cerveau, qui est conditionné, peut saisir l'illimité qui est beauté, amour et vérité ? Quel est le fondement de la compassion et de l'intelligence, et cela peut-il se manifester en nous – en chacun de nous ? Êtes-vous en train d'inviter la compassion ? D'inviter l'intelligence ? D'inviter la beauté, l'amour et la vérité ? Êtes-vous en train d'essayer de les attraper ? Je vous le demande. Tentez-vous de saisir la qualité de l'intelligence, de la compassion, l'immense sentiment de beauté, le parfum de l'amour et cette vérité qui est sans chemin ? Est-ce cela que vous allez saisir ? Vous voulez découvrir la terre où elle demeure ? Le cerveau limité peut-il saisir cela ? Vous comprenez ma question ? Vous ne pouvez pas le saisir, le tenir – c'est impossible. Vous pouvez faire toutes sortes de méditations, jeûner, vous torturer. Tout a déjà été fait. Devenir terriblement austère, n'avoir qu'un seul pagne, un seul vêtement. A l'époque des franciscains, c'est-à-dire à l'époque de Florence, on se vêtait très élégamment, magnifiquement. Et à Assise, Saint François d'Assise, a dit ‘non’ , il a mis un froc brun ceinturé d'une corde blanche. Le saviez-vous ? C'est ainsi : le riche ne peut parvenir à la vérité, pas plus que le pauvre. Pas plus que ceux qui ont fait voeu de célibat, de silence, d'austérité, etc., Ils ne peuvent pas non plus. Tout cela est une décision de la pensée, un parcours gradué 'en vue de'. Tout ceci est la pratique d'une pensée délibérée, d'une intention délibérée. Comme quelqu'un l'a dit à l'orateur, ‘Donnez-moi douze ans, je vous ferai voir Dieu.'
1:14:27 Puisque le cerveau est limité, faites ce que vous voulez, vous asseoir en tailleur, en lotus, vous mettre en transe, méditer, vous tenir sur la tête, ou sur une jambe, ce que vous voudrez, cela ne vous apparaîtra jamais. La compassion ne répond pas à l'appel.
1:14:58 Par conséquent, il faut comprendre ce qu'est l'amour. L'amour n'est pas la sensation. L'amour n'est pas le plaisir, le désir, la satisfaction. L'amour n'est pas la jalousie, la haine. L'amour inclut la sympathie, la générosité, du tact, etc. mais toutes ces qualités ne sont pas l'amour. Comprendre cela, venir à cela requiert un grand sens de la beauté. Pas la beauté d'une femme ou d'un homme, ou d'une star de cinéma avec... tout ça. La beauté n'est pas dans la montagne, dans les cieux, dans les vallées, ou dans le flot de la rivière. La beauté existe là où le moi n'est pas. Vous pouvez voir les grands arbres vénérables, vieux de trois à cinq mille ans, en Californie, voir la majesté de cet arbre et dire ‘quelle merveille', mais le moi se cache derrière cet arbre, n'est-ce pas ? Donc, la beauté n'existe que là où est l'amour. Et la beauté, l'amour, c'est la compassion. La compassion n'a pas de demeure, elle ne se tient pas à votre disposition. Et cette beauté, amour, vérité est la plus haute forme d'intelligence. Quand cette intelligence est là, il y a action, clarté, un formidable sentiment de dignité – c'est quelque chose d'inimaginable. Et cette chose qui n'a pas à être imaginée... Ou plutôt : l'illimité ne peut être mis en mots. On peut le décrire, des philosophes l'ont fait, mais les philosophes qui l'ont décrit ne sont pas ce qu'ils ont décrit.
1:18:17 Alors, pour rencontrer ce vaste sentiment, il faut qu'il y ait absence du ‘moi’, de l'ego, de l'activité égocentrique, du devenir – il faut le grand silence en soi. Silence signifie vide – de toute chose. Là, il y a un vaste espace. Dans le vaste espace, il y a une immense énergie – pas l'énergie de l'égocentrisme, l'énergie sans limites.
1:19:17 Pouvons-nous nous lever ?