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SD74CA6 - La nature de la peur et son éradication totale
6e entretien avec le Dr. Allan W. Anderson
San Diego, USA
20 février 1974



0:37 Krishnamurti in Dialogue with Dr. Allan W. Anderson Dialogue entre Krishnamurti et le Dr. Allan W. Anderson.
0:42 J. Krishnamurti was born in South India and educated in England. For the past 40 years he has been speaking in the United States, Europe, India, Australia, and other parts of the world. From the outset of his life's work he repudiated all connections with organised religions and ideologies and said that his only concern was to set man absolutely unconditionally free. He is the author of many books, among them The Awakening of Intelligence, The Urgency of Change, Freedom From the Known, and The Flight of the Eagle. This is one of a series of dialogues between Krishnamurti and Dr. Allan W. Anderson, who is professor of religious studies at San Diego State University where he teaches Indian and Chinese scriptures and the oracular tradition. Dr. Anderson, a published poet, received his degree from Columbia University and the Union Theological Seminary. He has been honoured with the distinguished Teaching Award from the California State University. J. Krishnamurti naquit en Inde du sud et fut éduqué en Angleterre. Il donna pendant des décennies des conférences aux États-Unis, en Europe, en Inde, Australie et ailleurs dans le monde. Le travail qu'il effectua durant sa vie le conduisit à répudier toutes attaches avec les religions organisées et idéologies, son unique souci étant de libérer l'homme absolument et inconditionnellement. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont l'Eveil de l'Intelligence, le Changement Créateur, Se Libérer du Connu et le Vol de l'Aigle. Voici un des dialogues ayant eu lieu entre Krishnamurti et le Dr. A. W. Anderson, professeur de théologie à l'Université de San Diego où il enseigne les Ecritures indiennes et chinoises et la tradition des oracles. Le Dr. Anderson, poète reconnu, est diplômé de l'Université de Columbia et du Séminaire Théologique de l'Union. L'Université de Californie l'a honoré en lui décernant le Prix de l'Enseignement.
1:51 A: Mr. Krishnamurti, if I recall correctly, I think we had begun to talk together last time just at the point where the question of fear arose, and I think we both, perhaps, could explore that together a little.

K: Yes, I think so. I wonder how we can approach this problem, because it is a common problem in the world. Everyone, or I can say, almost everyone, is frightened of something. It may be the fear of death, fear of loneliness, fear of not being loved, fear of not becoming famous, successful, and also fear of not having physical security, and the fear of not having psychological security. There are so many multiple forms of fears. Now, to go into this problem really very deeply, can the mind, which includes the brain, be really, fundamentally, free of fear? Because fear, as I have observed, is a dreadful thing.
A: M. Krishnamurti, si je me souviens bien, je pense que lors de notre dernier entretien nous en étions arrivés au sujet de la peur, et nous pourrions peut-être explorer cela ensemble un petit peu.

K: Oui, je le pense. Je me demande comment on pourrait aborder cela, car c'est un problème courant dans le monde. Chacun, ou disons, presque chacun, a peur de quelque chose. Peur de la mort, peur de la solitude, peur de ne pas être aimé, peur de ne pas connaître la célébrité, et aussi peur de ne pas avoir de sécurité physique, et peur de ne pas avoir de sécurité psychologique. Il y a une telle multicplicité de peurs. Dès lors, pour pénétrer très profondément ce problème, l'esprit, qui comprend le cerveau, peut-il être vraiment, profondément délivré de la peur? Car, comme j'ai pu l'observer, la peur est une chose épouvantable.
3:45 A: Oh yes. A: Oh oui.
3:46 K: It darkens the world, it destroys everything. And I don't think we can discuss fear, which is one of the principles in life, without also discussing - or going into - the pursuit of pleasure. The two sides of the same coin. K: Elle obscurcit le monde, détruit tout. Et je ne pense pas que l'on puisse parler de la peur, laquelle est un des principes vitaux, sans également discuter de ou approfondir la recherche du plaisir - les deux faces de la médaille.
4:17 A: Fear and pleasure, two sides of the same coin. Yes. A: Peur et plaisir, les deux faces de la médaille. Oui.
4:23 K: So we are going to first take fear. There is conscious as well as unconscious fears. Fears that are observable, that can be remedied, and fears that are deep rooted, deep in the recesses of one's mind. K: Commençons donc par la peur. Il y a des peurs conscientes et inconscientes. Des peurs observables auxquelles on peut remédier, et des peurs profondément enracinées dans les replis de l'esprit.

A: Dans l'inconscient.
4:50 A: At the unconscious level.

K: At the deeper levels. Now, we must be concerned with both, not only the obvious external fears, but also the deep seated undiscovered fears. The fears that have been handed down, traditional fears.
K: Aux niveaux les plus profonds. C'est de ces deux niveaux qu'il faut se préoccuper, non seulement des peurs externes évidentes, mais encore des peurs profondes et cachées, les peurs inculquées, traditionnelles.
5:20 A: Being told what to fear.

K: What to fear, and also fears that the mind itself has produced, has cultivated.
A: Qu'on nous a dit d'avoir.

K: Et aussi les peurs produites, cultivées par l'esprit.
5:29 A: In one's personal history. A: Dans notre histoire personnelle.
5:31 K: Personal and also in relation to others, fears of physical insecurity, losing a job, losing a position, losing something, and all the positive: not having something, and so on and on. So, if we are going to talk about this question, how should we, you and I, approach this? First take the outer, the obvious physical fears, and then from there move to the inner, and so cover the whole field, not just one little fear of an old lady, or an old man, or a young man, take the whole problem of fear.

A: Good.
K: Personnelle et en rapport aux autres; peurs de l'insécurité physique, de perdre son emploi, sa situation ou quoi que ce soit, tout le positif, manquer de quelque chose, etc., etc. Alors, si nous voulons parler de cette question, comment devrions-nous, vous et moi, aborder cela? En commençant par l'extérieur, par les peurs physiques évidentes, et de là procéder vers l'intérieur, pour couvrir le champ tout entier, pas seulement la petite peur d'une vieille dame, d'un vieux monsieur ou d'un jeune homme, mais tout le problème de la peur.
6:39 K: Not just take one leaf of fear, or one branch of it, but the whole movement of fear. Ne se limitant pas à effeuiller branche par branche, mais en prenant tout le mouvement de la peur.
6:49 A: Yes. We are back to that word 'movement' again. A: Oui. Nous voilà revenus à ce mot 'mouvement'.
6:52 K: Movement.

A: Good, good. The whole movement of fear.
K: Le mouvement.

A: Bien. Tout le mouvement de la peur.
6:56 K: Now, outwardly, physically, it is becoming obvious that we must have security, physical security. That is, food, clothes, and shelter are absolutely necessary. Not only for the Americans, for the whole humanity. K: Extérieurement, physiquement, il est d'ores et déjà évident qu'il nous faut la sécurité, la sécurité physique. Nourriture, vêtements et abri sont absolument nécessaires. Pour les Américains comme pour toute l'humanité.
7:20 A: Yes, of course.

K: It's no good saying 'We are secure and to hell with the rest of the world'. The world is you! And you are the world. You can't isolate yourself and say, 'I am going to be secure' and not bother about the others.
A: Oui.

K: Il n'est pas bon de dire 'nous sommes en sécurité, au diable le reste du monde'. Le monde est vous, et vous êtes le monde. On ne peut s'isoler et dire 'je vais être en sécurité et ne pas me préoccuper des autres'.
7:37 A: Secure myself against them. A: Me sécuriser contre eux.
7:39 K: It becomes a division, conflict, war, all that it produces. So that physical security is necessary for the brain. The brain can only function, as I have observed it in myself, in others - not that I am an expert on brain, or neurology and all that - but I have observed it. The brain can function only in complete security. Then it functions efficiently, healthily, not neurotically. And its actions won't be lopsided, disorderly. The brain needs security, as a child needs security. That security is denied, when we separate ourselves: the Americans, the Russians, the Indians, the Chinese. National division has destroyed that security because wars. K: Cela donne division, conflit, guerre, tout cela. Donc cette sécurité physique est nécessaire au cerveau. Comme je l'ai observé chez moi et chez les autres - je ne suis pas un spécialiste du cerveau, ou un neurologue, etc. - le cerveau ne peut fonctionner qu'en étant en complète sécurité. Alors, il fonctionne efficacement, sainement, sans être névrotique. Ses actes ne seront pas déséquilibrés, désordonnés. Le cerveau a besoin de sécurité, comme un enfant en a besoin. Cette sécurité nous est refusée quand nous nous séparons : Les Américains, les Russes, les Indiens, les Chinois. La division nationale a détruit cette sécurité, d'où les guerres.

A: Oui, c'est une barrière physique.

K: Un fait physique.
8:52 A: Yes, that is a physical barrier.

K: Physical fact. And yet we don't see that. Sovereign governments, with their armies, with their navies, and all the rest of it, are destroying security.
Et pourtant nous ne le voyons pas. Les gouvernements souverains avec leurs armées, marines, etc., détruisent la sécurité.
9:08 A: In the name of providing it. A: Sous prétexte de la donner.
9:12 K: So, you see, what we are trying to get at is how stupid the mind is. It wants security - and it must have security - and yet it is doing everything to destroy that security. K: Ce que nous essayons de démontrer, c'est combien l'esprit est stupide. Il veut la sécurité. Il lui faut la sécurité, et pourtant il fait tout pour la détruire.
9:32 A: Oh yes, yes. I see that. A: Oh oui. Je le vois.
9:34 K: So that's one factor. And the factor of security is in jobs. Either in a factory, in a business, or as a priest in his job. So occupation becomes very important. K: Voilà donc un des facteurs. Et il y a un facteur de sécurité dans les emplois : emploi dans une usine, une affaire, ou comme prêtre. L'occupation prend donc une grande importance.
10:00 A: Indeed it does. A: En effet.
10:02 K: So, see what is involved. If I lose my job, I am frightened, and that job depends on the environment, on the production, business, factory - all that, commercialism, consumerism, and therefore competition with other countries. France isolating itself because it wants to... which is happening. So we need physical security and we are doing everything to destroy it. If all of us said, look, let's all get together, not with plans, not my plan, your plan, or the communist plan, or Mao plan, let's as human beings sit together and solve this problem. They could do it! Science has the means of feeding people. But they won't, because they are conditioned to function so as to destroy security which they are seeking. So that's one of the major factors in physical security. Then there is the fear of physical pain. Physical pain in the sense: one has had pain, let's say, last week. Mind is afraid that it should happen again. So there is that kind of fear. K: Voyez alors ce que cela implique. Si je perds mon emploi, je prends peur, et cet emploi dépend de l'environnement, de la production, des affaires, de l'usine - tout celaj du commerce, de la consommation, d'où une concurrence avec d'autres pays. La France s'isolant parce ce qu'elle veut... ce qui a lieu. On a donc besoin de sécurité physique et l'on fait tout pour la détruire. Si nous disions tous 'rassemblons-nous, pas d'après des plans, le mien ou le vôtre, ou celui du communiste, de Mao, mais asseyons-nous assemble et résolvons ce problème. Cela serait possible. La science a les moyens de nourrir les gens. Mais ils ne feront pas, car ils sont conditionnés à fonctionner de façon à détruire la sécurité qu'ils recherchent. Voilà donc un des facteurs majeurs de sécurité physique. Puis il y a la peur de la douleur physique. Une douleur physique dans le sens où l'on a eu mal physiquement la semaine dernière. L'esprit a peur que celle-ci se reproduise. Voilà donc une sorte de peur.
12:05 A: That's very interesting with respect to the phenomenon of physical pain, because what is remembered is not the neurological reaction, but the emotion that attends what occurred. A: C'est très intéressant par rapport au phénomène de la douleur physique, car ce n'est pas la réaction neurologique dont on se souvient mais l'émotion qu'elle a suscitée.
12:17 K: Yes, that's it. So there is that fear. K: Oui, c'est cela. Il y a donc cette peur.
12:20 A: Right, right. A: Exact.
12:23 K: Then there is the fear of outward opinion, what people say, public opinion. K: Puis il y a la peur de l'opinion d'autrui, de ce que disent les gens, l'opinion publique.
12:33 A: Reputation.

K: Reputation. You see, sir, all this is born out of disorder. I don't know if I'm...

A: Oh yes, yes.
A: La réputation.

K: La réputation. Vous voyez, M., tout cela est né du désordre. Je ne sais si je suis...

A: Oh oui.
12:46 K: Which we discussed.

A: Which we looked into previously.
K: Ce dont nous avons discuté.

A: Et vu auparavant.
12:49 K: So, can the mind bring about security, physical security, which means food, clothes, and shelter for everybody? Not as a communist, as a capitalist, as a socialist, or as a Mao, but meet together as human beings to resolve this problem. It can be done! But nobody wants to do it, because they don't feel responsible for it. I don't know if you have been to India, if you have gone from town to town, to village as I have done, you see the appalling poverty, the degradation of poverty, the sense of hopelessness of it. K: Alors, l'esprit peut-il amener la sécurité, la sécurité physique, à savoir nourriture, vêtements et abri pour tout le monde? Pas en tant que communiste, capitaliste, socialiste, ou maoïste, mais en tant qu'êtres humains se rassemblant pour résoudre ce problème. Cela peut être fait. Mais personne ne le fera, faute de s'en sentir responsable. Je ne sais si vous êtes allé en Inde, si vous êtes allé de ville en ville comme je l'ai fait, voyant cette épouvantable pauvreté, la dégradation, le sentiment de désespérance qui en résultent.
13:52 A: Yes, I have been to India, and it was the first time in my life that I sensed poverty, not simply as a privation, but it seemed to have a positive character about it. It was so stark.

K: I know, sir. Personally, we have been through all that. So, physical survival is only possible when human beings get together. Not as communists, socialists, all the rest, as human beings who say, look, this is our problem, for God's sake, let's solve it. But they won't, because they are burdened with problems, with planning how to solve that! I don't know if I am...

A: Yes, yes, you are.
A: Oui, je suis allé en Inde, et c'est la première fois que j'ai ressenti la pauvreté, non comme une simple privation, mais comme une chose comportant un côté positif. C'était si absolu.

K: Je sais M. Nous sommes passé par tout cela. Donc, la survie physique n'est possible que quand les êtres humains se rassemblent. Non comme communistes, socialistes, etc., en tant qu'êtres humains disant 'c'est notre problème, résolvons le pour l'amour du ciel'. Mais ils ne le feront pas, étant surchargés de problèmes, de planification sur la façon de le résoudre. Je ne sais si je suis...

A: Oui, vous l'êtes.
14:46 K: You have your plan, I have my plan, he has his plan, so plans becomes most important, most important rather than the starvation. And we fight each other. And common sense, affection, care, love can change all this. Sir, I won't go into that. Then the fear of public opinion. Do you understand, sir? What my neighbour will say. K: Vous avez votre plan, j'ai le mien, il a le sien, aussi la planification prédomine, les plans prennent le pas sur la famine. Et nous nous battons mutuellement. Et le bon sens, l'affection, la sollicitude peuvent changer tout cela. Je ne m'étendrai pas là-dessus. Puis la peur de l'opinion publique. Vous comprenez, M.? De ce que dira votre voisin.
15:21 A: My image, the national image, yes. A: Mon image, l'image nationale, oui.
15:25 K: And I depend on my neighbour. K: Et je dépends de mon voisin.
15:30 A: Oh yes, necessarily. A: Oh oui, nécessairement.
15:32 K: If I am a Catholic living in Italy, I have to depend on my neighbour, because I'll lose my job if I am a Protestant there. So I accept it. I go and salute the pope, or whatever, it has no meaning. So I am afraid of public opinion. See what a human mind has reduced itself to. I don't say, 'To blazes with public opinion because that's stupid, they are conditioned, they are frightened as much as I am'. So there is that fear. And there is the fear, physical fear of death, which is an immense fear. That fear one has to tackle differently when we come to it, when we talk about death and all that.

A: Yes.
K: Si j'étais un catholique, vivant en Italie, je dépendrais de mon voisin, car je perdrais mon emploi si j'étais un protestant. Je dois donc l'accepter. J'irais m'incliner devant le pape - cela n'a pas de sens. Je crains donc l'opinion publique. Voyez à quoi s'est réduit l'esprit humain. Je ne dis pas 'au diable l'opinion publique parce que c'est stupide. Ils sont conditionnés, ils ont aussi peur que moi'. Il y a donc cette peur. Et il y a la peur physique de la mort, elle est immense. Cette peur doit être traitée autrement, quand nous y viendrons, quand nous parlerons de la mort.
16:38 K: So there is the outward form of fear: fear of darkness, fear of public opinion, fear of losing a job, fear of... - survival, not being able to survive. Sir, I have lived with people with one meal a day, and that's not enough even. I have walked behind a woman with a girl, and the girl said - in India - 'Mother, I'm hungry'. And the mother says, 'You have already eaten for the day'. You understand, sir?

A: Yes.
Il y a donc la peur extérieure : peur de l'obscurité, peur de l'opinion publique, peur de perdre son emploi, peur de ne pouvoir survivre. M., j'ai vécu avec des gens qui n'ont qu'un repas par jour, ce qui est à peine suffisant. En Inde, je marchais derrière une femme dont la petite fille disait en indien 'Maman, j'ai faim'. Et la mère lui répondis, 'tu as déjà mangé aujourd'hui'. Vous comprenez, M.?

A: Oui.
17:30 K: So there is all that, that physical fears, pain, and the fear of recurring pain, and all that. And the other fears are much more complicated, fears of dependency, inwardly: I depend on my wife, I depend on my guru, I depend on the priest, I depend on... so many dependance. And I am afraid to lose them, to be left alone. K: Il y a donc tout cela, ces peurs physiques, peur de la douleur et que celle-ci revienne, etc. Et les autres peurs sont bien plus compliquées : peurs dues à la dépendance, intérieurement; je dépends de ma femme, je dépends de mon gourou, je dépends du prêtre, je dépends de... il y a tant de dépendances. Et j'ai peur de les perdre, de rester tout seul.
18:06 A: To be rejected.

K: To be rejected. If that woman turns away from me, I'm lost. I get angry, brutal, violent, jealous, because I have depended on her. So dependency is one of the factors of fear. And inwardly I am afraid. I am afraid of loneliness. The other day I saw on the television a woman saying, 'The only fear I have in life is my loneliness'. And therefore, being afraid of loneliness, I do all kinds of neurotic activities. Being lonely, I attach myself to you, or to a belief, or to a saviour, to a guru. And I protect the guru, the saviour, the belief, and that soon becomes neurotic.
A: D'être rejeté.

K: D'être rejeté. Si cette femme se détourne de moi, je suis perdu. Je deviens coléreux, brutal, violent, jaloux, car je dépendais d'elle. La dépendance est donc un des facteurs de la peur. Et intérieurement, j'ai peur. J'ai peur de la solitude. L'autre jour, j'ai vu à la télévision une femme qui disait 'la seule peur que j'ai dans la vie est ma solitude'. Et donc, ayant peur de la solitude, je me livre à toutes sortes d'activités névrotiques. Etant seul, je m'attache à vous, ou à une croyance, ou à un sauveur, ou à un gourou. Et je protège le gourou, le sauveur, la croyance, et bientôt cela devient névrotique.
19:26 A: I fill up the hole with this new image. A: Je remplis le trou de cette nouvelle image.
19:29 K: With this rubbish.

A: Yes.
K: De toutes ces inepties.

A: Oui.
19:33 K: There is that fear. Then there is the fear of not being able to arrive, succeed, succeed in this world of disorder, and succeed in the so-called spiritual world. That's what they are all doing now. K: Il y a cette peur. Puis il y a la peur de ne pas être capable de parvenir, de réussir, en ce monde de désordre, et de réussir en ce monde soi-disant spirituel. C'est ce qu'ils font de nos jours.
19:54 A: Spiritual achievement.

K: Achievement, which they call enlightenment.
A: L'accomplissement spirituel.

K: Qu'ils appellent l'illumination.
19:59 A: Expanding consciousness. I know what you mean. It's very interesting that you just got through describing fear of being left behind. Now we are fearing that we'll never arrive. Please, go on.

K: Same thing. Then there is the fear of not being, which translates itself in identification with. I must identify myself.
A: Elargissant la conscience. Je sais ce que vous voulez dire. Il est très intéressant que vous décriviez la peur d'être laissé de côté. Maintenant, nous avons peur de ne jamais arriver.

K: D'arriver. C'est la même chose. Puis il y a la peur de ne pas être, qui se traduit par une identification avec. Je dois m'identifier.
20:35 A: In order to be.

K: To be. And if I identify myself with my country, I say to myself, 'That's too stupid'. Then I say, 'I must identify myself with God' which I have invented. God has not made man in his image, man has made God in his image. You follow this?

A: Oh, I follow you.
A: Afin d'être

K: D'être. Et si je m'identifie à mon pays, je me dis 'c'est trop stupide'. Puis je dis 'je dois m'identifier à Dieu', que j'ai inventé. Dieu n'a pas fait l'homme à son image, l'homme a fait Dieu à son image. Vous suivez ceci?

A: Oh oui.
21:07 K: So, not being, not achieving, not arriving, brings about tremendous sense of uncertainty, tremendous sense of not being able to fulfil, not being able to be with, and the cry, 'I must be myself'. K: Donc, ne pas être, ne pas accomplir, ne pas parvenir, tout cela cause une immense incertitude, un immense sentiment de ne pouvoir accomplir de ne pas pouvoir 'être avec', d'où le cri : 'je dois être moi-même'.
21:34 A: Do my own thing.

K: My own thing. Which is rubbish! So there are all these fears, both logical fears, irrational fears, neurotic fears, and fears of survival, physical survival. So now, how do you deal with all these fears and many more fears, which we can't go into, - which we will presently - how do you deal with them all? One by one?
A: Faire ma propre chose.

K: Ma propre chose. C'est inepte. Il y a donc toutes ces peurs, peurs logiques, peurs irrationnelles, peurs névrotiques, ainsi que les peurs concernant la survie physique. Alors, comment traitez-vous toutes ces peurs et bien d'autres peurs que nous verrons sous peu, comment les traiterez-vous? Une par une?
22:16 A: You would just be in the mournful round of fragmentation, if you did that. A: Vous seriez pris dans le cycle de la fragmentation en faisant cela.
22:20 K: And also there are the hidden fears, which are much more active. K: Et il y a aussi les peurs cachées, bien plus actives.
22:28 A: The continual bubbling up from below. A: Remontant continuellement du fond
22:30 K: Bubbling up. When I'm not conscious, they take over. K: Quand je n'en suis pas conscient, elles prennent le pas.
22:33 A: That's right. A: C'est exact.
22:37 K: So, how am I to deal first, with the obvious fears which we have described? Shall I deal it one by one, first secure myself? You follow?

A: Yes.
K: Alors, comment agir d'abord sur les peurs évidentes que nous avons décrites? Vais-je les prendre une à une, afin de me sécuriser? Vous suivez?

A: Oui.
22:55 K: Or take loneliness and tackle that, come to grips with it, go beyond it, and so on. Or is there a way of dealing with fear, not with the branches of it, but with the root of it? Because if I take each leaf, each branch, it will take all my lifetime. And if I begin to analyse my fears, - analyse - then that very analysis becomes a paralysis. K: Ou prendrais-je la solitude pour m'y attaquer, la dépasser et ainsi de suite. Ou y a-t-il une façon de traiter la peur, non par ses branches, mais à sa racine? Parce que si je prends une à une chaque feuille, chaque branche, cela me prendra toute ma vie. Et je commence à analyser mes peurs, cette analyse même devient une paralysie.
23:33 A: And then I even fear that I might not have analysed correctly. A: Et je pourrais même craindre de ne pas avoir correctement analysé.
23:36 K: Correctly. And I am caught, over and over again. So how shall I deal with this problem, as a whole, not just parts of it, fragments of it? K: Correctement. Et me voilà repris là-dedans. Alors, comment vais-je traiter ce problème, comme un tout, et non par segments, par fragments?
23:51 A: Isn't there a hint about how it might be dealt with. Of course, when I say hint here, I mean terribly, terribly slight. I don't think I would call it a pointer, but fear, no matter how many varieties one imagines he knows, fear does have a common taste, you might say, there is something there that... A: N'est-ce pas là un indice de la façon dont il peut être traité? Bien entendu, le mot indice est à prendre très, très légèrement. Je n'emploierai pas le mot indicateur, mais la peur - quelles que soient les variations que peuvent revêtir les peurs, elles ont une saveur commune, dirons-nous, il y a là quelque chose de...
24:24 K: Yes, sir, but what shall I do with it? K: Oui, M., mais que vais-je en faire?
24:26 A: Oh yes, of course, I quite understand. But it interested me, while you were speaking, to observe that already when we think of many fears, we haven't even paid attention to how we fear, when we fear. Yes, I was interested to have that flash, because it seems to be altogether consonant with what you are talking about. And I said to myself, now, in our conversations we've been pointing to movement. The movement of fear is one.

K: Yes, a tremendous one.
A: Oui, bien sûr, je comprends. Mais j'ai trouvé intéressant d'observer, pendant que vous parliez, que tout en pensant aux multiples peurs, nous n'avons même pas fait attention à la façon dont nous éprouvons la peur. Oui, cette constatation m'a intéressé, car elle me semble complètement en accord avec ce que vous dites. Et je me suis dit qu'au cours de nos conversations nous avons désigné le mouvement. Le mouvement de la peur est un.

K: Oui, un formidable 'un'.
25:05 A: And it is a unified field of destruction. A: Et c'est un champ unifié de destruction.
25:09 K: It is the common factor of every human being. K: C'est le facteur commun à tous les humains.
25:12 A: The whole field, yes, exactly, exactly. A: Le champ tout entier, oui, exactement.
25:15 K: Whether a man lives in Moscow, or India, or in any place, it is the common thing of this fear, and how shall he deal with it? Because unless the mind is free of fear, really, not verbally or ideologically, absolutely be free of fear. And it is possible to be free completely of fear, and I'm saying this not as a theory, but I know it, I've gone into it. K: Que l'on vive à Moscou, en Inde, ou n'importe où, cette peur est le facteur commun; et comment allons-nous agir sur elle? Car si l'esprit ne peut être délivré de la peur, vraiment, pas verbalement ou idéologiquement, absolument délivré de la peur... Est-il possible d'être complètement délivré de la peur? Je dis cela non théoriquement, mais en connaissance de cause, je l'ai approfondi.
26:00 A: Actual.

K: Actual. Now, how shall I deal with this? So I ask myself, what is fear? Not the objects of fear or the expressions of fear.
A: En réalité.

K: En réalité. Comment vais-je agir? Alors, je me demande, qu'est-ce que la peur? Pas les objets de la peur ou ses expressions.
26:15 A: No, or the instant reaction to danger, no. A: Ni les réactions instantanées au danger.
26:18 K: What is fear? K: Qu'est-ce que la peur?
26:21 A: It's an idea in my mind, in part. A: C'est en partie une idée de mon esprit.
26:23 K: No. What is fear, sir? K: Qu'est-ce que la peur, M.?
26:32 A: If we have said, it's an abiding... A: Si nous disions que c'est...
26:37 K: No, no. Behind the words, behind the descriptions, the explanations, the way out and the way in, and all the rest of it, what is fear? How does it come? K: Non, non. Au-delà des mots, des descriptions, des explications, des tenants et aboutissants, et tout le reste, qu'est-ce que la peur? Comment survient-elle?
26:54 A: If I have followed you through our conversations up until now, I'd be inclined to say that it is another expression of the observer's disordered relation to the observed.

K: What does that mean? What is the observer... What you say... Look, the problem is this - I am only making the problem clearer... We have, man has tried to lop off, or prune, one fear after the other, through analysis, through escape, through identifying himself with something which he calls courage. Or saying, well, I don't care, I rationalise my fears and remain in a state of rationalising, intellectual, verbal explanation. But the thing is boiling. So what shall I do? What is fear? Unless I find this out - not because you tell me - unless I find it out for myself, as I find from myself that I am hungry, - nobody has to tell me I am hungry! - I have to find this out.
A: Si je vous ai bien suivi jusqu'ici, je serais tenté de dire qu'il s'agit là d'une expression de plus du rapport désordonné prévalant entre l'observateur et l'observé.

K: Ce qui veut dire? Qu'est-ce que l'observateur... Regardez, le problème est le suivant - je cherche seulement à le clarifier, pour que... L'homme a essayé de contourner ou d'élaguer une peur après l'autre, par l'analyse, par la fuite, en s'identifiant à quelque chose qu'il appelle le courage. Ou en disant, eh bien ça m'est égal, je rationalise mes peurs et reste dans un état de rationalisation, d'explication intellectuelle, verbale. Mais c'est en train de bouillir. Alors que faire? Qu'est-ce que la peur? Si je ne le découvre pas - non par suite de ce que vous me dites - si je ne le vois pas de moi-même, comme je vois de moi-même que j'ai faim, - personne doit me dire que j'ai faim - il me faut le découvrir.
28:33 A: Yes, now there is a difference here in terms of what you have just said. And, in so saying, pointing to something, and my earlier reply, when you asked me what is fear, I did the usual academic thing: 'If I have followed you up until now, then it seems clear that..'. Whereas let's forget about the following, let's zero in on it right now, and then I must say, not 'I might say', but I must say, that I can't tell anybody else what fear is, with respect to what it is, I am going to discover in me as such. And all my continual descriptions about it are simply a deflection from my immediate issue which is here.

K: Yes. So, I'm not escaping.

A: No.
A: Oui, je vois ici une différence de terminologie avec ce que vous venez de dire. Et disant cela vous faisiez référence à ma réponse à votre question concernant la peur, suivant le cheminement académique habituel : 'si je vous ai bien suivi, il me paraît clair que...' Alors, oublions ce qui suit, revenons au point zéro et je dois dire qu'il m'est impossible de décrire à quiconque ce qu'est la peur au regard de ce que je vais découvrir en moi là-dessus. Toutes descriptions à ce sujet ne peuvent être qu'une déformation par rapport à mon ressenti immédiat.

K: Oui. Donc je ne fuis pas.

A: Non.
29:43 K: I'm not rationalising. I am not analysing, because analysis is real paralysis.

A: Yes, indeed.
K: Je ne rationalise pas. Je n'analyse pas, car l'analyse est une vraie paralysie.

A: Oui, en effet.
29:55 K: When you are confronted with a problem like this, merely spinning or analysing, and the fear of not being able to analyse perfectly, and therefore go to a professional, who needs also an analysis. So I'm caught. So I will not analyse, because I see the absurdity of it. You follow, sir?

A: Yes, I do.
K: Confronté à un problème de cette nature, le retournant et l'analysant, sans plus, et ayant peur de ne pas l'analyser parfaitement, on va donc chez un professionnel qui lui aussi recourt à l'analyse. Me voilà pris. Donc je n'analyserai pas, parce que j'en vois l'absurdité. Vous suivez, M.?

A: Oui.
30:21 K: I won't run. K: Je ne vais pas me sauver.
30:23 A: No backing off.

K: Backing off.

A: Flight.
A: Pas de dérobade.

K: De dérobade.

A: De fuite.
30:26 K: No explanations, no rationalisation, no analysis. I am faced with this thing. And what is fear? Wait a minute, wait, wait, wait. Leave that. Then there are the unconscious fears of which I don't know. They express themselves occasionally, when I am alert, when I see the thing coming out of me. K: Pas d'explications, de rationalisation, d'analyse. Je suis face à la chose. Et qu'est-ce que la peur? Un instant, un instant. Puis il y a les peurs inconscientes que j'ignore. Elles s'expriment parfois quand je suis vigilant, quand je vois la chose faire surface.
31:04 A: When I am alert.

K: Alert. When I am watching. Or when I'm looking at something this comes up, uninvited. Now, it is important for the mind to be completely free of fear. It's essential, as food is essential. It's essential for the mind to be free of fear. So I see outwardly what we have discussed. Now I say, what is this, what are the hidden fears; can I consciously invite them come to the surface? You follow?

A: Yes, I do.
A: Quand je suis vigilant.

K: Vigilant, que j'observe. Ou quand je regarde quelque chose et que cela surgit inopinément. Maintenant, il est important que l'esprit soit complètement délivré de la peur. C'est aussi essentiel que la nourriture. Essentiel que l'esprit soit libéré de la peur. Voyant extérieurement ce dont nous avons parlé je dis maintenant : voyons quelles sont les peurs cachées, puis-je consciemment les inviter à faire surface? Vous suivez?

A: Oui.
31:54 K: Or the conscious cannot touch that? You follow?

A: Yes, yes, I do, yes.
K: Ou le conscient ne peut-il pas y toucher? Vous suivez?

A: Oui, oui.
32:04 K: Conscious can only deal with the things it knows. But it cannot observe the things it doesn't know. K: Le conscient ne peut traiter que ce qu'il connaît. Mais il ne peut pas observer les choses qu'il ne connaît pas.
32:17 A: Or have access to. A: Ou y accéder.
32:19 K: So, what am I to do? Dreams? Dreams are merely continuation of what I have lived during the day, they continue in a different form - we won't go into that for the moment. So how is all that to be awakened and exposed? The racial fears, the fears that society has taught me, the fears that the family has imposed, the neighbour - you know, all those crawling, ugly, brutal things that are hidden - how shall they all come up naturally and be exposed so that the mind sees them completely? You understand?

A: Yes, I do. I was just thinking about what we are doing in relation to what you are saying. Here we are, in a university situation, where hardly any listening goes on at all, if any. Why? Well, if we were to relate to each other in terms of my sitting back here saying to myself every time you made a statement, 'what do I have to say back', even if my reaction were benign and I say to myself as a professor, 'I'd say, now, that's a very interesting concept'. Perhaps we could clear that up a little bit, you know. That nonsense, nonsense in terms of what is immediate here. That's what I mean.

K: I understand.
K: Alors, que dois-je faire? Les rêves? Les rêves ne sont que la poursuite de ce que j'ai vécu la journée, qu'ils poursuivent sous une autre forme, etc. N'abordons pas cela pour l'instant. Alors, comment tout cela peut-il être éveillé et exposé? Les peurs raciales, les peurs que cette société m'a apprises, les peurs que m'ont imposées la famille, le voisinage, toutes ces choses rampantes, laides, brutales, qui sont cachées, comment vont-elles remonter naturellement et être exposées afin que mon esprit les voit en totalité? Vous comprenez?

A: Oui. Je pensais justement à ce que nous faisons par rappport à ce que vous dites. Nous voici dans un contexte universitaire, où il y a bien peu d'écoute, si tant est qu'il y en ait. Pourquoi? Si notre relation réciproque m'amenait à m'arrêter et me dire à chacune de vos déclarations eh bien, que dois-je répondre, même si ma réaction était bénigne, le professeur que je suis dirait voilà un concept bien intéressant. Peut-être pourrions-nous clarifier un peu cela. Quelle absurdité en termes de ce qui est perçu ici et maintenant. C'est ce que je veux dire.

K: Je comprends.
34:13 A: I don't mean demonstrating something on the board. We should never have begun to be together, never started, and yet we might have given ourselves the idea that we were trying very hard to be sincere. Yes, I understand.

K: I know, I know.
A: Il ne s'agit pas d'une démonstration au tableau. Nous n'aurions jamais dû commencer à travailler ensemble, tout en nous confortant à l'idée que nous essayions fortement d'être sincères. Oui, je comprends.

K: Je sais.
34:35 A: But fear is at the base of that too, because the professor is thinking to himself... A: Mais la peur en est aussi à la racine, car le professeur pense par lui-même...
34:39 K: His position, his... K: Sa situation...
34:40 A: He's got his reputation at stake here. He better not keep quiet too long, because someone might get the idea that either he doesn't understand a thing that is going on or he doesn't have anything to contribute to what's going on. All of which has nothing to do with anything. Please, go on.

K: Absolutely. Look, sir, what I have found: the conscious mind, conscious thought cannot invite and expose the hidden fears. It cannot analyse it, because analysis, we said, is inaction, and there is no escape, I shan't run off to a church, or Jesus, or Buddha, or somebody, or identify myself with some other thing. I have pushed all those aside, because I've understood their use, their futility. So I am left with this. This is my baby. So, what shall I do? Some action has to take place. I can't just say, 'Well, I've pushed all that aside, I'll just sit'. Now, just see what happens, sir, because I've pushed all this aside, through observation, not through resistance, not through violence, because I have negated all those - escape, analysis, running off to something and all the rest of all that - I have energy, haven't I? The mind has energy now.
A: Sa réputation est en jeu ici. Il ne devrait pas rester trop silencieux, parce que quelqu'un pourrait se mettre dans la tête que soit il ne comprend rien à ce qui se passe, soit qu'il n'a aucune contribution à apporter à ce qui se passe. Tout cela ne veut pas dire grand chose. Poursuivez je vous prie.

K: Absolument. Voyez M., ce que j'ai découvert : l'esprit conscient, la pensée consciente ne peut inviter et exposer les peurs cachées. Elle ne peut les analyser, car l'analyse, nous l'avons dit, est inaction, et il n'y a pas d'échappatoire, je ne peux me précipiter à l'église, ou vers Jésus, Boudha, ou qui que ce soit, ni m'identifier à quoi que ce soit. J'ai écarté tout cela parce que j'en ai compris la futilité. Il me reste donc ceci. C'est mon bébé. Que vais-je faire? Une action doit avoir lieu. Je ne puis me borner à dire 'bien, j'ai écarté tout cela, restons-en là'. Voyez ce qui se passe, M. : ayant écarté tout cela par l'observation, pas par la résistance, pas par la violence, du fait que j'ai tout refusé - fuite, analyse, trouver refuge auprès de quelque chose, etc. - j'ai de l'énergie. Désormais, l'esprit a de l'énergie.
36:38 A: Now it has, yes. Yes, it floods up. A: Il en a désormais. Elle l'inonde.
36:41 K: Because I have pushed away all the things that are dissipating energy. K: Parce que j'ai repoussé tout ce qui dissipe l'énergie.
36:47 A: Energy leaks. A: L'énergie coule.
36:49 K: Therefore I have now this thing. I am confronted with that, confronted with fear. Now, what can I do? Listen to this, sir, what can I do? I can't do anything, because it is I who have created the fear, public opinion...

A: Yes, yes, yes.
K: Désormais, j'ai cette chose. Me voilà confronté à cela, confronté à la peur. Alors, que puis-je faire? Ecoutez bien M., que puis-je faire? Rien, parce que c'est moi qui ait créé la peur de l'opinion publique...

A: Oui, oui.
37:17 K: Right? So I cannot do a thing about fear. K: N'est-ce pas? Je ne puis donc rien faire à propos de la peur.
37:24 A: Precisely. A: Précisément.
37:26 K: But there is the energy, which has been gathered, which has come into being when all dissipation of energy has ended. There's energy. K: Mais il y a cette énergie qui a été rassemblée, qui est apparue quand toute dissipation d'énergie a cessé. L'énergie est là.
37:42 A: Yes. Exactly, virtue - right, right - manifested. A: Oui. Exactement, la vertu - en effet - manifestée.
37:48 K: Energy. Now, what happens? This is not some hocus-pocus, some kind of mystical experience. There is actual fear, and I have tremendous energy, which has come because there is no dissipation of energy. So what takes place? So, wait, wait, wait. K: L'énergie. Alors, que se passe-t-il? Ce n'est pas une sorte de supercherie, d'expérience mystique. Il y a une peur réelle et j'ai une formidable énergie qui est apparue, car toute dissipation d'énergie a cessé. Alors, que se passe-t-il? Attendez, attendez !
38:22 A: Oh, I'm waiting, I'm waiting. There was something going through my mind. A: Oh, j'attends, j'attends. Quelque chose me traversait l'esprit.
38:26 K: What takes place? So, what has created fear? What has brought it about? Because if I have the energy - you follow, sir? - to put that question and find the answer for that question, I've got energy now. I don't know...

A: Yes, yes, yes.
K: Qu'est-ce qui a lieu? Je me demande alors, qu'est-ce qui a créé la peur? Qu'est-ce qui l'a engendrée? Car j'ai l'énergie - vous suivez M.? - pour poser cette question et en trouver la réponse, j'ai maintenant l'énergie. Je me demande si...

A: Oui, oui.
38:58 K: So, what has brought it about? You, my neighbour, my country, my culture? K: Alors, qu'est-ce qui l'a engendrée? Vous, mon voisin, mon pays, ma culture?
39:07 A: Myself. A: Moi-même.
39:09 K: What has brought it about? K: Qu'est-ce qui l'a engendrée?
39:12 A: I've done it.

K: Who is I?
A: C'est moi.

K: Qui est ce 'moi'?
39:17 A: I don't mean 'I' as the fragmented observer off from me. It is this... I am thinking what you said earlier about the mind as disordered, which requires to empty itself of the disorder. Does it require another mind to do it? A: 'Moi' n'est pas l'observateur fragmenté distinct de moi. Je pense à ce que vous disiez plus tôt au sujet de l'esprit désordonné à qui il importe de se vider du désordre. A-t-il besoin pour cela d'un autre esprit?
39:42 K: No, I'm asking, what has brought this fear into me, into my consciousness? I won't use that word, because we'll have to go into that in a different way. What has brought this fear? And I won't leave it till I find it. You understand, sir? Because I've got the energy to do it. I don't depend on anybody, on any book, on any philosopher - nobody! K: Je demande qu'est-ce qui a introduit cette peur en moi, dans ma conscience? J'éviterai ce terme, il nous faudra trouver une autre approche. Qu'est-ce qui a amené cette peur? Et je ne lâcherai pas cela avant d'avoir trouvé. Car j'ai l'énergie pour le faire. Je ne dépends de personne, d'aucun livre, d'aucun philosophe - de personne.
40:15 A: Would it be the case that once that energy begins to flood, that the question itself disappears? A: Serait-ce que dès lors que cette énergie commence à couler, la question elle-même disparaît?
40:25 K: And I'll begin to find the answer.

A: Yes.
K: Je commence à trouver la réponse.

A: Oui.
40:28 K: I don't put the question.

A: No.
K: Je ne pose pas la question.

A: Non.
40:30 K: But I find the answer.

A: Right, right.
K: Mais je trouve la réponse.

A: Bien.
40:32 K: Now, right. What is the answer? K: Bien. Qu'elle est la réponse?
40:42 A: The answer couldn't be academic, a description of something. A: Ce ne pourrait être une réponse académique, une quelconque description.
40:49 K: No, no, no. K: Non, non.
40:50 A: A change has occurred in the being. A: Un changement a eu lieu dans l'être.
40:53 K: What is the answer to this fact of fear, which has been sustained, which has been nourished, which has carried on from generation to generation? Can the mind observe this fear, the movement of it...

A: The movement of it.
K: Quelle est la réponse à ce fait de la peur, qui a été entretenue, qui a été nourrie, perpétuée de génération en génération? L'esprit peut-il observer cette peur, son mouvement...

A: Son mouvement.
41:31 K: ...not just a piece of fear. K: ...non pas morceau par morceau.
41:36 A: Or a succession of fears. A: Ou une succession de peurs.
41:38 K: But the movement of this. K: Mais son mouvement.
41:39 A: The movement of fear itself. A: Le mouvement propre à la peur.
41:41 K: Observe it without the thought that has created the observer. I don't know...

A: Oh yes, yes.
K: L'observer sans la pensée qui a créé l'observateur. Je ne sais...

A: Oh oui.
41:54 K: So, can there be observation of this fact, which I've called fear, because I have recognised it, the mind has recognised it, because it has had fear before. So through recognition and association it says, 'This is fear'. K: Peut-il donc y avoir une observation de ce fait que j'ai appelé la peur, parce que je l'ai reconnue, l'esprit l'a reconnue comme telle, car il l'a déjà éprouvée. Alors, la reconnaissant et par association il dit : 'ceci est la peur'.
42:22 A: Yes, that never stops. A: Cela ne s'arrête jamais.
42:24 K: So, can the mind observe without the observer - who is the thinker - observe this fact only? That means the observer, which is thought, the observer as thought has produced this. I don't know... So thought has produced this. Right? I am afraid of my neighbour, what he says, because I want to be respectable. That is the product of the thought. Thought has divided the world into America, Russia, India, China, and all the rest of it, and that destroys security. That is the result of thought. I am lonely and therefore I act neurotically, which is also the fact of thought. So I see very clearly that thought is responsible for that. Right? Right, sir? So, what will happen with thought? Thought is responsible for this. It has nourished it, has sustained it, it has encouraged it, it has done everything to sustain it. I am afraid of the pain that I had yesterday happening again tomorrow. Which is the movement of thought. So can thought, which can only function within the field of knowledge, - that's its ground - and fear is something new each time. Fear isn't old.

A: No, no.
K: Alors, l'esprit peut observer sans l'observateur, qui est le penseur, observer seulement le fait? Cela signifie que l'observateur, c'est-à-dire la pensée, l'observateur en tant que pensée a produit cela. Je ne sais... La pensée a donc produit cela. N'est-ce pas? J'ai peur de mon voisin, de ce qu'il dit parce que je veux être respectable. C'est là le produit de la pensée. La pensée a divisé le monde en Amérique, Russie, Inde, Chine et tout le reste, et cela détruit la sécurité. C'est le produit de la pensée. Je suis dans la solitude et donc j'ai un comportement névrotique, ce qui est aussi le fait de la pensée. Je vois donc très clairement que la pensée est responsable de cela. N'est-ce pas? N'est-ce pas, M.? Alors, qu'est-ce qui va se passer avec la pensée? La pensée en est responsable. Elle l'a nourrie, elle l'a entretenue, elle l'a encouragée, elle a tout fait pour l'entretenir. J'ai peur de la douleur que j'ai subie hier ne se reproduise demain. C'est là un mouvement de pensée. Ainsi, la pensée, ne peut fonctionner que dans le domaine du savoir, c'est son fondement, et la peur est chaque fois nouvelle. La peur n'est pas vieille.

A: Non.
44:48 K: It is made old when I recognise it. K: Elle est vieillie quand je la reconnais.
44:55 A: Yes, yes. A: Oui, oui.
44:56 K: But when the process of recognition, which is the association of words, and so on, can the mind observe that without the interference of thought? If it does, fear is not.

A: Right, right. The thing that was hitting me while I was sitting here intently, the thing that was hitting me was that the moment that occurs the thought and the fear immediately disappear.
K: Mais lors du processus de reconnaissance c'est-à-dire l'association de mots, etc., l'esprit peut-il observer cela sans qu'intervienne la pensée? S'il le fait, il n'y a pas de peur.

A: Exact. Ce qui m'a frappé pendant que j'écoutais intensément, la chose qui m'a frappé, c'est que dès que cela se produit, la pensée et la peur disparaissent aussitôt.
45:33 K: So, fear then can be put away completely. If I was living as a human being in Russia and they threaten me to be put into prison, probably I would be afraid. It is natural self-preservation.

A: Of course.
K: La peur peut donc être complètement écartée. Si j'étais un être humain vivant en Russie, et que l'on me menaçait de prison, j'aurais probablement peur. Il s'agit là d'un instinct de préservation naturel.
46:00 K: That's a natural fear, like a bus coming rushing towards you, you step aside, you run away from a dangerous animal, that's a natural self-protective reaction. But that's not fear. It's a response of intelligence operating, saying, for God's sake, move away from the rushing bus. But the other factors are factors of thought. K: C'est une peur naturelle, comme celle qui vous fait éviter le bus qui fonce sur vous, ou fuir devant un animal dangereux, c'est une réaction naturelle d'auto-préservation. Mais ce n'est pas de la peur. C'est une réponse de l'intelligence en action, qui vous dit : grands dieux, évite ce bus qui fonce. Alors que les autres facteurs sont issus de la pensée
46:34 A: Exactly. A: Exactement.
46:38 K: So, can thought understand itself, and know its place, and not project itself? Not control, which is an abomination. You can't... if you control thought, who is the controller? Another fragment of thought.

A: Another thought.
K: La pensée peut-elle se comprendre, connaître sa place et ne pas se projeter? Pas par le contrôle qui est une abomination. Si l'on contrôle la pensée, qui est celui qui contrôle? Un autre fragment de pensée.

A: Une autre pensée.
47:06 K: It is a circle, a vicious game you are playing with yourself. So can the mind observe without a movement of thought? It will only do that when you have understood the whole movement of fear. Understood that, not analysed, looking at it. It is a living thing, therefore you have to look at it. It is only a dead thing you can dissect and analyse, kick it around. But a living thing you have to watch. K: C'est un cercle, un jeu vicieux dans lequel on s'enferme. L'esprit peut-il donc observer sans un mouvement de pensée? Il ne le fera que lorsque tout le mouvement de la peur sera compris. Pas analysé, compris par l'observation. C'est une chose vivante, il faut donc l'observer. Seule une chose morte peut être disséquée, analysée, remuée. Mais une chose vivante, il faut l'observer.
47:48 A: This is very shocking, because in our last conversation, just towards the end, we came to the place where we raised the question of someone saying to himself, 'I think I understand what I have heard, now I am going to try that'. And then fear holds up a mirror to itself. A: Ceci est très choquant, car vers la fin de notre dernier entretien, nous en étions venus à nous mettre à la place de quelqu'un qui se dirait : 'je pense saisir ce que je viens d'entendre, alors je vais m'y essayer'. Alors, la peur se regarde dans un miroir.
48:13 K: Of course. K: Bien sûr.
48:14 A: And one is suddenly ringed about by a world of mirrors. A: Et l'on est soudain encerclé de miroirs.
48:20 K: You don't say, sir, when you see a dangerous animal, 'I will think about it', you move! You act. Because there is tremendous destruction waiting there. That is a self-protective reaction, which is intelligence, says, 'Get out!' Here we are not using intelligence. And intelligence operates when we have looked at all these fears, the movements of it, the inwardness of it, the subtlety of it - the whole movement. Then out of that comes intelligence and says, 'I have understood it'. K: Vous ne dites par, M., en voyant un animal dangereux 'je vais y réfléchir' ! Vous bougez. Vous agissez. Car une terrible destruction vous attend là. C'est une réaction d'auto-préservation, c'est l'intelligence qui vous dit : 'déguerpit'. Ici, nous ne nous servons pas de l'intelligence. Et l'intelligence opère quand nous avons regardé toutes ces peurs, leurs mouvements, leur intériorité, leur subtilité - la totalité du mouvement. Alors, de là émane l'intelligence qui dit : 'j'ai compris'.
49:14 A: It's marvellous. Yes, that's very beautiful, very beautiful. We were going to say something about pleasure. A: C'est merveilleux. Oui, c'est très, très beau. Nous allions parler du plaisir.
49:24 K: Ah, that must be dealt...

A: Right, exactly.
K: Ah, il faut aussi voir cela.

A: Exactement.
49:29 K: So, sir, look, we said there is the physical fears and psychological fears, both are interrelated. We can't say, that's one and this is the other, they are all interrelated. And the interrelationship, and the understanding of that relationship brings this intelligence which will operate physically. It will say, 'let's then work together, co-operate together to feed man'. You follow, sir?

A: Yes.
K: M., nous avons dit qu'il y a les peurs physiques et les peurs spychologiques; les deux sont corrélatives. On ne peut les distinguer l'une de l'autre. Elles sont toutes intimement liées, Et la correlation, la compréhension de cette correlation amène cette intelligence qui opèrera physiquement. Elle dira : travaillons ensemble, coopérons afin de nourrir l'homme. Vous suivez, M.?

A: Oui.
50:05 K: Let's not be national, religious, sectarian. What is important is to feed man, to clothe him, to make him live happily. But you see, unfortunately, we are so disorderly in our ways of life that we have no time for anything else. Our disorder is consuming us. K: Ne soyons pas nationaux, religieux, sectaires. Il importe de nourrir l'homme, de le vêtir, de faire qu'il vive heureux. Mais voyez-vous, nous sommes malheureusement si désordonnés dans notre mode de vie que nous n'avons pas le temps de faire autre chose. Notre désordre nous consumme.
50:38 A: It's interesting in relation to tradition - I don't mean to start an entirely new conversation now, but just to see what is immediately suggested, among many other things that would be, but just this one. What we could say about the misuses of tradition would be that we are actually taught what to fear. In our language we have an expression, don't we, that expresses part of this, old wives tales, we say, an accumulation of warnings about things that are simply imaginary. Not in the creative sense of imagination - and I'm using the word 'creative' there very loosely, very loosely - but fantasia, phantasmagoria, from the little ones' earliest years, gets this stuff with the bottle. And then when we get into adolescence, we reflect on these things we have learned, and if things go wrong, we feel that perhaps it's because we haven't sufficiently grasped what we have been told. And then some young people will say at that point, 'I'm going to junk the whole thing'. But then immediately the loneliness question arises. Yes, yes. A: Il est intéressant de noter - sans vouloir aborder un nouveau sujet mais seulement de voir, entre autre, ce qui peut être dit à propos du mauvais usage que l'on fait de la tradition - que l'on nous apprend de quoi il faut avoir peur. Il existe dans notre langue toute une série de contes de bonnes femmes qui comportent un tas de mises en garde sur des sujets imaginaires. Je ne parle pas d'imagination créatrice, mais de phantasmagories que les petits ingurgitent dès leur plus jeune âge, avec leur biberon. Puis, à l'adolescence, nous réfléchissons à ces sujets, et si les choses tournent mal, il nous arrive de nous demander si ce n'est pas parce que nous n'avons pas bien saisi ce qu'on nous a dit. Dès lors, certains jeunes diraient : 'je vais tout jeter à la poubelle'. Mais alors surgit la question de la solitude. Oui, oui.
52:24 K: They can't, sir, it is life, this is life, you can't reject one part and accept the other part. K: Ils ne le peuvent pas M., c'est la vie, on ne peut en rejeter une part et accepter l'autre.
52:30 A: Exactly.

K: Life means all this. Freedom, order, disorder, communication, relationship, the whole thing is living. If we don't understand, say, 'Well, I don't want to have anything to do with' then you are not living. You are dying.
A: Exactement.

K: La vie signifie tout cela : liberté, ordre, désordre, communication, relation, la vie est tout cela. Si l'on ne comprend pas, disant : 'je ne veux rien de tout cela', alors on ne vit pas, on meurt.
52:56 A: Yes, of course. I wonder how much... I wonder... I keep saying 'I wonder' and the reason I wonder is because what we have been saying about this movement as a unified field, is, when stated, taken by thought, and you might say 'put in the refrigerator' and that's the reality to the person.

K: Quite, sir.
A: Oui, bien sûr. Je me demande... Je répète sans cesse 'je me demande', et c'est à cause de ce que nous avons dit à propos de ce mouvement, de ce champ unifié, dont se saisit la pensée qui le place pour ainsi dire dans le réfrigérateur, et c'est cette réalité qui est perçue.

K: Tout à fait, M.
53:52 A: And when we want to look at it, it's one of the ice cubes we break out and have a look. Don't we?

K: That's right, sir. What place has knowledge in the regeneration of man? Let's look. Our knowledge is: you must be separate. You are an American, I am a Hindu - that's our knowledge. Our knowledge is you must rely on your neighbour, because he knows, he is respectable. Society is respectability, society is moral, so you accept that. So knowledge has brought about all these factors. And you are telling me suddenly, asking me, what place has that... what place has tradition, what place has the accumulated knowledge of millennia? The accumulated knowledge of science, mathematics, that is essential. But what place has knowledge, which I have gathered through experience, through generation after generation of human endeavour, what place has it in the transformation of fear? None whatsoever. You see it!

A: No. Clear, clear. Because what we... what we reached before that upon the instant that this is grasped, the thought that was operating as a fragment and the fear vanish, and it isn't that something takes its place in succession.
A: Et quand nous voulons l'examiner, c'est un des cubes de glace que l'on arrache pour le regarder. N'est-ce pas?

K: C'est cela, M. Quelle est la place du savoir dans la régénération de l'homme? Voyons ce qu'est notre savoir : vous êtes forcément séparés. Vous êtes américain, je suis hindou - c'est notre savoir. Notre savoir est : il faut compter sur son voisin, parce qu'il sait, qu'il est respectable. La société est respectable, elle est morale, si vous admettez cela. Le savoir a donc suscité tous ces facteurs, et vous me demandez tout à coup quelle est la place de cette tradition, quelle est la place de l'accumulation millénaire de savoir? L'accumulation de savoir scientifique, mathématique, c'est essentiel. Mais quelle place a le savoir que j'ai accumulé par l'expérience, de génération en génération d'efforts humains, quelle place cela a-t-il dans la transformation de la peur? Aucune. Vous le voyez !

A: C'est clair. Parce que nous avons vu auparavant qu'à l'instant où ceci est saisi, la pensée fonctionnant comme un fragment et la peur s'évanouissent, sans que quelque chose y succède.
55:47 K: No, nothing takes its place. K: Non, rien n'y succède.
55:48 A: No, nothing takes its place. Nothing takes its place. A: Rien n'y succède. Il n'y a rien à la place.
55:54 K: It doesn't mean there is emptiness.

A: Oh no, no, no. But you see, it's right there, when you start thinking about that as a thought, you get scared.
K: Cela ne signifie pas le vide.

A: Oh non, non. Mais aussitôt, quand vous commencez à y réfléchir sous forme de pensée, vous prenez peur.
56:05 K: That's why it's very important to find out, or to understand, the function of knowledge and where knowledge becomes ignorance. We mix the two together. Knowledge is essential, to speak English, driving, and a dozen things, knowledge is essential. But when that knowledge becomes ignorance, when we are trying to understand actually 'what is,' the 'what is' is this fear, this disorder, this irresponsibility. To understand it you don't have to have knowledge. All you have to do is to look. Look outside you, look inside you. And then you see clearly that knowledge is absolutely unnecessary, it has no value in the transformation or the regeneration of man. Because freedom is not born of knowledge, freedom is when all the burdens are not. You don't have to search for freedom. It comes when the other is not. K: C'est pourquoi il est très important de découvrir ou de comprendre la fonction du savoir et où le savoir devient ignorance. Nous mélangeons les deux choses. Le savoir est essentiel quand il s'agit de parler l'anglais, de conduire, etc., là, le savoir est essentiel. Mais ce savoir devient ignorance quand on essaie de comprendre effectivement 'ce qui est', le 'ce qui est' est cette peur, ce désordre, cette irresponsabilité. Pour comprendre cela, le savoir est inutile. Tout ce qu'il y a à faire, c'est regarder. Regarder au-dehors de soi, regarder en soi. Et vous voyez alors clairement que le savoir est absolument inutile, sans valeur dans la transformation ou la régénération de l'homme. Parce que la liberté n'est pas née du savoir, la liberté n'existe qu'en l'absence de tout fardeau. La liberté ne se recherche pas. Elle vient en l'absence du savoir.
57:43 A: It isn't something in place of the horror that was there before.

K: Of course not.
A: Ce n'est pas une chose qui remplace l'horreur qui précédait.

K: Bien sûr que non.
57:48 A: Yes, yes. A: Oui.
57:49 K: I think that is enough. K: Je pense que cela suffit.
57:51 A: Yes, yes, I quite follow you. Maybe next time we could carry on into this, with pleasure as such, the opposite side of that coin. A: Oui, oui, je vous suis bien. Peut-être pourrions-nous poursuivre ceci la prochaine fois, avec le plaisir en tant que tel, l'autre côtre de la médaille.