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SA85T3 - Voir l’intérêt personnel comme racine de la peur
3e causerie
Saanen, Suisse
14 juillet 1985



0:52 Pouvons-nous poursuivre notre conversation ?
1:08 Nous parlions du conflit et de ce qui cause le conflit. Le conflit s'aggrave dans le monde, sous toutes les formes et dans tous les secteurs de la société. Nous avons dit que la cause du conflit est ce constant désaccord, non seulement en nous-mêmes, mais au sein de la société où nous vivons. La société est ce que nous en avons fait. Je pense que c'est assez clair et évident, car nous sommes nous-mêmes, de la naissance à la mort, en lutte permanente, en compétition, en conflit, avec des attitudes destructrices ou positives, des préjugés, des opinions. Tel a été notre mode de vie. Pas seulement à présent, mais aussi probablement depuis deux millions et demi d'années. Et nous continuons toujours selon le même mode, dans le même moule : les guerres, plus destructrices que jamais, la division entre les nations – le tribalisme – les divisions religieuses, familiales, le morcellement des sectes.
3:44 Si l'on peut le souligner à nouveau ce matin, nous ne sommes pas ici un groupe intellectuel, ou une assemblée un peu romantique, imaginative et sentimentale. Nous sommes ensemble, vous et l'orateur, pour entreprendre un voyage, – ce n'est pas lui qui conduit et vous qui suivez : ensemble, côte à côte, en se tenant la main s'il le faut. Nous prenons la route, et elle est assez complexe, sinueuse, subtile et peut-être sans fin, – un voyage qui n'a ni commencement, ni fin. 'Commencement' et 'fin', veulent dire en général ce qui commence, continue et finalement se termine – peut-être que ce n'est pas du tout comme cela, ce pourrait être un mouvement constant, non inclus dans le cycle du temps, très étranger à la dynamique dont nous sommes familiers. Nous verrons tout cela dans un instant.
5:33 Donc nous sommes ensemble. S'il vous plaît, l'orateur doit insister sur ce point. Vous n'êtes pas que des auditeurs qui acceptent ou rejettent ce qui est dit – nous sommes plutôt en coopération, ensemble et responsables, pas l'un derrière l'autre, nous marchons sur le même chemin, le même sentier, la même allée. Vous êtes donc aussi responsables que l'orateur, de ne pas accepter ou refuser, acquiescer ou résister. Nous avons été élevés, éduqués à ce système : approuver ou désapprouver. Nous approuvons certaines choses, d'autres, nous les désapprouvons totalement. Il y a donc toujours cette division, ceux qui sont d'accord pour faire quelque chose ensemble, et ceux qui s'opposent à ce qu'ils font.
7:11 Pouvons-nous ce matin bannir complètement, entièrement, de notre organisme et de notre cerveau, l'idée d'approuver ou de désapprouver ? Si vous êtes d'accord avec l'orateur et que certains ne le sont pas, il va y avoir conflit entre les deux, c'est inévitable. On peut le tolérer, on peut s'en accomoder, l'accepter, mais la division est toujours là – clair ? Voyant les conséquences de l'accord et du désaccord, de l'approbation et de la désapprobation, pouvons-nous observer ensemble, voir ensemble très exactement, pas seulement le mieux possible, ce qui se passe. À l'extérieur, c'est assez simple car on ne nous dit pas grand-chose sur ce qui se passe vraiment, en politique, dans le monde des armements, de la science, dans tout le monde de la technologie. Mais à l'intérieur, subjectivement, voir très exactement ce qui se passe, sans dire : 'c'est mauvais, c'est bien, j'accepte ceci, je n'accepte pas cela', simplement observer. Dans cette observation, aucun préjugé, n'est-ce pas ? Pouvons-nous le faire ? Pouvons-nous nous observer, notre conduite, notre comportement, notre façon de penser, nos réactions, nos convictions, nos croyances, nos conclusions, etc. ? Pouvons-nous observer tout cela tel que c'est, pas comme cela devrait être, ou comme cela doit être – juste regarder ? Pouvons-nous faire cela ? Cela demande une énorme attention, le cerveau doit être extraordinairement actif pour exclure toute réaction pendant qu'il s'observe. Car, après tout, ce que les autres ont dit de nous – les professeurs, les psychologues, les psychiatres et les gourous et tous ces gens, c'est ce qu'ils disent, eux, pas ce que vous voyez de vous. J'espère que nous nous suivons. Nous parlons anglais, l'orateur utilise des mots très simples, des mots d'usage courant dans la conversation. Pas de jargon, pas de termes spécialisés, sémantiques. Nous parlons ensemble, comme deux amis, employant un langage ordinaire, de tous les jours. Et nous demandons : peut-on voir exactement ce que l'on est sans prendre parti ? Car nous allons approfondir tout cela ce matin. Sans approuver ou désapprouver les conséquences de chaque attitude – on balaye cela complètement : l'estimation, la désapprobation, l'évaluation et le jugement. On observe simplement, comme on observe un ciel nocturne plein d'étoiles, et ces montagnes majestueuses sur fond de ciel bleu. Vous observez simplement. Pouvons-nous faire de même en observant l'extérieur – car c'est là le critère – et, partant de là, nous observer nous-mêmes, et notre rapport au monde, et inversement ? C'est une opération assez complexe, non ? Sommes-nous ensemble ? Ou est-ce que je marche en tête en vous laissant derrière ? Pourrions-nous aller ensemble, d'un même pas ? Si nous ne nous comprenons pas nous disons : 'Je ne comprends pas ce que vous dites.' Bien ? Pourrions-nous commencer par là ?
13:35 Que sommes-nous ? Pourquoi cet égocentrisme si profondément enraciné ? Pas seulement dans le monde extérieur – où l'on a plutôt besoin d'égocentrisme si l'on ne veut pas abdiquer. Mais à l'intérieur, psychologiquement, subjectivement, pourquoi cet égocentrisme si ancré, si impénétrable, chez nous tous ? L'intérêt personnel – vous savez ce que signifie ce terme ? S'intéresser à soi, à ses avantages personnels, à ses échecs personnels, à ses divisions personnelles, à ses préjugés, à ses opinions personnelles tout au long de son existence. L'égocentrisme – pourquoi nous y investir autant ? Est-il possible de vivre en ce monde sans cet égocentrisme ? Psychologiquement d'abord – nous verrons bien ensuite si c'est possible extérieurement. Bien ? Sommes-nous ensemble ? Ou ce que je dis passe par-dessus cette tente, par-delà la clôture ?
15:24 Avez-vous remarqué que nous nous sommes construit un enclos ? Un enclos d'auto-protection, une barrière pour nous défendre de toute blessure, une limite entre nous et l'autre, entre nous et notre famille, entre nous et tout le reste. Il y a une barrière entre vous et l'orateur, n'est-ce pas ? Naturellement. Vous ne connaissez pas l'orateur, il ne vous connaît pas, par conséquent vous écoutez bien poliment, curieux de ce qu'il va bien pouvoir raconter, espérant tirer quelque bénéfice d'être restés assis une heure dans cette tente surchauffée, et avec des attentes, n'est-ce pas ? naturellement. Curieux, choisissant ce qui vous convient, ce qui ne vous convient pas, écoutant partiellement, pas entièrement, car on ne veut pas s'exposer à soi-même, donc on crée naturellement soit une barrière très ténue, presque inexistante, soit un vrai mur. Pourquoi faisons-nous cela si ce n'est par égocentrisme ? Tout ramener à soi entraîne inévitablement la fragmentation – l'émiettement. Entre nations, vous pouvez voir les barrières, d'un côté l'Angleterre et de l'autre toute l'Europe et ce qu'il y a au delà. Il y a cette division constante. Et là où il y a division, le conflit est inévitable. Même dans une relation intime très profonde avec votre femme, votre mari, votre amie, votre ami, dès qu'il y a division, il y a fractionnement, et forcément conflit – c'est une loi. Que cela vous plaise ou non, c'est la loi. Mais quand on la voit, on démolit la barrière – le seul fait de voir fait tomber les défenses.
18:51 La question est maintenant qu'est-ce que voir, qu'est-ce qu'observer ? Je m'observe moi-même, j'observe qui je suis, mes réactions, mes préjugés, mes convictions, mes idiosyncrasies, les traditions dans lesquelles j'ai été élevé, la réputation, tout ces fadaises – j'observe. Si je n'observe pas très attentivement, si je n'écoute pas tout ce qui résonne dans l'observation, alors je me fixe une direction à prendre. Vous suivez ? Est-ce que je parle tout seul ?
20:05 Nous avons parlé à Washington, en Amérique, et ils ont applaudi à ce que j'ai dit, pour approuver, pour encourager. Ici, vous êtes tous assis bien tranquillement, on ne saurait dire si vous participez effectivement, ensemble, si vous écoutez vraiment, ou si vous êtes venus en passant – au sermon du dimanche matin, au lieu d'aller à l'église, vous voilà ici, comme distraction, ou juste pour entendre ce que dit ce type, ou : 'Eh bien, je suis d'accord avec lui, mais il n'a pas tout à fait raison sur d'autres points.' Nous ne regardons jamais tout l'ensemble, le problème de la vie dans son ensemble, l'existence toute entière, de l'enfance à la mort. Nous n'embrassons jamais le tout afin d'observer, d'apprendre, – pas accumuler du savoir, ce qui est facile – mais apprendre ce qui se passe en nous, les exigences réciproques, les blessures, la profonde solitude, la dépression, l'anxiété, l'incertitude, les peurs, et toutes les choses agréables qui nous arrivent. Et la souffrance aussi, et, pour finir, la douleur de la mort. Nous ne regardons jamais l'ensemble de ce mouvement comme un tout, nous le considérons en le fractionnant.
22:30 A présent, nous allons regarder, ensemble si nous le pouvons, non seulement la cause de cette fragmentation, mais encore si le cerveau, qui a été conditionné pendant des millions d'années à la guerre, au conflit, à travailler tout le temps, à bavarder sans cesse, divisé en tribus, en nationalités, votre Dieu et mon Dieu, la philosophie orientale contre la philosophie occidentale. – vous savez tout ce qui se passe. Alors, si nous pouvions ce matin mettre complètement de côté tout le va-et-vient de l'accord et du désaccord – qui implique le choix, n'est-ce pas ? Je choisis d'aller par ici et vous choisissez d'aller par là. Je choisis de croire en Dieu, ou que Dieu n'existe pas et vous dites : ‘Non, navré, je n'admet pas. Dieu doit forcément exister, puisque j'y crois, j'aime ça.' ou 'c'est ma tradition' et ainsi de suite. Une fois reconnue la division – l'accord et le désaccord, la récompense et la punition – nous pouvons commencer à nous observer réellement, car nous, c'est le monde. N'est-ce pas ? Ce que nous sommes, le monde l'est. Si nous sommes violents, méfiants, sans générosité, le monde est comme cela. C'est évident, n'est-ce pas ? Puisque nous avons fabriqué cette société, ce monde monstrueux, laid, immoral dans lequel nous vivons, avec tous les dieux, vous savez, tout cette histoire. C'est devenu un grand cirque, un cirque douloureux ou un cirque amusant. Voir donc exactement ce que nous sommes, sans aucune déformation. Que sommes-nous ? Psychologiquement, pas biologiquement. Biologiquement on s'est constitué tout au long des millénaires. Psychologiquement, depuis le début de l'homme, existent la violence, la haine, la jalousie, l'agression, toujours la tentative de devenir autre chose de plus, beaucoup plus que ce que nous sommes. Sommes-nous en train d'écouter la description ou voyons-nous le fait, – pas l'idée du fait, vous comprenez ? Il y a une différence entre le fait et l'idée du fait. Par exemple, nous voyons quelque chose, et nous nous en faisons une idée et ensuite nous poursuivons l'idée : ‘Je ne devrais pas être comme ceci, je devrais être comme cela’ c'est une idée. Je vois d'abord ce que je suis, pas ce que je devrais être, non ? Alors, je vois exactement ce que je suis et c'est un fait. Un fait n'a pas besoin d'une idée, d'un concept, d'une idéologie – c'est comme ça, je suis en colère. C'est un fait. Mais si je dis : ‘Je ne dois pas être en colère’, cela devient une idée. Sommes-nous ensemble ?
27:50 Alors, qu'allez-vous retirer de tout ceci, une conclusion, un ensemble de réflexions ? Ou allez-vous voir le fait tel qu'il est ? Que nous sommes jaloux, agressifs, isolés, effrayés et tout le reste ? Toute la psyché, la persona, l'ego, c'est tout cela. Vous êtes dubitatifs ? Autrement dit, tout cela est le passé, les souvenirs collectés. J'ai eu peur, je sais ce qu'est la peur, et au moment où ce sentiment apparaît, je dis : ‘c'est la peur’. Dire : 'c'est la peur' n'est qu'une idée, pas un fait. je ne sais pas si vous suivez tout ceci. Monsieur, le mot 'arbre' n'est pas l'arbre réel, n'est-ce pas ? Le nom K n'est pas le vrai K. Le mot n'est pas la chose, n'est-ce pas ? Quand vous observez, votre cerveau est pris dans tout un réseau de mots, de mots et encore de mots. Pouvez-vous vous regarder sans le mot ? Allez, Messieurs, voulez-vous jouer avec moi ? La balle est dans votre camp. C'est-à-dire, pouvons-nous regarder notre femme, notre mari, nos enfants ou notre amie ou qui que ce soit sans le mot, sans l'image ? Ce mot, cette image est la division, n'est-ce pas ? Pouvez-vous regarder l'orateur sans le mot ? – le mot étant tous les souvenirs qu'on a de l'orateur, sa réputation, ce que vous avez lu ou pas lu, et ainsi de suite – simplement l'observer. Ce qui signifie qu'il faut saisir, comprendre comment fonctionne le cerveau. Votre propre cerveau, pas les cerveaux des philosophes ou des écrivains spirituels, ou des prêtres ou de quiconque. Simplement vous observer sans le mot. Nous pouvons alors regarder certains faits, pourquoi les êtres humains sont blessés – ceci, il est très important de le découvrir.
31:41 Depuis l'enfance, nous sommes blessés : – fais, ne fais pas – n'est-ce pas ? On est toujours sous la pression, on se sent toujours soit récompensé soit puni. Vous me dites une chose qui me fâche et cela me blesse, n'est-ce pas ? Alors, avons-nous réalisé un fait très simple, que nous sommes blessés dès l'enfance, que nous traînons toute notre vie cette blessure, cette peur d'être à nouveau blessé, ces tentatives d'éviter les blessures – une autre forme de résistance. Sommes-nous conscients de ces blessures, conscients de nous entourer d'une barrière, la barrière de la peur. Pouvons-nous examiner cette question : la peur ? On y va ? Pas pour me faire plaisir, c'est pour vous que je parle. Pouvons-nous y entrer très profondément et voir pourquoi les êtres humains – nous tous – se sont accommodés de la peur pendant des milliers d'années. Nous voyons les conséquences de la peur : peur de ne pas être récompensé, peur d'être un raté, de sentir qu'il vous faut arriver à un certain degré et de ne pas en être capable, peur de votre faiblesse – n'est-ce pas ? Et tout ceci engendre diverses formes de peur. Est-ce que cela vous intéresse, d'examiner ce problème ? Cela veut dire l'étudier à fond, aller jusqu'au bout, pas s'arrêter à dire : ‘navré, c'est trop difficile’. Rien n'est trop difficile pour qui veut le faire. Le mot ‘difficile’, par avance, vous empêche d'agir. Mais si vous pouvez remiser le mot ‘difficile’, nous pouvons alors examiner ce problème très complexe, pas seulement verbalement – on peut expliquer facilement toutes les causes, les effets et les effets devenant la cause, etc. C'est une chaîne.
35:08 En premier, pourquoi s'en accommode-t-on ? Si votre voiture ne marche pas, vous allez au garage le plus proche, si c'est possible, faire réparer la mécanique et vous reprenez la route. Serait-ce qu'il n'y a personne à qui s'adresser pour nous aider à ne pas avoir peur ? Vous voyez la question ? Est-ce que nous cherchons de l'aide auprès de quelqu'un pour nous délivrer de la peur ? Les psychologues, psychothérapeutes, psychiatres ou le prêtre, la confession ou le gourou qui dit : 'Remettez tout entre mes mains – y compris votre argent – et tout ira parfaitement bien.' C'est ce que nous faisons. Vous pouvez rire, vous en amuser, mais c'est ce que nous faisons tout le temps, intérieurement.
36:31 Alors, cherchons-nous de l'aide ? La prière – la prière est une forme d'aide, demander à être délivré de la peur c'est demander de l'aide. L'orateur vous disant comment vous en libérer, c'est une forme d'aide – mais il ne va pas vous dire 'comment'. Car nous marchons ensemble, nous mettons notre énergie afin que, de vous-mêmes, vous découvriez la cause de la peur. Si vous voyez une chose très clairement, nul besoin de décider, de choisir, ou de demander de l'aide – vous agissez, n'est-ce pas ? Voyons-nous clairement toute la structure, la nature interne de la peur ? Ou vous avez eu peur, et ce souvenir revient et dit : ‘c'est la peur’ – vous comprenez ce que je dis ?
38:00 Examinons cela soigneusement. L'orateur ne va pas examiner pour qu'ensuite vous approuviez ou non : c'est vous qui prenez la route avec l'orateur, pas verbalement ou intellectuellement, peut-être oralement, mais en approfondissant, en scrutant, en menant l'enquête, d'accord ? Ce que nous voulons, c'est creuser, comme vous bêchez le jardin, ou si vous cherchez de l'eau, vous creusez, vous creusez, vous ne restez pas planté là à dire : 'Il me faut de l'eau', vous creusez, ou vous allez à la rivière. Alors, avant tout soyons bien clairs : voulez-vous de l'aide pour être délivrés de la peur ? Si vous cherchez de l'aide, vous instaurez une autorité – non ? Vous devenez responsable de l'implantation d'une autorité un leader, un prêtre. Non? Par conséquent, avant d'examiner cette question de la peur, il faut vous demander si vous cherchez de l'aide. Bien sûr, vous allez chez le médecin : si vous ne pouvez rien y faire vous-même, si vous souffrez de migraine ou de quelque maladie, vous allez naturellement consulter un médecin. Il en sait bien plus que vous sur la nature de vos organes, donc il vous dit quoi faire. Nous ne parlons pas de ce genre d'aide-là. Nous parlons de votre besoin d'aide, de votre besoin de quelqu'un qui vous instruise, qui vous guide, qui vous dise : 'Fais ceci, fais cela, tous les jours, et tu seras délivré de la peur.' Cela signifie que nous voulons quelqu'un qui nous aide, L'orateur ne vous aide pas ! Voilà une chose certaine. Des gens pour vous aider, vous en avez à la douzaine des plus grands guides religieux – Dieu nous en protège ! – aux plus petits, vous savez, le pauvre psychologue du coin. Qu'il soit donc très clair entre nous que l'orateur ne veut pas vous aider, psychologiquement, d'aucune façon – bien ? Voudriez-vous, s'il vous plaît, accepter cela ? L'accepter loyalement ? Ne dites pas 'oui', c'est très difficile, toute votre vie vous avez cherché de l'aide, de tous côtés. Certains disent, 'oui, je ne veux pas d'aide', mais cela exige de la perception, de voir ce que la demande d'aide a fait à l'humanité. Vous demandez de l'aide quand vous êtes confus, quand vous ne savez que faire, quand vous êtes incertain, n'est-ce pas ? Quand vous voyez les choses clairement, quand vous voyez, vous observez, vous percevez, non seulement au-dehors mais bien plus intérieurement, si vous voyez les choses très clairement, vous ne voulez d'aucune aide – tout est là ! Et, de là, l'action, n'est-ce pas ? Sommes-nous ensemble ? Redisons, si cela ne vous fait rien, que l'orateur ne vous dit pas 'comment'. Ne posez jamais cette question : ‘comment’ car il y aura toujours quelqu'un pour vous lancer une corde. Donc l'orateur ne vous aide d'aucune façon. Mais nous marchons ensemble sur la même route, peut-être pas à la même vitesse. Réglez votre propre vitesse et nous marcherons ensemble. Clair ? Nous sommes d'accord ?
43:14 Si vous n'êtes pas au clair sur la demande d'aide, il vous faudra aller ailleurs. C'est ce que vous ferez probablement. Ou vous vous tournerez vers un livre ou vers quelqu'un – pas vers l'orateur. Désolé de vous déprimer, je ne refuse pas de tendre la main – il ne s'agit pas de cela. Si nous marchons ensemble, nous nous tenons la main, vous n'avez pas à tendre la main pour quêter de l'aide – bien ?
44:01 Faisons-nous le travail ensemble ? Ou suis-je seul à travailler et à avoir trop chaud ?
44:16 Qu'est-ce qui cause la peur ? Allez lentement, s'il vous plaît. Sa cause. Si l'on peut en découvrir la cause, on peut y faire quelque chose on peut changer la cause, n'est-ce pas ? Si un médecin dit à l'orateur qu'il a un cancer – ce n'est pas le cas mais supposons-le. Il dit : 'Je peux facilement l'enlever et vous irez bien.' J'y vais et il l'enlève. La cause prend fin. Donc la cause peut toujours être changée, déracinée – c'est clair ? Si vous avez mal à la tête, vous pouvez en trouver la cause, vous mangez mal ou vous fumez trop, ou vous buvez trop et tout le reste. Soit vous arrêtez de boire, de fumer, soit vous prenez une pilule pour y mettre fin. La pilule devient alors l'effet qui supprime, pour un moment, la cause. Ainsi, cause et effet peuvent toujours être changés, immédiatement, ou avec du temps. Si vous y mettez du temps, alors, dans l'intervalle, bien d'autres facteurs entrent en jeu. Donc vous ne changez jamais l'effet, vous prolongez la cause. C'est clair ? Sommes-nous ensemble ? Donc, quelle est la cause de la peur ? Pourquoi ne l'avons-nous jamais étudiée ? Pourquoi tolérons-nous la peur, alors qu'on en connaît l'effet et les conséquences ? Si nous n'avions pas peur du tout, psychologiquement, pas peur du tout, vous n'auriez pas de dieux, vous n'auriez pas de symboles à vénérer, pas de personnalités à adorer. Vous seriez alors prodigieusement libre, psychologiquement, – n'est-ce pas ? D'ailleurs, la peur rend nerveux, contracté, plein d'appréhension, on veut lui échapper et l'échappatoire devient plus importante que la peur. Vous suivez ? Ça y est ? Nous allons donc revoir cela ensemble, découvrir quelle est la cause de la peur. La cause, la racine de la peur. Et si nous la découvrons, nous-mêmes, alors c'est fini. Bien ? Si vous en voyez la raison, ou les diverses raisons, cette perception même annule la cause. Vous m'écoutez ? Attendez-vous de l'orateur qu'il explique la cause ? Vous êtes-vous jamais posé une telle question ? J'ai supporté la peur, comme mon père et mon arrière-grand-père, et tous les gens de ma race, et toute la communauté – toute la structure des dieux et des rituels repose sur la peur. Comme le désir d'atteindre des états extraordinaires, n'est-ce pas ?
48:58 Alors examinons cela. Nous ne parlons pas... Nous ne parlons pas des diverses formes de peur : peur de l'obscurité, peur du mari, de la femme, peur de la société, peur de mourir, peur de – vous savez. Nous ne parlons pas des variétés de peur. C'est comme un arbre qui a énormément de branches, de fleurs, de fruits, les fleurs deviennent le fruit – nous parlons de la racine même de cet arbre. Sa racine, pas votre forme de peur personnelle – peur personnelle dont vous pouvez retrouver la racine. La question est : sommes-nous concernés par nos propres peurs, ou par ce qu'est toute la peur ? L'arbre tout entier, pas seulement l'une de ses branches. En effet, sauf à comprendre comment vit un arbre, l'eau qu'il lui faut, la profondeur du sol, etc. se contenter de tailler les branches n'aura aucun effet. Il faut donc aller jusqu'à la racine même de la peur.
50:52 Alors, quelle est la racine de la peur ? Ne m'attendez pas. Je ne suis pas votre leader, je ne suis pas votre aide, je ne suis pas votre gourou – Dieu merci ! Nous sommes ensemble comme deux frères, je le pense vraiment – l'orateur le pense vraiment, ce ne sont pas des mots. Comme deux bons amis qui se connaissent depuis toujours, nous marchons sur le même chemin, à la même cadence, regardant tout ce qui est autour de vous et en vous. Nous allons donc approfondir cela. Ensemble, s'il vous plaît ! Sinon ce ne sont que des mots et vous direz, à la fin de la causerie : ‘Concrètement, que faire de ma peur ?’
52:08 La peur est très complexe. C'est une formidable réaction. Si vous en êtes conscient, c'est un choc, pas seulement biologique, physique, c'est aussi un choc au cerveau. Le cerveau est capable – comme on le découvre, et non d'après ce que d'autres en disent – le cerveau est capable de rester sain en dépit d'un choc. Certaines glandes – je ne sais pas tout là-dessus – mais le choc lui-même suscite sa propre protection. N'est-ce pas ? Examinez-le vous-même, vous verrez. Donc la peur est un choc, momentané, ou qui se poursuit sous différentes formes, sous différentes expressions, différents modes. Nous allons donc jusqu'à sa racine même. Pour comprendre sa racine, il faut comprendre le temps, n'est-ce pas ? Le temps en tant qu'hier, aujourd'hui et demain. Je me souviens d'une chose que j'ai faite, qui me rend nerveux, gêné, plein d'appréhension ou de peur, je me souviens de tout cela, et cela continue dans le futur. J'ai été coléreux, jaloux, envieux – c'est le passé. Je suis encore envieux, un peu différemment car je suis assez généreux à certains égards, mais l'envie est toujours là. Tout ce processus c'est le temps, n'est-ce pas ? Vous comprenez ? Dites oui, pour l'amour du ciel ! Non, ne dites pas oui ! Vous comprenez ?
54:34 Alors, qu'est-ce pour nous que le temps ? Recommençons. Qu'est-ce pour vous que le temps ? Selon l'horloge, le lever et le coucher du soleil, l'étoile du soir, la nouvelle lune et la pleine lune quinze jours plus tard ? Qu'est-ce que le temps pour vous ? Le temps d'apprendre un métier ? Le temps d'apprendre une langue ? D'écrire une lettre ? Le temps d'aller d'ici à votre maison ? Tout cela est le temps comme distance, n'est-ce pas ? Je dois aller d'ici à là. C'est une distance couverte par le temps. Il y a aussi le temps interne, psychologique : je suis ceci, je dois devenir cela. 'Devenir cela' s'appelle l'évolution. L'évolution c'est ce qui va de la graine à l'arbre. Mais aussi : 'je suis ignorant, je vais apprendre', 'je ne sais pas mais je saurai', 'donnez-moi du temps pour me délivrer de la violence'. Vous suivez tout cela ? Donnez-moi du temps. Donnez-moi quelques jours, un mois, un an, j'en serai délivré. Nous vivons donc en fonction du temps. Pour aller chaque jour au bureau de 9 à 17h – Dieu nous en garde – mais aussi le temps de devenir quelque chose. Vous comprenez tout cela ? Bien ? Le temps, le mouvement du temps. Vous m'avez fait peur et je me souviens de cette peur, et cette peur est toujours là, et demain, j'aurai peur de vous. J'espère que non, mais si je ne fais pas quelque chose de radical, j'aurai peur de vous demain. Nous vivons donc en fonction du temps. Soyez bien au clair là-dessus, je vous prie. Nous vivons en fonction du temps. Je suis en vie, je vais mourir. Je repousse la mort aussi loin que possible, mais je suis en vie, et je vais tout faire pour éviter 'ça' même si 'ça' est inévitable, n'est-ce pas ? Donc tant psychologiquement que biologiquement, nous vivons en fonction du temps.
57:52 Le temps est-il un facteur de peur ? Cherchez, s'il vous plaît. Le temps : par exemple, j'ai menti, je ne veux pas que vous le sachiez, mais vous êtes très malin, vous me regardez et vous dites : ‘oui, vous m'avez menti’. 'non, ce n'est pas vrai !’ je me protège immédiatement j'ai peur que vous ne découvriez que je suis un menteur ou un menteur occasionnel. Donc j'ai peur de ce que j'ai fait, je ne voudrais pas que vous l'appreniez et cela me fait peur. Alors, c'est quoi ? La pensée, n'est-ce pas ? J'ai fait quelque chose dont je me souviens, et ce souvenir dit : 'Attention, ne le laisse pas découvrir que tu as menti' car vous avez une bonne réputation d'honnête homme et vous vous protégez, n'est-ce pas ? Donc penser et le temps marchent ensemble. Il n'y a pas de division entre la pensée – penser – et le temps. Sommes-nous au clair là-dessus ? Soyez sans ambiguïté je vous prie, sinon vous ne tarderez pas à être dans la confusion. La cause de la peur est le temps/pensée – c'est sa racine.
59:53 Auditoire : 'Ce n'est pas tout à fait clair'.
59:55 K: Un instant, Monsieur. Vous pouvez poser des questions à la séance de questions-réponses la semaine prochaine, je pense.
1:00:09 Alors, sommes-nous au clair sur le temps, qui est le passé, toutes les choses que l'on a faites dans le passé. Cette pensée est agréable ou désagréable, si elle est désagréable, je veux me protéger, ou changer cette pensée et si c'est impossible, je dis : 'Mon Dieu, j'en ai peur', n'est-ce pas ? Ce qui veut dire : y penser ! Donc le temps et la pensée sont la racine de la peur. C'est un fait évident, un fait tout simple exprimé en mots. Mais aller au delà du mot et voir ce temps/pensée dans sa vérité. Vous allez demander, sans aucun doute : comment la pensée peut-elle s'arrêter ? C'est une question naturelle, non ? Si la pensée crée la peur, ce qui est si évident, alors comment puis-je arrêter de penser ? Vous comprenez ma question ? Dites-moi comment arrêter de penser. Car je vois que la cause est la pensée : je me souviens de ce que j'ai fait, donc j'ai peur, je ne veux pas que vous le découvriez – c'est de la pensée. Alors je vous demande : 'Aidez-moi à cesser de penser'. Ce serait imbécile de poser une telle question, mais je le fais quand même. Comment arrêter de penser ? Est-ce possible ? Allez, Monsieur, cherchez, ne me laissez pas continuer. Penser. Nous vivons de la pensée. Tout ce que nous faisons passe par la pensée. Écrire une lettre, apprendre une langue, aller à votre bureau, faire des affaires, c'est toute la démarche de la pensée. Nous avons déjà bien étudié cela. Ne perdons pas de temps sur la cause, le début de la pensée, comment elle vient : c'est l'expérience, le savoir, qui est toujours limité, la mémoire, puis la pensée – je répète brièvement.
1:03:14 Alors, est-il possible d'arrêter de penser ? Est-il possible ne ne pas bavarder à longueur de journée ? De donner du repos au cerveau, bien qu'il garde son propre rythme, le sang qui l'irrigue, sa propre activité – la sienne propre, pas celle imposée par la pensée, vous comprenez ? Il semble qu'il y ait beaucoup de trains aujourd'hui ! L'orateur voudrait souligner que c'est là une fausse question. Qui est-ce qui arrête de penser ? Vous comprenez ma question ? C'est encore la pensée, n'est-ce pas ? Quand je dis : ‘Si je pouvais arrêter de penser, je n'aurais plus peur’ – dans cette déclaration, 'je voudrais l'arrêter' qu'elle est l'entité qui 'voudrait' arrêter la pensée ? C'est encore la pensée, n'est-ce pas, car elle veut autre chose ? N'est-ce pas ?
1:04:57 Alors, qu'allez-vous faire ? Vous comprenez ma question ? Tout mouvement de pensée pour être autre que ce qu'elle est c'est encore penser ! 'Je suis cupide mais je ne dois pas' c'est encore penser. La pensée a organisé toutes les cérémonies, tout le cirque qui se passe dans les églises, tout cela est confectionné par la pensée. Comme cette tente, elle a été confectionnée avec grand soin, par la pensée. La pensée est la racine même de notre existence – apparemment. Donc, nous posons une question extrêmement sérieuse. Quand on voit ce qu'a fait la pensée – elle a inventé les choses les plus extraordinaires, l'ordinateur, les navires de guerre, les missiles, la bombe atomique, la chirurgie, la médecine – si vous aimez la médecine – et aussi les choses qu'elle a fait faire à l'homme, aller sur la lune, etc. La pensée est la racine même de la peur, n'est-ce pas ? Est-ce que nous voyons cela ? Pas comment arrêter la pensée. Voit-on qu'en réalité penser est la racine de la peur, qui est le temps ? Voir. Pas les mots : ‘je vois’, voir effectivement. Quand vous souffrez intensément, la douleur n'est pas distincte de vous, vous agissez instantanément. Alors voyez-vous, aussi clairement que vous voyez ce réveil, l'orateur, et votre ami assis à côté de vous, voyez-vous que la pensée est la cause de la peur ? S'il vous plaît, ne demandez pas ‘comment dois-je voir ?’ Dès que vous demandez 'comment', quelqu'un est prêt à vous aider, et vous devenez son esclave. Mais si de vous-même vous voyez que pensée/temps est vraiment la racine de la peur. Prenez le temps, le temps de la réflexion Cela n'appelle pas de décision, il suffit de voir. Un scorpion est venimeux un serpent est venimeux, à l'instant de cette perception vous agissez.
1:08:32 Donc on demande : pourquoi ne voyons-nous pas ? Pourquoi ne voit-on pas qu'une cause de la guerre est le nationalisme, – n'est-ce pas ? – l'une des causes. Pourquoi ne voit-on pas ? Si l'un est musulman et vous, vous êtes chrétien, pourquoi cette lutte pour des noms, pour des endoctrinements ? N'est-ce pas ? Le voyons-nous ? Ou allons-nous nous en souvenir et y repenser ? Vous comprenez, Messieurs, vous êtes – que votre conscience est – le reste du genre humain. Le genre humain, vous et les autres, le genre humain traverse toutes sortes de difficultés, de douleurs, de vicissitudes d'anxiété, de solitude, de dépression, de souffrance, de plaisir, chaque être humain passe par là. Pas seulement les Suisses, pas seulement vous, chaque être humain, dans le monde entier, qu'il soit Russe, Américain, etc. Donc notre conscience, notre être est l'humanité toute entière. Comprenez-vous ? C'est ainsi. Comme nous renâclons à admettre un fait si simple ! Nous sommes si habitués à l'individualité, moi d'abord. Donc si vous voyez que votre conscience est partagée par tous les autres êtres humains vivant sur cette terre magnifique, alors toute votre manière de vivre change. Mais nous ne le voyons pas. Vous avez besoin d'arguments, de beaucoup de persuasion, de pression, d'endoctrinement et tout cela est tellement inutile, car c'est vous qui devez voir ces choses, vous-même.
1:11:18 Alors, chacun de nous, qui sommes le reste du genre humain – qui sommes l'humanité – pouvons-nous regarder un fait très simple, observer, voir que la cause de la peur est la pensée/temps ? Alors cette perception même est action. Dès lors, vous ne vous appuyez plus sur personne. Le gourou est comme vous – vous comprenez ? Le leader peut revêtir des robes diverses et mettre tous les bijoux, etc., déshabillez-le de tout cela, il est juste comme vous et moi. Mais il est arrivé à plus de pouvoir, et nous aussi voulons plus de pouvoir, plus d'argent, plus de catégorie, de prestige. Pouvons-nous donc regarder tout cela, le voir très clairement, alors cette perception même met fin à toute cette sottise. Alors, vous êtes une personne libre.
1:13:18 Pouvons-nous arrêter ? Et pouvons-nous nous lever ? Pour que l'orateur puisse se lever, vous devez vous lever.