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SD74CA12 - Amour, sexe et plaisir
12e entretien avec le Dr. Allan W. Anderson
San Diego, USA
25 février 1974



0:37 Krishnamurti in Dialogue with Dr. Allan W. Anderson Krishnamurti dialogue avec le Dr Allan W. Anderson
0:42 J. Krishnamurti was born in South India and educated in England. For the past 40 years he has been speaking in the United States, Europe, India, Australia, and other parts of the world. From the outset of his life's work he repudiated all connections with organised religions and ideologies and said that his only concern was to set man absolutely unconditionally free. He is the author of many books, among them The Awakening of Intelligence, The Urgency of Change, Freedom From the Known, and The Flight of the Eagle. This is one of a series of dialogues between Krishnamurti and Dr. Allan W. Anderson, who is professor of religious studies at San Diego State University where he teaches Indian and Chinese scriptures and the oracular tradition. Dr. Anderson, a published poet, received his degree from Columbia University and the Union Theological Seminary. He has been honoured with the distinguished Teaching Award from the California State University. J. Krishnamurti naquit en Inde du sud et fut éduqué en Angleterre. Il donna pendant des décennies des conférences aux Etats-Unis, en Europe, en Inde, en Australie, et ailleurs dans le monde. Le travail qu'il effectua au cours de sa vie le conduisit à répudier toutes attaches avec les religions organisées et les idéologies; il a déclaré que son unique souci était de libérer l'homme absolument et inconditionnellement. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont l'Eveil de l'Intelligence, Le Changement Créateur, Se libérer du Connu, et Le Vol de l'Aigle. Ce dialogue fait partie d'une série entre Krishnamurti et le Dr Allan W. Anderson qui est professeur de théologie à l'Universtié de San Diego où il enseigne les Ecritures indiennes et chinoises et la tradition des oracles. Le Dr Anderson, poète reconnu, est diplômé de l'Université de Columbia et du Séminaire Théologique de l'Union. L'Université de Californie l'a honoré en lui décernant le Prix de l'Enseignement.
1:48 A: Mr. Krishnamurti, in our last conversation we were talking about religion as a phenomenon in relation to our concern for enquiring into the transformation of each individual human being, a transformation that is not dependent on knowledge or time, and during our discussion of religion you were speaking about what you regarded to be religion in the true sense, its relation to the act of attention and how, when the whole personal history of hurt is a reference, this act of attention simply is vitiated, it cannot come to pass. And through the discussion of hurt that we had we touched towards the end of the discussion on love, and if it's agreeable with you, perhaps we could explore this question of love now. A: M. Krishnamurti, lors de notre dernière conversation, nous parlions de la religion en tant que phénomène en relation avec notre recherche sur la transformation de chaque être humain, une transformation qui ne dépend ni du savoir, ni du temps. Vous nous avez fait part du sens que vous donnez au mot religion, lequel est lié à l'acte d'être attentif. Nous avons vu combien, lorsque les blessures personnelles sont en jeu, cet acte d'attention est vicié et ne peut se réaliser. Au terme de notre discussion au sujet des blessures, nous avons fini par parler de l'amour, et, si cela vous convient, nous pourrions peut-être explorer cette question maintenant.
3:00 K: Sir, when you use the word 'explore', are we using that word intellectually, exploring with the intellect, or exploring in relation to the word and seeing in that word the mirror, which will reveal ourselves in that mirror? K: M, quand vous utilisez le mot 'explorer', le faites-vous intellectuellement afin d'explorer avec l'intellect, ou explorez-vous par rapport au mot en vous en servant comme d'un miroir qui nous révélera à nous-mêmes?
3:30 A: I hope the latter.

K: Yes. That is, the word is the mirror, in which I, as a human being, am observing. So the word 'explore' really means observing myself in the mirror of the word which you have used. So the word then becomes the thing, not just a word by itself.

A: Right.
A: J'espère choisir la seconde.

K: Ce qui veut dire que le mot est un miroir dans lequel l'être humain que je suis, observe. Donc, par 'explorer', j'entends en réalité m'observer moi-même dans le miroir du mot que vous avez utilisé. Le mot devient ainsi la chose. Ce n'est pas seulement un mot.

A: Oui.
4:06 K: And therefore it is not intellectual exploration, a theoretical explanation. K: Il ne s'agit donc ni d'une exploration intellectuelle, ni d'une explication théorique.
4:14 A: It could be the beginning of a meditation. A: Ce pourrait être le début d'une méditation.
4:17 K: That's what I want to make quite clear.

A: Yes. Well, that is where I would want to be in relationship to the subject.

K: Yes. And exploring also means: the mind must be very serious, not caught up in the mere desire to achieve something, to know how to love, how to acquire the neighbour's love. You follow, sir?

A: Yes. Become a successful lover.
K: C'est ce que je voudrais clarifier.

A: Oui. C'est là que je voudrais être relié au sujet.

K: Explorer signifie aussi que l'esprit doit être très sérieux, ne pas être pris dans le simple désir de parvenir à un résultat, de savoir comment aimer, comment acquérir l'amour du voisin. Vous suivez, M.?

A: Oui, comment réussir en amour.
4:56 K: Successful lover, yes. So, I think - when we explore that word, and the meaning, the significance of it - one has to be very, very serious about this matter, because they are using this word so loosely, it has become so corrupt - love of God, love of my wife, love of my property, love of my country, I love to read, I love to go to the cinema - you follow? And one of our difficulties is modern education is not making us serious. We are becoming specialists: I am a first class doctor, first class surgeon, first class physician, and so on, so on. But the specialist becomes a menace that way. K: Un amoureux qui réussit, oui. Alors, je pense que quand nous explorons ce mot et sa signification, il faut être très sérieux à ce sujet, car il est utilisé avec tant de légèreté, il est devenu si corrompu : l'amour de Dieu, de ma femme, de mes biens, de mon pays, j'aime lire, j'aime aller au cinéma, vous suivez? Une des difficultés de l'éducation moderne est qu'elle ne nous rend pas sérieux. Nous devenons des spécialistes, comme un excellent médecin ou chirurgien, un physicien de premier ordre, etc. Mais le spécialiste devient alors une menace.
5:55 A: A learned ignoramus.

K: Yes. And education, as we were saying previously, is to encourage, to see that the human mind is serious. Serious to find out what it means to live, not just become a specialist. So, if that is all understood, and much more, what is love? Is love pleasure? Is love the expression of desire? Is love sexual appetite fulfilled? Is love the pursuit of a desired end? The identification with a family, with a woman, with a man? Is love a thing that can be cultivated? That can be made to grow when I have no love, I think about it, I do all kinds of things to it, so that I will know how to love my neighbour?
A: Un ignare érudit.

K: Oui. Comme nous disions précédemment, l'éducation consiste à encourager, à veiller à ce que l'esprit humain soit sérieux. Sérieux afin de découvrir ce que vivre veut dire, sans se limiter à devenir un spécialiste. Alors, si tout cela est compris, et bien plus que cela, qu'est-ce que l'amour? L'amour est-il plaisir? L'amour est-il l'expression du désir? L'amour est-il l'accomplissement du désir sexuel? L'amour est-il la poursuite d'un but convoité? L'identification à une famille, une femme, un homme? L'amour peut-il se cultiver? Peut-il être amené à croître quand je n'ai pas d'amour; peut-il être l'objet de toutes sortes d'agissements qui m'apprendront à aimer mon voisin?
7:34 A: We sometimes hear the admonition that one has to work at it. Yes. In terms of our conversations up to now that would be a denial of it. A: Nous entendons parfois dire qu'il faut travailler à l'obtenir. D'après ce que nous en disons ici, cela aboutirait plutôt à sa négation.
7:47 K: So, is love pleasure? And apparently it is, now. K: Alors, l'amour est-il plaisir? Il en est apparemment ainsi de nos jours.
7:58 A: It seems to have been debased to that. A: Il semble avoir été dévié vers cela.
7:59 K: I mean, actually it is, that is what we call love. Love of God. I don't know what God is and yet I am supposed to love him. And therefore I transfer my pleasures - of the world, of things, of sex - to a higher level which I call God. It is still pleasure! So what is pleasure in relation to love? What is enjoyment in relation to love? What is joy, the unconscious feeling of joy? The moment I recognise joy it is gone. And what is the relationship of joy, enjoyment and pleasure with love? Unless we understand that we shan't understand what love is. K: C'est effectivement ce que nous appelons amour. L'amour de Dieu. J'ignore ce qu'est Dieu, et pourtant je suis censé l'aimer. Dès lors, j'élève mes plaisirs mondains du sexe, des choses, à un niveau supérieur que j'appelle Dieu. Cela n'en demeure pas moins du plaisir. Qu'est-ce alors que le plaisir par rapport à l'amour? Qu'est-ce que le ravissement par rapport à l'amour? Qu'est-ce que la joie, le sentiment inconscient de la joie? Dès que je la reconnais, elle s'est évanouie. Et quel rapport y a-t-il entre joie, ravissement ou plaisir d'aimer, et l'amour? Si nous ne comprenons pas cela, nous ne comprendrons pas ce qu'est l'amour.
9:07 A: Yes, yes, I have followed you. A: Oui, oui, je vous ai suivi.
9:12 K: And take what is happening. Love has been identified with sex, love-making, love sexually - you follow, sir? K: Voyez ce qui se passe. L'amour a été identifié au sexe, faire l'amour, aimer sexuellement - vous suivez, M.?
9:24 A: The very construction: love-making, making love. A: Cet assemblage même de mots : faire l'amour.
9:28 K: It's a horrible thing! I feel it gives me a shock: 'love-making', as though that was love. You see, sir, I think this is very important, the Western civilisation has put this over the whole of the earth, through cinemas, through books, through pornography, through every kind of advertisements, stories, this sense of love is identification with sex, which is pleasure, basically. K: C'est une horreur ! Cela me choque : 'faire l'amour', comme si c'était cela l'amour. Vous voyez - et ceci est très important - la civilisation occidentale a répandu ceci sur la terre entière par les films, les livres, la pornographie, par toutes sortes de publicité, de romans, ce sentiment d'amour est identifié au sexe, c'est-à-dire fondamentalement au plaisir.
10:13 A: The whole glamour industry is based on that. A: Toute l'industrie du charme
10:15 K: On that.

A: On that.
se base là-dessus.
10:16 K: All the cinema, you know, the whole thing. So can the mind - again, we must come back to the point - can the mind understand the nature of pleasure and its relationship to love? Can the mind that is pursuing pleasure, an ambitious mind, a competitive mind, a mind that says, I must get something out of life, I must reward myself and others, I must compete. Can such a mind love? It can love sexually. But is love of sex, is that the only thing? And why have we made sex such an enormous affair? Volumes are written on it. Unless really one goes into this very, very deeply, the other thing is not possible even to understand. We can talk endlessly about what love is, what love is not, theoretically. But if we use the word 'love' as a mirror to see what is happening inwardly, and I inevitably must ask the question whether it is pleasure - in its multiple forms. Can a man who is top executive, got to that position through drive, through aggression, through deception, through ruthlessness, can he know what love is? And can the priest, who talks everlastingly of God, he is ambitious to become a bishop, archbishop or whatever, his ambitions are to sit next to Jesus. K: Tout le cinéma. Tout l'ensemble. Revenons à notre sujet : l'esprit peut-il comprendre la nature du plaisir et le rapport qu'il a à l'amour? Un esprit à la poursuite du plaisir, un esprit ambitieux, compétitif, un esprit qui désire tirer quelque chose de la vie, qui cherche une récompense pour lui-même et autrui, qui se bat, un tel esprit peut-il aimer? Il peut aimer sexuellement. Mais l'amour est-il sexualité, n'y a-t-il que cela? Pourquoi avons-nous donné une telle importance à la sexualité? Des volumes ont été écrits à ce sujet. Si l'on n'aborde pas vraiment cela très, très à fond, le reste ne pourra même pas être compris. On peut parler théoriquement sans fin de ce qu'est l'amour. Mais si l'on utilise le mot 'amour' comme un miroir pour voir ce qui se passe à l'intérieur, il faut alors inévitablement poser la question de savoir si c'est le plaisir dans ses multiples formes. Celui qui s'est hissé au sommet de la hiérarchie par des actes agressifs, trompeurs, cruels, peut-il savoir ce qu'est l'amour? Le prêtre qui parle sans cesse de Dieu, dont l'ambition est de devenir évêque, archevêque ou autre, de s'asseoir près de Jésus...
12:37 A: Who will sit on the right hand.

K: Right hand. So can that priest who talks about it know what love means?
A: A la droite de Dieu.

K: ...un tel prêtre sait-il ce qu'est l'amour dont il parle?
12:45 A: No, he thinks he can with reference to something called a higher love, which is based on a denial of a lower one. A: Non, mais il pense qu'il le peut en se référant à un amour supérieur qui se fonde sur la négation d'un amour inférieur.
12:55 K: Yes, I mean that's just words.

A: So that's conflict. In that conflict there can be no love.
K: Ce ne sont que des paroles.

A: Donc ce conflit ne peut comporter d'amour.
13:02 K: So, then our whole social, moral structure is immoral! K: Dès lors, toute notre structure sociale et morale est immorale.
13:11 A: Oh yes.

K: I mean, sir, this is a thing that is appalling! And nobody wants to change that. On the contrary, they say, yes, let's carry on, put on a lot of coating on it, different colours, more pleasant, and let's carry on. So, if a man is really concerned to come upon this thing called love, he must negate this whole thing, which means he must understand the place of pleasure, whether intellectual pleasure, acquisition of knowledge as pleasure, acquisition of a position as power, you follow? The whole thing. And how is a mind that has been trained, conditioned, sustained in this rotten... social conditioning, how can it free itself before it talks about love? It must first free itself of that. Otherwise your talk of love, it's just another word, it has no meaning!
A: Oh oui.

K: C'est une chose effroyable. Et personne ne veut changer cela. Au contraire, ils disent 'oui, continuons, ajoutons-y des ornements de différentes couleurs, plus agréables, et continuons'. Alors, si quelqu'un se soucie vraiment de rencontrer cette chose appelée 'amour', il lui faut nier tout cela, c'est-à-dire qu'il doit comprendre la place qu'a le plaisir, que celui-ci soit intellectuel, qu'il découle de l'acquisition de savoir, ou d'une situation de pouvoir. Tout cet ensemble. Vous suivez? Comment un esprit entraîné, conditionné et nourri de ces conditions sociales pourries, comment peut-il se libérer avant de parler de l'amour? Il doit d'abord s'en libérer, sinon son discours n'est que paroles dénuées de sens !
14:42 A: We do seem, in Western culture particularly, to be very sex-bound. On the one hand, we are threatened with unhappiness, if we don't succeed sexually. A: Il semble que, dans la culture occidentale en particulier, nous soyons très liés à la sexualité. On considère que l'échec sur le plan sexuel représente une menace pour le bonheur.
14:59 K: Sexually, yes. That's right. K: Oui, en effet.
15:01 A: Yet on the other hand, the whole history of clinical psychology focuses precisely on the pathology of sexuality... A: En plus, toute l'histoire de la psychologie clinique est précisément axée sur la pathologie de la sexualité...
15:11 K: Of course.

A: ...as somehow able, in itself, as a study, to free us. The interrelationship between those two activities, the desire to succeed on the one hand, and the necessity to study what's the matter with the drive on the other, brings about a paralysis.
K: Bien sûr.

A: ...comme si son étude était apte à nous libérer. La corrélation entre ces deux activités - le désir de réussir d'une part et d'autre part la nécessité d'étudier ce qui se passe dans cette dynamique - engendre une paralysie.
15:35 K: So you see, this thing, sex, has become, I don't know, of such enormous importance right through the world now. In Asia they cover it up. They don't talk about it there. If you talk about sex, it is something wrong. Here you talk endlessly about it. But there you don't, certain things you don't talk about - you talk about it in the bedroom, or perhaps not even in the bedroom. But you never, I mean, it's not done. And when I talk in India, I bring it out. They are a little bit shocked, because a religious man is not supposed to deal with all that kind of stuff. K: Vous voyez donc que la sexualité a pris une énorme importance de nos jours, dans le monde entier. En Asie, on la cache. On n'en parle pas. Il serait malséant d'en parler. Ici, vous en parlez sans cesse. Alors que, là-bas, certaines choses ne se disent pas. On en parle à la rigueur dans la chambre à coucher ou peut-être même pas là. Cela ne se fait pas. Quand je parle en Inde, j'aborde le sujet. Cela les choque un peu, car un homme religieux n'est pas censé traiter de ces choses-là.
16:23 A: He is supposed to be beyond that. A: Il est censé être au-delà.
16:26 K: He is supposed to be, but he mustn't talk about it. That's one of the things, sir, why has sex become so important? You see, love is, after all, a sense of total absence of the 'me', total absence of the me - my ego, my ambitions, my greed - all that, which is me, total negation of all that. Negation, not brutal denial or surgical operation, but the understanding of all that. When the 'me' is not, the other is. Obviously. It's so simple! You know, sir, the Christian sign, the cross, - I was told - is a very ancient symbol, previous to Christian acceptance of that symbol.

A: Yes.
K: C'est bien cela, il ne doit pas en parler. C'est une des raisons pour lesquelles la sexualité a pris une telle importance. Voyez-vous, après tout, l'amour est un sentiment d'absence totale du 'moi', d'absence totale du 'moi' - mon ego, mes ambitions, mon avidité - tout cela qui est moi, le nier totalement - un refus, pas un déni brutal, ni une opération chirurgicale - mais comprendre tout cela. Quand le 'moi' est absent, l'autre existe. Evidemment. C'est si simple ! Vous savez, le signe chrétien, la croix est - à ce qu'on m'a dit - un symbole très ancien, antérieur au choix chrétien de ce symbole.

A: Oui.
17:28 K: It meant, wipe out the 'I'. K: Il signifiait : effacer le 'moi'.
17:33 A: I had never heard of that. Wipe out.

K: Wipe out the 'I', the me. The 'I', wipe it out. You understand, sir?

A: Yes. In a non-canonical statement of Jesus it's written that he remarked that unless you make your up down and your down up, your right left, left right, the complete total turning of something upside down that one has been accustomed to do - a 180 degree turn - then one doesn't come to the kingdom of heaven, which, of course, in his language, is not over here to be expected. He said precisely, it doesn't come by observations, it's not here, it's not there, it's within one - in the Greek it doesn't mean 'in' as a locus, but it is a presence.
A: Je n'avais jamais entendu cela.

K: Effacer le 'je', le 'moi'. Le 'je', effacez-le. Vous comprenez M.?

A: Oui. Dans une déclaration non-canonique de Jésus, il fit la remarque suivante : si l'on ne fait pas du haut le bas et du bas le haut, de sa droite la gauche etc., c'est-à-dire l'inversion complète d'une chose à laquelle on a été habitué, un demi-tour à 180°, on ne peut accéder au royaume des cieux qui - selon lui - ne doit pas être attendu ici bas. Il dit, cela ne vient pas d'observations; cela n'est ni ici, ni là-bas, mais en soi. En grec, cela ne signifie pas 'dans' en tant que lieu, mais une présence.
18:28 K: It is a presence.

A: Yes.
K: C'est une présence.
18:30 K: So when we are enquiring into this question of love, we must enquire into pleasure, pleasure in all its varieties, and its relationship to love, enjoyment to love, real joy, this thing which can never be invited, and its relation to love. So we had better begin with pleasure. That is, the world has made sex into an immense thing. And the priests, right through the world, have denied it. They won't look at a woman, though they are burning inside with lust and all kinds of things. They shut their eyes. They say, only a man who is a celibate can go to God. Think of the absurdity of such a statement! So anybody who has sex is damned forever. Alors, quand on se penche sur le sujet de l'amour, il faut aussi aborder le plaisir, le plaisir sous toutes ses formes, et son rapport à l'amour, au plaisir d'aimer, la vraie joie, cette chose qui ne peut jamais être invitée, et son rapport à l'amour. Mieux vaudrait commencer par le plaisir. C'est-à-dire, le monde a fait de la sexualité une chose immense. Et, partout, les prêtres l'ont refusée. Ils ne regarderont pas une femme, bien qu'à l'intérieur, ils brûlent de convoitise, etc. Ils ferment les yeux et disent que seul un célibataire peut aller vers Dieu. Pensez à l'absurdité d'une telle affirmation ! Ainsi, quiconque s'adonne au sexe est damné à jamais.
19:53 A: Then you have to invent some story as to how it was, we so-called, fell into it. A: Puis il faut inventer une histoire expliquant pourquoi nous y avons succombé.
19:59 K: Fell into it, or the Virgin Mary - you follow? - the whole idea. K: Succombé, ou bien la Vierge Marie - vous voyez toute cette idée.
20:03 A: Yes, the whole thing.

K: Which is a farce! So why have we made it such a fantastic romantic, sentimental affair - sex? Is it because intellectually we are crippled? We are second-hand people. You follow, sir? I repeat what Plato, Aristotle, Buddha, somebody said, and therefore my mind, intellectually, is third rate!
A: Oui, toute la chose.

K: C'est une farce. Alors pourquoi avons-nous fait de la sexualité une affaire aussi fantastique, romanesque, sentimentale? Serions-nous intellectuellement estropiés? Nous sommes des gens de seconde main. Je répète ce que Platon, Aristote, Bouddha ou un autre ont dit, et de la sorte mon esprit se détériore.
20:44 A: Exactly.

K: So it is never free. So intellectually I am a slave. Emotionally I become romantic. I become sentimental. And the only escape is sex, where I am free, if the woman or the man agrees, if they are compatible, then it is the only road, only door, through which I say, for God's sake, at least I am free here. In the office I am bullied - you follow, sir? - in the factory I just turn the wheels. So this is the only escape for me. The peasant in India, the poor villager in town or in villages, look at them, that is the only thing they have. And religion is something else: I agree, we should be celibate, we should be - all the rest of it, but for God's sake, leave us alone with our pleasures, with our sex. So if that is so, and it looks like that, that we are intellectually, morally, spiritually crippled human beings, degenerate, and this is the only thing that gives us some release, some freedom. In other fields I have no freedom. I have to go to the office every day. I have to go to the factory every day. I have to - you follow? - cinema once, three times a week, or whatever it is you do, you've got... and here, at last, I am a man, woman. So I have made this thing into an enormous affair. And, if I am not sexual, I have to find out why I am not sexual, I spend years to find out! You follow, sir? Books are written. It has become a nauseating thing, a stupid thing. And we have to, also, in relation to that, find out what is celibacy? Because they have all talked about it. Every religion has talked about it: that you must be celibate. And they said, Christian religion said: Jesus was born immaculate. You follow it? And the Buddhists, I don't know if you ever heard of the story that the Buddha's mother conceived because she... not out of human relationship, but out of... - the same thing! They don't want sex to be associated with a religion. And yet every priest is burning with it! And they said, you must be celibate. They take a vow of celibacy. I told you the story of that poor monk.

A: Oh yes, yes. A deeply moving story.

K: And what is celibacy? Is it in there, in your heart and your mind? Or just the act?
Il n'est donc jamais libre. Je suis donc esclave intellectuellement. Je deviens émotionellement romantique. Je deviens sentimental. Et la seule échappatoire est le sexe, où je suis libre, si l'homme et la femme sont d'accord, compatibles, etc. C'est la seule route, la seule porte que je puisse franchir en me disant : là au moins, je suis libre. Au bureau, on me rabroue; à l'usine, je ne fais qu'actionner les manettes. C'est donc ma seule échappatoire. Le paysan en Inde, le pauvre villageois, - vous les voyez - c'est tout ce qu'ils ont. La religion, c'est autre chose : je suis d'accord avec le célibat, mais pour l'amour du ciel, laissez-nous à nos plaisirs, à notre sexualité. Donc si c'est comme cela, et il semble que cela le soit, que nous sommes intellectuellement, moralement, spirituellement des êtres humains estropiés, dégénérés, le sexe est le seul dérivatif qui nous procure une certaine liberté. Dans d'autres domaines, je n'ai aucune liberté. Tous les jours je dois aller au bureau ou à l'usine. Je vais 2 ou 3 fois par semaine au cinéma ou ailleurs - peu importe - et là au moins je suis un homme, une femme. J'ai donc fait de la sexualité quelque chose d'énorme. Et si cela m'indiffère, je dois découvrir pourquoi. J'y passe des années. Des livres ont été écrits là-dessus. C'est à en avoir la nausée. C'est stupide. Et nous devons à ce sujet découvrir ce qu'est le célibat. En effet, tous en ont parlé : toutes les religions ont dit qu'il fallait être célibataire. La religion chrétienne dit que Jésus est né immaculé. Vous suivez? Et les bouddhistes - avez-vous jamais entendu l'histoire du Bouddha où il est dit que sa mère l'a conçu par un processus identique? Ils ne veulent pas associer la sexualité à la religion. Et pourtant chaque prêtre en brûle. Ils prônent le célibat. Et font voeu d'abstinence. Je vous ai raconté l'histoire de ce moine.

A: Oui, une histoire très touchante.

K: Qu'est-ce que le célibat? Est-ce qu'il se situe ici, dans votre coeur et votre esprit? Ou n'est-ce que l'acte?
24:40 A: If I have been following you correctly, it seems to me that you pointed to sex here as undergone in a utilitarian way. It's a means to and therefore since... A: Si je vous ai bien suivi, il me semble que vous avez fait référence à la sexualité comme d'une chose utilitaire. Comme d'un moyen, et donc...
24:58 K: A routine, an insistence, encouragement, you follow? K: Une routine encouragée avec insistance, vous suivez?
25:03 A: Yes. Always a goal that lies outside the activity. Therefore it can never be caught up to.

K: Quite right. Therefore conflict.
A: Oui. Un but qui se situe toujours hors de l'activité, qui ne peut donc jamais être atteint.

K: Tout à fait.
25:12 A: Therefore conflict and repetition. D'où le conflit.

A: D'où conflit et répétition.
25:14 K: And therefore, what is celibacy? Is it the act or the mind that is chaste? You follow, sir? K: Et alors, qu'est-ce que le célibat? Est-ce l'acte ou est-ce l'esprit qui est chaste? Vous suivez, M.?
25:27 A: It must be the mind.

K: Chaste - chaste mind. Which means a tremendously austere mind. Not the austerity of severity and ruthless acceptance of a principle, and all the rest of it.
A: C'est forcément l'esprit.

K: Oui, un esprit chaste. Ce qui implique un esprit terriblement austère. Pas l'austérité de la sévérité et l'acceptation impitoyable d'un principe, et tout ce qui s'ensuit.
25:48 A: This goes back to the earlier conversation when we were talking about hurt.

K: That's right.
A: Ceci nous ramène à une conversation antérieure au sujet de la blessure.

K: C'est exact.
25:52 A: The chaste mind would never be hurt.

K: Never. And therefore an innocent mind. Which has no picture of the woman, or the man, or the act, none of that imagination.
A: L'esprit chaste ne serait jamais blessé.

K: Jamais. C'est donc un esprit innocent qui n'a pas d'image de la femme, de l'homme ou de l'acte. Aucune imagination de la sorte.
26:14 A: This is very, very fundamental. I know in our conversations that I keep bringing up things that I've read and studied, because that has largely been the occupation of my life. And the thing that moves me so deeply in listening to you is that so many of the things that have been said over the centuries, and written over the centuries, ought to have been understood in the way that you've been presenting them. We even have a tradition for instance in Christian theology that what is called the fall of man began at the point of imagination. A: Ceci est très, très fondamental. Au cours de nos conversations, je me réfère sans cesse à ce que j'ai lu et étudié, car telle a été en grande partie l'occupation de ma vie. Quand je vous écoute, ce qui me touche profondément, c'est que tant de choses qui ont été dites ou écrites au cours des siècles auraient dû être comprises dans le sens où vous les présentez. Nous avons même une tradition dans la théologie chrétienne selon laquelle la 'chute de l'homme' a commencé à l'éveil de l'imagination.
27:04 K: Right. K: Oui.
27:05 A: And yet that hasn't been properly understood, it seems to me. Otherwise had it been properly understood, we would not be in this immense conflict that we are in. A: Pourtant il me semble que cela n'a pas été bien compris. Si cela avait été bien compris, nous ne serions pas dans l'immense conflit qui nous accable.
27:19 K: Christians have first invented the sin and then all the rest of it. K: Les chrétiens ont d'abord inventé le péché et puis tout le reste.
27:23 A: It has been the cart before the horse. Yes, I do see what you are saying. A: La charrue a été mise avant les boeufs. Je vois ce que vous voulez dire.
27:30 K: So, can the mind be chaste? Not - can the mind take a vow of celibacy and have burning desires - you follow? And we talked the other day about desire. We are burning with desire. All our glands are full of it. So, chastity means a mind that has no hurt, no image, no sense of pictures of itself, its appetites, all that. Can such a mind exist in this world? Otherwise love is not. I can talk endlessly about love of Jesus, love of this, love of that, but it becomes so shoddy. K: Alors, l'esprit peut-il être chaste? Il ne s'agit pas pour lui de faire voeu de célibat et de brûler de désir, vous suivez? Nous avons parlé l'autre jour du désir. Nous brûlons de désir. Notre système glandulaire en est rempli. Donc, la chasteté implique un esprit qui n'a ni blessure, ni image, que ce soit de lui-même, de ses appétits, de tout cela. Un tel esprit peut-il exister en ce monde? Sinon, pas d'amour. Je puis parler sans fin de l'amour de Jésus, de l'amour de ceci, de cela, mais c'est si futile.
28:39 A: Because it's love of. A: Car c'est l'amour 'de'.
28:40 K: Yes.

A: Yes. Love as an activity is not the same as love undertaken as a means.

K: Yes, sir. So is love pleasure? I can only answer: it is not, when I have understood pleasure. And understand not verbally, but deeply, inwardly, see the nature of it, the brutality of it, the divisive process of it. Because pleasure is always divisive. Enjoyment is never divisive. Joy is never dividing. It is only pleasure that is dividing. When you listen to an Arab about the oil, the energy, it is his pride - you follow? You see it is... And you see it in the ministers, in the politicians, this whole sense of arrogance, of power. And at the same time they talk about love.
K: Oui.

A: L'amour en tant qu'activité n'a rien à voir avec l'amour utilisé comme moyen.

K: Oui, M. Alors, l'amour est-il plaisir? Je ne puis répondre non qu'après avoir compris le plaisir. Compris non verbalement, mais intérieurement en en voyant la nature, la brutalité, son processus de division. Car le plaisir est toujours facteur de division. L'enchantement ne divise pas. La joie ne divise jamais. Seul le plaisir divise. Quand un Arabe parle du pétrole, de l'énergie, c'est sa fierté - vous suivez? Et vous voyez cela chez les ministres, les politiciens, tout ce sentiment d'arrogance, de puissance. Et en même temps ils parlent de l'amour.
30:04 A: But it's always love of. A: Mais c'est toujours l'amour de...
30:05 K: Of course, love of, or... I don't know what they mean anyhow. It has no meaning. They say, love of my country, and my love is going to kill you! K: Bien sûr, l'amour de... J'ignore ce qu'ils veulent dire. Cela n'a aucun sens. 'L'amour de mon pays' disent-ils et mon amour va vous tuer.
30:18 A: Yes, yes. A: Oui.
30:22 K: So, you see, sir, we have to understand this killing too. The Western civilisation has made killing a perfect art. The war, science of war. They have taught the whole world this. And probably the Christians are the greatest killers after Muslims, and, I believe, the real religious, the original Buddhists were really non-killers. K: Voyez-vous, M., il faut donc aussi comprendre cet acte de tuer. La civilisation occidentale a fait du meurtre un art parfait. La guerre, la science de la guerre. Ils ont enseigné cela au monde entier. Et les chrétiens sont probablement les plus grands meurtriers après les musulmans. Je crois que les premiers bouddhistes religieux étaient véritablement non tueurs.
31:05 A: Yes. C'est la seule religion
31:06 K: The only religion that said, don't kill, and keep it! I must tell you this lovely story. I was several years ago in Ceylon, and a Buddhist couple came to see me. They said, we have got one major problem. We are Buddhist by practice. And they said, we don't kill, but we eat meat. I said, what do you mean? He said, we change our butchers. We change our butchers, therefore we are not responsible. qui disait : 'ne tuez pas' et s'y tenait ! Voici une merveilleuse histoire. Il y a plusieurs années, je me trouvais à Ceylan et un couple de bouddhistes vint me voir. Il dit avoir un grand problème : nous pratiquons le bouddhisme; nous ne tuons pas, mais mangeons de la viande. Je demandai que voulez-vous dire? Il dit 'nous changeons de bouchers, par conséquent, nous ne sommes pas responsables...
31:55 A: Amazing.

K: And we like meat. I said, is that the problem? He said, no, not at all. Our problem is: should we eat a fertilised egg because that contains life?
A: Etonnant.

K: ...et nous aimons la viande'. Je demandai, est-ce le problème? Il dit que non. 'Notre problème est : peut-on manger des oeufs fécondés qui portent la vie?'
32:08 A: Oh, dear me.

K: Just, sir... When we talk about love, we must also talk about violence and killing. We kill, we have destroyed the earth - you understand, sir?- polluted the earth. We have wiped away species of animals and birds, we are killing baby seals, you've seen them on television?

A: Oh, I have. Yes.
A: Oh, là, là.

K: Ainsi, M., quand nous parlons d'amour, nous devrions aussi parler de violence et de meurtre. Nous tuons, nous avons détruit la terre - vous comprenez, M.? - pollué la terre, détruit des espèces d'animaux et d'oiseaux, nous tuons les bébés phoques, l'avez-vous vu à la télévision?

A: Oh oui.
32:43 K: How a human being can do such a thing... K: Comment un être humain peut-il agir ainsi...
32:46 A: It's deeply shocking. A: C'est très choquant.
32:48 K: ...for some woman to put on that fur. And he will go back and say, 'I love my wife'. And we are trained to kill. All the generals, they are preparing endlessly means of killing others. That's our civilisation, you follow, sir? So, can a man who is ambitious love? K: ...pour qu'une femme en porte la fourrure. Puis rentrant chez lui il dira 'J'aime ma femme'. Nous sommes entraînés à tuer. Tous les généraux préparent sans fin des moyens pour tuer. Notre civilisation est ainsi, vous suivez, M.? Quelqu'un d'ambitieux peut-il aimer?

A: Non.
33:30 A: No.

K: No. Therefore finish with ambition! They won't, they want both. Therefore that means: don't kill under any circumstances, don't kill an animal! To eat... I have never eaten meat in my life, never. I don't know what it tastes like even. Not that I am proud that I am vegetarian or anything, but I couldn't do it. And killing has become an industry, killing animals to feed human beings. You follow, sir?
K: Non. Par conséquent finissons-en avec l'ambition. Mais ils ne le feront pas, ils veulent tout avoir. Cela veut donc dire : ne tuez en aucun cas, ne tuez pas les animaux pour les manger. Je n'ai jamais mangé de viande de ma vie. Je n'en connais même pas le goût. Pas que je sois fier d'être végétarien, etc., mais je ne pourrais pas le faire. Tuer est devenu une industrie; le meurtre d'animaux pour nourrir les êtres humains.
34:16 A: Yes. It has, right. I was thinking as you were speaking, about chastity, and it came to me that the chaste mind would have to be an undivided mind. A: Oui, en effet. Pendant que vous parliez, je réfléchissais à la chasteté et il m'est venu que l'esprit chaste devrait être un esprit non divisé.
34:38 K: Yes, sir. Killing and loving. K: Oui, M., tuer et aimer.
34:42 A: And trying to get them together. And then taking all manner of means to palliate my obvious failure to get them together. A: Et essayer d'accorder les deux choses. Et prendre ensuite toutes les mesures possibles pour palier à l'échec évident de cette tentative.
34:59 K: Of course. K: Bien sûr.
35:04 A: The enormity of what you have brought out is truly staggering, and this I would like to stay with for a second, if you don't mind. I've been listening very intently. It's that your radical counsel to make this stop in oneself is so radical that it requires a kind of seriousness that is not a quantitative relationship to seriousness. In fact, we don't really understand what that word means. The relationship between seriousness and love has been coming into my awareness here. A: L'immensité de ce que vous avez exprimé est vraiment stupéfiante, et j'aimerais pouvoir m'y attarder un instant, si vous le voulez bien. J'ai écouté intensément. Votre recommandation de faire s'arrêter cela en nous, est tellement radicale que cela demande une qualité de sérieux. Il ne s'agit pas d'un sérieux quantitatif dont nous ne saisissons pas réellement la portée. J'ai pris conscience ici du rapport qui existe entre le sérieux et l'amour.
36:09 K: Yes, sir, if I am serious, then I will never kill, and love then has become... is something... it is really compassion. Passion for all, compassion means passion for all. K: Oui, M., si je suis sérieux, je ne tuerai jamais, et l'amour est alors devenu quelque chose, c'est vraiment la compassion. Compassion signifie passion pour tous.

A: Quand vous dites que
36:30 A: When you say one will never kill if he loves, you mean within the context of this image-making activity where one kills by design. l'on ne tuera jamais si l'on aime, le faites-vous dans le contexte de cette activité de faiseur d'images où l'on tue intentionnellement.
36:40 K: Yes, not only... Sir, suppose, my sister - I have no sister, but - my sister is attacked, a man comes to rape her. I will act at that moment.

A: Precisely.
K: Oui, pas seulement : supposons que j'ai une soeur - je n'en ai pas - qui soit attaquée, qu'un homme veuille la violer. J'agirai dans l'instant.

A: Précisément.
36:54 K: My intelligence, because I love, have compassion, that compassion creates that intelligence, that intelligence will operate at that moment. If you tell me, what will you do if your sister is attacked, I will say, I don't know. I will know then! K: Du fait que j'aime, que j'éprouve de la compassion, cette compassion crée l'intelligence, et cette intelligence opérera à ce moment-là. Si vous me demandez ce que je ferai si ma soeur est attaquée, je répondrai 'je ne sais pas. Je le saurai le moment venu'.
37:15 A: Yes, I quite follow that, I quite follow that. But we have made an industry of designing. A: Oui, je vous suis tout à fait. Mais nous avons fait une industrie de l'intention.
37:22 K: Designed killing. K: Tuer intentionnellement.
37:24 A: On all levels, not only ourselves.

K: I don't know. I saw the other day on the television, in the Red Square there was an enormous intercontinental missile, shot off to kill god knows, blind killing. And the Americans have it, the Indians have it, the French have it, you follow?
A: A tous les niveaux.

K: Je ne sais pas. L'autre jour, j'ai vu à la télévision la Place Rouge où l'on présentait un missile intercontinental destiné à être tiré pour tuer aveuglément. Les Américains en ont, les Indiens en ont, les Français aussi.
37:52 A: Have to have it.

K: Of course, we must exist. So, can the mind be free of this urge to kill? Which means: can the mind be free of being hurt? So, when there is hurt, it does all kinds of neurotic things. Is pleasure love? Is desire love? But we have made pleasure, desire, into love. I desire God - you follow, sir? I must learn about God - you follow? The whole thing. God is my invention, my image, out of my thought I have made that image, and so I go around in circles. So I must know what enjoyment is. Is enjoyment pleasure? When I enjoy a good meal, or a good sunset, or see a beautiful tree, or woman, whatever it is, at that moment, if it doesn't end, it becomes pleasure. You understand? If the mind, thought, carries over that enjoyment and wants it to be repeated the next day, it has become pleasure, it is no longer enjoyment. I enjoy, and that's the end of it!
A: Ils doivent en avoir.

K: Bien sûr, nous devons exister. L'esprit peut-il être libre de ce besoin de tuer? Ce qui signifie : l'esprit peut-il être libre de la blessure? Quand il est blessé, il se livre à toutes sortes d'actes névrotiques. Le plaisir est-il amour? Le désir est-il amour? Nous avons transformé plaisir et désir en amour. Je désire Dieu. Vous suivez, M.? Je dois apprendre sur Dieu. Vous suivez? Tout cela. Dieu est le produit de mon invention, mon image; ma pensée a fabriqué cette image, et l'on tourne en rond. Je dois donc savoir ce qu'est l'enchantement. Est-ce le plaisir? Quand j'apprécie un bon repas ou un beau coucher de soleil, ou la vue d'un bel arbre ou d'une belle femme, si je n'y mets pas fin dans l'instant, cela devient du plaisir. Vous comprenez? Si la pensée prolonge cet enchantement et veut qu'il se répète le lendemain, c'est devenu du plaisir, ce n'est plus un enchantement. Je me réjouis et c'est terminé.
39:44 A: William Blake has very, very beautifully, it seems to me, pointed to this. And, of course, he was regarded as a madman, as you know. I might not remember the words precisely, but I think, part of his little stanza goes: 'He who kisses a joy as it flies, lives to see eternity's sunrise'.

K: Yes, yes.
A: William Blake me paraît avoir magnifiquement indiqué cela. Il fut considéré comme fou, comme vous le savez. Si je me souviens bien, l'une de ses strophes disait ceci : 'qui embrasse la joie dans son vol, vit dans l'éternel lever de soleil'.

K: Oui.
40:12 A: It's the joy that he kisses as it flies, not the pleasure. A: Il embrasse la joie dans son vol,
40:15 K: No, no.

A: And it's as it flies. And what you said is, that if he won't let it fly, holds it, then we have fallen out of the act of joy into this...
pas le plaisir.

K: Non.

A: Dans son vol. Et vous avez dit que si on ne laisse pas la joie voler si on la retient, on s'est alors exclu de l'acte de joie pour...
40:29 K: ...pursuit of pleasure.

A: ...endless, repetitive, in the end mournfully boring thing.
K: ...poursuivre le plaisir.

A: ...sans fin, répétitif, finalement ennuyeux à mourir.
40:35 K: And I think, sir, that is what is happening in this country as well as in Europe and India, primarily in this country: the desire to fulfill instantly, the pleasure-seeking principle. Be entertained, football - you follow? - be entertained. K: Et je pense, M., que c'est ce qui a lieu tant en Europe qu'en Inde, mais surtout ici : le désir d'accomplir instantanément ce principe de la recherche du plaisir. Se divertir, le football, etc., vous suivez?
41:01 A: This goes back to what you were pointing out earlier in the last conversation we had; here somebody is, feels empty, needs to be filled. A: Ceci nous ramène à ce que vous avez dit lors de notre dernier entretien : cette personne qui se sent vide et a besoin d'être emplie.
41:13 K: Lonely.

A: Lonely, filled, looking for what we call fulfilment, filling up full.
K: En solitude.

A: Oui, seul, cherchant un accomplissement, à s'emplir à ras bord.
41:19 K: Filling up full.

A: Filling up full. And yet, if one undertakes to make this act of attention that you referred to in our discussion about religion, in order to fill up the hole, then we've had it. We're not going to do that. There has been an endless history of that attempt under the name of control of thought.

K: Of course.
K: S'emplir à ras bord.

A: A ras bord. Et pourtant, si l'on entreprend cet acte d'attention dont vous avez parlé au sujet de la religion, afin d'emplir le trou, alors on a échoué. Ce n'est pas ce que nous allons faire. Historiquement, il y a eu un nombre infini de tentatives de contrôler la pensée.

K: Bien sûr.
41:55 A: It would seem that, if one doesn't begin in love, he will not make this act of attention in a non-utilitarian way. He simply will make it in a utilitarian way, if he doesn't begin in love. A: Il semblerait que, si l'on ne commence pas par l'amour, on ne puisse accomplir cet acte d'attention d'une façon non utilitaire. Il sera accompli d'une façon utilitaire s'il ne commence pas par l'amour.
42:13 K: It's not the market place, quite. K: Nous ne sommes pas au marché.
42:14 A: And that's why in one of the very early conversations we had you said the start is the end.

K: Yes. The beginning is the end.

A: The beginning is the end.
A: C'est pourquoi, dans un des tous premiers entretiens, vous aviez dit que le commencement est la fin.

K: Oui. Le début est la fin.

A: Oui, en effet.
42:25 K: The first step is the last step. K: Le premier pas est le dernier.
42:26 A: The first step is the last step. A: Le premier pas est le dernier.
42:28 K: Quite right.

A: What I've been thinking about all through our conversations so far what is involved - 'involved' I don't like - what must one do - that's no good either - there is something... we are speaking about an act that is a radical end to all this nonsense that's been going on, which is terrifyingly destructive nonsense.

K: I know, sir.
K: Tout à fait.

A: Pendant que nous parlons, de penser à ce qu'implique - ce mot ne me plaît pas disons plutôt 'à ce qu'il faut faire' - ce n'est pas mieux - il y a quelque chose... Nous parlons d'un acte qui met radicalement fin à toute cette absurdité qui se poursuit, horriblement destructrice.

K: Je sais, M.
43:02 A: There is the doing of something. A: Il y a un acte à accomplir à ce sujet.
43:06 K: That is the seeing of all this! K: C'est-à-dire à voir tout cela.
43:08 A: And you said the seeing is the doing, is the act. A: Et vous avez dit que voir c'est faire, c'est l'acte.
43:15 K: As I see danger, I act. I see the danger of the continuity of thought in terms of pleasure, I see the danger, therefore I end it, instantly. If I don't see the danger, I'll carry on. If I don't see the danger of nationality - I'm taking that as very simple - I carry on, murdering, dividing - you follow? - seeking my own safety; but if I see the danger of it, it is finished. K: Quand je vois le danger, j'agis. Je vois le danger que représente la continuité de la pensée en termes de plaisir. Par conséquent, j'y mets fin instantanément. Si je n'en vois pas le danger, je continue. Si je ne vois pas le danger de la nationalité - prenons ce simple exemple - je continue à assassiner, à diviser, à chercher ma propre sécurité; mais si j'en vois le danger, c'est terminé.
43:52 A: May we relate here just for a moment, love to education? A: Peut-on ici faire le lien entre amour et éducation?
43:57 K: Yes. K: Oui.
43:59 A: As a teacher I'm immensely concerned in this. A: Ceci m'intéresse énormément en tant qu'éducateur.
44:05 K: Sir, what we have been discussing in our dialogue this last week and now is part of education. K: Ce dont nous avons discuté cette semaine fait partie de l'éducation.
44:13 A: Of course, it is. A: Bien entendu.
44:14 K: It is not education is there, it is educating the mind to a different thing. K: Ce n'est pas que de l'éducation, c'est éduquer l'esprit à quelque chose de différent.
44:23 A: I'm thinking of the student who sometimes comes to the teacher and says, 'I simply must change my way of life'. That is, once in a while you will find a student who is up to here, really had it, as we say. The first question they will usually put to you is: what must I do? Now, of course, that's a trap. I've been following you, I've come to see that with much greater clarity than I observed it for myself before. Simply because they are looking for a means when they say that. A: Je pense à l'étudiant qui vient parfois trouver le professeur et lui dit : 'Je dois changer ma façon de vivre.' De temps en temps, un tel étudiant se présente, il en a vraiment assez. La première question qu'il pose est d'habitude : 'Que dois-je faire?' Bien sûr, c'est un piège. Nos discussions ont eu pour effet que j'observe cela avec bien plus de clarté qu'auparavant. c'est tout simplement qu'ils sont à la recherche d'un moyen.
45:15 K: What must I do. K: Que dois-je faire.
45:17 A: We are not talking about a means.

K: No. Means is the end. Quite.
A: Ce n'est pas de moyen que nous parlons.

K: Non. Le moyen est la fin.
45:23 A: I am thinking of the history of Christianity in this. You've got the question: what must I do to be saved. The answer is 'believe on'.

K: Yes.
A: Je pense ici à l'histoire de la chrétienté, à la question 'que dois-je faire pour être sauvé?' La réponse est : 'il faut croire'.
45:33 A: And then the poor person is stuck with what this means and ends up believing in belief.

K: Yes, believing, quite.
Et le pauvre chrétien, n'y comprenant rien, finit par admettre la croyance.

K: La croyance, oui.
45:41 A: And that, of course, is abortive. The student comes and says, what must I do? Now, in our earlier conversation together we reached the point where the teacher and the student were talking together.

K: Yes. We are doing that now!

A: We are doing this now.
A: Et bien sûr, cela ne mène à rien. L'étudiant vient et dit 'que dois-je faire?'. Lors de notre précédent entretien, nous en étions là où le maître et l'étudiant parlaient ensemble.

K: Oui. C'est ce que nous faisons.

A: En effet.
45:59 K: I am not your teacher, but we are doing that now. K: Je ne suis pas votre professeur.
46:04 A: Well, no, I understand in our conversations that is not your role, but I must confess that it has been working out in this order, because I have learned immensely. There are two things here that I want to get clear, and I need your help. On the one hand, to make this pure act of attention, I need only myself. Is that correct?

K: No, not quite, sir.
A: Non. Je comprends que ce n'est pas là votre rôle, mais je dois avouer que cela a fonctionné dans ce sens car j'ai énormément appris. Voici deux choses que j'aimerais clarifier, et j'ai besoin de votre aide. Pour accomplir cet acte d'attention pure, je n'ai besoin que de moi. Est-ce exact?

K: Pas tout à fait.
46:42 A: Not quite.

K: Not quite. Sir, let's put the question first. The question is: what am I to do in this world?
A: Pas tout à fait.

K: Posons d'abord la première question : que dois-je faire dans ce monde?
46:51 A: Yes.

K: That is, what is my place in this world? First of all, the world is me. I am the world. That is an absolute fact. And what am I to do? The world is this - corrupt, immoral, killing, there is no love. There is superstition, idol worship, of the mind and the hand. There is war. That is the world. What is my relationship to it? My relationship to it only is if I am that. If I am not that, I have no relationship to it.
A: Oui.

K: C'est-à-dire, quelle est ma place dans ce monde? Tout d'abord, le monde est moi. Je suis le monde. C'est un fait absolu. Et que dois-je faire? Le monde est ainsi : corrompu, immoral, meurtrier, l'amour n'y a pas sa place. Il y règne la superstition, l'idolâtrie de l'esprit et de la main. Il y règne la guerre. Tel est le monde. Quelle est ma relation à son égard? Je n'ai de rapport avec lui que si je suis cela. Si je ne le suis pas, je n'ai aucun rapport avec ce monde.
47:46 A: I understand that in terms of act. A: Je comprends cela en termes d'acte.
47:49 K: That's it.

A: In terms of act. Not a notion that I have.
K: Oui.

A: En termes d'acte. Pour moi, ce n'est pas une notion
47:53 K: For me the world is corrupt, is geared to kill. And I won't kill. What is my relationship to the man who goes and kills a baby seal? I say, my God, how can you do such a thing! You follow, sir? I want to cry about it. I do. How can you educate that man or the society which allows such a thing to happen? K: Pour moi, le monde est corrompu, il est équipé pour tuer. Et je ne veux pas tuer. Quel lien ai-je avec celui qui va tuer un bébé phoque? Je dis 'mon Dieu, comment peut-on faire une telle chose?' j'ai envie de pleurer. Comment éduquer cet homme, ou comment éduquer une société qui permet de telles choses?
48:26 A: Then perhaps I should rephrase the question and say, well, when I do whatever is done in making this pure act of attention, I am not separated from the world in which I am... A: Peut-être devrais-je reformuler la question et dire : eh bien, quand j'effectue cet acte d'attention pure, je ne suis pas distinct du monde dans lequel je me trouve.
48:46 K: I come to it from a different angle altogether. K: Je le regarde sous un angle tout différent.
48:49 A: Exactly. Fine. A: Exactement. Bien.
48:52 K: I come to it, sir, because there is something different in me operating. Compassion, love, intelligence, all that is operating in me. K: Je l'aborde, M., alors qu'autre chose fonctionne en moi : compassion, amour, intelligence, tout cela fonctionne en moi.
49:03 A: But it seems... It seems that two possibilities are here. On the one hand, making this pure act of attention doesn't require that I be in the physical presence of another human being, but of course, I am always in relation whether I am there or not.

K: Of course.
A: Mais je vois ici, me semble-t-il, deux possibilités. D'un côté, cet acte d'attention pure ne demande pas que je sois en présence physique d'un autre être humain, bien que, présent ou non, je sois toujours en relation.

K: Bien sûr.
49:23 A: Yes, I fully grasp that. But then the second possibility is that within conversation, as we are enjoying it together now, something occurs, something takes place. It's not that we must be together for it to take place. And it's not that we must be alone for it to take place. Therefore what we have established is that something occurs, which is quite beyond all these distinctions of inner and outer - you are over there, I'm over here. A: Je saisis pleinement cela. Mais alors la seconde possibilité est qu'au cours d'une conversation identique à celle que nous avons en ce moment, quelque chose se passe, quelque chose a lieu. Il n'est pas nécessaire que nous soyons ensemble, ni que nous soyons seuls, pour que cela ait lieu. Nous avons déterminé que quelque chose a lieu, qui se situe bien au-delà de ces distinctions entre intérieur et extérieur, vous et moi.
50:08 K: See what takes place, see what takes place. First of all, we are serious, really serious. Second, the killing, the corruption, we've cut it. We have finished with it. So, we stand alone, alone, not isolated. Because when the mind is not that, it is alone. It hasn't withdrawn, it hasn't cut itself off, it hasn't built an ivory tower for itself, it isn't living in illusion. It says, that is false! that is corrupt, I won't touch it! - psychologically, I may put on trousers, etc., but I won't touch inwardly, psychologically, that. Therefore it is completely alone. K: Voyez ce qui a lieu. Voyez ce qui se passe. Tout d'abord, nous sommes vraiment sérieux. Ensuite, le meurtre, la corruption, c'est terminé. Nous en avons fini avec cela. Ainsi, nous voilà seuls, seuls et non pas isolés. Car, lorsque l'esprit n'est pas tout cela, il est seul. Il ne s'est pas retranché, il ne s'est pas coupé, il ne s'est pas bâti une tour d'ivoire, il ne vit pas dans l'illusion. Il dit : tout cela est faux, corrompu, je n'y toucherai pas, psychologiquement. Je puis me vêtir etc., mais cela, je n'y toucherai pas intérieurement, psychologiquement. L'esprit est donc tout seul.
51:10 A: And it is saying this amidst all this mournful round. A: Et il le dit au milieu de tout ce train-train lugubre.
51:14 K: Therefore, being alone, it is pure. K: Par conséquent, étant seul, il est pur.
51:19 A: Chaste.

K: Therefore purity can be cut into a million pieces and it will remain still pure. It is not my purity or your purity, it is pure. Like pure water, it remains pure water.
A: Chaste.

K: Ainsi, cette pureté, même coupée en mille morceaux, restera pure. Cette pureté n'est ni mienne ni vôtre, elle est pure comme l'eau pure qui reste de l'eau pure.
51:38 A: Entirely full, too. Wholly full.

K: Wholly.
A: Et tout à fait pleine. Totalement pleine.

K: Totalement.
51:44 A: It takes us back to that Sanskrit: this is full, that is full. Fullness is issued forth from fullness. It's a pity that the English doesn't carry this, the melody that the Sanskrit does. A: Cela nous ramène au sanscrit où il est dit : 'ceci est plein, cela est plein, la plénitude sort de la plénitude.' Quel dommage que l'anglais ne traduise pas la mélodie de ces paroles sanscrites.
52:06 K: So you see, that's very interesting from this conversation what has come out. The thing is, we are frightened of being alone. Which is, we are frightened of being isolated. But every act a human being does is isolating himself. That is, his ambition is isolating himself. When he is nationalistic, he is isolating himself. When he says, it is my family - isolating himself. I want to fulfil - isolating himself. When you negate all that, not violently, but see the stupidity of all that, then you are alone. And that has tremendous beauty in it. And therefore that beauty you can spread it everywhere, but it still remains alone. So, the quality of compassion is that. But compassion isn't a word. It happens, it comes with intelligence. This intelligence will dictate, if my sister is attacked, at that moment. But it is not intelligence, if you say, what will you do if. Such a question, and an answer to that, is unintelligent. I don't know if... K: Voyez-vous, ce qui ressort de cette conversation est très intéressant. En fait, nous avons peur d'être seuls. C'est-à-dire que nous avons peur d'être isolés. Mais chaque acte qu'effectue un être humain l'isole. C'est son ambition qui l'isole. Lorsqu'il est nationaliste, il s'isole. Quand il dit : 'c'est ma famille', il s'isole; 'je veux satisfaire un désir', il s'isole. Quand vous écartez tout cela, sans violence, mais en voyez la stupidité, alors vous êtes seul. Et cela comporte une formidable beauté. Et donc cette beauté, vous pouvez la répandre partout, mais elle n'en demeure pas moins seule. La qualité de la compassion est donc cela. Mais ce n'est pas un mot. Cela se produit, cela vient avec l'intelligence. Si ma soeur est attaquée, cette intelligence agira à cet instant. Mais ce n'est pas l'intelligence qui vous fait dire 'que vais-je faire?' Cette question et sa réponse sont inintelligentes.
53:47 A: Oh yes, I am following you precisely. Je ne sais si...

A: Oh oui, je vous suis.
53:50 K: But it is unintelligence to say, well, I am going to prepare to kill all those people who are my enemies - you follow? - which is the army, the navy, the whole sovereign governments are doing it. So, love is something, sir, that is really chaste. Chastity is the quality of aloneness and therefore never hurt. I don't know... K: Mais il est inintelligent de dire 'je vais me préparer à tuer tous ces gens qui sont mes ennemis.' Vous suivez? L'armée, la marine, tous les gouvernements souverains le font. Ainsi, l'amour est quelque chose de réellement chaste. La chasteté est la qualité de la solitude qui ne peut jamais être blessée. Je ne sais pas...
54:22 A: It's interesting that in this one act one neither hurts himself, nor another. It's a total abstention from hurt. A: Dans cet acte précis, on ne blesse ni soi-même, ni autrui. Il y a abstention totale à cet égard.
54:33 K: Sir, wait a minute. I have given you all my money, because I trust you. And you won't give it to me; I say, please, give me a little... you won't. What shall I do? What is the act of intelligence? You follow, sir? Act of affection, act of compassion that says, what will it do? You follow my question? A friend of mine during the second world war, he found himself in Switzerland. He had quantities of money, plenty of money. And he had a great friend from childhood. And to that friend he said... - he had to leave the next minute, because something, you know, the war took place and he had to leave the country. So he took all the money and he said, here, my friend, keep it for me. I'll come back. I'll come back when the war is over. He comes back and says, please. He says, what money? K: Un instant, M. Je vous ai remis tout mon argent, car j'ai confiance en vous. Et vous ne voulez pas me le rendre; Je vous dis : 'donnez m'en un peu, svp'. Vous refusez. Que fais-je faire? Comment agit l'intelligence? Par un acte d'affection, de compassion qui dit : que va-t-elle faire? Vous comprenez ma question? Un de mes amis se trouvait en Suisse pendant la seconde guerre mondiale. Il avait énormément d'argent. Et il avait un grand ami d'enfance. Il lui dit qu'il devait partir immédiatement, car la guerre commençant, il devait quitter le pays et tout ce qui s'ensuit. Il prit tout son argent et dit : 'mon ami, garde-le pour moi. Je reviendrai quand la guerre sera finie'. Il revient et demande l'argent à son ami qui dit : quel argent?
55:40 A: Goodness me. A: Mon Dieu.
55:43 K: You follow, sir? So, what should he do? Not theoretically. You are put in that position. You give me something. You entrust me with something. And I say, yes, quite right, you have given me, now whistle for it. What is your responsibility? Just walk away?

A: No. If there were a means to recover it, then that would be done upon the instant.
K: Vous suivez, M.? Alors que doit-il faire? Pas théoriquement. Vous êtes dans cette situation. Vous me donnez quelque chose. Vous me chargez d'une mission. Et je dis oui, très bien, vous me l'avez donné, dancez maintenant. Quelle est votre responsabilité? Vous en aller?

A: Non. S'il y avait un moyen de le récupérer, cela serait fait sur le champ.
56:17 K: Intelligence.

A: Intelligence would take over.
K: L'intelligence...

A: ...s'en chargerait.
56:19 K: Therefore that's what I am saying. Love is not forgiveness - you follow? - I forgive and walk away. Love is intelligence. And intelligence means sensitivity, to be sensitive to the situation. And the situation, if you are sensitive, will tell you what to do. But if you are insensitive, if you are already determined what to do, if you are hurt by what you have done, then insensitive action takes place. I don't know if I...

A: Yes, yes, of course. Yes, of course. This raises very, very interesting questions about what we mean about conscience.

K: Yes.
K: C'est bien ce que je dis. Aimer n'est pas pardonner - vous suivez? - je pardonne et m'en vais. L'amour est intelligence. Intelligence signifie sensibilité, être sensible à la situation. Et la situation, si vous êtes sensible, vous dira quoi faire. Mais si vous êtes insensible, si vous êtes déjà décidé à agir, si vous êtes blessé par ce qui a été fait, alors une action insensible aura lieu. Je ne sais si...

A: Oui, bien sûr. Ceci soulève des questions très intéressantes sur ce que nous entendons par conscience.
57:12 A: And the word 'conscience', it seems to me, has invited an astonishing amount of... Et le mot 'conscience', me semble-t-il, a donné lieu à énormément de...
57:20 K: ...rubbish.

A: ...miscomprehension of what's going on.
K: ...sottises.

A: ...d'incompréhension de ce qui a lieu.
57:23 K: Therefore, sir, one has to investigate what is consciousness.

A: Yes.
K: Par conséquent, M., il faut étudier ce qu'est la conscience.

A: Oui.
57:29 K: I don't know if there is time now, but that requires... we'll do it tomorrow, another day: what is consciousness, and what is conscience, and what is the thing which tells you to do or not to do? K: J'ignore si nous en avons le temps maintenant, nous le ferons un autre jour : qu'est-ce que la conscience, et qu'est-ce qu'être conscient, quelle est la chose qui vous dit d'agir ou de ne pas agir?
57:50 A: Consciousness in its relation to relationship is something that, when we have a chance, I should like to explore with you. I remember years ago in graduate school, being very arrested by coming across the statement that was made by an American thinker - I think Montague was his name - when he said consciousness has been very badly understood, because it has been thought that there is something called 'sciousness'. But there is no such thing as 'sciousness'. We've got to get the 'con' in there, the together, the relationship. And without that we have had it. I do hope that next time, when we have the opportunity, in our next conversation we could explore that. A: La conscience dans son rapport avec la relation est quelque chose qu'à l'occasion j'aimerais explorer avec vous. Au collège, il y a longtemps, je me souviens avoir été alerté par une déclaration faite par un penseur américain - il s'appelait Montague, je pense - qui disait que le mot conscience a été très mal compris à cause de la présence du suffixe 'science'. Mais cela ne colle pas. Il faut y introduire le préfixe 'con' - l'ensemble, la relation - sans quoi, c'est l'échec. J'espère que la prochaine fois, nous aurons l'occasion d'explorer cela.
58:35 K: We have to discuss this question - living. K: Il nous faut discuter de cette question - vivre.