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SD74CA8 - Le plaisir procure-t-il le bonheur?
8e entretien avec le Dr. Allan W. Anderson
San Diego, USA
21 février 1974



0:38 Krishnamurti in Dialogue with Dr. Allan W. Anderson Dialogue entre Krishnamurti et le Dr. Allan W. Anderson.
0:43 J. Krishnamurti was born in South India and educated in England. For the past 40 years he has been speaking in the United States, Europe, India, Australia, and other parts of the world. From the outset of his life's work he repudiated all connections with organised religions and ideologies and said that his only concern was to set man absolutely unconditionally free. He is the author of many books, among them The Awakening of Intelligence, The Urgency of Change, Freedom From the Known, and The Flight of the Eagle. This is one of a series of dialogues between Krishnamurti and Dr. Allan W. Anderson, who is professor of religious studies at San Diego State University where he teaches Indian and Chinese scriptures and the oracular tradition. Dr. Anderson, a published poet, received his degree from Columbia University and the Union Theological Seminary. He has been honoured with the distinguished Teaching Award from the California State University. J. Krishnamurti naquit en Inde du sud et fut éduqué en Angleterre. Il donna pendant des décennies des conférences aux États-Unis, en Europe, en Inde, Australie et ailleurs dans le monde. Le travail qu'il effectua durant sa vie le conduisit à répudier toutes attaches avec les religions organisées et idéologies, son unique souci étant de libérer l'homme absolument et inconditionnellement. Il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont l'Eveil de l'Intelligence, le Changement Créateur, Se Libérer du Connu et le Vol de l'Aigle. Voici un des dialogues ayant eu lieu entre Krishnamurti et le Dr. A. W. Anderson, professeur de théologie à l'Université de San Diego où il enseigne les Ecritures indiennes et chinoises et la tradition des oracles. Le Dr. Anderson, poète reconnu, est diplômé de l'Université de Columbia et du Séminaire Théologique de l'Union. L'Université de Californie l'a honoré en lui décernant le Prix de l'Enseignement.
1:51 A: Mr. Krishnamurti, I was wonderfully overjoyed in our last conversation - for myself, just as one who was trying and listening to you - to learn something of this inwardness, to follow along the passage that we had made from fear through the points as we moved, until we came to pleasure. And as we left off we were still talking of pleasure, and I hope we can begin now to move along. A: M. Krishnamurti, j'ai été ravi lors de notre dernier entretien d'essayer, en vous écoutant attentivement, d'apprendre quelque chose de cette intériorité en effectuant le parcours qui nous a menés de la peur au plaisir. En nous quittant, nous en étions encore au plaisir et j'espère que nous pourrons progresser.
2:36 K: Yes, we were saying, sir, pleasure, enjoyment, delight, and joy and happiness, and what relationship has pleasure with enjoyment and with joy and with happiness? Is pleasure happiness? Is pleasure joy? Is pleasure enjoyment? Or is pleasure something entirely different from those two? K: Oui, nous parlions, n'est-ce pas, du plaisir, du ravissement, du délice, de la joie et du bonheur, et du rapport qui existe entre le plaisir, le ravissement, la joie et le bonheur. Le plaisir est-il le bonheur? Le plaisir est-il la joie? Le plaisir est-il le ravissement? Ou le plaisir est-il tout autre chose que cela?
3:19 A: In English we think we make a distinction between pleasure and joy without necessarily knowing what we mean. But in our use, in our employment of the words, we will discriminate sometimes, we think it odd to use the word 'pleasure' rather than 'joy' when we think that 'joy' is appropriate. The relation between the word 'please' and 'pleasure' interests me very much. We will say to a person, 'Please sit down'. And usually that will be thought of as... A: Il semble qu'en anglais on fasse une distinction entre le plaisir et la joie, sans forcément savoir ce que cela signifie. Mais dans l'usage qui est fait de ces mots, ce qui les distingue rend parfois étrange l'usage du mot 'plaisir' au lieu de 'joie', même si ce dernier paraît plus approprié. Je suis très intéressé par ce qui relie les mots 's'il vous plaît' et 'plaisir'. On dira à quelqu'un 'asseyez-vous s'il vous plaît', et ce sera habituellement pris pour...
3:59 K: Have the pleasure to sit down.

A: Yes. It's not a request.

K: Please yourself to sit down.
K: ...prenez plaisir à vous asseoir.

A: Oui, ce n'est pas une demande.
4:03 A: It's an invitation, not a request.

K: Not - quite.
C'est une invitation, pas une demande.

K: En effet.
4:06 A: Be pleased to sit down.

K: Be pleased to sit down.
A: Prenez plaisir à vous asseoir.
4:10 A: It's be pleased to be seated. Ayez le plaisir d'être assis.
4:14 K: Yes. In Italian, French, so on.

A: Right. So within pleasure itself, the word 'pleasure'... there's the intimation of joy, intimation that is not strictly reduced to the word.
K: Oui, en italien, en français, etc.

A: C'est exact. Le mot 'plaisir' sous-entend donc l'existence d'une joie, un sous-entendu qui ne se réduit pas strictement au mot.
4:34 K: I would like to question whether pleasure has any relationship with joy. K: J'aimerais mettre en doute l'existence d'un quelconque rapport entre le plaisir et la joie.
4:45 A: Not in itself, I take it you mean. A: Vous voulez dire intrinsèquement.
4:47 K: Or even beyond the word. Is there a line or a continuity of pleasure to joy? Is there a connecting link? Because, what is pleasure? I take pleasure in eating, I take pleasure in walking. I take pleasure in accumulating money. I take pleasure in - I don't know, a dozen things - sex, hurting people, sadistic instincts, violence. They are all forms of a pleasure. I enjoy - I won't use the word 'enjoy' - I take pleasure in and pursue that pleasure. One wants to hurt people. And that gives great pleasure. One wants to have power. It doesn't matter, over the cook, or over the wife, or of a thousand people, it is the same. The pleasure in something, which is sustained, nourished, kept going. This pleasure, when it's thwarted, becomes violence, anger, jealousy, fury, wanting to break, all kinds of neurotic activities, and so on, so on, so on. So what is pleasure and what is it that keeps it going? What is the pursuit of it, the constant direction of it? K: Ou même au-delà du mot. Existe-t-il une solution de continuité entre plaisir et joie? Ou y a-t-il un lien? Car qu'est-ce que le plaisir? Je prends du plaisir à manger, à marcher, à accumuler de l'argent. Je prends du plaisir, à quoi donc... à des tas de choses : sexualité, blesser autrui, instincts sadiques, violence. Ce sont là toutes des formes de plaisir. Je jouis - j'éviterai ce mot - Je prends du plaisir à quelque chose et poursuis ce plaisir. On veut blesser les gens, et cela procure un grand plaisir. On veut du pouvoir. Peu importe sur qui, la cuisinière, l'épouse, ou sur des milliers de personnes, c'est pareil. C'est le plaisir en quelque chose qui est entretenu, nourri, perpétué. Et quand ce plaisir est contrarié, il se transforme en violence, en colère, jalousie, furie, volonté de briser, en toutes sortes d'activités névrotiques, etc., etc. Qu'est-ce donc que le plaisir, et qu'est-ce qui le maintient en activité? En quoi consiste sa poursuite, sa direction continue?
6:59 A: I think something in our first conversation is intimated here when we talked about the built-in necessity that one observes in a progress that is never consummated. It's just nothing but a termination and then a new start. But no consummation at all, no totality, no fulfilment - feeling full is what I mean by that. A: Je pense que lors de notre premier ou second entretien, - peut-être le premier - nous avions quelque peu effleuré ce sujet en parlant de la nécessité structurelle d'un progrès qui n'est jamais consommé. Ce n'est qu'une suite de terminaisons et de nouveaux commencements, mais sans aucune consommation, aucune totalité ni accomplissement - se sentir plein, voilà ce que je veux dire.
7:51 K: Yes, I understand, sir, but what is it that's called pleasure? I see something, something which I enjoy, and I want it. Pleasure. Pleasure in possession. Take that simple thing, which the child, the grown up man and the priest, they all have this feeling of pleasure in possession. A toy, or a house, or possessing knowledge, or possessing the idea of God, or the pleasure the dictators have, the totalitarian brutalities. The pleasure. What is that pleasure? To make it very, very simple: what is that pleasure? Look, sir, what happens: there is a single tree on the hill, green meadow, deer, and there is the single tree standing on the hill. You see that and you say, 'How marvellous'. Not verbally - merely you say, 'How marvellous' to communicate to somebody. But when you are by yourself and see that, it is really astonishingly beautiful. The whole movement of the earth, the flowers, the deer, the meadows, the water and the single tree, with the shadow. You see that. And it's almost breathtaking. And you turn away and go away. Then thought says, 'How extraordinary that was'. K: Oui, je comprends M., mais qu'est-ce qu'on appelle le plaisir? Je vois une chose qui m'enchante et je la veux. Le plaisir de la possession. Prenez ce simple exemple qui vaut pour l'enfant, l'adulte, et le prêtre; tous éprouvent ce sentiment du plaisir de la possession d'un jouet, d'une maison ou de posséder du savoir, ou de posséder l'idée de Dieu, ou le plaisir qu'ont les dictateurs, les brutalités totalitaires. Le plaisir. Qu'est-ce que le plaisir? Très, très simplement, qu'est-ce que ce plaisir? Voyez ce qui a lieu, M. : il y a un arbre solitaire sur la colline, sur cette verte prairie, et cet arbre solitaire se dresse sur la colline. Vous le voyez et dites : 'comme c'est merveilleux'. Vous le dites verbalement pour communiquer avec quelqu'un. Mais quand vous êtes seul et voyez cela, c'est vraiment d'une beauté stupéfiante : tout le mouvement de la terre, les fleurs, la biche, les prairies, l'eau et l'arbre solitaire avec son ombre. Vous voyez cela. Vous en avez presque le souffle coupé. Puis vous vous détournez et vous en allez. La pensée dit alors : comme c'était extraordinaire.
9:59 A: Compared with what now is.

K: How extraordinary. I must have it again. I must get that same feeling which I had then for two seconds or five minutes. So thought - see what has taken place - there was immediate response to that beauty, non-verbal, non-emotional, non-sentimental, non-romantic, then thought comes along and says, 'How extraordinary, what a delight that was'. And then the memory of it, the repetition, the demand, the desire for the repetition.
A: Par comparaison avec l'état présent.

K: C'est extraordinaire. Il me le faut à nouveau. Il me faut reproduire ce que j'avais ressenti alors pour un instant où pendant cinq minutes. Voyez ce qui s'est passé : il y eut une réponse immédiate à cette beauté, ni verbale, ni émotionnelle, ni sentimentale, ni romantique, puis la pensée surgit et dit : 'comme c'était extraordinaire, quel enchantement', puis vient le souvenir de la chose, la demande de répétition, le désir de la répétition.
10:55 A: When we go to performances this happens with what we call the 'encore', doesn't it?

K: Of course, encore...
A: C'est ce qui a lieu lors de concerts et que le public réclame des bis, n'est-ce pas?

K: Bien sûr.
11:02 A: And with encores there's a creeping embarrassment. Because with the first reappearance this is a sign of adulation, praise, and everybody is happy. But then, of course, there's the problem of how many more encores can be made, maybe the last encore is a signal that we are fed up now. We don't want any more.

K: Quite, quite.
A: Et ces bis deviennent embarrassants, car le premier rappel dénote une certaine adulation, des louanges, et tout le monde est content. Puis on commence à se demander combien il y aura encore de bis avant qu'apparaisse un signe de saturation. Nous n'en voulons plus.

K: Tout à fait.
11:25 A: Yes, yes, I understand. I think I am following you. A: Oui, je comprends. Je pense vous suivre.
11:29 K: So thought gives nourishment, sustains it and gives a direction to pleasure. There was no pleasure at the moment of perception of that tree, the hill, the shadows, the deer, the water, the meadow. The whole thing was astonishing, there was real non-verbal, non-romantic perception. It has nothing to do with me or you - it was there. Then thought comes along and... memory of it, the continuing of that memory tomorrow, and the demand for that, and the pursuit of that. And when I come back to it tomorrow it is not the same. I feel a little bit shocked. I say, 'I was inspired, now I must find a means of getting again inspired', therefore I take a drink, women, this or that. You follow?

A: Oh yes, yes, yes. Do you think, in the history of culture the establishment of festivals would be related to what you say?

K: Of course, of course. It's the whole thing, sir.
K: Donc la pensée nourrit, entretient le plaisir et lui donne une direction. Le plaisir était absent au moment de la perception de l'arbre, la colline, les ombres, la biche, l'eau, la prairie. Tout cela était vraiment stupéfiant, il y avait une vraie perception non verbale, non romantique, etc., qui n'avait rien à voir avec moi ou vous - elle était là. Puis la pensée surgit, avec son souvenir, demandant que celui-ci se renouvelle demain, avec cette exigence, et sa poursuite. Et quand j'y reviens demain, ce n'est plus la même chose. J'en ressens un certain choc. Je dis 'j'étais inspiré et il me faut trouver le moyen de renouveler cette inspiration', et j'ai donc recours à la boisson, aux femmes, etc. Vous suivez?

A: Oh oui, oui. À propos de culture, le recours aux festivals aurait-il un lien avec ce que vous dites?

K: Bien sûr. Cela fait partie de tout cela.
13:05 A: We live for... well, in English we have this saying, to 'live it up'. The rest of the time we are living it down. A: Nous vivons pour en Anglais on dit 'vivre au sommet de la chose'. Le reste du temps on vit au rez-de-chaussée.
13:16 K: Down, yes. Mardi Gras, the whole business of it. So there it is. I see that. See what takes place, sir. Pleasure is sustained by thought, sexual pleasure, the image, the thinking over it - all that - and the repetition of it. And the pleasure of it, and go on, keep on - routine. Now, what is the place of pleasure, or relationship, to the delight of the moment? Not even the delight, it is something inexpressible. So is there any relationship between pleasure and enjoyment? Enjoyment becomes pleasure when thought says, 'I have enjoyed it, I must have more of it'. K: Au rez, oui. Le Mardi Gras, et toute cette affaire. C'est donc bien cela. Je le vois. Voyez ce qui se passe M. : le plaisir est entretenu par la pensée, le plaisir sexuel, l'image, le fait d'y penser, tout cela, et la répétition de la chose. Et le plaisir qui en découle, et on le poursuit encore et toujours, la routine. Dès lors, quelle est la place du plaisir dans le vécu du moment délicieux? Ce mot ne convient même pas, c'est inexprimable. Alors, y a-t-il un lien quelconque entre le plaisir et le ravissement? le ravissement devient plaisir quand la pensée dit : 'la chose m'a ravi, il m'en faut encore'.
14:34 A: It's actually a falling out of joy. A: Alors qu'en fait on perd la joie.
14:38 K: Yes. That's it, you see, sir... So pleasure has no relationship to ecstasy, to delight, to enjoyment, or to joy and happiness. Because pleasure is the movement of thought in direction. It doesn't matter what direction, but in a direction. The others have no direction. Pleasure and enjoyment - you enjoy! Joy is something you cannot invite. Happiness you cannot invite. It happens, and you don't know if you are happy at that moment. It is only the next moment you say, 'How marvellous that was'. So, see what takes place: can the mind, the brain, register the beauty of that hill, and tree, and the water, and the meadows, and end it? Not say, 'I want it again'. K: Oui, c'est cela. Le plaisir n'a donc aucun lien avec l'extase, le délice, le ravissement, ou la joie et le bonheur. Car le plaisir est le mouvement de la pensée dans une certaine direction; peu importe laquelle. Les autres qualités n'ont aucune direction. Plaisir et ravissement - vous êtes ravi ! La joie ne peut s'inviter. Le bonheur ne peut s'inviter. Cela a lieu et vous ignorez que vous êtes heureux à cet instant. Ce n'est qu'après que vous dites : 'comme c'était merveilleux.' Voyez si l'esprit, le cerveau peut enregistrer la beauté de cette colline, de l'arbre, de l'eau, des prairies, et en rester là sans dire 'j'en reveux'.
15:57 A: Yes. What you've just said now would take us back to that word 'negation' that we spoke of before, because there has to be a moment, when we are about to fall out, and what you are saying is: the moment that 'about to fall out' appears something must be done. A: Oui. Ceci nous ramènerait à ce que vous venez de dire, nous ramènerait à ce mot de 'refus' dont nous avons parlé précédemment, car il y a un moment où il faudra bien rendre les armes, et ce que vous dites est qu'à l'instant de cette reddition quelque chose doit être fait.
16:29 K: You will see it in a minute, sir, you will see what an extraordinary thing takes place. I see pleasure, enjoyment, joy and happiness, I see pleasure as not related to any of that, the other two, joy and enjoyment. So thought gives direction and sustains pleasure. Right? Now, the mind asks: can there be non-interference of thought, non-interference of thought in pleasure? I enjoy. Why should thought come into it at all? K: Vous le verrez dans un instant, M., vous allez voir quelque chose d'extraordinaire. Je vois le plaisir, le ravissement, la joie et le bonheur, le plaisir n'étant pas lié à la joie et au ravissement. La pensée imprime une direction au plaisir et l'entretient. N'est-ce pas? Dès lors l'esprit demande : peut-il y avoir une non-intervention de la pensée, sa non-intervention dans le plaisir? Je suis ravi; pourquoi la pensée devrait-elle s'en mêler le moins du monde?
17:24 A: There's no reason at all.

K: But it does.
A: Elle n'a aucune raison de le faire.
17:26 A: It does, it does.

K: Therefore, now the question arises: how is the mind, the brain, to stop thought entering into that enjoyment? You follow?

A: Yes.
K: Mais elle le fait. La question qui en découle est donc : comment l'esprit, le cerveau peut-il empêcher la pensée de se mêler à cette joie? Vous suivez?

A: Oui.
17:41 K: Not to interfere. Therefore, they said - the ancients and the religious - 'Control thought'. You follow? Don't let it creep in. Therefore control it. Pour qu'il n'intervienne pas. La réponse des anciens et des religieux a été : 'maîtrisez la pensée'. Vous suivez? Ne la laissez pas s'insinuer. Maîtrisez-la donc.
18:03 A: The minute it raises its ugly head, whack it off! It's like a hydra.

K: It keeps on growing. Now, is it possible to enjoy, to take a delight in that lovely scene and no thought creep in? Is this possible? I'll show you, it is possible, completely possible, if you are attentive at that moment, completely attentive. You follow, sir?
A: Dès qu'elle dresse son horrible tête, tranchez-la. C'est comme une hydre.

K: Elle ne cesse de grandir. Dès lors, est-il possible d'être ravi, de jouir de cette merveilleuse scène sans que la pensée s'en mêle? Est-ce possible? Je vais vous montrer que c'est tout à fait possible, si vous êtes totalement attentif à cet instant. Vous suivez M.?
18:47 A: Which has nothing to do with screwing oneself up, with muscular effort to focus in there. A: Ce qui n'a rien à voir avec le fait de tendre tous ses muscles dans un effort de concentration.
18:52 K: Right. Just be wholly there. When you see the sunset, see it completely! When you see a beautiful line of a car, see it. And don't let this thought begin. That means at that moment be supremely attentive, completely, with your mind, with your body, with your nerves, with your eyes, ears, everything attentive! Then thought doesn't come into it at all. So pleasure is related to thought, and thought in itself brings about fragmentation: pleasure and not pleasure. Therefore now that I haven't pleasure, I must pursue pleasure. K: Exact. Soyez seulement totalement présent. Devant un coucher de soleil, voyez-le totalement. Devant la belle ligne d'une automobile, voyez-la et ne laissez pas activer cette pensée. Ce qui revient à cet instant à être suprêmement, complètement attentif; votre esprit, votre corps, vos nerfs, vos yeux, vos oreilles, tout cela participant à l'attention. Dès lors, la pensée n'entre absolument pas en jeu. Le plaisir est donc lié à la pensée, et la pensée amène d'elle-même la fragmentation sous forme de plaisir et de non plaisir. Et faute de plaisir, il me faut donc le rechercher.
19:56 A: It makes a judgement.

K: Judgement. And the feeling of frustration, anger, violence - you follow?- all that come into... when there is the denial of pleasure, which is what the religious people have done. They are very violent people. They have said, no pleasure.
A: Cela produit un jugement.

K: Un jugement. Et un sentiment de frustration, de colère, de violence - vous suivez? - tout cela entre en jeu quand il y a refus du plaisir, comme l'ont fait les religieux. Ce sont des gens très violents. Ils ont dit 'pas de plaisir'.
20:28 A: The irony of this is overwhelming. In classical thought you have that marvellous monument, the works of St. Thomas Aquinas, who never tired of saying in his examination of thought and the recognition of the judgement, that one must distinguish in order to unite. And his motive was very different from what seems to have been read. Because we managed to distinguish, but we never see the thing whole and get to the uniting, so the uniting just vanishes; it's terrible.

K: That's the whole point, sir. So unless the mind understands the nature of thinking, really very, very, very deeply, mere control means nothing. Personally, I have never controlled a thing. This may sound rather absurd, but it is a fact.
A: L'ironie de la chose est accablante. Dans ce monument qu'est l'oeuvre merveilleuse de Saint Thomas d'Aquin, celui-ci ne s'est jamais lassé, lors de son examen de la pensée et sa reconnaissance du jugement, de dire qu'il faut distinguer afin d'unir. Sa motivation était très différente de ce que l'on a tiré de ses écrits. Car l'on est parvenu à distinguer, mais on ne voit jamais l'ensemble qui unit, donc l'unité ne peut que s'effacer; c'est terrible.

K: C'est bien la question M. Donc si l'esprit ne comprend pas la nature de l'acte de penser, très, très profondément, se contenter de maîtriser n'a aucun sens. Personnellement, je n'ai jamais maîtrisé quoi que ce soit. Cela peut paraître absurde, mais c'est un fait.
21:48 A: Marvellous.

K: Never. But I've watched it. The watching is its own discipline and its own action. Discipline in the sense: not conformity, not suppression, not adjusting yourself to a pattern, but the sense of correctness, the sense of excellence. When you see something, why should you control? Why should you control, when you see a poisonous bottle on the shelf? You don't control. You say, quite right, you don't drink. You don't touch it. It's only when I don't read the sign properly, when I see it and when I think it is a sweet, then I take it. But if I read the label, if I know what it is I won't touch it. There's no control.
A: Merveilleux.

K: Jamais. Mais je l'ai observé. L'observation comporte sa propre discipline et sa propre action. Discipline non dans le sens de conformité, de répression, ni de s'adaptater à un modèle, mais dans celui de justesse, d'excellence. Quand on voit une chose, pourquoi la maîtriser? Qu'y a-t-il à maîtriser quand on voit une bouteille de poison sur l'étagère? On ne maîtrise pas. On dit, très bien, on ne la boit pas. On n'y touche pas. Ce n'est que si je ne lis pas bien l'étiquette, si je prends la bouteille pour une boisson sucrée, que je la bois. Mais si je lis l'étiquette, si je sais ce que c'est, je n'y toucherai pas. Il n'y a pas là de maîtrise.
22:56 A: Of course, not. It's self-evident. I'm thinking of that wonderful story in the Gospel about Peter, who in the storm gets out to walk on the water, because he sees his Lord coming on the water, and he's invited to walk on the water. And he actually makes it a few steps, and then it says he loses faith. But it seems to me that one could see that in terms of what you've been saying, at the point where thought took over, he started going down. That was the time when he started going down. But he was actually... The reason that I am referring to that is because I sense in what you are saying that there is something that supports, there is a support, - that is not a support that's fragmented from something else - but there is an abiding something which must be sustaining the person. A: Bien sûr que non, c'est évident. Je pense à cette merveilleuse histoire tirée de l'Évangile de Pierre qui, affrontant la tempête, se met à marcher sur l'eau parce qu'il voit son seigneur marcher sur l'eau et qui l'invite à le suivre. Il fait effectivement quelques pas, puis se met à douter. Mais il me semble qu'on peut comparer cela à ce que vous avez dit en ce sens que lorsque la pensée est intervenue, il a commencé à s'enfoncer. C'est alors qu'il s'est mis à couler. Mais en fait il... La raison pour laquelle je fais ce rapprochement est qu'il me semble que ce que vous dites comporte comme un support qui n'en est pas un, qui s'est fragmenté à partir d'autre chose, mais il y a un quelque chose de permanent qui soutient forcément la personne.
24:15 K: I wouldn't put it that way, sir. That is, that leaves a door open, that opens a door to the idea: 'in you there is God'. K: Je ne dirais pas cela ainsi, M. Cela ouvre la porte à l'idée que 'Dieu est en vous'.
24:30 A: Yes, yes, I see the trap. A: Oui, je vois le piège.
24:32 K: In you there is the higher self, in you there is the Atman, the permanent. K: [Selon lequel] il y a en vous un moi supérieur, l'Atman, le permanent.
24:41 A: Maybe we shouldn't say anything about that. A: On devrait peut-être ne rien dire là-dessus.
24:44 K: That's it. No, we can say this: to see... - look what we have done, sir, this morning - to see appetite, desire, to see the implication, the structure of pleasure, and there is no relation to enjoyment and to joy, to see all that, to see it, not verbally, but actually, through observation, through attention, through care, through very careful seeing, that brings an extraordinary quality of intelligence. After all intelligence is sensitivity. To be utterly sensitive, in seeing! If you call that intelligence 'the higher self' or whatever, it has no meaning. You follow? K: C'est bien cela. Non, voici ce que l'on peut dire... Ce que nous avons fait ce matin, M., c'est d'observer l'appétit, le désir, de voir les implications, la structure du plaisir, que celui-ci n'a aucun lien avec le ravissement et la joie, de voir tout cela, le voir non verbalement, mais effectivement par une observation, une attention, une diligence, une vision très attentive, ce qui engendre une qualité extraordinaire d'intelligence. Après tout, intelligence égale sensibilité. Il s'agit de voir à partir d'un état de sensibilité absolue. Que vous appeliez cette intelligence 'le moi supérieur' ou autre chose n'a aucun sens. Vous suivez?
25:46 A: It's as though you are saying, at that instant it's released.

K: Yes. That intelligence comes in observation.
A: C'est comme si vous disiez qu'à cet instant elle est libérée.

K: Oui, cette intelligence vient par l'observation.
25:59 A: Yes. A: Oui.
26:00 K: And that intelligence is operating all the time, if you allow it. Not if you allow it; if you are seeing. I mean, I see, I have seen all my life people who have controlled, people who have denied, people who have negated, and who have sacrificed, who have controlled, suppressed, furiously, disciplined themselves, tortured themselves. And I say, for what? For God? For truth? A mind that has made tortured, crooked, brutalised, such a mind can see truth? Certainly not. You need a completely healthy mind, a mind that is whole, a mind that is holy in itself. Otherwise you can't see something holy, unless the mind is sacred, you cannot see what is sacred. So, I say, sorry, I won't touch any of that. It has no meaning. So, I don't know how this happened but I never, for a second, controled myself. I don't know what it means. K: Et cette intelligence fonctionne tout le temps, si vous le lui permettez. Ou plutôt si vous voyez. Toute ma vie, j'ai vu des gens qui ont maîtrisé, qui ont refusé, qui ont nié et qui ont sacrifié, qui ont contrôlé, réprimé, furieusement, se sont disciplinés, torturés. Et je dis : pourquoi faire? Pour Dieu? Pour la vérité? Un esprit qui s'est torturé, courbé, brutalisé, un tel esprit peut-il voir la vérité? Sûrement pas. Pour cela, il faut un esprit totalement s-a-i-n, un esprit global, s-a-i-n-t, plein en soi. Autrement, impossible de voir pleinement. Si l'esprit n'est pas lui-même sacré, il ne peut voir le sacré. Dès lors, je ne toucherai à rien de tout cela. Cela n'a aucun sens. J'ignore comment c'est arrivé, mais je ne me suis jamais maîtrisé. Je ne sais pas ce que cela veut dire.
27:35 A: And yet, amazingly, you know what it is in others. A: Et pourtant, vous savez ce que c'est chez d'autres.
27:40 K: Oh, obviously, you can see it. K: Oh, c'est évident, cela peut se voir.
27:44 A: So this is something that you are able to see without having... A: C'est donc une chose que vous pouvez voir sans y avoir...
27:49 K: ...gone through it.

A: Without having gone through it. Now, this to me is profoundly mysterious. I don't mean in the sense of mystification.

K: No, no.
C'est pour moi un grand mystère. Pas dans le sens d'une mystification
27:59 A: But I mean it's... I mean miraculous. mais d'une chose, disons, miraculeuse.
28:02 K: No, not necessarily, sir. I'll show you something, sir. Must I get drunk in order to find out what it is to be sober? K: Non, pas nécessairement M. Je vais vous le montrer. Dois-je m'enivrer pour découvrir ce qu'est la sobriété?
28:12 A: Oh no, no, no. A: Oh non, non.
28:14 K: Can't I see a man who is drunk, I say, for God's sake, see the whole movement of drunkenness, what lies behind it, what he goes through, see it - finished! K: Ne puis-je voir un ivrogne et me dire, pardieu, voyons tout le mouvement de l'ivresse, ce qu'il recèle, ses conséquences, voyons-le et c'est terminé.
28:27 A: But it seems to me that - in my listening to you - that you are doing more than just observing that someone over there has fallen on his face, therefore... A: Mais en vous écoutant, il me semble que vous faites plus que simplement observer quelqu'un qui est tombé face contre terre...
28:36 K: No, no.

A: Right, there's something that is very deep here...

K: Of course.
K: Non, non.

A: Bien, il y a une grande profondeur dans
28:41 A: ...at least to me, that you've said. Control in the very, very deep sense is an activity, not a product, and something that you haven't experienced, that we would call normally intangible is nevertheless acutely present to you. ce que vous avez dit, tout au moins pour moi. La maîtrise, dans son acception la plus profonde, est une activité et non un produit, quelque chose dont vous n'avez pas fait l'expérience, que nous qualifierions normalement d'intangible, tout en étant intensément présente chez vous.
29:05 K: Yes, yes. K: Oui.
29:06 A: And I take it that what you've said is that intelligence reveals that. Intelligence, if intelligence is allowed to reveal it. A: Et je retiens de ce que vous avez dit que cette intelligence la révèle. Pour autant que l'intelligence en permette la révélation.
29:16 K: I think, sir, not allowed. That's a danger - to allow intelligence to operate. Which means you have intelligence, then you allow it. K: Je pense que ce mot est dangereux, car permettre à l'intelligence d'opérer implique que vous avez l'intelligence puis vous lui permettez.
29:27 A: Yes, I see the trap of that construction. Yes, yes, I see what you mean. Yes, because now we've got an observer who's got a new gimmick. Yes, I see what you mean. Please go on, please. A: Oui, je vois le piège de cette formulation. Oui, je vois ce que vous voulez dire. Car nous avons désormais un observateur à qui l'on a donné un nouveau faux-semblant. Oui, je vois. Poursuivez, je vous prie.
29:42 K: So, you see, that's why discipline has a different meaning. When you understand pleasure, when you understand its relationship to enjoyment and to the joy, and happiness, and the beauty of happiness, beauty of joy, and so on, then you understand the utter necessity of a different kind of discipline that comes naturally. After all, sir, look, the word 'discipline' in itself means to learn. To learn, not to conform, not to, say, I must discipline myself to be like that, or not to be like that. The word 'discipline', as we both see, is to learn. To learn means I must be capable of hearing, of seeing, which means the capacity which is not cultivable. You can cultivate a capacity, but that is not the same as the act of listening. I don't know if I'm... K: C'est pourquoi, voyez-vous, la discipline prend un sens différent. Quand vous comprenez le plaisir, quand vous comprenez son lien avec le ravissement et la joie, et le bonheur, et la beauté du bonheur, la beauté de la joie etc., vous comprenez alors la nécessité absolue d'une autre sorte de discipline, qui vient naturellement. Après tout M., regardez, le mot 'discipline' signifie en lui-même apprendre. Apprendre non à se conformer, non à dire 'je dois me discipliner afin d'être comme cela, ou ne pas être comme cela'. Comme nous le voyons tous deux, le mot 'discipline' signifie apprendre. Apprendre signifie que je dois être capable d'entendre, de voir, ce qui est une aptitude non cultivable. Une aptitude peut se cultiver, mais cela n'équivaut pas à l'acte d'écouter. Je ne sais si je suis...
31:19 A: Oh yes, you are. Yes, you are. Yes, I follow, very clear, very clear. A: Oh oui, vous l'êtes. Oui, vous êtes très, très clair.
31:25 K: The capacity to learn demands a certain discipline. I must concentrate, I must give my time to it, I must set aside my efforts in a certain direction, and all that. That is, developing a certain capacity needs time. K: L'aptitude à apprendre demande une certaine discipline : je dois me concentrer, y consacrer du temps, je dois orienter mes efforts dans une certaine direction, et tout cela. Ainsi, le développement d'une certaine aptitude demande du temps.
31:53 A: Yes. A: Oui.
31:56 K: But perception has nothing to do with time! You see and act! As you do when you see a danger. You act instantly. You act instantly because you are so conditioned to danger. K: Mais la perception n'a rien à voir avec le temps. Vous voyez et agissez, comme quand vous percevez un danger : vous agissez instantanément. C'est instantané parce que vous êtes si conditionné au danger.
32:17 A: Exactly. A: Exactement.
32:18 K: That conditioning is not intelligence. You are just conditioned. You see a snake and you recoil, and you run away. You see a dangerous animal and you run. That's all self-protective conditioned responses. That's very simple. But perception-and-action is not conditioned. K: Ce conditionnement n'est pas l'intelligence. Vous êtes simplement conditionné. Vous voyez un serpent, reculez et vous sauvez. Vous voyez un animal dangereux et fuyez. Ce sont des réflexes conditionnés d'auto-préservation. C'est très simple. Mais perception et action ne sont pas conditionnées.
32:43 A: You know, we have in the history of the English language turned that word 'fear' upside down in terms of its derivation because, if I remember correctly, 'fear' comes from the Anglo-Saxon word that means danger. That means danger.

K: Danger, of course.
A: Vous savez, dans l'histoire de la langue anglaise le sens dérivé du mot peur a été inversé, car si je me souviens bien, 'peur' vient du mot anglo-saxon qui signifie le danger.

K: Danger, évidemment.
33:01 A: And now we've psychologised that word, and now a fear means rather my emotional response to the danger and not what I ought to be doing. A: Aujourd'hui, on a connoté psychologiquement ce mot qui définit désormais ma réponse émotionnelle au danger, plutôt que ce que je devrais faire.
33:10 K: Yes, not aware of the danger of fear - you follow?

A: Yes.
K: Oui, ne pas être conscient du danger de la peur, vous suivez?

A: Oui.
33:18 K: That means, sir, look: ordinary human beings are conditioned - now as they are - by the culture, by the civilisation they are living in. They accept nationalism, - I'm taking that for example - they accept nationalism, the flag, the nationalism, and all the rest of it; nationalism is one of the causes of war. K: Regardez M. : aujourd'hui, les êtres humains ordinaires sont conditionnés par la culture, par la civilisation dans laquelle ils vivent. Le nationalisme - je prends cet exemple - ils acceptent le nationalisme, le drapeau et tout le reste. Le nationalisme est une des causes de la guerre.
33:44 A: Oh yes, yes, indubitably. A: Oh oui, indubitablement.
33:49 K: As patriotism, all the rest of it. Now, we don't see the danger of nationalism, because we are conditioned to nationalism as being secure, security. K: Comme l'est le patriotisme, etc. Or nous ne voyons pas le danger du nationalisme, car nous sommes conditionnés à considérer le nationalisme comme constituant une sécurité.
34:05 A: But we do see our fear of the enemy. A: Mais nous voyons bien notre peur de l'ennemi.
34:08 K: Of course.

A: Yes, right. And contemplating that fear of the enemy dulls our capacity to deal with the danger.

K: Danger. So fear, pleasure, and discipline. You follow, sir? Discipline means to learn, I am learning about pleasure, mind is learning about pleasure. Learning brings its own order.
K: Bien sûr.

A: D'accord. Et la contemplation de cette peur de l'ennemi endort notre aptitude à agir à l'égard du danger.

K: Alors, peur, plaisir et discipline, vous suivez M.? Discipline signifie apprendre; j'apprends sur le plaisir. L'esprit apprend sur le plaisir. Le fait d'apprendre suscite un ordre qui lui est propre.
34:38 A: Its own.

K: It's own order.

A: Yes. That's what I've been calling 'miracle'. It just asks you to jolly well leave it alone.
A: Le sien propre.

K: Qui lui est propre.

A: Oui. C'est ce que j'ai appelé un miracle. Il demande qu'on le laisse tranquille.
34:51 K: It brings its own order, and that order says, don't be silly, control is out, finished. Now wait a minute. I talked to a monk once. He came to see me. He had a great many followers. And he was very well known - he is still very well known. And he said, 'I have taught my disciples', and he was very proud of having thousands of disciples. You follow? And it seemed rather absurd for a guru to be proud. K: Il suscite son ordre, et cet ordre dit : 'ne sois pas idiot, la maîtrise a vécu, elle est terminée'. Un instant : une fois, un moine est venu me voir. Il avait un grand nombre de disciples. Il était très connu, et l'est toujours. Il dit 'j'ai enseigné à mes disciples' - il était très fier d'en avoir des milliers. Vous suivez? Il semble assez absurde qu'un gourou puisse être fier.
35:33 A: He was a success.

K: He was a success. And success means Cadillacs or Rolls Royces, European, American followers - you follow? - all that circus that goes on.
A: Il avait réussi.

K: Il avait réussi. Et la réussite signifie des Cadillac ou des Rolls, des disciples européens et américains, - vous suivez? - tout ce cirque.
35:46 A: His gimmick works.

K: Gimmick works. And he was saying, 'I have arrived because I have learned to control my senses, my body, my thoughts, my desires. I've held them, as the Gita says' - hold something, you are reigning, you are riding a horse, you know, holding them. He went on about it for some length, I said, 'Sir, what, at the end of it? You have controlled. Where are you at the end of it?' He said, 'What are you asking, I have arrived!' Arrived at what? 'I have achieved enlightenment'. Just listen to it, sir. Follow the sequence of a human being who has a direction, which he calls truth. And to achieve that there are the traditional steps, the traditional path, the traditional approach. And he has done it. And therefore he says, 'I have got it. I have got it in my hand. I know what it is'. I said, 'All right, sir'. He began to be very excited about it because he wanted to convince me about being a big man, and all that. So I sat very quietly and listened to him, and he quietened down. And then I said to him - we were sitting by the sea - and I said to him, 'Do you see that sea, sir?' He said, 'Of course'. Can you hold that water in your hand? When you hold that water in your hand, it's no longer the sea.
A: Son stratagème fonctionne.

K: Fonctionne. Et il disait : 'j'y suis parvenu parce que j'ai appris à maîtriser mes sens, mon corps, mes pensées, mes désirs. Je les ai tenus', comme le dit la Gita, 'tenez une chose et vous régnez, vous chevauchez un coursier', vous savez, les tenir. Il poursuivit un bout de temps, et je lui demandai : 'qu'y a-t-il en fin de compte? Vous avez maîtrisé. Et maintenant?' Il répondit : 'que demandez-vous là? Je suis parvenu !' - Parvenu à quoi? - 'Je suis parvenu à l'illumination'. Vous avez bien entendu ! Voyez la séquence suivie par un être humain qui poursuit un objectif qu'il appelle la vérité. Et pour parvenir à cela, il y a les étapes traditionnelles, la voie traditionnelle, l'approche traditionnelle. Et il a fait tout cela. Et l'ayant fait, il dit 'je l'ai obtenu. Je l'ai en moi. Je sais ce que c'est'. J'ai dit : 'très bien M.' Il commença à s'exciter parce qu'il voulait me convaincre qu'il était un grand homme, etc. Je m'assis donc très calmement et l'écoutai, et il se calma. Puis je lui dis - nous étions assis au bord de la mer - et je lui dis : 'vous voyez la mer M.?' Il répondit : 'bien sûr'. - pouvez-vous tenir cette eau dans votre main? Quand vous la tenez ainsi, ce n'est plus la mer.
37:55 A: Right. A: En effet.
37:58 K: He couldn't make out. I said, 'All right'. And the wind was blowing from the north, slight breeze, cool. And he said, 'There is a breeze'. 'Can you hold all that?' 'No'. 'Can you hold the earth?' 'No'. 'So what are you holding? Words?' You know, sir, he was so angry. He said, 'I won't listen to you anymore. You are an evil man'. And walked out. K: Il ne parvenait pas à comprendre. Je dis : 'très bien'. Et le vent soufflait du Nord, une brise légère, fraîche. Et je dis : 'il y a de la brise'. 'Pouvez-vous tenir tout cela?' - 'non'. - 'pouvez-vous tenir la terre?' - 'Non'. - 'Alors que tenez-vous? Des paroles?' Vous savez M., il était tellement fâché. Il dit : 'je ne veux plus vous écouter'. Vous êtes un homme mauvais'. Et il s'en alla.
38:43 A: I was thinking of the absurd irony of that. All the time he thought he was holding on to himself, and he just let go as he got up and walked away. A: Je pensais à l'absurdité de tout cela. Il pensa tout le temps à s'accrocher à lui-même et lâcha prise au moment de partir.
38:54 K: So you see, sir? That's what I mean. So learning about pleasure, about fear, really frees you from the tortures of fear and the pursuit of pleasure. So there is a sense of real enjoyment in life. Living then becomes a great joy - you follow, sir? It isn't just a monotonous routine, going to the office, sex, and money. K: Vous voyez, M.? C'est ce que je veux dire. Donc apprendre sur le plaisir, sur la peur, vous libère vraiment des tortures de la peur et de la recherche du plaisir. Alors apparaît une véritable sensation de joie de vivre. Vivre devient une grande joie, vous suivez M.? La vie n'est plus une routine monotone, aller au bureau, sexe, et argent.
39:30 A: I've always thought it's a great misfortune that in that splendid rhetoric of our Declaration of Independence we have that phrase: 'the pursuit of pleasure'. A: J'ai toujours pensé qu'il était désolant que la magnifique rhétorique de notre Déclaration d'Indépendance fasse référence à la recherche du plaisir.
39:44 K: Pursuit of pleasure. K: Recherche du plaisir.
39:45 A: Because the child, the bright child, is reared on that. A: Parce que le brillant enfant est branché là-dessus.
39:51 K: Oh rather, sir.

A: And when you are very young you are not about to turn around and say, 'Everybody's daft'.

K: I know, I know. So from this, you see, discipline in the orthodox sense has no place in a mind that's really wanting to learn about truth, not philosophise about truth, not theorise about truth, as you say, tie ribbons round to it, but learn about it. Learn about pleasure. It is really out of that learning comes an extraordinary sense of order - which we were talking the other day. The order which comes with the observation, in oneself, of pleasure. The order. And there is enjoyment. A marvellous sense of ending each enjoyment as you live each moment. You don't carry over the past enjoyment. Then that becomes pleasure. Then it has no meaning. Repetition of pleasure is monotony, is boredom. And they are bored in this country - and other countries. They are fed up with pleasure. But they want other pleasures, in other directions. And that's why there is the proliferation of gurus in this country. Because they all want the circus kept going. So discipline is order. And discipline means to learn about pleasure, enjoyment, joy and the beauty of joy. When you learn - you follow, sir? - it is always new.
K: Oh, plutôt, M.

A: Et quand on est très jeune on ne va pas se détourner pour dire : 'tout le monde est timbré'.

K: Je sais, je sais. Vous voyez donc que la discipline, au sens orthodoxe du terme, n'a pas sa place chez un esprit qui veut vraiment apprendre sur la vérité, sans philosopher sur la vérité ni faire de théories sur la vérité, l'enrubanner, comme vous le dites, mais apprendre à son sujet. Apprendre sur le plaisir. C'est vraiment de cet apprentissage qu'émerge un extraordinaire sentiment d'ordre, comme nous le disions l'autre jour. L'ordre qui vient avec l'observation du plaisr en soi-même. Et il y a du ravissement. La merveilleuse sensation de mettre fin à chaque ravissement, à chaque instant vécu. On ne garde pas sur soi le ravissement passé : cela deviendrait du plaisir, perdant par là tout son sens. La répétition du plaisir est monotonie, est ennui. Dans ce pays-ci, ainsi que dans d'autres, on est las du plaisir. On en recherche pourtant dans d'autres directions, et c'est pourquoi il y a une prolifération de gourous dans ce pays. Car ils veulent tous que ce cirque se poursuive. Donc discipline égale ordre, et discipline signifie apprendre sur le plaisir, sur le ravissement, sur la joie et la beauté de la joie. Quand on apprend - vous suivez M.? - tout est toujours neuf.
42:15 A: I've just thought - well, thought isn't the right word - something flashed in the communication of what you have been pointing to, - if you don't mind I'd rather say that you've been pointing to than to use the phrase that you've been saying - I hope I've understood you correctly here, because in terms of the communication problem it seems that there's been a profound confusion between perception and practice. A: Je viens de penser - non, disons plutôt que quelque chose m'a frappé dans les termes de votre communication - ou disons plutôt de ce que vous avez souligné dans une de vos phrases que j'espère avoir bien comprise, c'est qu'il semble y avoir une profonde confusion entre la perception et la pratique.
43:05 K: Yes. Oh yes.

A: I have grasped that. It's as though we had the idea that perception is perfected at the end of practice.
K: Oh oui.

A: J'ai saisi cela. C'est comme si nous avions l'idée que la perception est améliorée par la pratique.
43:17 K: Practice is routine, is death! K: Pratique égale routine, égale mort.
43:20 A: We do have that idea.

K: I know.
A: On a bien cette idée.

K: Je sais.
43:23 A: Yes. A: Oui.
43:26 K: You see, sir, they've always said, freedom is at the end, not at the beginning. On the contrary, it's at the beginning! It is the first step that counts, not the last step. So if we understand this whole question of fear and pleasure, joy, the understanding can only come in freedom to observe. And, in the observation, learning and the acting, they are all at the same moment, not learn, then act. It is the doing, the seeing, all taking place at the same time. That is whole. K: Ils ont toujours dit que la liberté est à la fin, pas au commencement. Bien au contraire, le commencement est le 1er pas, celui qui compte, pas le dernier. Ainsi, la compréhension de toute cette question de la peur, du plaisir, de la joie, ne peut venir que dans la liberté d'observer. Et dans l'observation, apprendre et agir. Tout cela a le même sens, au même instant, ce n'est pas apprendre, puis agir. Le 'faire' est le 'voir', ils sont simultanés. C'est un tout.

A: Tous ces merveilleux participes
44:20 A: All these marvellous participles being in the infinite mood in themselves. In themselves. Yes. A little while back it occurred to me that, if we paid attention to our language, as well as to the flowers, and the mountains, and the clouds...

K: Oh yes.
s'expriment d'eux-mêmes dans le mode infinitif. D'eux-mêmes. Oui. Il m'est apparu un peu tôt que si l'on prêtait attention au langage, comme on le fait aux fleurs, aux montagnes ou aux nuages...
44:49 A: ...the language not only in terms of individual words, but words in context, so that we would refer then to what we call usage, would, through perception, intelligence, disclose themselves completely.

K: Quite.
mais pris dans leur contexte, dans l'usage que nous en faisons, ceux-ci se révèleraient totalement à travers la perception et l'intelligence.
45:12 A: We say, don't we, that one is pleased, one is joyed, but if we ask somebody, 'What have you been doing?' and he said to us, 'I've been pleasing myself', we'd think that was a little odd. We wouldn't think it strange at all if he said, 'Well, I have been enjoying myself'. We don't mind that.

K: That's right.
K: Tout à fait.

A: On dit, n'est-ce pas, qu'on est content, joyeux, mais si l'on demande à quelqu'un : 'qu'avez-vous fait?', et que la réponse est : 'je me suis fait plaisir', cela nous semble un peu bizarre. On ne trouverait pas bizarre qu'on nous réponde : 'je me suis bien amusé'. Cela ne nous gêne pas.

K: En effet.
45:38 A: But we don't pay attention to what we say, to even... A: Mais on ne fait pas attention à ce qu'on dit...
45:41 K: That's right, sir. I came back after lunch, after a meal, and somebody said, 'Have you enjoyed your meal?' And there was a man there who said, 'We are not pigs to enjoy'. K: C'est exact M. Après un de nos repas quelqu'un dit : 'avez-vous apprécié votre repas?'. Un des participants répondit : 'on n'est pas des cochons à ce point'.
45:55 A: Oh, good Lord. A: Seigneur !
45:58 K: Seriously.

A: Yes. Exactly. I suppose he must feel very righteous. What he denied himself during the meal.
K: Sérieusement.

A: Oui, exactement. Je suppose qu'il doit se sentir très vertueux pour s'être refusé la joie de manger.
46:12 K: It is a question of attention, isn't it really, a question of attention, whether you are eating or whether you are observing pleasure. Attention, that's a thing we have to go into very, very deeply - I don't know if there is time now - what it means to attend? Whether we attend to anything at all, or it's only a superficial listening, hearing, seeing, which we call attending. Or the expression of knowledge in doing. Attention, I feel, has nothing to do with knowledge, or with action. In the very attending is action. I mean, one has to go into this again, question of 'What is action?'. Perhaps we can do it another day. K: C'est bien une affaire d'attention, n'est-ce pas, que l'on soit en train de manger ou que l'on observe le plaisir. L'attention, voilà une chose qu'il nous faut aborder très profondément. Je ne sais si nous en avons le temps. Que signifie faire attention? Il s'agit de savoir si l'on prête attention à quoi que ce soit, ou si l'on se contente d'une écoute, d'une vision superficielles qualifiées d'attention, ou de l'expression d'un savoir dans l'action. L'attention, me semble-t-il, n'a rien à voir avec le savoir ou l'action. L'attention est elle-même action. Je veux dire qu'il nous faut revenir à la question suivante : qu'est-ce que l'action? Peut-être un autre jour.
47:38 A: Yes, I see a relation between what you've just said about action and what a few conversations ago we came to with the word 'movement'.

K: Yes.
A: Oui. Il me semble qu'il y a un lien entre ce que vous venez de dire sur l'action et ce qui ressortit d'un précédent entretien au sujet du mot 'mouvement'.
47:57 A: On-going-ness. And when you were talking about standing and looking at the tree on the mountain. I remembered when I was in Rishikesh, I was staying at one of the ashrams there, actually the Vedanta Forest Academy, and when I got to my quarters, a monkey came and sat on the window sill with her little baby, and she looked full into my face, and I looked full into hers, but I think she looked fuller into mine. I had that strange feeling that I was actually a human being being... Une continuité. Et quand vous parliez de rester debout à contempler un arbre sur la montagne, je me suis souvenu que, me trouvant à Rishikesh où je séjournais dans un des ashrams du lieu, - la 'Vedanta Forest Academy' - en regagnant ma chambre je vis une guenon portant son petit s'asseoir sur le rebord de la fenêtre et plonger son regard sur mon visage. Je la dévisageai à mon tour, et son regard devint encore plus intense. J'eus l'étrange sensation que j'étais un être humain en train d'être...
48:55 K: Investigated.

A: ...investigated, or as the students say today, being psyched out by this monkey. And it was a profound shock to me.
K: Dévisagé.

A: ...dévisagé ou, comme le disent les étudiants, d'être psychologiquement déshabillé par ce singe, et ce fut un choc profond.
49:10 K: Talking of monkeys, sir, I was in Benares, at the place I go to usually, I was doing yoga exercises, half naked, and a big monkey, with black face and long tail, came and sat on the veranda. I had closed my eyes. I looked and there was this big monkey. She looked at me and I looked at her. A big monkey, sir. They are powerful things. And it stretched out its hand, so I walked up and held her hand, like that, held it. K: A propos de singes, M., me trouvant à Bénarès, à l'endroit où je me rends d'habitude, je faisais mes exercices de yoga, à moitié dévêtu, et un grand singe à face noire et longue queue vint s'asseoir sous la véranda. J'ouvris les yeux et ce grand singe était là. Nous nous regardions tous deux. Un très grand singe, M. Ce sont des êtres puissants. Il me tendit la main, et j'allais à lui, lui pris la main comme cela et la tint.
49:56 A: Held it. A: Vous l'avez tenue.
49:58 K: And it was rough, but very, very supple, extraordinarily supple. But rough. And we looked at each other. And it said... it wanted to come into the room. I said, look, I am doing exercises, I have little time, would you come another day? I kind of talked to it: come another day. So it looked at me, and I withdrew, went back. She stayed there for two or three minutes and gradually went away. K: Elle était rugueuse, mais très, très souple, extraordinairement souple. Mais rêche. Et nous nous regardâmes. Il me fit comprendre qu'il voulait entrer dans la pièce. Je lui dis, je fais des exercices, j'ai peu de temps, reviendrais-tu un autre jour? Je lui parlais en quelque sorte. Il me regarda et je reculai. Il resta là deux ou trois minutes, puis s'en alla lentement.
50:33 A: Marvellous, just marvellous! Complete act of attention between you. A: Absolument merveilleux. Un acte réciproque d'attention totale.
50:40 K: There was no sense of fear. It wasn't afraid. I wasn't afraid. A sense of, you know... K.Aucun sentiment de frayeur. Je n'avais pas peur. Juste un sentiment de, vous savez...
50:51 A: This reminds me of a story I read about Ramana Maharishi, how when he was a young man he went and lived in a tiger's cave. And it was occupied by the tiger. And the tiger would come back after the hunt in the early hours of the morning and sleep with him. To read that within the environs of our culture, well, it starts, you feel undone when you read that, if you think for a moment, you could allow yourself to believe it. But in the context of what we have been saying about the monkeys and this marvellous story you told me, I wish I could have shaken the hand of that little mother with her baby. I wasn't ready to. A: Ceci me rappelle une histoire que j'ai lue sur Ramana Maharishi. Jeune, il alla vivre dans la tanière d'un tigre. Elle était encore occupée par le tigre. Et quand il revenait de sa chasse au petit matin, il dormait auprès de lui. Quand on lit cela dans le contexte de notre culture, si on y réfléchit on a de la peine à y croire. Mais dans le contexte de ce que nous disions à propos des singes, et de la merveilleuse histoire que vous m'avez contée, j'aurais bien aimé serrer la main de cette guenon avec son petit. Je n'y étais alors pas prêt.
51:47 K: No, it was really... I don't know, there must have been a communication, there must have been a sense of friendship, you know, without any antagonism, without any fear. It looked at me, you know. And I think, attention is something not to be practised, not to be cultivated, go to a school to learn how to be attentive. That's what they do in this country and in other places, say, 'I don't know what attention is, I'm going to learn from somebody who will tell me how to get it'. Then it's not attention. K: Non, c'était vraiment... je ne sais pas, une communication a dû avoir lieu, un sentiment d'amitié dénué de tout antagonisme, de toute peur. Vous savez, comme il me regardait... Je pense que l'attention n'est pas une chose à laquelle on s'exerce, que l'on cultive, que l'on apprend à l'école. C'est pourtant ce qu'ils font, ici et ailleurs, disant 'j'ignore ce qu'est l'attention, je vais m'adresser à quelqu'un pour apprendre à l'acquérir'. Cela n'est pas l'attention.
52:30 A: Speed reading, it's called. A: C'est de la lecture rapide.
52:33 K: Speed reading, yes.

A: A thousand words a minute.
K: En effet..

A: 1000 mots à la minute.
52:40 K: Sir, that's why I feel there is a great sense of care and affection in being attentive, which means diligently watching. That word 'diligent' comes from 'legere' - you know, of course - to read. To read exactly what it is, what is there. Not interpret, not translate it, not contrive to do something with it, but to read what is there. There is an infinite lot to see. There is tremendous lot to see in pleasure, as we saw. And to read it. And to read it you must be watchful, attentive, diligent care. But we are negligent. We say, yes, what's wrong with pleasure? K: C'est pourquoi M., je sens qu'il y a dans le fait d'être attentif un grand sentiment de soin et d'affection, ce qui signifie observer avec diligence. Le mot 'diligent' vient de 'legere', vous le savez évidemment, c'est-à-dire lire. Lire exactement ce qui est là, sans l'interpréter, sans le traduire, sans s'efforcer d'en tirer quelque chose, mais lire ce qui est là. Il y a infiniment de choses à voir, énormément à voir dans le plaisir, comme nous l'avons vu. Et le lire . Et pour pouvoir le lire, il faut être observateur, attentif, diligent, soigneux. Mais nous sommes négligents. Quel mal y a-t-il dans le plaisir?
53:49 A: There's a colloquial remark in our tongue, when somebody wishes to secure attention, they will say, 'Do you read me?' That, of course, has been taken over in technology into a different aspect - but quite apart from what someone would be saying with earphones on in a plane - just common ordinary practice, sometimes a person will say that. A: Il y a dans notre langue une expression populaire dont on se sert pour attirer l'attention de quelqu'un, à savoir : 'me lisez-vous?' Cela a été traduit en technologie sous un autre aspect, mais mis à part ce que dirait ordinairement un passager aérien portant des écouteurs, on entend encore parfois cela.
54:16 K: So that what we have done is really read this whole map. K: Alors, ce que nous avons vraiment fait, c'est lire toute la carte.
54:23 A: Yes. A: Oui.
54:24 K: From the beginning of responsibility, relationship, fear, pleasure - all that. Just to observe this extraordinary map of our life. K: En commençant par la responsabilité, puis la relation, la peur et le plaisir - tout cela. Nous avons seulement observé la carte extraordinaire de notre vie.
54:42 A: And the beauty of it is that we've been moving within the concern for the question of the transformation of man, which is not dependent on knowledge or time, without getting worried about whether we are getting off the track. It is happening naturally. That, I take it, is not a surprise to you, of course, but I'm sure that it's shocking in terms of... A: Et la beauté de la chose est que nous l'avons fait en nous préoccupant de la question de la transformation de l'homme, qui ne dépend ni du savoir, ni du temps, sans indûment craindre de sortir de la piste. Cela se passe naturellement. Je présume que ce n'est pas pour vous une surprise, mais je suis sûr que c'est perturbant en termes de...
55:18 K: And that's why, also, sir, it is right to live with the company of the wise. Be with a man who is really wise. Not these phoney people are wise, but real wisdom. Not bought in books, not attending classes where you are taught wisdom. Wisdom is something that comes with self-knowing. K: Et c'est pourquoi M., il est bon de vivre en compagnie du sage. D'être avec un homme réellement sage, pas avec ces gens qui font semblant, mais la vraie sagesse. Sans recourir à des livres, sans suivre des cours où l'on enseigne la sagesse. La sagesse vient avec la connaissance de soi.
55:49 A: It reminds me of a hymn in the Veda that talks about the goddess of speech, who never appears except among friends. A: Ceci me rappelle un hymne de la Véda qui cite la déesse de la parole, qui n'apparaît que parmi des amis.
56:00 K: Yes.

A: Marvellous. Actually that means that unless there is the care, the affection that you mentioned, that is continuous, concurrent with attention, there can be nothing but babble.
K: Oui

A: Merveilleux. En fait, cela signifie qu'à défaut de cette sollicitude, de cette affection que vous avez mentionnées et qui, en permanence concourent à l'attention, il n'y a que bavardage.
56:23 K: Of course.

A: There can be verbal babble.
K: Bien sûr.

A: Bavardage verbalisé.
56:27 K: Which the modern world is encouraging, you see. K: Ce qu'encourage le monde moderne.
56:31 A: Yes. A: Oui.
56:34 K: Again, which means the superficial pleasures, not enjoyment. You follow? Superficial pleasures have become the curse. And to go behind that is one of the most difficult things for people to do. K: Ce qui, là encore, signifie plaisirs superficiels, et non pas ravissement. Vous suivez? Les plaisirs superficiels deviennent un anathème, et une des choses les plus difficiles qui soient est de contourner cela.
56:56 A: Because it goes faster and faster.

K: That's just it.
A: Car cela va de plus en plus vite.

K: C'est bien cela.
57:00 A: It goes faster and faster. A: Cela s'accélère.
57:01 K: That's what is destroying the earth, the air. Everything they are destroying. There is a place I go to every year, in India, where there is a school: the hills are the oldest hills in the world. K: C'est bien ce qui détruit la terre, l'air. Ils détruisent tout. Il y a en Inde un lieu où je vais chaque année, où trouve une école entourée des plus anciennes collines au monde.
57:23 A: What a beautiful thing.

K: Nothing has been changed, no bulldozers, no new houses, it's an old place, with the old hills, and in amongst there is a school, with which I am connected, and so on. And you feel the enormity of time, the feeling of absolute non-movement. Which is civilisation, which is all this circus that is going on. And when you come there you feel this utter quietness, in which... time has not touched it. And when you leave it and come to civilisation you feel rather lost, a sense of what is all this about? Why is there so much noise about nothing? I think, that's why it is so odd and rather inviting, a great delight to see everything as is, including myself. To see what I am, not through the eyes of a professor, a psychologist, a guru, a book - just to see what I am, and to read what I am. Because all history is in me. You follow?

A: Of course. There is something immensely beautiful about what you have said. Do you think, in the next conversation we'll have we could talk about the relation of beauty to what you have said? Thank you so much.
A: C'est merveilleux.

K: Rien n'y a été changé, il n'y a ni bulldozer, ni maisons neuves, c'est un ancien lieu, parmi d'anciennes collines, et il y a là une école à laquelle je suis associé. Vous y sentez l'ampleur du temps, une sensation de non-mouvement absolu, loin de la civilisation avec tout ce cirque qui s'y déroule. Et quand vous vous y rendez, vous ressentez cette quiétude absolue que le temps n'a pas effleurée. Et quand vous quittez ce lieu pour la civilisation, vous vous sentez assez perdu, vous vous demandez 'quel est le sens de tout cela? Pourquoi tant de bruit pour rien?' C'est pour cela qu'il est tellement étrange et pourtant séduisant, si délicieux, de voir toute chose telle qu'elle est, moi y compris. De voir ce que je suis, pas avec les yeux d'un professeur, d'un psychologue, d'un gourou, d'un livre - simplement de voir ce que je suis, et de lire ce que je suis. Car toute l'histoire est en moi. Vous suivez?

A: Bien sûr. Il y a quelque chose d'immensément beau dans ce que vous avez dit. Pensez-vous que lors de notre prochain entretien nous pourrions parler de ce qui lie la beauté à ce que vous avez dit? Merci beaucoup.