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SD74CA2 - Savoir et conflit dans la relation humaine
2e entretien avec le Dr. Allan W. Anderson
San Diego, USA
18 février 1974



0:37 Krishnamurti in Dialogue with Dr. Allan W. Anderson Dialogue entre Krishnamurti et le Dr. Allan W. Anderson.
0:42 J. Krishnamurti was born in South India and educated in England. For the past 40 years he has been speaking in the United States, Europe, India, Australia, and other parts of the world. From the outset of his life's work he repudiated all connections with organised religions and ideologies and said that his only concern was to set man absolutely unconditionally free. He is the author of many books, among them The Awakening of Intelligence, The Urgency of Change, Freedom From the Known, and The Flight of the Eagle. This is one of a series of dialogues between Krishnamurti and Dr. Allan W. Anderson, who is professor of religious studies at San Diego State University where he teaches Indian and Chinese scriptures and the oracular tradition. Dr. Anderson, a published poet, received his degree from Columbia University and the Union Theological Seminary. He has been honoured with the distinguished Teaching Award from the California State University. J. Krishnamurti naquit en Inde du sud et fut éduqué en Angleterre. Il donna pendant des décennies des conférences aux États-Unis, en Europe, en Inde, Australie et ailleurs dans le monde. Le travail qu'il effectua durant sa vie le conduisit à répudier toutes attaches avec les religions organisées et idéologies, son unique souci étant de libérer l'homme absolument et inconditionnellement. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont l'Eveil de l'Intelligence, le Changement Créateur, Se Libérer du Connu et le Vol de l'Aigle. Voici un des dialogues entre Krishnamurti et le Dr. A. W. Anderson, professeur de théologie à l'Université de San Diego, où il enseigne les Ecritures indiennes et chinoises et la tradition des oracles. Le Dr. Anderson, poète reconnu, est diplômé de l'Université de Columbia et du Séminaire Théologique de l'Union. L'Université de Californie l'a honoré en lui décernant le Prix de l'Enseignement.
1:48 A: Mr. Krishnamurti, in our previous conversation, I was extremely delighted, for myself at least, that we had made the distinction in terms of relation between knowledge and self-transformation, between, on the one hand, the relationship that I sustain with the world, - as the world is me and I am the world - and on the other hand, this dysfunctional condition, which indicates - in your phrase - that a person is involved in thinking that the description is the described. It would appear then that something must be done to bring about a change in the individual, and, going back to our use of the word 'individual', we could say - and you used the word earlier - that we are dealing with an observer. So if the individual is not to make the mistake of taking the description for the described, then he must, as an observer, relate to the observed in a particular way that is totally different from the way he has been in his confusion. I thought that, perhaps, in this particular conversation, if we pursued that it would be a link directly with what we had said prior. A: M. Krishnamurti, lors de notre dernier entretien j'ai été enchanté que nous ayons fait une distinction - à propos du savoir et de l'auto transformation - entre d'une part ma relation au monde, dans le sens où le monde est moi et je suis le monde, et d'autre part cette condition inadéquate selon laquelle, d'après vous, une personne pense à tort que la description est la chose décrite. Il semblerait alors qu'il faille faire quelque chose pour amener un changement dans l'individu, et pour revenir à l'usage du mot 'individu' on pourrait dire que c'est ici qu'intervient l'observateur. Dès lors, si l'individu doit éviter l'erreur de prendre la description pour la chose décrite, il doit alors se relier en tant qu'observateur à la chose observée d'une manière toute autre que celle qui émanait de sa confusion. Il m'a semblé que si nous pouvions peut-être poursuivre dans ce sens, cela ferait un lien avec ce qui a été dit précédemment.
3:25 K: What we said previously, wasn't it that there must be a quality of freedom from the known, otherwise the known is merely repetitive of the past, the tradition, the image, and so on. The past, surely, sir, is the observer. The past is the accumulated knowledge as the 'me' and the 'we', they' and 'us'. The observer is put together by thought as the past. Thought is the past. Thought is never free. Thought is never new, because thought is the response of the past as knowledge, as experience, as memory. K: Nous avons dit précédemment, n'est-ce pas, qu'il faut qu'il y ait une qualité de liberté à l'égard du connu, sinon le connu n'est qu'une répétition du passé, la tradition, l'image, et ainsi de suite. Assurément, M., le passé est l'observateur. Le passé est le savoir accumulé sous la forme du 'moi', du 'nous', 'vous', et 'eux'. L'observateur est construit par la pensée, c'est-à-dire le passé. La pensée est le passé. La pensée n'est jamais libre. Elle n'est jamais neuve, car elle est la réponse du passé en tant que savoir, qu'expérience, que mémoire.
4:38 A: Yes, I follow that. A: Oui, je suis cela.
4:40 K: And the observer, when he observes, is observing with the memories, experiences, knowledge, hurts, despairs, hope - all that, with all that background he looks at the observed. So the observer then becomes separate from the observed. Is the observer different from the observed? Which we will go into presently later on. That leads to all kinds of other things. So, when we are talking of freedom from the known, we are talking about the freedom from the observer. K: Et l'observateur, quand il observe, le fait avec les souvenirs, les expériences, le savoir, les blessures, désespoirs, espoirs, et à partir de tout ce fond il regarde l'observé. L'observateur se sépare donc de l'observé. L'observateur est-il distinct de l'observé? Nous allons aborder cela plus tard. Cela conduit à bien d'autres choses. Ainsi, quand on parle de se libérer du connu, on parle d'une liberté par rapport à l'observateur.
5:33 A: The observer, yes. A: De l'observateur, oui.
5:36 K: And the observer is the tradition, the past, the conditioned mind that looks at things, looks at itself, looks at the world, looks at me, and so on. So the observer is always dividing. The observer is the past and therefore it cannot observe wholly. K: Et l'observateur est la tradition, le passé, l'esprit conditionné qui regarde les choses, se regarde, regarde le monde, me regarde, et ainsi de suite. Donc l'observateur divise sans cesse. L'observateur est le passé et il ne peut donc observer pleinement.
6:10 A: If the person uses the first person pronoun 'I' while he is taking the description for the described, this is the observer he refers to when he says, 'I'. A: Si la personne se sert du pronom personnel 'je' en prenant la description pour la chose décrite, c'est à l'observateur qu'elle se réfère en disant 'je'.
6:27 K: 'I' is the past.

A: I see.
K: 'Je' est le passé.

A: Je vois.
6:32 K: 'I' is the whole structure of what has been: the remembrances, the memories, the hurts, the various demands - all that is put together in the word 'the I' who is the observer, and therefore division: the observer and the observed. The observer who thinks he is a Christian and observes a non-Christian, or a Communist, this division, this attitude of mind which observes with conditioned responses, with memories, and so on. So that is the known. K: 'Je' est toute la structure de ce qui a été : les remémorations, les souvenirs, les blessures, les diverses exigences - tout cela étant rassemblé dans le mot 'je', qui est l'observateur, d'où la division : l'observateur et l'observé; l'observateur qui se pense chrétien et observe un non-chrétien, ou un communiste, cette division, cette attitude de l'esprit qui observe avec des réactions conditionnées, des souvenirs, etc. Voilà ce qu'est le connu.
7:29 A: I see. A: Je vois.
7:30 K: I mean, I think that is logically so. K: Je pense qu'il en est logiquement ainsi.
7:33 A: Oh no, it follows precisely from what you have said. A: Cela découle précisément de ce que vous avez dit.
7:37 K: So, we are asking, can the mind, or the whole structure, can the mind be free from the known? Otherwise the repetitious action, repetitious attitudes, repetitious ideologies will go on, modified, changed, but it will be the same direction. K: Nous demandons donc : l'esprit - toute sa structure - peut-il être libéré du connu? Sinon, l'action répétitive, les attitudes répétitives, les idéologies répétitives continueront, modifiées, changées, mais toujours dans la même direction.
8:08 A: Do go ahead, I was going to say something, but I think I'll let it wait until you have finished what you have said. A: Poursuivez, j'allais dire quelque chose, mais j'attendrai que vous ayez fini de parler.
8:13 K: So, what is this freedom from the known? I think that is very important to understand because any creative action... I am using the word 'creative' in its original sense, not in the sense creative writing, creative... K: Qu'est-ce alors que cette liberté à l'égard du connu? Je pense qu'il est très important de le comprendre, car tout acte créateur... Je me sers du mot créateur dans son sens originel et non dans le sens d'une écriture créatrice...
8:33 A: I know. A: Je sais.
8:34 K: ...bakery, creative essay, creative pictures. I am not talking in that sense. In the deeper sense of that word creative means something totally new being born. Otherwise it is not creative, it is merely repetitive, modified, changed, or the past. So unless there is a freedom from the known, there is no creative action at all. Which is, freedom implies, not the negation of the known, but the understanding of the known, and that understanding brings about an intelligence, which is the very essence of freedom. K: ...de la pâtisserie créatrice, d'un essai créateur, d'images créatrices. Au sens profond de ce terme, créateur signifie la naissance d'une chose totalement neuve. Sinon, ce n'est pas créateur, mais simplement répétitif, modifié, changé, ou le passé. Donc s'il n'y a pas liberté à l'égard du connu, il ne peut y avoir d'acte créateur. C'est-à-dire que la liberté implique non pas la négation du connu, mais la compréhension du connu, et cette compréhension donne lieu à une intelligence qui est l'essence même de la liberté.
9:31 A: I'd like to make sure that I've understood your use of this word 'creative'. It seems to me very, very important. People who use the word 'creative' in the sense that you described: creative this, that, or the other...

K: That's a horror. That is a dreadful way of using that word.
A: J'aimerais être certain d'avoir compris votre usage du mot 'créateur'. Cela me semble très important. L'usage qu'en font les gens par rapport au vôtre : créateur de ceci, de cela, etc...

K: C'est l'horreur. C'est une façon terrible d'user de ce mot.
9:51 A: ...because what the issue is of their activity is something merely novel.

K: Novel, novel, that's right.
A: ...car ce qu'ils en font n'est que de l'originalité.

K: En effet.
9:59 A: Not radically new, but novel. A: Ce n'est pas radicalement neuf, mais original.
10:03 K: It's like creative writing, teaching creative writing. It's so absurd!

A: Exactly. Yes, now I do, I think, grasp precisely the distinction you have made. And I must say I fully agree with that.
K: C'est comme enseigner l'écriture créatrice. C'est absurde.

A: Exactement. Oui, je crois maintenant saisir précisément la distinction que vous en avez faite. Et je suis pleinement d'accord là-dessus.
10:20 K: Unless you feel new you cannot create anything new. K: Sans se sentir neuf, on ne peut rien créer de neuf.
10:26 A: That's right. And the person, who imagines that he is creative in this other sense that we pointed to, is a person whose reference for his activity is this observer that we mentioned, that is tied to the past. A: C'est exact, et la personne qui s'imagine être créative dans le sens que nous avons indiqué, est quelqu'un dont le critère d'activité est celui de l'observateur qui est lié au passé.
10:47 K: Yes, that's right.

A: So even if something does appear that is really extraordinarily novel, merely novel, but still extraordinarily novel, they are kidding themselves.
K: C'est exact.

A: Donc même si une chose apparaît comme étant vraiment extraordinairement originale, ce ne sera jamais qu'original, et l'on s'illusionne.
10:59 K: The novel is not the creative.

A: Exactly.
K: L'original n'est pas créateur.
11:01 K: The novel is just the... L'original n'est que...
11:04 A: And today especially, it seems to me, in our culture, we've become hysterical about this, because in order to be creative one simply must wrack his brains in order to produce something which in itself is bizarre enough to get attention. A: Et dans notre culture actuelle, il me semble que nous sommes devenus hystériques là-dessus, car pour être créatifs il suffit de se creuser la cervelle pour produire quelque chose de suffisamment bizarre pour attirer l'attention.
11:20 K: That's all. Attention, success. K: C'est tout : l'attention, le succès.
11:24 A: Yes. It has to be novel to the degree that I feel knocked on the head by it. A: Oui. Cela doit être original au point que j'en sois bouleversé.
11:31 K: Eccentric, and all the rest.

A: Exactly. But if that tension is increased, then, with each succeeding generation, the person is put to tremendous stress not to repeat the past, which he can't help repeating.
K: L'excentricité, etc.

A: Exactement. Mais si cette tension augmente, alors au fur et à mesure des générations la personne est soumise à un stress énorme pour ne pas céder à la pression de répéter le passé.
11:45 K: Repeating, quite. That's why I say freedom is one thing and knowledge is another. We must relate the two and see whether the mind can be free from knowledge. We won't go into it now. This is real meditation for me. You follow, sir?

A: Yes, I do.
K: De le répéter, oui.

K: Voilà pourquoi je dis que la liberté est une chose et le savoir une autre. Il faut les apparenter pour voir si l'esprit peut se libérer du savoir. On vera cela plus tard. Pour moi c'est la vraie méditation. Vous suivez M.?

A: Oui.
12:09 K: Because... when we'll talk about meditation, we will go into it. You see, whether the brain can record and be free not to record, to record and operate when necessary, in the recording, in the memory, in knowledge, and be free to observe without the observer. K: Car en parlant de méditation - nous allons y venir - on voit si le cerveau peut enregistrer et être libre de ne pas enregistrer, s'il peut enregistrer et fonctionner quand c'est nécessaire, dans le champ de la mémoire, du savoir, et être libre d'observer sans l'observateur.
12:43 A: Oh yes, yes, I see. That distinction seems to me absolutely necessary, otherwise it wouldn't be intelligible. A: Oh oui, je vois. Cette distinction me semble absolument nécessaire, sous peine de ne pas être intelligible.
12:53 K: So knowledge is necessary to act in the sense my going home from here to the place I live. I must have knowledge. I must have knowledge to speak English. I must have knowledge to write a letter, and so on, everything. The knowledge as function, mechanical function, is necessary. Now if I use that knowledge in my relationship with you, another human being, I am bringing about a barrier, a division between you and me, who is the observer. Am I making myself clear? K: Le savoir nous est donc nécessaire pour agir dans le sens où il me faut rentrer chez moi. Le savoir m'est nécessaire. Il m'en faut pour parler l'anglais. Il m'en faut pour écrire une lettre, et ainsi de suite, pour tout. Le savoir est nécessaire au fonctionnement mécanique. Mais si j'utilise ce savoir dans mes rapports avec vous, un autre être humain, j'introduis une barrière, une division entre vous et moi qui suis l'observateur. Suis-je clair?
13:46 A: I am the observed in that case. Right in that context. A: Dans ce cas précis, je suis observé.
13:50 K: That is, knowledge in a relationship, in human relationship, is destructive. That is, knowledge, which is the tradition, the memory, the image, which the mind has built about you, when we are related together, that knowledge is separative and therefore creates conflict in that relationship. As we said earlier, where there is division there must be conflict. Division between India and Pakistan, India and America, Russia, and all that, this divisive activity, politically, religiously, economically, socially, in every way, must inevitably bring conflict and therefore violence. That's obvious.

A: Exactly.
K: Ainsi, le savoir dans une relation, dans la relation humaine, est destructeur. Le savoir, c'est-à-dire la tradition, la mémoire, l'image que l'esprit s'est faite de vous au cours de nos échanges, ce savoir est séparateur et crée par conséquent le conflit dans cette relation. Comme nous l'avons déjà dit, là où il y a division il y a forcément conflit. La division entre l'Inde et le Pakistan, l'Inde et l'Amérique, la Russie, etc., cette activité de division politique, religieuse, économique, sociale, dans tous les domaines, engendre forcément le conflit, d'où la violence. C'est évident.

A: Exactement.
14:55 K: Now, when in relationship, in human relationship, knowledge comes between, then in that relationship there must be conflict, between husband and wife, boy and girl, wherever there is the operation as the observer, who is the past, who is knowledge, in that activity there is division and therefore conflict in relationship. K: Ainsi, quand le savoir s'interpose dans la relation humaine, cette relation comporte inévitablement du conflit : entre mari et femme, garçon et fille, partout où fonctionne l'observateur qui est le passé, le savoir, cette activité comporte la division, d'où le conflit dans la relation.
15:29 A: So now the question that comes up next is the one of freedom from being subject to this repetitive round. A: Dès lors, la question suivante est celle de la liberté à l'égard de ce cercle vicieux répétitif.
15:41 K: That's right.

A: Good, good.
K: C'est exact.

A: Bien.
15:43 K: Now is that possible? You follow, sir? It is an immense question because human beings live in relationship.

A: Yes.
K: Alors, est-ce possible, M.? C'est une immense question, car les êtres humains vivent dans la relation.
15:57 K: There is no life without relationship. Life means to be related. Il n'y a pas de vie sans relation. Vivre signifie être relié.
16:07 A: Exactly. A: Exactement.
16:09 K: People who retire into a monastery, and all that, they are still related, however they might like to think they are alone, they are actually related, related to the past. K: Ceux qui se retirent dans un monastère sont toujours reliés, quand bien même se plaisent-ils à se croire seuls, ils sont en fait reliés au passé.
16:21 A: Oh yes, very much so. A: Oh oui, en effet.
16:23 K: To their saviour, to their Christ, to their Buddha, - you follow? - all that, they are related to the past. K: A leur sauveur, leur Christ, leur Bouddha, - vous suivez? - ils sont reliés au passé.
16:30 A: And their rules.

K: And their rules, everything.
A: Et à leurs règles.

K: Leurs règles, tout cela.
16:32 A: Yes.

K: They live in the past and therefore they are the most destructive people, because they are not creative in the deeper sense of that word.
Ils vivent dans le passé et ce sont donc les gens les plus destructeurs qui soient, car ils ne sont pas créatifs au sens le plus profond de ce mot.
16:46 A: No, and they also, in so far as they are involved in this confusion that you have been talking about, are not even producing anything novel. Not that that means anything, but perhaps that would rather radically... A: Non, et dans la mesure où ils font partie de cette confusion dont vous avez parlé, ils ne produisent rien d'original. Non que cela signifie quoi que ce soit, mais peut-être...
17:04 K: The novel would be, for a man who is talkative, to enter a monastery where they don't talk. That's a novel to him and he says that's a miracle! K: L'original pour un bavard serait d'aller dans un monastère où règne le silence. Pour lui, c'est original et il appelle cela un miracle !
17:13 A: Right. A: Exact.
17:15 K: So our problem then is: what place has knowledge in human relationship? K: Notre problème est donc celui-ci : quelle est la place du savoir dans la relation humaine?
17:25 A: Yes, that's the problem.

K: That's one problem. Because relationship with human beings is the highest importance, obviously, because out of that relationship we create the society in which we live. Out of that relationship all our existence comes.
A: Oui, c'est le problème.

K: C'est un des problèmes. Car la relation entre êtres humains est de prime importance, évidemment, car c'est à partir de cette relation que nous créons la société dans laquelle nous vivons. Toute notre existence émerge de cette relation.
17:50 A: This would take us back again to the earlier statement: I am the world and the world is me. That is a statement about relationship. It's a statement about many other things too, but that is a statement about relationship. The statement 'the description is not the described' is the statement of the rupture of the relationship... A: Ceci nous ramènerait à l'énoncé précédent : je suis le monde et le monde est moi. Cet énoncé s'applique à la relation. Il s'applique à bien d'autres choses aussi, mais en l'occurrence, il concerne la relation. L'énoncé 'la description n'est pas l'objet décrit' s'applique à la rupture de la relation...
18:15 K: That's right.

A: ...in terms of everyday activity.
K: C'est exact.

A: ...en termes d'activité quotidienne.
18:19 K: Sir, everyday activity is my life, is our life. K: M., l'activité quotidienne est ma vie, votre vie.
18:23 A: Is everything. Yes, precisely. A: Est tout. Oui, précisément.
18:25 K: Whether I go to the office, the factory, or drive a bus, or whatever it is, it is life, living. K: Que je me rende au bureau, à l'usine, que je conduise un bus, peu importe, c'est vivre.
18:32 A: But it is interesting, isn't it, that even when that rupture is undergone at a very destructive level, what we call thought - in the context of our description of it and image - becomes itself even distorted. A: Mais il est intéressant de noter que même lorsque cette rupture a lieu à un niveau très destructeur, nous avons recours pour la décrire à la pensée, et l'image se constitue, même déformée.
18:53 K: Of course, of course.

A: So that the distortion, that we've been calling knowledge in terms of its application, - not 'I need to know how to get from here to there', of course - can itself suffer an even worse condition than we are presently related to, and we have tomes upon tomes about that pathology in itself, don't we? Please, please, do go on.
K: Evidemment.

A: De sorte que la déformation que nous avons appelée 'le savoir' dans son acception habituelle, et non tel que vous le définissez - 'je dois savoir comment aller d'ici à là - peut empirer encore bien plus que celle qui nous affecte actuellement, et nous avons des volumes sur cette pathologie. N'est-ce pas ? Poursuivez je vous prie.
19:22 K: So knowledge and freedom: they must both exist together, not freedom 'and' knowledge. It's the harmony between the two. The two operating all the time in relationship. K: Donc savoir et liberté : les deux doivent coexister, pas la liberté distincte du savoir. C'est l'harmonie entre les deux, les deux fonctionnant continuellement dans la relation.
19:44 A: The knowledge and freedom in harmony. A: Le savoir et la liberté en harmonie.
19:48 K: In harmony. It's like they can never be divorced. If I want to live with you in great harmony, which is love, - which we will discuss later on - there must be this absolute sense of freedom from you, not dependency, and so on, so on, so on, this absolute sense of freedom and operating at the same time in the field of knowledge. K: En harmonie. Comme s'ils ne pouvaient jamais être séparés. Si je veux vivre avec vous en grande harmonie, ce qui est l'amour, dont nous discuterons plus tard, il faut qu'il y ait ce sentiment de liberté absolue à votre égard, pas de dépendance, etc., etc., ce sentiment de liberté absolue tout en fonctionnant simultanément dans le domaine du savoir.
20:24 A: Exactly. So somehow this knowledge, if I may use a theological word here without prejudicing what we are talking about, if in correct relationship with this freedom, is somehow continuously redeemed, it is somehow operating no longer destructively, but in coordination with the freedom, in which I may live, because we haven't got to that freedom yet, we are just positing freedom. Exactly. A: Exactement. Ainsi, en quelque sorte, ce savoir - si je puis me permettre d'user d'un terme théologique sans nuire à ce dont nous parlons - s'il reste en bon équilibre avec cette liberté, est en quelque sorte continuellement racheté, il ne fonctionne plus de façon destructrice, mais en accord avec la liberté dans laquelle je puis vivre, car n'ayant pas encore cette liberté, nous ne pouvons que la postuler.
21:05 K: We have somewhat analysed, or discussed, or opened, the question of knowledge.

A: Yes.
K: Nous avons en quelque sorte analysé, discuté ou ouvert la question du savoir.

A: Oui.
21:13 K: And we haven't gone into the question of freedom, what it means. K: Et nous n'avons pas abordé celle de la liberté, de sa signification.
21:18 A: No, but we have established something, I think, that this conversation so far has revealed, which is terribly important, at least I'd say for my students in terms of helping them not to misunderstand what you are saying. A: Non, mais nous avons établi quelque chose, que cette conversation a révélé, je pense, ce qui est terriblement important, tout au moins pour les étudiants, en contribuant à les aider à ne pas se méprendre sur ce que vous dites.
21:38 K: Quite.

A: I have the feeling that many persons, because they are not sufficiently attentive to what you say, simply dismiss many statements you say out of hand as...
K: Tout à fait.

A: Je sens que faute de prêter assez d'attention à ce que vous dites, nombreux sont ceux qui rejettent certains de vos énoncés comme étant...
21:51 K: ...impossible.

A: ...as either impossible, or if they like the aesthetics of it, it still doesn't apply to them. It's a lovely thing out there: 'Wouldn't it be great if somehow we could do this?' But, you see, you haven't said that. You haven't said what they think you have said. You've said something about knowledge with respect to pathology, and you've said something about knowledge, in which knowledge itself is no longer destructive.

K: No.
K: ...impossibles.

A: ...soit impossibles, soit qu'ils en apprécient l'esthétique, mais que cela ne s'applique pas à eux. Cela paraît merveilleux, ne serait-ce pas bien si nous pouvions le mettre en pratique. Mais vous n'avez pas dit cela. Vous n'avez pas dit ce qu'ils pensent que vous avez dit. Vous avez parlé du savoir au regard de la pathologie, et avez dit une chose selon laquelle le savoir n'est plus destructeur en tant que tel.

K: Non.
22:21 A: So we're not saying that knowledge as such is the bad guy and something else is the good guy. No, no. I think it is terribly important that that's seen, and I wouldn't mind it being repeated over and over again, because I do heartily feel that it's easy to misunderstand. A: Nous disons donc que le savoir en tant que tel est mauvais et qu'autre chose est utile. Je pense qu'il est très important que ceci soit vu, et il ne serait pas inutile de le répéter sans cesse, car je sens très fort que c'est facile à comprendre.
22:44 K: That's very important, because religion, at least the meaning of that word is to gather together, to be attentive. That is the true meaning of that word 'religion'. I have looked it up in a dictionary.

A: Oh yes, I agree.
K: C'est très important, car le mot religion, tout au moins dans son vrai sens, est de rassembler, d'être attentif. Quel est le véritable sens de ce mot 'religion'. Je l'ai cherché dans un dictionnaire.
23:04 K: Gathering together all energy to be attentive. To be attentive, otherwise it's not religion. Religion is all the things... we'll discuss that when we come to it. So freedom means the sense of complete austerity and a sense of total negation of the observer. Rassembler toute l'énergie afin d'être attentif; être attentif, autrement ce n'est pas la religion. La religion est tout ce qui... Nous en discuterons le moment venu. Donc la liberté est un sentiment d'austérité absolue et d'un refus total de l'observateur.
23:36 A: Exactly. A: Exactement.
23:40 K: Out of that comes austerity, everything else - we'll go into that later on. K: L'austérité et tout le reste émanent de cela. Nous verrons cela plus tard.
23:45 A: But austerity in itself doesn't produce it. A: Mais l'austérité en tant que telle ne produit rien.
23:48 K: No. Upside down.

A: So we've turned that upside down.
K: Non, c'est l'inverse.

A: Nous avons donc tout inversé.
23:51 K: Austere means, really, the word itself means ash, dry, brittle. But the austerity of which we are talking about is something entirely different.

A: Yes.
K: Le mot austérité vient de cendre, sec, cassant. Mais l'austérité dont nous parlons est tout autre chose.
24:08 K: It is the freedom that brings about this austerity, inwardly. C'est la liberté qui amène cette austérité intérieure.
24:13 A: There is a beautiful biblical phrase that points to this, just three words, 'beauty for ashes', when the transformation takes place. And in English we have the phrase 'ashes in the mouth' when the whole thing has come to ashes. But there is a change from ashes to beauty. A: Une belle phrase biblique va dans ce sens, très brève : 'la beauté pour des cendres', quand la transformation a lieu. Et en anglais : 'des cendres plein la bouche', quand tout a été réduit en cendres. Mais il y a un changement de la cendre à la beauté.
24:35 K: So freedom in action in the field of knowledge and in the field of human relationship, because that is the highest importance: human relationship. K: [Il y a] donc une liberté dans le domaine du savoir et dans celui de la relation humaine, car celle-ci revêt une importance primordiale - la relation humaine.
24:56 A: Oh yes, yes. Oh yes, particularly if I am the world and the world is me. A: Oh oui, oui, surtout si je suis le monde et le monde est moi.
25:02 K: Obviously.

A: Yes.
K: De toute évidence.
25:04 K: So what place has knowledge in human relationship? Knowledge in the sense of past experience, tradition, image. K: Quelle est alors la place du savoir dans la relation humaine? 'Savoir' dans le sens de l'expérience passée, de la tradition, de l'image.
25:21 A: Yes. A: Oui.
25:22 K: What place has the observer, - all that is the observer - what place has the observer in human relationship? K: Cet observateur, qui est-il? Toute cela est l'observateur; quelle est la place de l'observateur dans la relation humaine?
25:34 A: What place has knowledge on the one hand, what place has the observer. A: Quelle est la place du savoir, quelle est la place de l'observateur?
25:38 K: Observer is the knowledge.

A: Is the knowledge. But there is the possibility of seeing knowledge not simply negatively, but in co-ordination in true creative relationship. Right.
K: L'observateur est le savoir.

A: Le savoir. Mais est-il possible de voir le savoir pas seulement négativement, mais en corrélation dans une relation vraie et créatrice.
25:54 K: I have said that.

A: Exactly.
K: J'ai dit cela.

A: Exactement.
25:57 K: I am related to you, let's say, to make it very simple. I'm related to you, you are my brother, husband, wife, whatever it is, and what place has knowledge as the observer, which is the past, and knowledge is the past, what place has that in our relationship? K: Pour simplifier, disons que j'ai un lien avec vous. Je vous suis relié, vous êtes mon frère, mon mari, ma femme, qui vous voudrez; quelle place a le savoir en tant qu'observateur, qui est le passé, le savoir étant le passé, quelle place cela a-t-il dans notre relation?
26:28 A: If our relationship is creative... A: Si notre relation est créatrice...
26:33 K: It is not. Not 'if,' we must take it actually as it is. I am related to you, I am married to you, I am your wife or husband, whatever it is. Now, what is the actuality in that relationship? The actuality, not theoretical actuality, but the actuality is that I am separate from you. K: Elle ne l'est pas. Pas de 'si', il faut prendre la réalité telle qu'elle est. Je vous suis lié, je suis marié avec vous, je suis votre femme ou votre mari, peu importe. Quelle est la réalité de cette relation? La réalité, pas une réalité théorique, la réalité étant que je suis distinct de vous.
27:00 A: The actuality must be that we are not divided. A: La réalité veut que nous ne soyons pas divisés.
27:03 K: But we are. I may call you my husband, my wife, but I am concerned with my success, I am concerned with my money, I am concerned with my ambitions, my envy, I am full of me. K: Mais nous le sommes. J'aurais beau dire que vous êtes mon mari, ma femme, mais je me préoccupe pourtant de ma réussite, de mon argent, je me préoccupe de mes ambitions, de mon envie, je suis plein de moi.
27:23 A: Yes, I see that, but I want to make sure now that we haven't reached a confusion here. A: Oui, je le vois, mais je veux m'assurer de ce que nous ne faisons pas de confusion ici.
27:31 K: Yes, we have.

A: When I say that the actuality is that we are not separate, I do not mean to say that, at the phenomenal level, that a dysfunction is occurring. I am fully aware of that. But if we are going to say that the world is me and I am the world...
K: Oui, en effet.

A: Quand je dis que la réalité est que nous ne sommes pas distincts, je ne prétends pas qu'au niveau phénoménal il se produit une disfonction. J'en suis très conscient. mais si nous avançons que le monde est moi et je suis le monde...
27:49 K: We say it theoretically, we don't feel it. K: Nous le disons théoriquement, sans le ressentir.
27:52 A: Precisely. But if that is the case, that the world is me and I am the world, and this is actual, this is actual... A: Précisément. Mais si c'est le cas, que le monde est moi et que je suis le monde, et il en est effectivement ainsi...
28:04 K: This is actual only when I have no division in myself. K: Ce ne l'est que si je ne suis pas divisé.
28:08 A: Exactly. Exactly.

K: But I have a division.
A: Exactement.

K: Mais j'ai une division.
28:12 A: If I have a division, then there is no relationship between one and the other.

K: Therefore one accepts the idea that the world is me and me is the world. That is just an idea. Look, sir.
A: Si j'ai une division, il n'y a pas de relation entre l'un et l'autre.

K: Par conséquent, on admet l'idée que le monde est moi et que je suis le monde. Ce n'est qu'une idée. Regardez M.
28:32 A: Yes, I understand. But if and when it happens... A: Oui, je comprends. Mais si et quand cela arrive...
28:35 K: Wait. Just see what takes place in my mind. I make a statement of that kind: 'the world is you and you are the world'. The mind then translates it into an idea, into a concept, and tries to live according to that concept. K: Attendez. Voyez seulement ce qui a lieu dans mon esprit. Je fais la déclaration suivante : 'le monde est vous et vous êtes le monde.' L'esprit la traduit alors en une idée, un concept, et essaie de vivre selon ce concept.
28:56 A: Exactly. A: Exactement.
28:57 K: It has abstracted from reality. K: Cela s'est abstrait de la réalité.
29:04 A: This is knowledge in the destructive sense. A: C'est le savoir au sens destructeur du terme.
29:09 K: I won't call it destructive or positive. This is what is going on. K: Pour moi ce n'est ni destructeur, ni positif. C'est ce qui a lieu.
29:13 A: Well, let's say the issue from it is hell. A: Disons donc que l'issue en est l'enfer.
29:17 K: Yes. So, in my relationship with you what place has knowledge, the past, the image, - which is the observer, all that is the observer - what place has the observer in our relationship? Actually the observer is the factor of division. K: Oui. Alors, partant de ma relation avec vous, quelle est la place du savoir, du passé, de l'image, c'est-à-dire de l'observateur qui est tout cela, quelle est la place de celui-ci dans notre relation? En fait, l'observateur est le facteur de division.
29:44 A: Right. A: Bien.
29:46 K: And therefore the conflict between you and me, this is what is going on in the world everyday. K: Il y a donc conflit entre vous et moi, c'est ce qui a lieu tous les jours dans le monde.
29:53 A: Then one would have to say, it seems to me, following the conversation point by point, that the place of this observer, - understood as you have pointed it out - is the point of dysrelationship. A: Alors, il me semble qu'il faudrait dire, pour suivre la conversation point par point, que la place de l'observateur, comme vous l'avez indiqué, détermine le point de non-relation.
30:13 K: Is the point where there is really actually no relationship at all. I may sleep with my wife, and so on, so on, but actually there is no relationship, because I have my own pursuits, my own ambitions, all the idiosyncrasies, and so on, and she has hers, so we are always separate and therefore always in battle with each other. Which means the observer, as the past, is the factor of division. K: C'est le point à partir duquel il n'y a en fait pas la moindre relation. J'aurai beau coucher avec ma femme, etc., il n'y a en fait aucune relation, parce que j'ai mes propres buts, mes propres ambitions, tous les particularismes, etc., et elle a les siens et nous sommes donc toujours séparés et donc toujours en lutte l'un contre l'autre. Cela signifie qu'en tant que passé, l'observateur est le facteur de division.
30:58 A: Yes, I was just wanting to be sure that the phrase is the place... of 'what is the place of the observer' was understood in the context of what we are saying. We have made the statement that there is such a thing. A: Oui, je voulais simplement m'assurer que la phrase... 'quelle est la place de l'observateur' était comprise dans le contexte de ce que nous disons. Nous avons énoncé qu'une telle chose existe.
31:12 K: Yes. K: Oui.
31:13 A: Well, its place as such would seem to me not to be what we usually mean by its occupying a place. A: Le mot 'place' ne signifie peut-être pas ce que l'on entend habituellement par 'occuper une place'.
31:22 K: Yes.

A: We are talking rather about an activity here that is profoundly disordered.
K: Oui.

A: Nous parlons plutôt ici d'une activité profondément désordonnée.
31:30 K: Sir, as long as there is the observer, there must be conflict in relationship. K: M., tant qu'il y a un observateur, le conflit dans la relation est inévitable.
31:39 A: Yes, I follow that.

K: Wait, wait, see what happens. I make a statement of that kind, someone will translate it into an idea, into a concept and say, 'How am I to live that concept?' The fact is he doesn't observe himself as the observer.
A: Oui, je suis.

K: Attendez, voyez ce qui a lieu. Je fais une telle déclaration, et quelqu'un va la traduire en idée, en concept, et dire 'comment puis-je vivre ce concept?' Le fait est qu'il ne s'observe pas en tant qu'observateur.
32:03 A: That's right. That's right. He is the observer looking out there, making a distinction between himself... A: C'est exact. Il est l'observateur qui regarde au dehors, faisant une distinction entre lui-même...
32:09 K: ...and the statement.

A: Right. Making a division.
K: ...et la déclaration.

A: Exact. Faisant une division.
32:13 K: Division. Has the observer any place at all in relationship? I say no, the moment he comes into existence in relationship, there is no relationship. K: Une division. L'observateur a-t-il la moindre place dans la relation? Je dis non : dès l'instant où il apparaît dans la relation, il n'y a pas de relation.
32:35 A: The relationship is not.

K: Is not.
A: La relation n'existe pas.
32:38 A: It is not something that is in dysrelationship. Ce n'est pas une sorte de non-relation.
32:42 K: Yes, that's right.

A: We are talking about something, that in fact doesn't even exist.

K: Exist. Therefore we have to go into the question why human beings in their relationship with other human beings are so violent, because that is spreading throughout the world. I was told the other day in India, a mother came to see me, very Brahmanical family, very cultured, and all the rest of it. Her son, who is six, when she asked him to do something he took up a stick and began to hit her. A thing unknown. You follow, sir? The idea that you should hit your mother is traditionally something incredible! And this boy did it. And I said, 'See what is the fact', we went into it, she understood. So, to understand violence, one has to understand division.
K: Oui, c'est exact.

A: Nous parlons en fait d'une chose qui n'existe même pas.

K: Par conséquent, il nous faut aborder la question de savoir pourquoi, dans leur relation aux autres, les êtres humains sont si violents, car cela se répand à travers le monde. L'autre jour, en Inde, une mère est venue me voir, venant d'une famille brahmane, très cultivée, et tout le reste. Son fils de six ans, alors qu'elle lui demandait de faire quelque chose, prit un bâton et commença à la frapper. Du jamais vu. Vous suivez, M.? L'idée même que vous frappiez votre mère est traditionnellement incroyable. Et ce garçon le fit. J'ai dit : voyons le fait. Et elle a compris. Ainsi, comprendre la violence c'est comprendre la division.
33:56 A: The division was already there.

K: There.
A: La division était déjà là.

K: Déjà là
33:59 A: Otherwise he would not have picked up the stick. A: Sinon, il n'aurait pas ramassé le bâton.
34:02 K: Division between nations, you follow, sir? This race for armaments is one of the factors of violence. Which is, I am calling myself American and he is calling himself Russian, or Hindu, or whatever it is. This division is the factor of real violence and hatred. When a mind sees that, it cuts away all division in himself. He is no longer a Hindu, American, Russian. He is a human being with his problems which he is then trying to solve, not in terms of India, or America, or Russia. So we come to the point: can the mind be free in relationship, which means orderly, not chaotic, orderly. K: La division entre nations, vous suivez, M. Cette course aux armements est un des facteurs de violence. Ainsi, je me prétends Américain, et il se prétend Russe ou Indien, ou ce que vous voudrez. Cette division est le facteur d'une réelle violence et de haine. Si, ou plutôt quand un esprit voit cela, il tranche toute division en lui-même. Il n'est plus Indien, Américain, Russe. Il est un être humain avec ses problèmes qu'il essaie de résoudre, pas en tant qu'Indien, qu'Américain ou que Russe. Nous en sommes donc au point suivant : l'esprit peut-il être libre dans la relation, c'est-à-dire ordonné, non chaotique?
35:12 A: It has to be, otherwise you couldn't use the word 'relationship'.

K: No. No. So can the mind be free of that? Free of the observer?
A: Il le faut, sinon le mot 'relation' n'a pas de sens.

K: Non. Alors l'esprit peut-il être délivré de l'observateur?
35:25 A: If not, there is no hope.

K: That's the whole point.
A: Sinon, pas d'espoir.

K: C'est toute la question.
35:29 A: If not, we've had it.

K: Yes. And all the escapes, and going off into other religions, doing all kinds of tricks, has no meaning. Now, this demands a great deal of perception, insight, into the fact of your life: how one lives one's life. After all, philosophy means the love of truth, love of wisdom, not the love of some abstraction.
A: Sinon, c'est perdu.

K: Oui. Et toutes les fuites, vers d'autres religions, et toutes sortes de stratagèmes n'ont aucun sens. Mais ceci demande une grande perception, une vision pénétrant le fait de notre vie, la façon dont on la vit. Après tout, philosophie veut dire amour de la vérité, amour de la sagesse, et non amour d'une abstraction.
36:03 A: Oh no, no, no. Wisdom is supremely practical. A: Oh non, non. La sagesse est éminemment pratique.
36:07 K: Practical. Therefore here it is. That is, can a human being live in relationship in freedom and yet operate in the field of knowledge? K: Pratique. Donc nous y voilà : un être humain peut-il vivre en relation dans la liberté, tout en fonctionnant dans le champ du savoir?
36:24 A: And yet operate in the field of knowledge, yes. A: Dans le champ du savoir, oui.
36:26 K: And be absolutely orderly. Otherwise it is not freedom. Because order means virtue. K: Et être absolument ordonné. Sinon, point de liberté, car l'ordre signifie la vertu.
36:40 A: Yes, yes. A: Oui, oui.
36:42 K: Which doesn't exist in the world at the present time. There is no sense of virtue in anything. Then we repeat. Virtue is a creative thing, is a living thing, is a moving thing. K: Ce qui n'existe pas dans le monde d'aujourd'hui. Le sentiment de vertu n'existe nulle part. On se contente de répéter. La vertu est créatrice, c'est une chose vivante, mouvante.
36:57 A: I am thinking, as you are saying this about virtue, which is really power, which is really the ability to act, and if I am following you correctly, what you are really saying, - and please correct me if I am way off here - what you are really saying is that the ability to act in the strict sense which must be creative, otherwise it's not an action, but it is simply a reaction. A: Pendant que vous parliez de vertu, je pensais qu'elle a vraiment un pouvoir, c'est-à-dire une réelle aptitude à agir, et si je vous suis correctement, ce que vous dites en fait, et corrigez moi si je me trompe, ce que vous dites en fait est que cette aptitude à agir, stricto sensu, doit être créatrice, sinon ce n'est pas une action, mais seulement une réaction.
37:43 K: A repetition.

A: A repetition. That the ability to act, or virtue, as you put it, bears with it necessarily the implication of order. It must. It seems to me no way out of that. Yes, I just wanted to recover that a step at a time.
K: Une répétition.

A: Une répétition. Cette aptitude à agir, ou cette vertu, implique nécessairement l'ordre. Il n'y a pas d'alternative, me semble-t-il. Oui, je voulais seulement éclaircir la chose.
38:10 K: So can I come back? In human relationship, as it exists now, - we are looking at that what actually is - in that human relationship there is conflict, sexual violence, and so on, so on, so on, every kind of violence. Now, can man live at total peace, otherwise he is not creative, in human relationship, because that is the basis of all life. K: Alors, puis-je reprendre? La relation humaine, telle qu'elle existe à présent, en la regardant telle qu'elle est, cette relation humaine comporte le conflit, la violence sexuelle, etc., etc., toutes les formes de violence. Alors, l'homme peut-il vivre dans une paix totale? Sinon il n'est pas créatif dans sa relation humaine, car c'est sur celle-ci que repose toute vie.
38:55 A: I'm very taken with the way you have pursued this. I noticed that, when we asked this question 'is it possible that..'. the reference for it is always a totality. And the reference over here is a fragment, or a fragmentation, or a division. Never once have you said that the passage from one to the other is a movement that even exists, you see. A: Je suis très frappé par la façon dont vous avez conduit ceci. J'ai remarqué que quand nous avons posé la question 'est-il possible que', cela recouvre toujours une totalité, alors qu'on se réfère ici à un fragment, une fragmentation, ou encore une division. Vous n'avez jamais dit que le passage de l'un à l'autre peut exister en tant que mouvement.
39:32 K: No. It can't exist. Quite, quite. Absolutely. K: Non. Cela ne se peut.

A: Vous voyez.

K: Doucement. Absolument.
39:35 A: I think, Mr. Krishnamurti, that nothing is so difficult to grasp as this statement that you have made. There is nothing that we are taught, from childhood up, to render such a possibility. A matter for taking seriously, because when... - one doesn't like to make sweeping statements about the way everybody has been educated - but I'm thinking of myself, from a child upward, all the way through graduate school, accumulating a lot of this knowledge that you have been talking about. I don't remember anybody saying to me, or even pointing me to a literature that so categorically makes this distinction between one and the other as... - in terms of each other - not accessible to each other through passage. A: M. Krishnamurti, je pense que rien n'est aussi difficile à saisir que ce que vous venez de dire. Rien de ce qu'on nous enseigne depuis l'enfance ne nous incite à rendre cela possible, à en faire un sujet à prendre avec sérieux. On n'a bien sûr pas envie de développer de manière exhaustive la méthode selon laquelle chacun a été éduqué, mais je vois chez moi-même que l'enfant est amené à accumuler tout au long de sa scolarité une grande quantité de ce savoir dont vous avez parlé. Pour ma part, je n'ai aucun souvenir d'avoir jamais rencontré qui que ce soit qui m'ait indiqué un ouvrage faisant si catégoriquement la distinction entre l'un et l'autre, en termes de passage de l'un à l'autre qui ne soit accessible de la sorte.
41:00 K: No. No, no, quite, quite. K: Non, non, tout à fait.
41:02 A: Now, I'm correct in understanding you there, aren't I? A: Est-ce que je vous comprend bien, là?
41:05 K: Quite right. K: Tout à fait.
41:08 A: Maybe I could just say this as an aside. A: Ce n'est qu'une remarque.
41:10 K: The fragment can't become the whole. K: Le fragment ne peut devenir le tout.
41:13 A: No. The fragment cannot become the whole, in and of itself. A: Non. Le fragment ne peut devenir le tout, en lui-même.
41:16 K: But the fragment is always trying to become the whole. K: Mais le fragment cherche toujours à devenir le tout.
41:19 A: Exactly. Exactly. Now, of course, in the years of very serious and devoted contemplation and exploration of this, - which quite clearly you have undertaken with great passion - I suppose it must have occurred to you that the first sight of this, while one is in the condition of the observer, must be very frightening - in the condition of the observer, the thought that there is no passage. A: Exactement. Bien entendu, au cours des années de très sérieuses exploration et de contemplation que vous avez clairement entreprises avec grande passion, je suppose qu'il doit vous être apparu qu'à première vue, le fait d'être dans la situation de l'observateur doit susciter une grande frayeur à la pensée qu'il n'y a aucun passage.
41:59 K: No. But you see, I never looked at it that way. K: Non, mais je n'ai jamais regardé cela ainsi.
42:04 A: Please tell me how you looked at it. Please. A: Veuillez me dire comment vous l'avez regardé.
42:11 K: From childhood I never thought I was a Hindu. K: Même enfant, je ne me suis jamais pris pour un Hindou.
42:17 A: I see. A: Je vois.
42:18 K: I never thought when I was educated in England and all the rest of it, that I was European. I never was caught in that trap. I don't know how it happened, I was never caught in that trap. K: Quand j'ai été éduqué en Angleterre, je ne me suis jamais considéré comme Européen. Je ne me suis jamais laissé prendre à ce piège. J'ignore comment cela a eu lieu, je n'ai jamais été pris dans ce piège.
42:33 A: Well, when you were quite little then and your playmates said to you, well now, look, you are a Hindu, what did you say?

K: I probably put on Hinduism and all the trappings of Brahmin tradition, but it never penetrated deeply.
A: Eh bien, quand vous étiez petit et que vos camarades vous disaient 'voyons, tu es un Hindou', que répondiez-vous?

K: Il est probable que je revêtais les attributs de la tradition brahmane, mais cela n'a jamais pénétré profondément.
42:51 A: As we say in the vernacular, it never got to you. A: Selon l'expression, cela ne vous a jamais atteint.
42:54 K: It never got to me, that's right.

A: I see. That's very remarkable. That's extraordinary. The vast number of people in the world seem to have been got to in respect to this.
K: Cela ne m'a jamais atteint, c'est cela.

A: Je vois. C'est vraiment remarquable. La grande majorité des gens semble avoir été atteinte par cela.
43:08 K: That's why, I think, you see, propaganda has become the means of change. K: Voilà pourquoi je pense que la propagande est devenue l'instrument du changement.
43:27 A: Yes. Yes. A: Oui.
43:29 K: Propaganda is not truth. Repetition is not truth. K: La propagande n'est pas la vérité. La répétition n'est pas la vérité.
43:36 A: It's a form of violence too.

K: That's just it. So a mind that merely observes doesn't react to what it observes according to its conditioning, which means there is no observer at any time, therefore no division. It happened to me, I don't know how it happened, but it has happened. And, in observing all this, I've seen every human relationship, every kind of human relationship, there is this division and therefore violence. And to me the very essence of non-relationship is the factor of me and you.
A: C'est une forme de violence.

K: C'est bien cela. Donc un esprit qui se contente d'observer ne réagit pas à ce qu'il observe selon son conditionnement. Ce qui signifie qu'à aucun moment il n'y a d'observateur, donc de division. Cela m'est arrivé, j'ignore comment, mais cela a eu lieu. Et en observant tout cela, j'ai vu que dans toutes les relations humaines, quelles qu'elles soient, il y a cette division, d'où la violence. Et pour moi, l'essence même de la non relation est le facteur du 'moi et vous'.
44:31 A: I was just trying to go back in my own personal history and think of when I was a child. I did, while accepting that I was different, I did believe that, I did come to accept that, there was something else, however, that always held me very, very hard to centre in terms of making an ultimate issue of that, and that was an experience I had when I was rowing a boat. I spent some time in Scandinavia as a child, and I used to take a boat out on the fjord every day, and when I would row, I was profoundly moved by the action of the water, when I moved the oar, because I lifted the oar out of the water and there was separation in substance between the water and the oar, but the water, which was necessary for support and for purchase, so that I could propel myself, never lost touch with itself, it always turned into itself without ever having left itself in the beginning. And once in a while I would laugh at myself and say, if anyone catches you looking at this water any longer than you are doing, they will think that you are clear out of your mind. This is the observer talking to himself, of course. But that made such a profound impression on me that I think... I think it was what you might call a little salvation for me, and I never lost that. So maybe there is some relationship between that apprehension, which I think changed my being, and what it is you are talking about as one who never ever suffered this sense of separation at all. Yes. Please go ahead. A: J'essayais de revenir sur ma propre histoire en réfléchissant à mon enfance. Tout en me sachant différent, je croyais néanmoins en l'existence de quelque chose d'autre qui me liait toujour très, très fermement à un centre que je considérais comme quelque chose d'ultime. J'en fis l'expérience en ramant dans une barque, alors qu'enfant je séjournais en Scandinavie, et que tous les jours j'allais faire du bateau dans un fjord; pendant que je ramais, j'étais prodondément ému par le mouvement de l'eau créé par l'effet de la rame : le fait de sortir la rame de l'eau produisait une séparation de substance entre l'eau et la rame, mais l'eau étant un support nécessaire à l'action de la rame pour propulser ma barque, elle ne perdait jamais le contact avec elle-même, faisant intrinsèquement partie d'un tout. Et je me surprenais parfois à rire de moi, pensant : si on te voyait regarder l'eau comme tu le fais, on penserait que tu as perdu l'esprit. C'est bien sûr l'observateur qui parle tout seul. Mais cela m'a fait une telle impression qu'à mon sens cela pourrait se définir comme un salut qui m'a été donné et que je n'ai jamais perdu. Peut-être y aurait-il un lien entre cette perception, laquelle, je pense, a changé mon être, et ce dont vous parlez en tant que personne qui n'a jamais éprouvé ce sentiment de séparation. Oui. Poursuivez, je vous prie.
46:43 K: So this brings us to the point, sir, doesn't it, can the human mind, which has evolved in separation, in fragmentation... K: Ceci nous amène donc à demander, n'est-ce-pas M., si l'être humain, qui a évolué dans la séparation, dans la fragmentation...
47:03 A: This is where evolution is. Yes. A: C'est là où en est l'évolution. Oui.
47:05 K: ...can such a mind transform, undergo a regeneration, which is not produced by influence, by propaganda, by threat and punishment, because if it changes because it is going to get a reward... K: ...si un tel esprit peut subir une régénération, qui n'est induite ni par influence, ni par propagande, menace ou punition, car s'il change pour recevoir une récompense, alors...
47:33 A: It hasn't changed.

K: ...it hasn't changed. So that is one of the fundamental things which one has to ask and answer it in action, not in words.
A: Il n'a pas changé.

K: ...il n'a pas changé. Voilà donc une des choses fondamentales qu'il faut se demander et y répondre en actes, pas en paroles.
47:47 A: In action. Oh yes.

K: Which is: my mind, the human mind, has evolved in contradiction, in duality - the 'me' and the 'not me' - has evolved in this traditional cleavage, division, fragmentation. Now, can that mind observe this fact, observe without the observer, and only then there is a regeneration. As long as there is an observer observing this, then there is a conflict. I don't know if I make myself clear.
A: En actes. Oh oui.

K: C'est-à-dire : mon esprit, l'esprit humain a évolué dans la contradiction, la dualté - le 'moi' et le 'non-moi' - a évolué dans ce clivage, cette division, cette fragmentation traditionnels. Alors, cet esprit peut-il observer ce fait, l'observer sans l'observateur, et seulement alors y a-t-il régénération. Tant qu'il y a un observateur qui l'observe, il y a un conflit. Je ne sais si je suis clair.
48:38 A: Yes, you do. You make yourself very clear on two levels. On the level of discourse alone, - which I know is not your major concern - on a level of discourse alone it necessarily follows that it must be the case that this possibility exists, otherwise we would be talking nonsense. But then the agony of the situation at large that we have been describing is simply that whether this can be done or no never occurs to a person, and in the absence of it even occurring, the repetition is going to continue indefinitely and things are going to get worse and worse. A: Oui. Vous êtes très clair à deux niveaux. Au niveau du discours - je sais que ce n'est pas votre souci majeur - de ce niveau là il découle nécessairement qu'il faut qu'il en soit ainsi, que cette possibilité existe, sinon ce discours n'aurait aucun sens. Mais alors, le tragique de la situation qu'en gros nous venons de décrire est que le seul fait que cela puisse être accompli ou non n'est jamais envisagé et qu'en cas d'impossibilité, la répétition continuera indéfiniment et les choses iront de mal en pis.
49:26 K: Sir, the difficulty is most people won't even listen. K: M., la difficulté est que les gens n' écouteront même pas.
49:33 A: I'm sighing. I know that. A: Je soupire. Je le sais.
49:37 K: Won't listen. If they do listen, they listen with their conclusions. If I am a Communist, I will listen to you up to a point. After that I won't listen to you. And if I am slightly demented, I will listen to you and translate what I hear according to my dementia.

A: Exactly.
K: N'écouteront pas. S'ils écoutent, ils le font avec leurs conclusions. Si je suis un communiste, je vous écouterai partiellement. Après quoi je ne vous écouterai plus. Et si je suis légèrement perturbé, je vous écouterai et traduirai ce que j'entends selon ma perturbation.

A: Exactement.
50:09 K: So one has to be extraordinarily serious to listen. Serious in the sense put aside my peculiar prejudices and idiosyncrasies and listen to what you are saying, because the listening is the miracle: not what shall I do with what you have said. K: Il faut donc être extraordi- nairement sérieux pour écouter. Serieux dans le sens où j'écarte mes propres préjugés et particularismes pour écouter ce que vous dites, car c'est l'écoute qui est le miracle, pas ce que je vais faire de ce que vous avez dit.
50:38 A: Not what shall I listen to. A: Pas de ce que je vais écouter.
50:41 K: But the act of listening.

A: But the act of listening itself. We are back to 'ing' where there's listening itself.
K: Mais de l'acte d'écouter.

A: Mais l'acte même d'écouter. Nous voilà revenus là où seul existe l'acte d'écouter.
50:52 K: That requires... I mean, you are good enough to listen to me because you want to find out. But the vast majority say, what are you talking about, I want to go on enjoying myself, so go and talk to somebody else. So, to create an atmosphere, to create an ambience, a feeling that: life is dreadfully serious, my friend, do listen. It's your life, don't waste it, do listen. To bring about a human being that will listen is the greatest importance, because we don't want to listen. It's too disturbing. K: Cela requiert que vous ayez la bonté de m'écouter, parce que vous voulez découvrir. Mais la majorité des gens dit 'de quoi parlez-vous, je veux continuer à m'amuser, allez donc parler à d'autres.' Alors, pour créer une atmosphère, une ambiance, un sens du formidable sérieux de la vie, écoutez, mon ami. Il s'agit de votre vie, ne la gâchez pas, écoutez. Faire naître un être humain qui voudra écouter est ce qu'il y a de plus important, parce que nous ne voulons pas écouter. C'est trop dérangeant.
51:41 A: I understand. I have tried sometimes in class to make this very point. And sometimes I suggest that we should watch the animal, especially the wild animal, because if it's not listening it's likely dead. A: Je comprends. J'ai quelque fois essayé de préciser ce point dans ma classe. Et parfois, j'ai suggéré que nous observions l'animal, surtout l'animal sauvage qui, s'il n'écoute pas, risque la mort.
52:03 K: Dead, yes, sir. K: La mort, oui M.
52:05 A: There is this extraordinary attention that it makes, and every instant of its life is a crisis. A: Il prête cette attention extraordinaire, et chaque instant de sa vie est une crise.
52:17 K: Absolutely. K: Absolument.
52:20 A: And you know what happens, the eyes out there show in the main that they are thinking I am talking about animal psychology. I'm not talking about psychology at all, I'm talking about what is the case which is either-or, and there isn't any way to get from either to or. That's what I mean. So I think I understand you. A: Et savez-vous ce qui arrive, les regards, là-bas, indiquent qu'ils pensent que je parle de psychologie animale. Je ne parle nullement de psychologie, je parle d'une situation de 'soit / ou', et il n'y a aucun moyen de passer de soit à ou. Voilà ce que je veux dire. Je crois vous comprendre.
52:41 K: In America what is happening now, as I observe it - I may be mistaken - they are not serious. They are playing with new things, something entertaining, go from one thing to the other. And they think this is searching. K: En Amérique, il se trouve que, d'après ce que je vois - je puis me tromper - on n'est pas sérieux. On joue avec des nouveautés, des choses divertissantes, passant de l'une à l'autre, pensant que c'est de la recherche.
53:06 A: Searching! A: De la recherche !
53:09 K: Searching, asking, but they get trapped in each one of them.

A: Yes.
K: Cherchant, s'enquérant, mais se faisant piéger sur toute la ligne.
53:15 K: And at the end of it they have nothing but ashes. So it is becoming more and more difficult for human beings to be serious, to listen, to see what they are, not what they should be. Et en fin de compte, il ne reste plus que des cendres. Il devient donc de plus en plus difficile pour les êtres humains d'être sérieux, d'écouter, de voir ce qu'ils sont, pas ce qu'ils devraient être.
53:36 A: No. What is the case.

K: What is.
A: Ce qu'il en est.

K: Ce qui est.
53:38 A: Exactly. A: Exactement.
53:39 K: That means: 'please do listen for five minutes!' In this conversation you are listening, because you are interested, you want to find out, but the vast majority of people say, for God's sake, leave me alone, I have my little house, my wife, my car, my yacht, or whatever it is, for God's sake, don't change anything as long as I live. K: Ce qui signifie que vous avez bien voulu écouter 5 minutes. Cette conversation, vous l'écoutez, car cela vous intéresse, vous voulez découvrir. Mais en majorité les gens disent 'pour l'amour du ciel, laissez-moi tranquille, j'ai ma petite maison, mon épouse, mon auto, mon yacht, peu importe, pour l'amour du ciel, ne changez rien tant que je vis'.
54:13 A: You know, going back to what I do know something about, namely the Academy, because I am situated there in terms of day-to-day activity. I've often remarked to myself in attending conferences, where papers are read, that nobody is listening. It's one long monologue. And after a while you get the feeling that it really is a shocking waste of time. And even to sit down and have coffee, the discussion, say, between classes, usually runs on the basis of babble, we are just talking about things that we are not genuinely interested, in order to fill up space. This, however, is far more serious a matter than simply a description of what's going on. A: Vous savez, pour revenir à un sujet que je connais, en l'occurence l'Académie, c'est là que se situe mon activité quotidienne, j'ai souvent remarqué qu'assistant à des conférences où sont lus des papiers, personne n'écoute. Ce ne sont que longs monologues, et au bout d'un moment, on sent que ce n'est vraiment qu'une perte de temps. Et même en s'asseyant entre les cours devant un café, la discussion n'est souvent qu'un simple bavardage portant sur des choses qui ne sont pas vraiment intéressantes, pour passer le temps. Ici, il s'agit d'un sujet bien plus sérieux qu'une simple description de ce qui a lieu.
55:13 K: It's a matter, I feel, of life and death. If the house is burning, I've got to do something. It isn't I am going to discuss who burned the house. K: C'est pour moi un sujet de vie et de mort. Si la maison brûle, il me faut agir et pas me mettre à discuter de qui a mis le feu,
55:25 A: No. No.

K: What colour his hair was, whether it was black or white or purple. I want to put that fire out.
de la couleur de ses cheveux, qu'elle fut noire, blanche ou pourpre. Je veux éteindre ce feu.
55:32 A: Or: if such and such had not happened the house would not be burning. Right. I know, I know.

K: And I feel it is so urgent, because I see it in India, I see in Europe and America, everywhere I go, this sense of slackness, sense of, you know, despair, and sense of hopeless activity that is going on. So to come back to what we are saying, relationship is the highest importance. When in that relationship there is conflict, we produce a society which will further that conflict, through education, through national sovereignties, through all the rest of it that is going on in the world. So, a serious man, serious in the sense who is really concerned, committed, must give his total attention to this question of relationship, freedom and knowledge.
A: Ou de ce qui aurait pu empêcher que la maison ne brûle. En effet. Je sais.

K: Et j'en ressens toute l'urgence, je le vois en Inde, en Europe et en Amérique; où que j'aille, j'ai cette impression de grande négligence, vous savez, de désespoir, de l'inutilité de tout ce qui s'y déroule. Revenons donc à notre propos : la relation humaine est de la plus haute importance. Quand cette relation comporte le conflit, nous produisons une société qui perpétuera ce conflit, à travers l'éducation, les souverainetés nationales, à travers tout ce qui a lieu dans le monde. Donc un homme sérieux, dans le sens de quelqu'un qui se sent vraiment concerné, engagé, doit prêter une attention totale à cette question de la relation, de la liberté et du savoir.
56:48 A: If I've heard you correctly, and I don't mean by that words that have passed between us, but if I have truly heard you, I've heard something very terrifying: that this disorder that in part we have described has a built-in necessity in it. As long as it persists, it can never change. It can never change.

K: Obviously.
A: Si je vous ai bien compris, et je n'entends pas par là les mots que nous avons échangés, mais si je vous ai vraiment entendu, ce que j'ai entendu est terrifiant en ce sens que ce désordre que nous avons partiellement décrit s'est emmuré dans sa propre nécessité. Tant qu'il persiste, il ne peut jamais changer. Jamais.

K: Evidemment.
57:26 A: Any modification of it is...

K: Further disorder.
A: Toute modification n'est que...

K: Plus de désordre.
57:30 A: ...is more of the same.

K: More of the same.
A: ...plus de la même chose.

K: C'est cela.
57:32 A: More of the same. I have the feeling and I hope I have understood you correctly, that there is a relationship between the starkness of this necessity and the fact that there cannot be a gradual progress or, as a philosopher would put it, something like essential progress, but nevertheless there is some demonic progress that takes place within this disorder, that is not so much a progress as it is a proliferation of the same. Necessarily so. Is that what you've been saying? Necessarily so. A: Plus de la même chose. J'ai l'impression, et j'espère vous avoir bien compris, qu'il y a un lien entre la rigidité de cette nécessité et le fait qu'il ne peut y avoir de progrès graduel ou, comme le dirait un philosophe, quelque chose comme un progrès essentiel, mais néanmoins, un certain progrès démoniaque qui intervient dans ce désordre, qui n'est pas tant un progrès qu'une prolifération de la même chose. C'est logique. Est-ce bien ce que vous avez dit?
58:19 K: You know, that word 'progress', I was told the other day, meant entering into enemy's country fully armed. K: Vous savez, on m'a dit l'autre jour que ce mot 'progrès' voulait dire pénétration en armes d'un pays ennemi.
58:29 A: Really? Progress is entering into an enemy's country fully armed. Dear me! A: Vraiment? Le progrès, c'est pénétrer en armes un pays ennemi. Grands dieux !
58:43 K: Sir, this is what is happening.

A: Oh, I know. Next time we converse, the next time, I would like very much, if you would be good enough, to pursue precisely what we have just come to, namely this necessity, and the necessity that produced that statement.

K: Yes, quite.
K: M., c'est ce qui a lieu.

A: Oh, je sais. Lors de notre prochain entretien, j'aimerais beaucoup, si vous le voulez bien, que nous poursuivions là où nous en sommes arrivés, notamment cette nécessité, et celle qui a donné lieu à cette déclaration.

K: Oui, entendu.