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SA85T5 - Le silence, terrain de l'éternel
5e causerie
Saanen, Suisse
21 juillet 1985



1:50 Ceci sera le dernier entretien à Saanen. Nous continuerons à Brockwood, en Angleterre.
2:14 Pouvons-nous poursuivre ce dont nous parlions la dernière fois ? Entre autres choses nous disions que ceci n'est pas une conférence. Une conférence est censée informer, instruire sur un sujet particulier. Ceci n'est pas une conférence, pas plus qu'un divertissement : le divertissement c'est se distraire en allant au cinéma, aller à une cérémonie dans une église, un temple ou une mosquée. Ceci n'est pas une distraction. Ce n'est pas non plus une affaire intellectuelle, théorique, psychologique – quel mot employer ? – une recherche psychologique – philosophique, plutôt. Philosophie veut dire amour de la vérité, et non parler de ce dont on a déjà parlé. Ce n'est pas une discussion, un débat : ce que d'autres ont dit ne nous intéresse pas. Nous sommes ensemble, vous et l'orateur, comme deux êtres humains. Vous – pas ce grand auditoire, mais vous en tant que personne – et l'orateur, nous sommes en conversation, à propos de notre vie, de nos problèmes, de toutes les vicissitudes de la vie. De notre confusion, de nos peurs, de nos aspirations, de nos désirs de réussite, dans le monde des affaires ou dans le soi-disant monde religieux, ou dans le monde spirituel. La réussite. Atteindre le nirvana, le paradis ou l'illumination, c'est la même chose que réussir dans les affaires. J'espère que nous nous comprenons. Il n'y a pas grande différence. Un homme qui réussit dans la vie, fait des tas d'argent, l'affaire grossit, se développe, est remaniée, mais toujours sur la voie de la réussite. Il n'y a pas grande différence entre cette personne et l'homme qui dit être en quête de vérité et qui arrive à un certain succés dans cette voie. Les deux cherchent la réussite. L'une est appelée mondaine, l'autre non-mondaine, spirituelle ou religieuse. Nous n'avons à faire avec aucune des deux. Ce qui nous intéresse, c'est vous en tant qu'être humain – célibataire ou en couple – et l'orateur, ensemble, en conversation. Je dis bien : ensemble, vous assis là et l'orateur, hélas, assis ici en hauteur. C'est entre vous et l'orateur.
7:26 Vous et l'orateur, nous avons parlé de la relation, entre homme et femme, ami et amie, etc. Nous avons aussi parlé de la peur, s'il est vraiment possible dans la vie – la vie du monde moderne – d'être jamais totalement libre, psychologiquement, de toute peur. Nous avons examiné cela très, très attentivement. Et nous avons aussi parlé du temps, le temps selon lequel nous vivons, le cycle du temps le cycle du temps, c'est-à-dire le passé remanié dans le présent et continuant dans le futur. Le passé est tout ce qui nous fonde : racial, communautaire, religieux, les expériences, les souvenirs, tout cela est notre terre commune, à tous, que nous soyons nés en Extrême-Orient en Europe ou en Amérique. Cette civilisation, cette culture est notre substrat, à nous tous. Ce substrat subit des changements, des remaniements dans le présent et se perpétue dans le futur. Les humains, vous et les autres, sont pris dans ce cycle. Cela dure depuis des millions d'années. Donc le passé, qui traverse le présent et s'y modifie, est le futur. Cela a été notre évolution. Bien que nous ayons changé biologiquement au cours de ce million d'années, psychologiquement, intérieurement, subjectivement, nous sommes plus ou moins les mêmes qu'il y a un million d'années, barbares, cruels, violents, en compétition, égoïstes, égocentriques. C'est un fait. Donc le futur est le présent, n'est-ce pas ? Est-ce clair pour vous et l'orateur ? Le futur. C'est-à-dire le passé qui se modifie et devient le futur. Ce futur est maintenant, à moins d'un changement psychologique fondamental. Nous nous suivons ? C'est cela qui nous intéresse : s'il est possible aux êtres humains, vous et un autre, de provoquer en soi une mutation psychologique, une révolution psychologique totale, en soi-même, sachant que, si nous sommes blessés maintenant, blessés psychologiquement, comme la plupart des gens, la blessure se modifie dans le présent, mais se poursuit dans le futur. Donc la prochaine blessure est maintenant. Est-ce clair ? Nous sommes d’accord ? Vous et moi.
12:49 Est-il donc possible à des êtres humains, à vous, de provoquer une mutation complète ? Cette mutation change les cellules mêmes du cerveau. Disons qu'on a marché vers le Nord toute sa vie, et quelqu'un vient nous dire : 'Aller au Nord est sans intérêt, cela ne vaut rien, il n'y a rien là-bas. Allez à l'Est.' – ou à l'Ouest ou au Sud. Et parce que vous écoutez, parce que cela vous concerne, parce que vous êtes réfléchi, vous allez à l'Est. À l'instant même où vous vous tournez vers l'Est une mutation se produit dans les cellules cérébrales, car aller au Nord était devenu le modèle, le moule, et en allant à l'Est, vous cassez le moule – d'accord ? C'est aussi simple que cela. Mais cela demande qu'on écoute non seulement les mots, qu'on écoute non seulement par l'oreille, mais encore qu'on écoute sans aucune interprétation, sans aucune comparaison : une écoute directe. Alors cette écoute même démolit le conditionnement – pas ramener toutes vos traditions, tout votre connu, vos interprétations, rien de tout cela. Comme un enfant qui écoute une bonne histoire : il oublie toutes ses bêtises et il écoute.
15:19 Nous avons aussi parlé de voir. De voir très clairement ce qui est, ce qui se passe dans le monde actuel : les guerres en Afghanistan, les horreurs qui ont lieu là-bas, au Liban, en Amérique du Sud, en Extrême-Orient. L'homme d'il y a un ou deux millions d'années tuait avec une massue, puis il a inventé la flèche – pensant que cela arrêterait toutes les guerres. A présent, vous pouvez vaporiser des millions et des millions de gens avec une seule bombe. Nous avons fait d'immenses progrès extérieurs, technologiques L'ordinateur va probablement remplacer toute notre pensée. Il fera mieux, beaucoup mieux que nous, en une seconde. Je ne sais pas si vous avez examiné cette question, mais vous le devriez. Que va-t-il arriver au cerveau humain quand l'ordinateur pourra faire presque tout ce que vous faites, sauf bien sûr le sexe, – et il ne peut pas contempler les étoiles et dire : 'magnifique soirée !' Il lui est impossible d'apprécier ce qu'est la beauté. Que va-t-il donc arriver au cerveau humain ? Va-t-il dépérir quand le laser, l'ordinateur, se substitueront à vous ? Cela économisera beaucoup de travail. Alors, soit nous nous tournerons vers le pur divertissement – le poids formidable de l'industrie du spectacle, du sport – ou vers une autre forme : en allant à l'église, au temple, à la mosquée, pour se distraire, avoir des sensations, soit nous prenons une toute autre direction. Car psychologiquement, intérieurement, il n'y a pas de limite. Le cerveau a des capacités extraordinaires, le cerveau de chacun de nous. Voyez ce qu'a fait la technologie. Mais notre psychologie, notre subjectivité restent les mêmes au cours des ans, au cours des siècles : le conflit, la lutte, la douleur, l'anxiété et tout le reste. C'est ce dont nous avons parlé lors des quatre derniers entretiens, – trois entretiens – c'était trois ?
19:29 Auditoire : Quatre.

K: Bien, merci.
19:36 Et nous avons aussi parlé de la pensée. Quelle est la nature de la pensée, qu'est-ce que penser. Nous avons examiné cela très attentivement. Toute pensée est mémoire, basée sur le savoir. Le savoir est toujours limité, qu'il se situe maintenant, dans le passé ou dans le futur. Le savoir est toujours, perpétuellement, éternellement limité, parce qu'il repose sur l'expérience. L'expérience est toujours limitée, donc le savoir est limité, et la mémoire, et la pensée – tel est le processus lorsque nous pensons. Et la pensée a inventé tous les rituels de tous les lieux religieux. Elle a inventé les dieux à cause de notre peur, etc. Nous avons parlé de cela très longuement et en détail.
21:06 Ce matin, nous devrions parler ensemble, vous et l'orateur, ensemble, pas tout l'auditoire – il n'y a pas 'tout l'auditoire' il n'y a que vous et l'orateur. Nous devrions parler ensemble, vous et l'orateur, de l'amour, de la mort, de ce qu'est la religion, ce qu'est la méditation, s'il y a quoi que ce soit au delà de tout l'effort humain, ou l'homme est-il la seule mesure ? Y a-t-il quelque chose au delà de toute structure de pensée, y a-t-il quelque chose hors du temps ? C'est ce qui va nous intéresser ce matin, vous et l'orateur. Cela vous convient ?
22:41 Nous vivons par la sensation. Nous en avons parlé. Toute notre structure repose sur la sensation – sexuelle, imaginative, romantique, chimérique, etc. Et aussi, comme nous l'avons dit, l'égocentrisme est la pire des corruptions. Et la sensation, c'est-à-dire la stimulation des sens, est-ce l'amour ? Nous examinons la chose, vous et l'orateur, ensemble. Nous faisons un très long voyage. Elle est longue, l'allée que vous et l'orateur remontez ensemble. Il n'est pas devant et vous derrière. Ensemble, du même pas, peut-être main dans la main, ensemble, amicalement, sans que l'un domine l'autre, sans que l'un essaie d'impressionner l'autre, nous voici, vous et l'orateur, marchant tranquillement, explorant, enquêtant, regardant, écoutant, observant.
24:53 Et nous nous demandons : qu'est-ce que l'amour ? Ce mot est frelaté, on l'a dégradé, on l'a déshonoré. Il faut faire très attention à l'abus de ce mot. Alors, qu'est-ce que l'amour ? Est-ce une simple sensation ? Je vous aime et je dépends de vous, vous dépendez de moi. Peut-être que je vous trahis, et que vous me trahissez. Je me sers de vous, vous vous servez de moi. Si l'orateur dit ‘Je vous aime’ parce que vous êtes là, ma vanité est flattée parce que vous êtes très nombreux et je me sens heureux, content, très honoré : la jouissance, la satisfaction, l'attachement, est-ce l'amour ? L'amour est-il une fabrication de la pensée ? Nous cherchons ensemble, vous et l'orateur, ne vous endormez pas. C'est une très jolie matinée.
27:00 L'amour est-il une sensation ? L'amour est-il une satisfaction ? L'amour est-il un accomplissement ? La dépendance ? Et l'amour est-il du désir ? Je vous en prie, cherchons ensemble, n'approuvez ni ne désapprouvez, s'il vous plaît. Nous l'avons vu, nous abordons toute chose par 'd'accord-pas d'accord'. Si l'on pouvait exclure complètement de notre vocabulaire, de notre cerveau, ‘je suis d'accord’ et ‘je ne suis pas d'accord', 'c'est mon opinion' et 'c'est votre opinion’ – nos jugements. Si nous pouvions dégager tout cela simplement faire face aux faits tels qu'ils sont, non seulement dans le monde, mais aussi en nous-mêmes. Les choses telles qu'elles sont. Cela demande une grande honnêteté – l'urgence de l'honnêteté. Pouvons-nous le faire ce matin, affronter les choses telles qu'elles sont, sans imagination romantique ou sentimentale, ou selon notre tradition – en excluant tout cela ? Ensuite, on peut commencer à sonder, à examiner ce qu'est l'amour.
29:07 Nous disions, est-ce de la sensation ? Est-ce du désir ? Comme nous l'avons dit précédemment, nous avons bien approfondi la question de toute la structure du désir. Nous n'avons pas le temps d'y revenir. Pour être bref, le désir résulte d'une sensation. À cette sensation, la pensée donne une forme, une image – vous comprenez ? Il y a une sensation, puis la pensée met cette sensation en image et, à la seconde où la pensée dessine la sensation, à cette seconde, naît le désir Nous avons vu cela.
30:29 Nous demandons : l'amour est-il du désir ? L'amour est-il la pensée ? Approfondissez-le, je vous prie. C'est de votre vie qu'il est question, pour chacun de nous de nos vies quotidiennes, non pas de quelque vie spirituelle, à suivre quelque gourou et ses inanités, à s'habiller d'un costume spécial, – les habits moyenâgeux des églises, ou les costumes des derniers gourous. Cette question est très importante : l'amour n'est-il que la structure de la pensée ? Dans notre relation mutuelle – homme et femme, ami et amie, etc. – hormis les sensations sexuelles, quand l'un dit à l'autre : ‘je t'aime’, est-ce de la dépendance ? L'un ou l'une trouve sa satisfaction en l'autre et par conséquent cette relation est infiltrée par la pensée, et la pensée crée l'image, et cette image nous l'appelons l'amour. Nous appelons cette image 'amour'. Nous demandons donc : l'amour... – quel dommage d'utiliser ce mot – l'amour est-il un arrangement de la pensée ? L'amour, est-ce l'antagonisme ? Peut-il y avoir amour quand il y a ambition ? Quand l'un et l'autre sont en compétition ? Y a-t-il de l'amour s'il y a de l'intérêt personnel ? S'il vous plaît, n'écoutez pas seulement l'orateur, écoutez-vous vous même. Écoutez, découvrez vous-même. Quand on découvre dans le réel, dans ce qui est, on peut aller très loin. Mais si vous ne faites que dépendre d'un autre, de ses paroles, de ses livres, de sa réputation, cela n'a aucun sens. Il faut déblayer tout cela et s'observer soi-même. Il faut avoir de la passion. Nous l'avons dit l'autre jour, la passion ne peut exister que lorsque la souffrance prend fin. La passion – sans le fanatisme, qui tourne au terrorisme : toutes les organisations fanatiques du monde, sont portées par une formidable passion, le fanatisme engendre la passion. Cette passion n'est pas la passion qui se manifeste quand la souffrance prend fin. Nous avons vu cela. Nous demandons : l'amour est-il tout cela ? La jalousie ? C'est-à-dire la haine, la colère, le désir, le plaisir, etc., tout cela est-il l'amour ? Osons-nous regarder tout cela en face ? Êtes-vous, et l'orateur, suffisamment honnêtes pour découvrir seuls le parfum de ce mot ?
36:04 Et partant de là, nous devrions considérer la place que prend la mort dans notre vie. Parler de la mort n'est pas morbide – c'est un élément de notre vie. Probablement, de l'enfance à la mort, il y a toujours cette affreuse peur de mourir. N'avez-vous pas peur de la mort ? Nous l'avons placée aussi loin que possible. Alors, explorons ensemble cette chose extraordinaire que nous appelons la mort – elle doit être extraordinaire. Sans croire à la romance ou au réconfort, comme croire en la réincarnation, une vie après la mort – voilà une excellente idée, merveilleusement réconfortante, dont l'origine remonte probablement aux très anciens hindous. Les Egyptiens en ont parlé, puis Pythagore le Grec en a parlé. S'il y a pour chacun de nous une continuité – ce qui est vécu maintenant continue, avec de meilleures chances, dans la prochaine vie – si l'on croit sincèrement en cela, comme des millions de gens alors c'est ce que vous faites maintenant qui importe, n'est-ce pas ? Ce que vous êtes maintenant, votre conduite, votre vie quotidienne. Car s'il y a une continuité, dans la prochaine vie, vous aurez un plus beau château, bien sûr, un plus beau frigo, de plus belles autos, une meilleure épouse, un meilleur mari. Ceux qui y croient ardemment, ne se comportent pas bien, ils ne sont pas plus inquiets du futur que vous ou un autre.
39:32 Alors, pourrions-nous aussi mettre cette idée réconfortante au rebut ? Le monde chrétien ne croit pas à la même chose, vous montez tout droit au paradis – votre âme – ou vous tombez tout en bas. L'orateur aimerait vous raconter une blague à ce propos, mais il ne le fera pas. C'est une blague très drôle, mais ce serait trop long, et notre temps est limité.
40:18 Donc, qu'est-ce que la mort ? Qu'est-ce que vivre ? Qu'est-ce que vivre sa vie quotidienne et qu'est-ce que la mort ? Si nous ne comprenons pas notre vie quotidienne, quel rapport a la mort avec elle ? Vous comprenez ? Donc, en premier, examinons ce qu'est vivre. Qu'entendons-nous par vivre ? Qu'est-ce que nous appelons 'une bonne vie' ? Une bonne vie, est-ce beaucoup d'argent, des voitures, changer d'épouse ou de petite amie, ou passer d'un gourou à l'autre, et aller s'enfermer dans son camp de concentration ? Je vous en prie, ne riez pas, c'est ce qui se passe réellement. La bonne vie, est-ce la jouissance, énormément de plaisir, l'excitation, une suite de sensations, et aller au bureau du matin au soir, pendant soixante ans ! Pour l'amour du ciel, regardez tout cela en face ! Travailler, travailler et puis mourir. Voilà ce que nous appelons vivre. Pardon, vous et moi ne pouvons pas nous faire concurrence. Je suis désolé ! Est-ce cela que nous appelons vivre ? Des conflits sans arrêt, des problèmes sans arrêt, l'un après l'autre. Cette vie à laquelle nous nous accrochons, que nous connaissons : nous avons acquis énormément d'information, de savoir, pratiquement sur tout, et nous nous cramponnons à ce savoir. Ces souvenirs que nous avons, nous y sommes profondément attachés. C'est tout cela que l'on appelle vivre : chagrin, douleur, anxiété, incertitude, souffrance et conflit sans fin. Et la mort vient, par accident, la vieillesse, la sénilité. Voilà un bon mot. Qu'est-ce que la sénilité ? Pourquoi l'attribuez-vous à la vieillesse ? Pourquoi dites-vous, 'oh, c'est un vieillard sénile’ ? – je le suis peut-être. Êtes-vous sénile ? La sénilité, c'est oublier, répéter, revenir sur les anciens souvenirs, être à moitié vivant – non ? En général, c'est ce qu'on appelle sénile. Je vous pose la question – l'orateur se l'est très souvent posée lui-même, donc nous sommes tous deux dans le même camp. La sénilité est-elle un problème de vieillesse ? Ou la sénilité commence-t-elle quand vous répétez, répétez. Vous suivez ? Quand on est traditionnel, le train-train, on va à l'église, au temple, à la mosquée, on répéte, on répéte, on s'agenouille, un autre touche le sol du front, et l'hindou se prosterne... Il y a donc sénilité à tout âge – n'est-ce pas ? Posez-vous la question.
46:41 La mort peut survenir pour cause de vieillesse, d'accident, dans de terribles douleurs, de maladie. Et quand elle survient, il y a une fin à toute votre continuité – n'est-ce pas ? – à tous vos souvenirs, à tous vos attachements, à votre compte en banque, à votre célébrité. Vous pouvez bien être une grande vedette du spectacle, cela aussi prend fin.
47:31 Il faut donc examiner ce qu'est la continuité – vous comprenez ? – et ce qu'est finir. Pouvons-nous y aller ? Qu'est-ce qui continue ? Une succession de mouvements qui forme une continuité. Et quel est le sens de ce mot 'finir' ? Vous comprenez ? Quelque chose qui prend fin. Pourquoi avons-nous si peur de mettre fin à quelque chose, que ce soit une tradition, une habitude, un souvenir, une expérience ? Tout cela peut-il prendre fin ? Pas une fin calculée, mais une fin sans effort, sans détermination. Je mets fin à une chose pour obtenir autre chose. Mais on ne discute pas avec la mort, n'est-ce pas ? Il y a une merveilleuse histoire datant de l'Inde ancienne. Là encore, elle est trop longue. C'est vraiment une histoire merveilleuse. Je ne sais pas si nous avons le temps, car il faut parler de religion, de méditation, voir s'il y a quelque chose au delà de tout l'effort de l'homme. Bon, je vais répéter cette histoire, très brièvement.
49:46 Un jeune brahmane – vous comprenez ? brahmane, de l'Inde ancienne – il a amassé un tas de choses, des vaches et tout le reste. Et il décide de s'en défaire, une à une. Et son fils vient à lui et dit : ‘pourquoi donnez-vous tout cela ?’ Il explique que lorsqu'on a amassé beaucoup il faut tout donner, pour tout recommencer. Vous comprenez ce que cela signifie, le sens de cela ? On amasse et ensuite on donne tout ce que l'on a amassé. Je ne vous demande pas d'en faire autant. Comme le garçon s'entête à poser cette question, le père se fâche et dit : 'Je t'enverrai à la mort si tu me poses encore une question.' Mais garçon demande : ‘Pourquoi m'envoyer à la mort' ? Or la parole d'un brahmane l'oblige à se tenir à ce qu'il dit, il envoie donc le garçon à la mort. Le garçon se rend à la maison de la mort, après avoir parlé à tous les instructeurs, philosophes, gourous et toute la bande. Il arrive à la maison de la mort. – j'abrège beaucoup. Et une fois là, il attend trois jours. Remarquez la signification, la subtilité de tout cela. Il attend trois jours. Et la mort arrive et s'excuse de l'avoir fait attendre, car après tout c'est un brahmane. Elle s'excuse donc et dit : 'Je t'offre tout ce que tu veux, richesses, femmes, vaches, propriétés, tout ce que tu veux.' Le garçon répond : 'Mais on vous trouvera toujours au bout, vous serez toujours au bout de toute chose.' Et la mort parle ensuite de divers sujets que le garçon ne peut pas comprendre – bien ? C'est vraiment une merveilleuse histoire.
52:44 Alors, revenons aux réalités. Vous aimeriez entendre plein d'histoires, j'en ai des quantités, mais j'en resterai là.
52:57 Donc, qu'est-ce que la mort ? Est-ce que le temps y est impliqué ? Le temps. Le temps est-il la mort ? C'est ma question, considérez-la s'il vous plaît. Le temps, non selon la montre, le coucher et le lever du soleil, mais psychologiquement, intérieurement. Tant qu'il y a l'égocentrisme du temps – c'est bon ? vous suivez ? – tant qu'il y a l'égocentrisme qui est la roue du temps, il doit y avoir la mort. Alors, le temps est-il lié à la mort ? Oh, allons Messieurs. S'il n'y a pas de temps, y a-t-il la mort ? Sommes-nous ensemble ? Je vous en prie, ceci est la vraie méditation, non toutes ces balivernes. Le temps psychologique, pas le temps de la grande horloge, ou de la montre à votre poignet. Pour nous, le temps est très important. Le temps de réussir, le temps de développer cette réussite, et d'apporter des changements dans cette réussite. Temps veut dire continuité : j'ai été, je suis, je serai. En nous, cette continuité est permanente, c'est cela le temps. Bien ? S'il n'y a pas de demain – puis-je aborder tout cela ? C'est un sujet dangereux, prêtez-y attention, je vous prie – si cela vous intéresse, sinon bâillez, reposez-vous et prenez vos aises. S'il n'y a pas de demain, auriez-vous peur de la mort ? Si la mort est là, instantanée, il n'y a pas de peur, n'est-ce pas ? Il n'y a pas de temps. Vous avez saisi ? Donc le temps est-il la mort ? Tant que la pensée fonctionne dans le domaine du temps – ce que nous faisons toute la journée – il est inévitable qu'elle ait une fin et elle dit : 'je risque de finir, j'ai peur'. Donc le temps pourrait être l'ennemi de la mort. Ou bien le temps est la mort !
57:27 Autrement dit : si l'orateur est attaché à son auditoire, attaché à tout ceci, car de cet attachement il retire beaucoup d'excitation, de sensations, d'importance, de nombrilisme. Il envie la personne qui attire un plus large public – n'est-ce pas ? Si l'orateur est attaché, à un auditoire, à un livre, à une expérience, à un titre, à une célébrité, alors il a peur de la mort. Attachement veut dire temps. Je me demande si vous comprenez tout cela ? Attachement veut dire temps. Pouvez-vous être complètement libre d'attachement, c'est-à-dire du temps – bien ? Je vous suis attaché, je dépends de vous, je pleure pour vous, et vous en faites exactement autant pour moi. Nous sommes attachés l'un à l'autre. Et la mort vient faucher tout cela. Alors, puis-je mettre fin à cet attachement maintenant ? Sans attendre la mort, être complètement libre de cet attachement ? Oui, Monsieur. Regardez ce fait en face.
59:53 Donc vivre c'est mourir et donc vivre c'est la mort. Ensemble. Vous comprenez ce que je dis ? Oh, allons Messieurs. C'est pourquoi il faut établir les fondations de la compréhension de soi, non selon les philosophes, les psychiatres, et toute la suite. Se comprendre, soi, non par les livres, mais voir, observer son comportement, sa conduite, l'habitude, l'accumulation de ce que l'on a collecté au cours des millénaires. Connaître tout cela en vous – le racial, le communautaire, le traditionnel, le personnel. Et la conscience de cela ne dépend pas du temps, cela vient instantanément. Et le miroir dans lequel vous voyez tout ceci est la relation entre vous et autrui, entre vous et votre épouse, voir dans cette relation tout le passé, le présent, les habitudes, le futur, tout est là. Savoir comment regarder, comment observer, comment écouter chaque mot, chaque mouvement de pensée. Cela exige une grande attention, une vigilance.
1:01:56 Donc la mort n'est pas dans le futur. La mort est maintenant quand il n'y a pas de temps, quand il n'y a pas ‘moi’ devenant quelque chose, pas d'intérêt personnel, d'activité égoïste, tout cela étant les procédés du temps.
1:02:26 Donc vivre et mourir vont toujours de pair – et vous n'en connaissez pas la beauté. Il y a là une énorme énergie. Nous vivons d'énergie. Vous mangez suffisamment et correctement, etc., et cela donne une certaine qualité d'énergie. Cette énergie est détournée si vous fumez, buvez et tout le reste. Le cerveau a une énergie extraordinaire. Et cette extraordinaire énergie est indispensable pour trouver soi-même, sans être guidé par un autre, pour découvrir – pour que cette chose arrive.
1:03:37 Nous allons voir cela. Qu'est-ce que la religion ? Comprenez bien : nous avons parlé de la peur, nous avons parlé des blessures psychologiques à ne pas traîner tout le reste de sa vie. Nous avons parlé et approfondi ensemble ce qu'est la relation, le sens de la relation. Rien ne peut exister sur terre sans relation, et cette relation est détruite quand chacun poursuit son ambition, son avidité, sa propre satisfaction, etc. Nous avons parlé de la peur. Nous avons examiné ensemble la question de la pensée, du temps, de la souffrance et de la fin de la souffrance. Et nous aussi avons parlé ce matin de la mort. Maintenant, nous sommes éveillés, capables de découvrir ce qu'est la religion. Car nous en avons l'énergie, vous comprenez ? Nous avons écarté tout le conflit humain, tout l'égocentrisme – si vous l'avez fait. Cela vous donne alors une immense passion et une énergie, une énergie incalculable. Alors, qu'est-ce que la religion ?
1:05:49 La religion est-elle toutes les combinaisons de la pensée ? Les cérémonies, les habits, les gourous, la perpétuelle répétition, les prières, toute la chose, est-ce la religion ? Ou est-ce une grande entreprise commerciale ? Il existe un temple en Inde du Sud qui fait un million de dollars tous les trois jours. Vous comprenez ce que je dis ? Tous les trois jours ce temple recueille un million de dollars – tous les trois jours. On appelle cela la religion. Ils dépensent l'argent de toutes les façons. Et la chrétienté, regardez ce qu'elle a fait, d'immenses richesses. Le Vatican, les églises du monde entier. Descendez la Cinquième Avenue à New York, ils y sont, le plus riche apparat qui soit. Est-ce cela, la religion ? Aller tous les dimanches matin écouter un prêche et répéter un rituel, est-ce la religion ? Ou bien la religion n'a-t-elle rien à voir avec toute cette affaire ? Car on ne peut poser cette question que lorsque l'on est libre de tout cela, dégagé de tout cet imbroglio de la mise en scène, du pouvoir, du rang, de la hiérarchie de tout cela. Alors seulement peut-on poser la question : qu'est-ce que la religion ? Dieu est-il créé par la pensée, par la peur ? L'homme est-il à l'image de Dieu ? Ou Dieu à l'image de l'homme ? Si l'on pouvait mettre tout cela au rebut, pour découvrir ce qui n'est pas confectionné par la pensée, par la sensation, par la répétition, les rituels – tout cela n'est pas la religion, du moins pour l'orateur. Cela n'a strictement rien à voir avec ce qui est sacré.
1:09:10 Alors, qu'est-ce que la vérité ? Existe-t-il une telle chose que la vérité ? Y a-t-il une vérité absolue, irrévocable, qui ne dépende pas du temps, de l'environnement, de la tradition, du savoir, de ce que le Bouddha a dit, ou de ce que quelqu'un a dit ? Le mot n'est pas la vérité. Le symbole n'est pas la vérité. La personne n'est pas la vérité. Par conséquent, il n'y a pas de culte de la personne. K n'a aucune importance, aucune ! Nous cherchons ce qu'est la vérité – s'il y en a une – et s'il y a quelque chose au delà du temps. La fin de tout temps. On a dit que la méditation est nécessaire pour déboucher sur cela, n'est-ce pas ? Avoir un esprit silencieux. Nous allons examiner cela, si vous le permettez. Nous avons très peu de temps – désolé, d'après la montre.
1:11:08 Qu'est-ce que la méditation ? Ce mot signifie 'considérer' – selon le dictionnaire – réfléchir. Il a aussi une autre signification, 'mesurer', tant en sanscrit qu'en latin. Méditer signifie non seulement réfléchir, penser, mais aussi être capable de mesurer, ce qui suppose la comparaison – bien sûr. Il n'y a pas de mesure sans comparaison. Le cerveau peut-il se libérer de la mesure ? Pas la mesure des unités de mesure, le mètre étalon, les kilomètres, les miles, le cerveau doit être libre de toute mesure : devenir, ne pas devenir, comparer, ne pas comparer. Vous comprenez ? Le cerveau peut-il être libre de ce système de mesurage ? J'ai besoin de mesures pour la confection d'un costume. J'ai besoin de mesures pour aller d'ici à là, la distance est une mesure, le temps est une mesure. Oh, allons ! Vous comprenez ? Le cerveau peut-il – pas l'esprit, nous allons brièvement voir ce que sont l'esprit et le cerveau – le cerveau peut-il être libre de toute mesure ? C'est-à-dire de la comparaison. Aucune comparaison, jamais. C'est la vraie méditation. De sorte que ce cerveau soit totalement libre. Est-ce possible, tout en vivant dans le monde moderne, gagnant de l'argent, élevant des enfants, la sexualité, tout le bruit, la vulgarité, tout le cirque qui a lieu au nom de la religion. Peut-on être libre de tout cela ? Pas afin d'obtenir quelque chose. Vous comprenez ? Être libre.
1:14:02 Donc la méditation n'est pas une méditation consciente, vous comprenez ? Ce ne peut pas être une méditation consciente, suivant un système, un gourou, une méditation collective, de groupe, une méditation solitaire, selon le zen, le bouddhisme, l'hindouisme, vous savez – cela ne peut pas être un système, car alors vous pratiquez, pratiquez, pratiquez et votre cerveau devient de moins en moins sensible, de plus en plus mécanique. Y a-t-il donc une méditation qui n'ait pas de direction, qui ne soit pas consciente, délibérée ? Découvrez-le.
1:14:58 Cela demande une grande énergie, de l'attention, de la passion. Pas la passion amoureuse, c'est... Alors cette passion même, cette énergie, son intensité est silence. Pas un silence forcé. C'est l'immense silence dans lequel le temps, l'espace n'est pas. Alors il y a ce qui ne peut être nommé, ce qui est sacré, éternel.
1:16:28 Pouvons-nous nous lever ?